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DES DISPOSITIFS D’ASSURANCE INSATISFAISANTS, UN SUIVI DE MAUVAISE QUALITÉ, ET LA FAIBLESSE DE LA MISE EN ŒUVRE MINENT LES SUBVENTIONS DU FONDS MONDIAL
OFM Edition 104

DES DISPOSITIFS D’ASSURANCE INSATISFAISANTS, UN SUIVI DE MAUVAISE QUALITÉ, ET LA FAIBLESSE DE LA MISE EN ŒUVRE MINENT LES SUBVENTIONS DU FONDS MONDIAL

Author:

Samuel Muniu

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 3

Une analyse des conclusions des audits du Bureau de l'Inspecteur général

RÉSUMÉ Notre analyse des 20 rapports d’audit du Bureau de l'Inspecteur général du Fonds mondial sur la période 2019-2020 a révélé 10 problèmes récurrents. Les deux problèmes principaux sont des lacunes dans les dispositifs de suivi et d'assurance, et des défis dans la conception et la mise en œuvre des interventions.

Pour le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, sont arrivés à mi-parcours trois importants processus qui auront un impact sur son efficacité à long terme. Le Fonds mondial développe actuellement une nouvelle stratégie qui marquera son orientation pour les cinq prochaines années ; il se prépare pour un nouveau cycle de financement de trois ans, et va nommer un.e nouvel.le Inspecteur.trice général.e  qui servira un mandat de cinq ans.

Une analyse des principales conclusions des derniers audits du Bureau de l’Inspecteur général (BIG) donne un aperçu des problèmes systémiques qui requièrent une attention particulière dans différentes régions, dans les pays à fort impact ou essentiels et dans les programmes de lutte contre les maladies.

Les informations qui figurent dans cet article proviennent de rapports d’audit des pays publiés par le BIG en 2019 et 2020. Nous n’avons pas pris en compte les audits du Secrétariat puisqu’ils ne concernent que les opérations internes du Secrétariat, ni les enquêtes

qui ont tendance à être plus détaillées et spécifiques. Nous avons revu un total de 20 rapports d’audit sur 19 pays. Quinze d’entre eux sont issus de pays africains et les quatre restants sont issus de pays asiatiques.

Cet article est le premier d’une série d’analyses des conclusions.

 

Aperçu des principales conclusions

Nous avons classé en dix catégories les 96 conclusions d’audit du BIG émises entre 2019 et 2020 (figure 1). Les deux problèmes les plus courants sont les défis dans la conception et la mise en œuvre des interventions et les lacunes dans les dispositifs de suivi et d’assurance. Viennent ensuite la discordance des données, les défis dans la chaîne d’approvisionnement, les progrès insuffisants pour parvenir à un impact, et une mise en œuvre non coordonnée. Les conclusions (et la récurrence des problèmes) sont résumées dans la figure 1 ci-dessous.

Dans cet article, nous nous concentrons sur les deux principales conclusions des audits.

 

Figure 1: Vérification des résultats du Bureau de l’Inspecteur général pour les années 20 19 – 2020

image

Source : Aidspan, sur la base des rapports d’audit du BIG pour 2019-2020

 

Lacunes dans les dispositifs de suivi et d’assurance

Le BIG a constaté des lacunes dans les mécanismes de suivi et d’assurance de 13 pays. Deux d’entre eux sont des pays asiatiques, tandis que les autres sont des pays africains (voir le tableau 1 ci-dessous). Le Fonds mondial a classé sept de ces pays comme étant des pays « essentiels » (pays avec portefeuilles importants présentant une charge de morbidité élevée et un risque élevé pour la mission du Fonds mondial) et les six pays restants sont classés dans les pays « à fort impact » (pays avec portefeuilles très importants présentant une charge de morbidité stratégique pour la mission du Fonds  mondial). Le Fonds mondial a soumis trois de ces pays à la politique de sauvegarde supplémentaire (ASP), ce qui signifie que le Fonds mondial considère ces pays comme des environnements à haut risque et a donc pris des mesures supplémentaires pour sauvegarder ses investissements. En outre, le Fonds mondial considère que quatre de ces pays font partie des « contextes d’intervention difficiles », car ils ont un indice de risque externe particulièrement élevé et présentent une gouvernance faible ainsi que l’existence de catastrophes naturelles ou créées par l’homme.

Huit de ces pays, où les récipiendaires principaux (RP) sont des ministères ou des agences gouvernementales, présentent des lacunes dans les dispositifs de suivi et d’assurance.

Certains des problèmes rencontrés comprennent notamment un retard dans la réalisation des audits, la faiblesse des contrôles internes, ou la faiblesse du suivi des sous-récipiendaires (SR).

 

Tableau 1: Caractéristiques des pays ayant des lacunes en matière de dispositifs de suivi et d’assurance

Nb Pays Région Catégorie Politique de sauvegarde supplémentaire Contexte d’intervention difficile Récipiendaire principal (RP)
1 Angola Afrique Essentiel Non Non RP étatique
2 RDC * Afrique Fort impact Oui Oui RP à la fois étatique et non étatique
3 Ghana Afrique Fort impact Non Non RP étatique
4 Indonésie Asie Fort impact Non Non RP à la fois étatique et non étatique
5 Libéria Afrique Essentiel Non Oui RP étatique
6 Malawi Afrique Fort impact Non Non RP étatique
7 Papouasie Nouvelle Guinée Asie Essentiel Oui Non RP non étatique
8 Rwanda Afrique Essentiel Non Non RP étatique
9 Sierra Leone Afrique Essentiel Non Oui RP étatique
dix Soudan du sud Afrique Essentiel Oui Oui RP non étatique
11 Aller Afrique Essentiel Non Non RP étatique
12 Ouganda Afrique Fort impact Non Non RP étatique
13 Zimbabwe Afrique Fort impact Oui Non RP à la fois étatique et non étatique

Remarque: RDC – République démocratique du Congo; Les RP étatiques sont des ministères ou des agences gouvernementales, tandis que les RP non étatiques sont des organisations non gouvernementales.

Source: Aidspan, données tirées des rapports d’audit du BIG pour 2019-2020

 

Faiblesse des contrôles internes

En Angola, le BIG a constaté que plusieurs facteurs empêchaient un suivi efficace des subventions tuberculose (TB) et paludisme qui sont gérées par le ministère de la Santé. Il y avait d’importants retards dans la réalisation des audits externes et dans la soumission des rapports de progrès et des rapports de décaissement, retards allant jusqu’à 415 jours en 2016 et 102 jours en 2018. Ces retards affectent la ponctualité du suivi et des décaissements, et par là, le taux d’absorption de la subvention. Des retards dans la nomination des SR et des sous-sous-récipiendaires (SSR) ont raccourci la période de mise en œuvre du programme et a perturbé la mise en œuvre de l’appui au traitement.

En République démocratique du Congo (RDC), le BIG a soulevé la faiblesse des contrôles internes, un manque de cohérence de la gestion financière et des pratiques de passation des marchés insuffisantes qui ont donné lieu à une utilisation inefficace des subventions gérées par le ministère de la Santé et par Population Services International (PSI). Au Zimbabwe, l’OIG a soulevé le fait que les subventions gérées par le ministère de la Santé et des Soins infantiles, et par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) nécessitent un meilleur suivi. L’OIG n’a trouvé aucune preuve du fait que les pharmacies de district supervisent les établissements sanitaires dans la réception et la distribution des produits de santé. Cela a provoqué des anomalies au niveau des données puisqu’elles n’étaient ni vérifiées ni triangulées. Au Malawi, le BIG a soulevé la faiblesse du suivi des approvisionnements au sein du ministère de la Santé et d’Action Aid, les deux RP, ce qui a entraîné des coûts imprévus.

Faiblesse du suivi des SR et d’autres récipiendaires

En Indonésie, le BIG a constaté que ni le RP étatique ni le RP non étatique n’assuraient un suivi ni une supervision corrects des SR: seules 69% des visites de supervision prévues ont bien eu lieu. Au Libéria et au Malawi, le BIG a constaté que les ministères de la Santé assuraient un suivi insuffisant des SR. Au Libéria, le ministère de la Santé, le RP ne disposait pas d’une politique de gestion pour guider la supervision des SR tandis qu’au Malawi, la faiblesse du suivi des activités et des dépenses des SR a entraîné une faible absorption des subventions (moins de 50%), ainsi que des dépenses inéligibles. Le BIG a également noté que 36% des immobilisations n’étaient pas physiquement comptabilisées

Au Togo, un mauvais suivi de la part de l’agent d’approvisionnement, une agence des Nations Unies, a entraîné un retard dans la rénovation d’un entrepôt pour le stockage des produits de santé. En attendant, les conditions de stockage temporaire n’étaient pas optimales. En outre, le BIG a constaté un mauvais contrôle de la vente de médicaments contre le paludisme, ce qui entravait la prestation de services, en sachant que les médicaments achetés avec les subventions du Fonds mondial sont sensés être distribués gratuitement, au lieu d’être vendus. Au Sud Soudan, pour la subvention gérée par PSI, le BIG a soulevé le non-respect de la politique du Fonds mondial sur le recouvrement des coûts indirects, une documentation insuffisante pour les transactions, des marchés non concurrentiels, et des disparités dans la gestion des immobilisations.

Un suivi de qualité de la subvention et des dispositifs d’assurance adaptés favorisent la transparence et la reddition de comptes, garantissent une mise en œuvre efficace des subventions et protègent les investissements du Fonds mondial. En outre, la sélection des SR et autres récipiendaires a un impact significatif sur les subventions. Dans certains pays, l’instance de coordination nationale (ICN) choisit les SR, bien que les RP soient responsables de leur supervision et de leur assurance. Dans d’autres cas, le SR ou les récipiendaires sont des agences des Nations Unies. Dans de telles circonstances, il est plausible que le RP puisse ne pas avoir la pleine autorité sur les SR ni sur les récipiendaires inefficaces, et cela a un impact négatif sur la performance de la subvention. 

 

Défis dans la conception et la mise en œuvre des interventions

Le BIG a constaté que 11 pays ont éprouvé des difficultés à concevoir et mettre en œuvre des interventions ; deux d’entre eux sont des pays asiatiques et les autres sont des pays africains. Dans sept pays, ce sont des RP étatiques qui gèrent les subventions. Six pays sont des pays classés « essentiels », et les cinq autres sont classés « à fort impact ». Seuls deux des pays sont soumis à la politique de sauvegarde supplémentaire, tandis que cinq des pays sont classés parmi les contextes d’intervention difficiles.

 

Tableau 2: Caractéristiques des pays confrontés à des défis dans la conception et la mise en œuvre des interventions

Non Pays Région Catégorie Politique de sauvegarde supplémentaire Contexte d’intervention difficile Récipiendaire principal (RP)
1 Bénin Afrique Essentiel Non Non RP étatique
2 Ghana Afrique Fort impact Non Non RP étatique
3 Indonésie Asie Fort impact Non Non RP étatique
4 Lesotho Afrique Essentiel Non Non RP étatique
5 Libéria Afrique Essentiel Non Oui RP étatique
6 Malawi Afrique Fort impact Non Non RP non étatique
7 Pakistan Asie Fort impact Non Oui RP à la fois étatique et non-étatique
8 Sierra Leone Afrique Essentiel Non Oui RP étatique
9 Sud Soudan Afrique Essentiel Oui Oui RP non étatique
dix Soudan Afrique Essentiel Oui Oui RP non étatique
11 Ouganda Afrique Fort impact Non Non RP étatique

Source: Aidspan, données tirées des rapports d’audit du BIG pour 2019-2020

Note: Les RP étatiques sont des ministères ou des agences gouvernementales, tandis que les RP non étatiques sont des organisations non gouvernementales.

 

La plupart des problèmes de conception et de mise en œuvre survenus ces deux dernières années étaient plus fréquents sur les subventions pour la TB. Au Pakistan, que ce soit pour la subvention gérée par le RP étatique ou celle gérée par le RP non étatique, le BIG a soulevé un accès limité au traitement de la TB dans les zones rurales, en dépit du fait que 63% de la population y réside. La participation du secteur privé au traitement de la TB était faible, alors que pour 85% de la population, les premiers points de service pour accéder aux soins sont des structures privées et que le secteur public ne réalise pas la recherche des sujets contacts pour la TB.

Au Lesotho, où les subventions étaient gérées par le ministère des Finances, il y avait des lacunes dans la recherche des cas de TB en raison de la qualité insuffisante du dépistage de la TB et des tests de diagnostic. En outre, seul un quart des cas estimés de TB multi-résistante a été dépisté et mis sous traitement. De même, en Indonésie, où le ministère de la Santé gérait les subventions, le BIG a noté que les activités de recherche des sujets contacts de la TB n’étaient pas adaptées. Alors que près de trois-quarts des premiers soins de la TB sont dispensés dans des établissements de santé privés, le secteur privé de la santé n’a pas été mobilisé pour mettre en œuvre les interventions contre la TB.

Au Bénin, au Ghana et au Libéria, ce sont les ministères de la Santé qui géraient les subventions. Au Bénin, le BIG a constaté que la pénurie de personnel avait un impact négatif sur la distribution de médicaments contre le VIH et le paludisme. Au Ghana, la détection des cas de TB a été entravée par la sous-utilisation des machines de diagnostic (les GeneXperts), par l’absence de système efficace de transport des échantillons d’expectoration et par une utilisation sous optimale des agents de santé communautaires. Au Libéria, le BIG a constaté que l’irrégularité de la supervision et du suivi des activités entravait les services liés au VIH et à la TB. L’engagement communautaire n’était pas optimal et les directives et stratégies pour les interventions sur le VIH et la TB étaient obsolètes. Dans les subventions gérées par Action Aid au Malawi, le BIG a soulevé des faiblesses dans la conception et la mise en œuvre des interventions sur le VIH pour les adolescentes et les jeunes femmes. Cela était causé par une mauvaise gestion, la faiblesse de la supervision, des composantes programmatiques mal définies, et des difficultés à mesurer la performance du programme.

Bien que certains problèmes soient spécifiques à un pays, leur similitude crée une tendance qui requiert des mesures correctives. Une façon de s’attaquer aux problèmes spécifiques à un pays est de s’accorder sur des mesures de gestion circonscrites dans le temps. De façon plus générale, il faut développer et mettre en œuvre des plans d’accélération dans les pays qui ont des difficultés à concevoir et à mettre en œuvre les interventions. Cela comprend l’extension de la couverture des services, la formation de plus de prestataires de santé sur une offre de services de qualité, l’adoption de technologies modernes, et la prestation de services ciblés aux populations clés et vulnérables. Ces initiatives permettraient de renforcer les résultats programmatiques des subventions du Fonds mondial.

Lectures complémentaires

“Les rapports d’audit pour la période 2019-2020 peuvent être consultés sur le site du Fonds mondial, sur la page intitulée « Audits et enquêtes » (https://www.theglobalfund.org/fr/oig/reports/)”

 

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