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POUR LES ADOLESCENTES ET LES JEUNES FEMMES, LA FERMETURE DES ÉCOLES AUGMENTE LE RISQUE DE GROSSESSE NON DÉSIRÉE ET D’INFECTION À VIH
OFM Edition 104

POUR LES ADOLESCENTES ET LES JEUNES FEMMES, LA FERMETURE DES ÉCOLES AUGMENTE LE RISQUE DE GROSSESSE NON DÉSIRÉE ET D’INFECTION À VIH

Author:

Samuel Muniu

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 4

Forte hausse des grossesses chez les adolescentes pendant la crise de la COVID-19

RÉSUMÉ Les fermetures d’écoles dans le but de limiter la propagation de la COVID-19 a non seulement privé les jeunes d’enseignement, mais leur a également causé d’autres préjudices. Une forte hausse des grossesses chez les adolescentes a été associé aux fermetures d'écoles et au confinement pendant la crise de la COVID-19 ; pendant cette période, les filles se sont retrouvées en situation de vulnérabilité dans des contextes sociaux propices à la violence et aux abus sexuels (y compris le viol par des membres de la famille proche). Cela indique que le progrès réalisés dans le cadre de la lutte contre le VIH et en faveur des services de santé sexuelle et reproductive perdent du terrain. Les gouvernements se doivent d’inclure les services de santé sexuelle et reproductive dans leurs plans de réponse à la COVID-19, de veiller à ce que les jeunes aient accès à ces services et d’envisager la réouverture sécurisée des écoles.

La pandémie de COVID-19 a provoqué dans la plupart des pays la fermeture des écoles dans le but de ralentir la propagation du virus. L’une des conséquences de ces fermetures est que les jeunes sont privé.e.s de la protection sociale que leur offre l’école et se retrouvent exposé.e.s à des risques de violence et d’abus sexuels à la maison, aux mariages d’enfants et aux grossesses non désirées. Confinement et couvre-feux ont également rendu plus difficile l’accès des filles à des soins de santé sexuelle, tout en les cantonnant à leur domicile en présence de prédateurs sexuels chez les voisins et au sein de la famille. Avec tout ce « temps libre », certaines adolescentes ont eu des comportements à risque, comme des rapports sexuels non protégés, tandis que d’autres ont été victimes de viol, ce qui a entraîné une hausse du nombre de grossesses chez les adolescentes. Si la tendance des rapports sexuels non protégés ne fait par rapidement marche arrière, cela pourrait miner les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH et aurait d’autres conséquences pour les jeunes, en particulier les adolescentes et les jeunes femmes.

 

Un investissement important pour lutter contre le VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes

 

Avec les autres acteurs de la santé mondiale, le Fonds mondial a réalisé d’importants investissements pour lutter contre le VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes, en particulier dans les régions d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe. On a en effet constaté que les adolescentes et les jeunes femmes sont deux fois plus susceptibles de contracter le VIH que les jeunes hommes du même âge en Afrique de l’Est et en Afrique australe. L’une des interventions de lutte contre le VIH auprès de ce groupe vulnérable vise à offrir une protection sociale, et cela inclut des activités pour maintenir les filles à l’école. Afin de mettre en lumière les efforts déployés sur cette question, nous avons sélectionné un échantillon de données tirées des demandes de financement sur le cycle de financement 2018-2020 du Fonds mondial. Pour 7 des 13 pays d’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, ces données étaient disponibles dans le domaine public.

 

Les sept pays sont le Cameroun, l’Eswatini, le Kenya, le Mozambique, la Namibie, la Tanzanie et la Zambie. Au total, ces pays ont demandé 72 302 426 dollars US au Fonds mondial afin de soutenir la lutte contre le VIH chez les adolescentes et les jeunes femmes. Environ 13% de ces fonds (figure 1), soit 9 343 036 dollars US, étaient destinés au maintien des filles à l’école. Cela découle de données probantes selon lesquelles le fait de maintenir les jeunes à l’école, en particulier les filles, permet de réduire leur risque d’infection à VIH.

 

Figure 1: Interventions auprès des adolescentes et des jeunes femmes figurant dans les demandes de financement VIH auprès du Fonds mondial pour le cycle de financement 2017-2019

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Source: Aidspan, tiré des données provenant des demandes de financement auprès du Fonds mondial pour le cycle de financement 20172019

 

 

Hausse du nombre de grossesses d’adolescentes pendant la crise de la COVID-19

 

Le nombre de grossesses chez les adolescentes a augmenté dans de nombreux pays. Selon les estimations de World Vision, en Afrique subsaharienne, environ un million de filles risquent de ne pas pouvoir retourner à l’école en raison de leur grossesse. Dans cet article, nous nous concentrons sur quelques pays où une augmentation des grossesses chez les adolescentes a été signalée. Il s’agit dans la plupart des cas d’une sous-estimation.

Au Malawi, où le gouvernement a fermé les écoles en mars 2020, le district de Mangochi a enregistré, jusqu’au mois de juin 2020, 7274 grossesses chez les adolescentes, soit 1039 grossesses supplémentaires par rapport à la même période l’année d’avant. Selon le journal The East African, les normes sociales néfastes, telles que les mariages précoces, ont augmenté depuis la fermeture des écoles à cause de la COVID-19. Elles sont en partie responsables de la forte hausse des grossesses chez les adolescentes dans le pays.

 

La COVID-19 pourrait également avoir accentué ce problème au Kenya. Durant les trois mois pendant lesquels la liberté de mouvement a été restreinte et les écoles fermées à cause de la COVID-19, le pays a enregistré 152 000 grossesses d’adolescentes. Il s’agit d’une augmentation de 40% par rapport à la moyenne mensuelle. Selon l’enquête pour le système d’information sanitaire du Kenya, un total de 3964 filles âgées entre 10 et 19 ans sont tombées enceintes entre janvier et mai 2020 dans le comté de Machakos, l’un des 47 gouvernements décentralisés du Kenya. Certaines de ces grossesses d’adolescentes sont le résultat d’abus sexuels par des membres de la famille proche. En raison du retrait du soutien parental et de la tendance à marier les filles suite à l’annonce de leur grossesse, leur scolarisation risque d’être interrompue.

 

Selon World Vison Ghana, pendant la crise de la COVID-19, le nombre de grossesses d’adolescentes a été multiplié par neuf à Karachi West, au Ghana. Entre mars et mai 2020, 51 grossesses adolescentes ont été signalées dans la région, contre huit grossesses rapportées sur toute l’année 2018. La hausse des grossesses chez les adolescentes a coïncidé avec le confinement appliqué par le gouvernement pour enrayer la propagation de la COVID-19. La pauvreté, l’exploitation sexuelle ainsi que les abus, la négligence parentale et les comportements à risque chez les adolescent.e.s sont tous responsables de l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes dans le pays.

 

En Zambie, une augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes pendant la crise de la COVID-19 a également été signalée. Dans le district de Masaiti, le chef Chiwala du peuple Lamba s’est plaint de l’augmentation du taux de grossesses chez les adolescentes au sein de sa chefferie, grossesses qu’il a attribuées à la fermeture des écoles à cause de la COVID-19.

Pour le chef Chiwala, c’est le confinement des jeunes à leur domicile, sans travail à faire, qui responsable de la flambée de grossesses chez les adolescentes, puisque ces jeunes sont alors plus susceptibles d’avoir des pratiques indésirables, telles que les rapports sexuels non protégés.

Il ne s’agit pourtant que d’une cause parmi tant d’autres pour les grossesses d’adolescentes. Le manque d’information sur la santé sexuelle et reproductive, la pauvreté qui conduit les filles à pratiquer le commerce du sexe,  ainsi que des facteurs sociaux et culturels, tels que les mariages d’enfants et la pression par les pairs, sont autant de déterminants des grossesses chez les adolescentes en Zambie.

 

Des leçons à tirer de la Sierra Leone sur les grossesses d’adolescentes pendant l’épidémie d’Ebola

 

Il existait des preuves – avant la COVID-19 – selon lesquelles les fermetures d’écoles sont associées à l’augmentation du nombre de grossesses chez les adolescentes. Au cours de l’épidémie d’Ebola en Sierra Leone entre 2014 et 2016, les écoles primaires et secondaires ont été fermées pendant plus de neuf mois et le nombre de grossesses chez les adolescentes a augmenté de 65%. Pendant la crise d’Ebola, plus de 18 000 filles sont tombées enceintes, et      11 000 d’entre elles étaient inscrites à l’école. Lors de la réouverture des écoles, le taux d’inscription des filles a chuté de 16%.

 

Les conséquences de la flambée des grossesses chez les adolescentes 

 

La grossesse est un indicateur de relations sexuelles non protégées chez les jeunes. Toutes celles et ceux qui ont des relations sexuelles non protégées ne contractent pas forcément le VIH, mais les rapports sexuels non protégés les exposent au risque d’infection à VIH. Au-delà du lourd fardeau que cela fait peser sur des systèmes de santé déjà débordés en raison de l’épidémie de COVID-19, une augmentation sans précédent des grossesses d’adolescentes peut miner les progrès réalisés dans la lutte contre le VIH. Une étude menée en Afrique du Sud a révélé que la grossesse précoce chez les adolescentes est associée au risque d’infection à VIH.

 

Pour les filles, le fait d’être enceinte peut compromettre leur retour à l’école dans la plupart des pays en développement. Selon un rapport de la Banque mondiale, en Afrique de l’Ouest et du Centre, 10% à 30% des jeunes qui arrêtent d’aller à l’école le font à cause des grossesses et des mariages précoces, surtout dans les communautés marginalisées. Enceintes, les adolescentes et les jeunes femmes font face à plusieurs obstacles pour retourner à l’école. Ces obstacles incluent la honte et la stigmatisation associées à une grossesse hors mariage, le manque d’appui financier pour poursuivre leur scolarité, les mesures exclusives qui exigent l’expulsion des filles enceintes de l’école, et leurs responsabilités de jeunes mères pour prendre soin de leur bébé, qui les mobilisent. Et pourtant, aucune loi ni aucune mesure ne rend les hommes responsables des grossesses d’adolescentes.

 

Les lois discriminatoires envers les filles enceintes devraient être abolies

 

Toutes les parties prenantes doivent déployer des efforts concertés pour protéger les filles pendant la crise de la COVID-19, mais aussi par la suite. Les gouvernements doivent veiller à ce que toutes les filles, y compris celles qui sont enceintes et celles qui ont déjà donné naissance pendant la crise de la COVID-19, aient la possibilité de poursuivre leur scolarité. Dans les pays qui interdisent aux filles de poursuivre leur scolarité lorsqu’elles sont enceintes, comme en Guinée équatoriale, en Tanzanie et au Togo, les décideurs, les responsables politiques, la société civile et les autres acteurs devraient demander à ce que ces lois exclusives soient revues, pour que les filles puissent avoir une opportunité d’aller à l’école.

 

La voie à suivre

 

Les adolescentes et les jeunes femmes devraient avoir accès à des services de santé sexuelle et reproductive, tels que les méthodes contraceptives modernes et la promotion de l’abstinence et d’une sexualité sans risque, pendant la crise de la COVID 19, mais aussi par la suite. Les gouvernements devraient inclure ces services dans leurs plans de réponse à la COVID-19 et s’attaquer au problème inquiétant des mariages d’enfants. Tout comme des investissements importants ont été réalisés dans la lutte contre le VIH pour les adolescentes et les jeunes femmes, il est nécessaire d’investir de façon significative dans l’éducation des garçons et des hommes sur les rapports sexuels protégés et sur la violence basée sur le genre, y compris le viol. Il faut les éduquer pour qu’ils reconnaissent leur responsabilité dans la propagation du VIH et qu’ils prennent en main leur propre santé sexuelle et reproductive. En outre, les pays africains devraient répondre aux appels de l’Organisation mondiale de la santé et du Fonds des Nations Unies pour l’enfance, qui préconisent la réouverture sécurisée des écoles, puisque cela permettra non seulement de réduire le nombre de grossesses chez les adolescentes, mais également de fournir un espace sûr à de nombreux enfants. L’interruption prolongée de la scolarité des enfants en raison de l’épidémie de COVID-19 leur cause d’autres préjudices.

 

Lectures complémentaires

 

 

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