OFM Edition 177, Article Nombre: 9
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ABSTRAITE
Examen de l'impact du travail du Fonds mondial en Afrique à l'aide du rapport du Bureau de l'inspecteur général (BIG) du Fonds mondial sur l'état d'avancement des opérations (janvier-août 2024) présenté lors de la 52ème réunion du Conseil d'administration du Fonds mondial au Malawi.
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme joue un rôle essentiel dans l'amélioration de la santé mondiale, en particulier dans des contextes où les ressources sont limitées, comme c'est le cas dans de nombreuses nations africaines. Le rapport d'avancement opérationnel du Bureau de l'inspecteur général (BIG) du Fonds mondial (janvier-août 2024) révèle un tableau complexe de réussites et de défis persistants. Si le rapport du Bureau de l'Inspecteur général fait état de progrès impressionnants dans la réduction des taux de mortalité pour ces trois maladies, un examen plus approfondi révèle des domaines cruciaux nécessitant une attention particulière pour garantir un impact durable à long terme sur l'ensemble du continent.
Une symphonie de succès : des progrès quantifiables en Afrique
Le rapport du BIG met en lumière des réalisations indéniables dans plusieurs pays africains. Des analyses fondées sur des données démontrent des réductions significatives des taux de mortalité liés au VIH, à la tuberculose et au paludisme dans des pays comme le Malawi, l'Éthiopie et le Zimbabwe. Il ne s'agit pas de simples anecdotes, mais d'améliorations tangibles en matière de santé publique, étayées par des preuves quantitatives solides. L'élargissement de l'accès à la thérapie antirétrovirale pour le VIH, l'amélioration des taux de réussite du traitement de la tuberculose et l'extension des programmes de prévention du paludisme sont autant d'éléments qui contribuent à ces résultats remarquables. Comme l'indique le rapport d'avancement opérationnel du BIG, « de nombreux éléments indiquent que les subventions du Fonds mondial ont un impact positif ».
Le succès du Zimbabwe dans la réalisation des objectifs 95-95-95 de l'ONUSIDA illustre le pouvoir de partenariats efficaces et d'une approche coordonnée de la lutte contre les maladies. Ailleurs, l'intégration des initiatives du Fonds mondial dans les systèmes de santé nationaux a joué un rôle crucial. Comme l'ont confirmé certains pays africains, cet alignement sur les priorités nationales en matière de santé est crucial et obligatoire pour atteindre les objectifs nationaux.
Ces succès démontrent l'efficacité du modèle du Fonds mondial lorsqu'il est mis en œuvre de manière efficace et qu'il existe une collaboration solide entre les gouvernements nationaux, les communautés locales et d'autres acteurs clés.
Un chœur de défis : les obstacles au progrès durable
Malgré ces résultats encourageants, le rapport du BIG émet également une mise en garde, soulignant les défis importants qui menacent de compromettre la durabilité des progrès déjà réalisés :
La fragilité des systèmes de santé : Le rapport du BIG souligne constamment la difficulté d'intégrer efficacement les investissements dans des systèmes de santé résilients et durables (RSSH). De nombreuses nations africaines sont confrontées à la faiblesse des infrastructures de santé, à la fragmentation des services et à l'absence de stratégies nationales cohérentes en matière de santé. Cela conduit à une allocation inefficace des ressources et entrave la viabilité à long terme des programmes de lutte contre les maladies. La mise en place de systèmes de santé robustes et résistants n'est pas simplement un objectif accessoire ; c'est le fondement sur lequel tout progrès durable doit être construit.
L'objectif insaisissable de la réduction de l'incidence : Si des réductions significatives de la mortalité ont été obtenues, la réduction de l'incidence des nouvelles infections reste un défi majeur. La complexité de la prévention du VIH, par exemple, met en évidence la nécessité de stratégies plus ciblées et plus sophistiquées. Les priorités concurrentes au sein des systèmes de santé signifient souvent que les ressources destinées à la prévention sont détournées pour répondre à des besoins plus immédiats, tels que les services de santé génésique, le traitement et les soins. Pour briser le cycle de l'infection, il est essentiel de mettre l'accent sur des mesures de prévention proactives.
Le paysage incertain du cofinancement : Le rapport du BIG révèle des incohérences dans l'obtention d'un cofinancement cohérent de la part des gouvernements nationaux et d'autres partenaires. Ce manque de financement prévisible met en péril la viabilité à long terme des programmes. Il est nécessaire d'améliorer les mécanismes visant à encourager et à soutenir la mobilisation des ressources nationales, à favoriser l'appropriation nationale et à garantir la viabilité à long terme des initiatives au-delà des subventions du Fonds mondial. C'est l'occasion de mettre en avant les initiatives du Bénin et du Congo qui disposent d'un comité dédié au suivi des engagements de cofinancement.
L'impératif de planification de la transition : De nombreux pays ne disposent pas de plans de transition bien définis pour s'assurer que les progrès réalisés avec le soutien du Fonds mondial seront durables après la fin du financement. Le passage du financement externe à l'appropriation nationale nécessite une stratégie globale englobant le renforcement des capacités, la mobilisation des ressources et un plan clair d'intégration des programmes dans les systèmes de santé existants. Sans une planification minutieuse, les progrès durement acquis risquent d'être perdus une fois le soutien extérieur retiré.
Naviguer dans des environnements difficiles : Opérer dans des zones de conflit ou dans des régions où l'insécurité est élevée présente des défis uniques. Le rapport du BIG souligne la nécessité d'adopter des stratégies adaptables et des approches flexibles pour assurer la continuité des programmes dans ces contextes, en accordant la priorité à la sécurité du personnel tout en maintenant la fourniture des services essentiels. L'Afrique compte 13 pays fragiles, appelés « environnements opérationnels difficiles » dans le jargon du Fonds mondial. Le Fonds mondial a mis en place une politique visant à rationaliser la flexibilité nécessaire à la gestion des subventions dans ces pays. Le Bureau du groupe africain plaide en faveur d'une flexibilité plus transparente et d'une gestion « à la carte ». En effet, même si tous ces pays sont confrontés à un problème de stabilité, leurs réalités ne sont pas les mêmes : le Tchad et la Guinée-Bissau ne seront jamais les mêmes.
Lacunes et incohérences dans les données : Si le rapport du BIG fournit une multitude de données, il met également en évidence les incohérences et les limites de la collecte et de la communication des données. Les discussions avec certains pays confirment cette réalité. Les pays révèlent des lacunes dans la collecte des données en raison de grèves ou de problèmes de ressources humaines. L'amélioration de la qualité des données et la mise en place de systèmes de suivi et d'évaluation solides sont donc importantes pour évaluer l'impact réel des interventions et pour orienter l'allocation future des ressources. Cependant, d'autres pays comme la Mauritanie ont réussi à numériser leurs données sanitaires, ce qui prouve que c'est faisable.
Retour d'information sur les circonscriptions
L'incapacité persistante à atteindre les populations clés et vulnérables a été mise en évidence, révélant une lacune dans la fourniture équitable de services. Les mandants se sont inquiétés de la fragmentation des systèmes de santé dans de nombreux pays, où l'absence de stratégies nationales cohérentes sape les efforts visant à renforcer les systèmes de santé et à mettre en œuvre des mesures de prévention efficaces. Lorsque de telles stratégies existent, elles sont souvent trop générales pour être applicables ou souffrent d'inefficacité en raison de l'implication de multiples entités non coordonnées. Ces défis soulignent l'urgence de concevoir et de mettre en œuvre des stratégies ciblées qui donnent la priorité à la prévention et répondent aux besoins spécifiques des populations mal desservies.
En ce qui concerne la planification future, la discussion a porté sur le plan et le budget du programme pour 2025. La flexibilité a été identifiée comme une caractéristique essentielle du plan, garantissant que le programme puisse s'adapter à des priorités changeantes, à des défis imprévus et à des ressources fluctuantes. L'allocation des ressources est apparue comme un point central, les parties prenantes plaidant pour une approche fondée sur les données qui oriente les investissements vers les domaines offrant l'impact le plus élevé. Les parties prenantes ont souligné l'importance de trouver un équilibre entre les exigences opérationnelles à court terme et l'objectif global de durabilité. Pour ce faire, il faut non seulement optimiser l'utilisation des ressources, mais aussi prendre des décisions difficiles quant aux domaines dans lesquels il convient de réduire les activités afin de garantir une efficacité et une efficience maximales.
La gestion des risques a été un thème central de la discussion. Les participants ont souligné l'importance de définir clairement la propension à prendre des risques, ce qui permet de faire des choix stratégiques entre l'acceptation, le transfert ou l'atténuation des risques. La nécessité de simplifier le modèle opérationnel a également été soulignée, les processus actuels étant jugés trop complexes et, dans certains cas, inefficaces. Une approche différenciée a été proposée, dans laquelle les ressources et les efforts sont adaptés aux besoins et aux contextes spécifiques des différents pays et régions. Une telle approche s'alignerait plus étroitement sur l'engagement du programme en faveur de l'équité et de l'impact, en relevant les défis uniques auxquels sont confrontées les régions à forte charge de morbidité ou à faibles ressources.
Les mises à jour des enquêtes ont donné un aperçu de l'engagement du programme en matière de responsabilité et de transparence. Une augmentation notable des plaintes et des rapports de dénonciation a été observée, ce qui témoigne d'une confiance accrue dans les mécanismes de traitement des griefs. Toutefois, ces développements ont également révélé des défis sous-jacents, notamment en ce qui concerne les allégations de violations des droits humains et les obstacles systémiques auxquels sont confrontées les communautés marginalisées. Le programme a mis en évidence les efforts en cours pour améliorer les mécanismes de signalement, soutenir les victimes et veiller à ce que les allégations fassent l'objet d'enquêtes approfondies et soient traitées.
Les mandants ont également exprimé des inquiétudes quant à la viabilité des initiatives en matière de santé, en particulier à la lumière des contraintes budgétaires auxquelles sont confrontés de nombreux pays. Si les investissements nationaux dans la santé ont été encouragés comme moyen d'assurer la viabilité à long terme, il a été reconnu que la réalisation de cet objectif nécessiterait des solutions de financement novatrices. Le financement de la transition, qui vise à atténuer l'impact potentiel d'une réduction des financements, a été identifié comme un domaine critique nécessitant une attention urgente. Les participants à la réunion ont appelé à redoubler d'efforts pour renforcer les capacités nationales et encourager les investissements nationaux dans le domaine de la santé, reconnaissant que ces mesures sont essentielles pour maintenir les progrès en matière de santé face à la diminution des ressources extérieures.
La technologie, en particulier l'intelligence artificielle (IA), a été présentée comme un outil émergent susceptible de transformer les opérations. Les applications de l'IA dans les enquêtes et les audits ont été considérées comme des voies prometteuses pour améliorer l'efficience et l'efficacité. Les mandants ont exprimé leur enthousiasme à l'égard de ces développements, tout en mettant en garde contre les risques potentiels, tels que les violations de la vie privée ou les problèmes éthiques, qui pourraient découler de l'utilisation accrue de l'IA.
L'engagement des parties prenantes est un autre domaine clé. Les mandants ont souligné l'importance de favoriser des partenariats solides entre les secteurs public, privé et la société civile afin d'atteindre des objectifs communs en matière de santé. L'engagement des représentants des communautés, en particulier ceux des groupes marginalisés ou vulnérables, a été souligné comme essentiel pour garantir que les politiques soient inclusives et ancrées dans les réalités des personnes les plus touchées par les disparités en matière de santé.
L'importance de trouver un équilibre entre les besoins opérationnels immédiats et la durabilité à long terme a été un message récurrent. Les participants ont souligné la nécessité d'une orientation stratégique claire, d'un engagement solide des parties prenantes et d'une optimisation des ressources limitées afin de maintenir et d'amplifier l'impact du programme. La réunion s'est achevée sur un optimisme prudent, reconnaissant à la fois les progrès accomplis et les défis à venir, et réaffirmant l'engagement collectif à faire progresser les résultats en matière de santé mondiale.
Un appel à l'action : vers un avenir durable
Les progrès du Fonds mondial en Afrique sont indéniables, mais ces réalisations sont menacées par des problèmes persistants. Pour garantir l'impact à long terme et la durabilité de ces gains durement acquis, les actions suivantes sont cruciales :
Donner la priorité au renforcement des systèmes de santé : Investir dans des systèmes de santé solides et résistants n'est pas un objectif secondaire ; c'est le fondement d'une réussite à long terme. Cela nécessite une approche holistique et stratégique, englobant le développement des infrastructures, le renforcement des capacités et l'intégration des programmes du Fonds mondial dans les stratégies nationales de santé. Dans des pays comme la Côte d'Ivoire, nous savons qu'ils utilisent 10 % des subventions pour la lutte contre le paludisme et le VIH pour renforcer leur système de santé. Le pays travaille activement à la mise en place d'un système de laboratoire complet qui traitera toutes les maladies et pas seulement le VIH, et prévoit d'étendre cet investissement du RSSH pour inclure un système de chaîne d'approvisionnement qui se concentre actuellement sur des maladies individuelles.
Affiner les stratégies de réduction de l'incidence : Il est essentiel de mettre l'accent sur la prévention en même temps que sur le traitement. Cela implique de développer des stratégies ciblées pour les populations clés et de relever les défis de l'allocation des ressources au sein de systèmes de santé souvent mis à rude épreuve.
Renforcer le cofinancement et la mobilisation des ressources nationales : Il faut pour cela renforcer les mécanismes visant à encourager et à soutenir la mobilisation des ressources nationales, en donnant aux pays les moyens de s'approprier leurs programmes et en garantissant la durabilité au-delà de la durée de vie des subventions du Fonds mondial.
Élaborer des plans de transition solides : Un plan de transition complet et bien défini est essentiel pour garantir que les progrès réalisés avec le soutien du Fonds mondial seront maintenus à long terme. Cela implique le renforcement des capacités, la mobilisation des ressources et des stratégies claires d'intégration des programmes dans les systèmes de santé nationaux existants.
S'adapter à des contextes complexes et difficiles : Le Fonds mondial doit élaborer des stratégies souples et adaptables pour relever les défis liés à son fonctionnement dans les zones de conflit et les environnements peu sûrs, en garantissant la sécurité de son personnel tout en fournissant efficacement des services de santé essentiels.
Améliorer la qualité des données et des rapports : Des systèmes plus solides de gestion des données et d'établissement de rapports sont essentiels pour un suivi et une évaluation précise des programmes. Cela permettra de prendre des décisions mieux fondées et d'améliorer l'obligation de rendre compte.
Conclusion
Le travail du Fonds mondial en Afrique a déjà fait une différence significative dans la lutte contre les principales maladies infectieuses, puisque l'Afrique supporte la majeure partie de la charge de morbidité (plus de 70 % pour le VIH, 24 % pour la tuberculose et plus de 94 % pour le paludisme) avec 73 % des investissements du Fonds mondial. Il est toutefois essentiel de relever les défis mis en évidence dans le rapport du BIG pour garantir la pérennité de ces progrès et créer un avenir plus sain et plus équitable pour tous les Africains. Une approche collaborative et proactive, donnant la priorité aux investissements dans des systèmes de santé résilients et favorisant des partenariats solides, est la clé pour débloquer des changements positifs durables à travers le continent.
