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A TROIS MOIS DE LA FIN DE LEUR SUBVENTION, LES PAYS EXÉCUTANTS DU FONDS MONDIAL N’ONT DÉPENSÉ QUE 80% DE LEUR FINANCEMENT
OFM Edition 104

A TROIS MOIS DE LA FIN DE LEUR SUBVENTION, LES PAYS EXÉCUTANTS DU FONDS MONDIAL N’ONT DÉPENSÉ QUE 80% DE LEUR FINANCEMENT

Author:

Ann Ithibu

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 2

En pleine épidémie de COVID-19, il faut des mesures d’absorption plus solides

RÉSUMÉ Les pays qui mettent en œuvre une subvention du Fonds mondial sur la période d'allocation actuelle ne sont pas sur la bonne voie pour dépenser les fonds de leur subvention. À trois mois de la fin pour 70% des subventions en cours, l’analyse d'un échantillon de pays exécutants montre que seuls 82% des fonds disponibles ont été décaissés. Les pays vont devoir adopter des mesures plus solides pour améliorer le niveau d'absorption de leur subvention en pleine épidémie de COVID-19.

Au fil des ans, les pays exécutants du Fonds mondial n’ont pas réussi à utiliser la totalité des fonds que le Fonds mondial leur a alloués. Depuis 2012, les pays n’ont absorbé que 70,4% des budgets cumulés. Avant la pandémie de COVID-19, le Fonds mondial estimait que collectivement, les pays laisseraient un reliquat de 0,65 milliard de dollars de financement disponible au cours de la période d’allocation actuelle (2017-2019) en raison des défis préexistants à l’absorption des fonds au niveau du Fonds mondial et des pays. Cependant, cette estimation est susceptible d’augmenter au vu des perturbations liées à la COVID-19.

Il est de plus en plus à craindre que les pays parviennent à un faible taux d’absorption, en particulier ceux dont les subventions se terminent cette année. Pour 70% des subventions en cours, il s’agit de la troisième et dernière année de mise en œuvre des subventions ; les 30% restantes prendront fin en 2021 ou 2022. En général, le niveau d’absorption est le plus faible lors la première année de la subvention, à cause des retards accusés dans la mise en œuvre des activités, mais ce niveau s’améliore souvent avant la troisième (ou dernière) année de la subvention. Cependant, les perturbations causées par la COVID-19 ont sapé les efforts des pays pour rattraper la mise en œuvre des subventions.

Le Fonds mondial mesure l’absorption des subventions en prenant en compte la proportion du budget des subventions que les exécutants déclarent avoir dépensé. Cependant, le Fonds mondial ne rend pas publiques les données sur les dépenses liées aux subventions. Parfois, la proportion du budget total de la subvention qui a été décaissée est utilisée comme indicateur du taux d’absorption. En effet, le décaissement des fonds dépend du solde de trésorerie du pays et permet donc de faire une estimation approximative de l’utilisation des fonds. Cependant, cette estimation est souvent plus élevée que le taux d’absorption réel, car elle inclut dans son calcul le solde de trésorerie du pays.

Les données utilisées pour cette analyse proviennent des pages Data Explorer et Data Service sur le site internet du Fonds mondial. L’analyse a porté sur 26 pays qui ont présenté le niveau d’absorption le plus élevé, moyen ou le plus faible entre 2018 et 2019 (Tableau 1). Nous avons évalué 96 subventions allant de janvier 2018 à décembre 2020, y compris une subvention multipays, l’Initiative régionale de lutte contre la résistance à l’artémisinine (RAI), basée dans la région de l’Asie de l’Est et du Pacifique.

Tableau 1: Pays échantillonnés, par région

Région du Fonds mondial Pays
Asie de l’Est et Pacifique Indonésie, RAI multipays Asie de l’Est et Pacifique, Birmanie, Philippines, Thaïlande, Vietnam
Europe de l’Est et Asie centrale Ukraine
Amérique latine et Caraïbes Haïti
Asie du sud Pakistan
Afrique sub-saharienne Bénin, Cameroun, République centrafricaine (RCA), Congo, Guinée, Guinée-Bissau, Madagascar, Malawi, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Sénégal, Somalie, Soudan, Tanzanie, Togo, Ouganda

RAI: Initiative régionale de lutte contre la résistance à l’artémisinine (RAI)

A trois mois de la fin des subventions, le Fonds mondial n’a décaissé que 82% des fonds

Le Fonds mondial verse les fonds aux pays une à deux fois par an, selon la performance du programme et les besoins financiers. À la mi-septembre 2020, soit un peu plus de trois mois avant la fin de la période de subvention actuelle, le Fonds mondial avait décaissé 82% (4,3 milliards de dollars) des 5,3 milliards de dollars disponibles pour les 96 subventions. Si ces pays venaient à utiliser pleinement les fonds déjà versés, ils atteindraient alors la cible d’absorption du Fonds mondial de 75% pour la période d’allocation 2017-2019. Malheureusement, les pays sont à la traîne dans l’utilisation des fonds des subventions. Cette analyse a comparé les décaissements effectifs et les décaissements prévus indiqués dans le budget des subventions. Si les pays de l’échantillon avaient mis en œuvre les activités conformément aux budgets détaillé des subventions, ils auraient reçu 96% (5,1 milliards de dollars) des fonds d’ici le 30 septembre, plutôt que les 4,3 milliards de dollars qu’ils ont reçu à ce jour. La proportion des fonds reçus jusqu’ici variait entre 67% à Madagascar et 96% en Indonésie. La quasi-totalité des pays a reçu au moins 75% du financement disponible. Figure 1: Proportion des fonds décaissés par le Fonds mondial, par pays Source: Page du Data Service du Fonds mondial La proportion varie également selon la subvention. L’une des subventions qui sort du lot est la subvention VIH d’un Etat du Nigéria, où seuls 18% (5 millions de dollars) des 28 millions disponibles n’avaient été reçus au moment où cette analyse a été réalisée. Il faut noter que cette subvention a démarré sa mise en œuvre 18 mois après les autres subvention (en juillet 2019), mais se terminera en même temps que les autres subventions en décembre 2020. Le taux d’absorption des autres subventions varie entre 45% pour une subvention paludisme gérée par l’Etat du Malawi, et 114% pour une subvention paludisme gérée par l’Etat Ougandais. Les acteurs étatiques et non étatiques ont chacun reçu 82% de leur financement Dans la plupart des pays sélectionnés dans l’échantillon, ce sont des acteurs étatiques et non-étatiques qui mettent en oeuvre les subventions, à quelques exceptions près, comme en République centrafricaine, au Congo, en Haïti, en Birmanie, aux Philippines, au Togo, et en Somalie. Sur les 96 subventions sélectionnées dans l’échantillon, 45 sont gérées par l’État et représentent 60% (2,6 milliards de dollars) des fonds décaissés, tandis que les acteurs non étatiques gèrent les 51 subventions restantes. Dans notre échantillon, les acteurs étatiques et non étatiques ont chacun reçu 82% du total des fonds disponibles sur leur subvention (tableau 1). Bien que cette analyse ne montre pas de différence dans les décaissements, une analyse précédemment réalisée par le Fonds mondial a révélé que les exécutants étatiques sont moins susceptibles d’absorber les fonds dans certaines régions par rapport à leurs homologues. Les exécutants gouvernementaux ont souvent la plus grande proportion de financement. Le taux d’absorption plus faible peut être liés à des capacités limitées, à la faiblesse des systèmes de santé et à la bureaucratie au sein des gouvernements. Les acteurs étatiques et non-étatiques auraient dû recevoir respectivement 97% et 95% de leur financement, par rapport au 82% qu’ils ont reçu jusqu’à présent (tableau 1).

Tableau 2: Décaissements réels ou prévus, par type d’exécutant

Type d’exécutant Nb de subventions Montant signé (en millions, $) Décaissé (en millions, $) Décaissement prévu au 30 Septembre ( en millions, $) Décaissement réel (%) Décaissement prévu (%)
Etat 45 3 166 2 583 3 072 82% 97%
Non étatique 51 2 112 1 739 2 011 82% 95%
Total 96 5 278 4,32 2 5,08 3 82% 96%

Source: Page du Data Service du Fonds mondial

Certaines composantes de maladie ont reçu plus de financement que d’autres

La majorité des subventions concernent le VIH (29) et le paludisme (27) (voir tableau 2). Les subventions VIH/TB ont reçu la plus grande proportion des fonds disponibles (87%), suivies de près par la tuberculose (86%). En général, les pays utilisent les subventions pour le VIH et le paludisme plus rapidement que les composantes TB et Système de santé résilient et pérenne (SSRP), principalement en raison de l’importante quantité d’intrants que ces subventions comportent par nature. En guise d’exemple, une grande partie des subventions paludisme est consacrée à l’achat de moustiquaires imprégnées d’insecticide. Cependant, les subventions VIH n’ont reçu que 76% des fonds disponibles et ont signalé des perturbations plus importantes liées à la COVID-19 par rapport aux deux autres maladies.

L’unique subvention pour le renforcement des systèmes de santé accordée au Nigéria n’a reçu qu’un peu plus de la moitié (56%) de son financement. Historiquement, les pays signalent des taux d’absorption plus faibles pour les subventions SSRP. Le Groupe technique de référence en évaluation (TERG) du Fonds mondial a soulevé que les pays avaient dépensé 64% des investissements SSRP entre 2010 et 2017, contre 75% des investissements dédiés aux maladies. Le TERG explique la faible absorption des subventions SSRP par la complexité des processus financiers des pays, par la nécessité d’impliquer diverses parties prenantes, par une mauvaise planification, et par des défis de coordination d’ordre général. Cependant, lors du dernier cycle de financement, les pays ont amélioré l’absorption des fonds des subventions SSRP. Les données les plus récentes du Fonds mondial révèlent que les pays ont absorbé 81% des subventions SSRP entre 2016 et 2018, contre 65% entre 2015 et 2017.

Les subventions VIH/TB et TB auraient dû recevoir un financement complet (100%), et les subventions VIH auraient dû recevoir 95% de leur financement avant le 30 septembre (tableau 2). Les subventions paludisme et SSRP auraient dû recevoir respectivement 94% et 83%.

Tableau 3: Décaissements réels ou prévus, par composante de maladie

Composante de maladie Nb de subventions Montant signé (en millions, $) Décaissé (en millions, $) Décaissement prévu au 30 septembre (en millions, $) Décaissement réel (%) Décaissement prévu (%)
VIH 29 1 693 1 292 1 613 76% 95%
VIH/TB 18 901 787 905 87% 100%
TB 20 753 647 753 86% 100%
Paludisme 27 1 876 1 560 1 766 83% 94%
SSRP 1 43 24 36 56% 83%
Multicomposante 1 13 11 12 82% 88%
Total 96 5 278 4 321 5 084 82% 96%

Source: Page Data Service du Fonds mondial

 

Note de l’auteur: Pour certaines subventions, le montant de la subvention signée et le budget total de la subvention sont légèrement différents. Ces écarts sont reflétés dans certains des pourcentages présentés ci-dessus.  

Les raisons qui expliquent que les pays sont à la traîne

Le Secrétariat du Fonds mondial et le BIG, l’OFM ainsi que d’autres parties prenantes ont, au fil des ans, documenté les raisons de la faible utilisation des subventions du Fonds mondial. Au niveau du Secrétariat, les mesures d’atténuation des risques du Fonds mondial et les retards dans le décaissement des fonds et dans l’approbation des demandes de financement réduisent le taux d’absorption des subventions. Au niveau des pays, les facteurs incluent la faiblesses des dispositifs de mise en œuvre, les lacunes dans la capacité de mise en œuvre, la faiblesse des systèmes de santé, et les économies et gains d’efficience.

Certains facteurs échappent au contrôle du Fonds mondial ou des pays récipiendaires. La pandémie de COVID-19 en est un bon exemple. Depuis son apparition, la pandémie a provoqué des perturbations généralisées dans la prestation de services de santé et dans la gestion des chaînes d’approvisionnement des pays qui reçoivent des financements du Fonds mondial.

Le double impact de la COVID-19 sur le taux d’absorption

La COVID-19 a perturbé la mise en œuvre des subventions et, par conséquent, l’absorption des fonds. Il est probable qu’une sous-consommation budgétaire soit signalée dans les pays où, par exemple, des réunions, des formations et des activités de prévention ont été ont été annulées ou bien où il y a eu des retards considérables dans l’achat d’intrants pour les trois maladies. Cependant, l’augmentation des coûts opérationnels liés aux équipements de protection individuelle (EPI), aux mesures supplémentaires de prévention et de lutte contre les infections, et aux mesures visant à faire respecter les exigences de distanciation sociale, pourrait compenser ces fonds non dépensés.

Une analyse rapide réalisée par ThinkWell donne une idée de la façon dont la COVID-19 a impacté les coûts opérationnels dans la prestation de services de santé. L’analyse a révélé que le coût d’une campagne de vaccination pouvait augmenter de 49% en introduisant de simples stations de lavage des mains. Cependant, les coûts pourraient augmenter de 154% si la campagne inclut un EPI complet pour celles et ceux qui effectuent les vaccinations et des stations de lavage des mains plus sophistiquées.

Il est probable que l’absorption augmente si les exécutants redirigent leurs économies ou reprogramment une partie de leurs fonds vers la réponse à la COVID-19. Le Fonds mondial a autorisé les pays à utiliser jusqu’à 10% de la valeur de leur subvention pour soutenir la réponse à la COVID-19. Cependant, cette flexibilité n’est mise à profit que lentement ; au début du mois de septembre, les pays n’avaient eu accès qu’à 207 millions de dollars sur les 500 millions de dollars mis à disposition grâce à cette flexibilité sur les subventions.

Avec l’épidémie de COVID-19, des mesures plus solides s’avèrent nécessaires 

Depuis la mise en place du nouveau modèle de financement en 2014, le Fonds mondial ne permet pas aux pays d’étendre la période d’utilisation des subventions au-delà du cycle de financement. Ainsi, ces pays risquent de perdre une partie de leur allocation s’ils n’utilisent pas pleinement leurs subventions d’ici fin 2020. Ces fonds sont ensuite mis à disposition d’autres pays dans le cadre de l’optimisation de portefeuille.

Au fil des ans, le Fonds mondial a mis en place des mesures pour améliorer l’absorption des subventions. Ces mesures comprennent un suivi du taux d’absorption de la subvention (pour détecter les signes avant-coureurs), une flexibilité budgétaire, et des approches souples qui s’adaptent au contexte des pays. Les pays ont également adopté la reprogrammation rapide, l’utilisation des subventions pour l‘achat d’intrants, la mobilisation des plus hauts dirigeants, le renforcement des capacités, le suivi actif des subventions par l’Instance de coordination nationale (ICN) et l’intégration de plusieurs composantes de maladie en une seule subvention (pour permettre la réaffectation rapide des fonds).

Cependant, les pays devront adapter certaines de ces stratégies au contexte actuel. Par exemple, ils pourraient avoir besoin d’augmenter la fréquence du suivi de l’absorption (de préférence au niveau d’un module ou d’une activité) et de reprogrammer les fonds dans les temps. Les pays devraient éviter de transférer des fonds vers des activités qui utilisent le financement rapidement et facilement au détriment d’autres interventions plus efficaces. Les pays devraient également tirer parti de la flexibilité mise à disposition par le Fonds mondial, y compris la flexibilité liée à l’envoi des rapports.

Le Fonds mondial et les pays exécutants devront également commencer à planifier la prochaine série de subventions pour la période d’allocation 2020-2022, qui commence dès janvier 2021. Des problèmes au démarrage des subventions, tels que des retards dans le décaissement et dans la sélection des sous-bénéficiaires, ont provoqué dès le départ des problèmes d’absorption, avant même que la mise en œuvre n’ait commencé. Le Fonds mondial et les pays devraient donc tirer parti des enseignements tirés de cette période d’allocation et des précédentes afin de mieux gérer ce problème d’absorption, tout en gardant en tête le contexte de chaque pays.

Lectures complémentaires :

  1. Les pages Data Explorer et Data Service sur le site internet du Fonds mondial.
  2. Le numéro 360 du GFO, “Les défis au niveau du Secrétariat du Fonds mondial et de la mise en oeuvre bloquent l’absorption des subventions ”, 10 juillet 2019 (article en anglais)

 

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