La variole du singe mettra-t-elle à l’épreuve la “préparation et la riposte aux pandémies” de la stratégie du Fonds mondial, dans un avenir proche ?
Author:
Samuel Muniu
Article Type:Article Number: 7
La variole du singe est plus fréquente chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, représentant actuellement une nouvelle menace pour la santé mondiale.
RÉSUMÉ Bien que la variole du singe existe depuis des décennies, ce n'est que récemment qu'elle a fait l'objet d'une attention mondiale. Cela s'explique par le fait que son épidémiologie change, dans la mesure où elle se propage des pays où elle est endémique vers des pays auparavant non endémiques, notamment les États-Unis et certains pays d'Europe. Elle évolue également de la transmission de l'animal à l'homme à la transmission de l'homme à l'homme et, fait inquiétant, elle semble être plus répandue chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes.
La variole du singe est la dernière maladie virale à apparaître comme une menace pour la santé mondiale. La conférence SIDA 2022 a été l’occasion de partager des informations sur cette maladie, notamment son épidémiologie, ses symptômes, la riposte sanitaire et le traitement. Dans le présent article, nous mettons en relief l’épidémiologie de la variole du singe dans les pays endémiques, sa résurgence et son épidémiologie actuelle en tant qu’épidémie mondiale, telles qu’elles ont été présentées à la conférence SIDA 2022 par les différents intervenants.
Épidémiologie de la variole du singe dans les pays endémiques
Dimie Ogoina, de l’Université du Delta du Niger au Nigéria, a présenté l’épidémiologie de la variole du singe dans les pays endémiques d’Afrique. Le premier cas humain de variole du singe a été signalé en République démocratique du Congo (RDC) en 1970. Il existe deux catégories distinctes de variole du singe: le clade d’Afrique de l’Ouest et le clade du bassin du Congo. Un clade est un groupe d’organismes qui ont évolué à partir d’un ancêtre commun. Le clade d’Afrique de l’Ouest peut être trouvé de l’ouest du Cameroun à la Sierra Leone et est responsable de la propagation mondiale actuelle de la variole du singe. Le clade du bassin du Congo est présent du centre et du sud du Cameroun jusqu’en RDC. Le clade d’Afrique de l’Ouest est moins sévère en termes de décès que celui du Bassin du Congo. Tous les cas détectés entre 1970 et 1989 se situaient le long de la forêt tropicale de l’Afrique de l’Ouest et centrale, dont 80 % en milieu rural chez des enfants de moins de 10 ans. La plupart des personnes infectées avaient été exposées à des animaux, mais il y a eu peu de transmissions interhumaines.
A partir de 2001, les chercheurs ont noté un changement dans l’épidémiologie de la variole du singe dans les pays endémiques. Une recrudescence des cas a été observée en Afrique de l’Ouest et centrale en 2001 et 2017, la RDC et le Nigéria étant respectivement les pays les plus touchés. La RDC a déclaré plus de 1 000 cas depuis 2001. En 2022, le pays a jusqu’à présent confirmé 162 cas, la majorité de ces cas étant attribuée à une exposition de l’animal à l’homme. La tranche d’âge des personnes infectées s’est déplacée des enfants de moins de 10 ans aux jeunes de 15 à 20 ans. Le Nigéria a enregistré 88 cas avec deux décès en 2018. Le nombre de cas détectés a diminué au cours des années suivantes pour atteindre seulement huit cas en 2020, mais cela peut être dû à une sous-notification en raison des défis liés à la surveillance et à la pandémie de COVID-19. Depuis lors, le nombre de cas de variole du singe notifiés est en augmentation, avec 101 cas au cours des six premiers mois de 2022 et trois décès. Plus inquiétant encore, la variole du singe s’est propagée en dehors de son cadre traditionnel des forêts tropicales vers d’autres territoires et au-delà, des zones rurales aux zones urbaines. Des cas de co-infection par le VIH ont également été signalés, bien que la source de l’infection soit inconnue. Les hommes âgés de 20 à 40 ans constituent le groupe le plus touché au Nigéria.
Plusieurs facteurs peuvent être responsables de la résurgence et de la propagation actuelle de la variole du singe au-delà des pays endémiques. Il s’agit notamment de:
- La baisse de l’immunité liée au vaccin contre la variole au sein de la population.
- L’augmentation des contacts entre l’homme et les animaux qui sont généralement les hôtes vivants du virus, en raison de l’intensification du commerce, de la déforestation, de l’élevage ou du changement climatique
- L’augmentation de la transmission interhumaine, peut-être en raison de l’augmentation des voyages internationaux ou de l’évolution du virus.
- Des progrès concernant les capacités de diagnostic et une sensibilisation accrue du public.
Ogoina a recommandé l’amélioration de la surveillance de la variole du singe dans les pays endémiques, car le nombre de cas est largement sous-estimé. Pour y parvenir, les gouvernements doivent améliorer leur capacité de diagnostic de la variole du singe et la répercuter au niveau infranational, car elle est actuellement centralisée, ce qui constitue une autre raison pour laquelle des cas peuvent être méconnus.
Epidémiologie de la flambée mondiale actuelle de variole du singe
Meg Doherty, Directrice du département des programmes mondiaux de lutte contre le VIH, l’hépatite et les infections sexuellement transmissibles à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a abordé la question de l’épidémie mondiale actuelle de variole du singe . Elle a expliqué que la variole du singe se propage actuellement en dehors des pays endémiques, des cas ayant été signalés en Europe et en Amérique. Depuis le début de l’année 2022, l’OMS a été notifiée de cas de variole du singe par 78 pays dans les six régions. Au total, 21 256 cas avaient été confirmés au 31 juillet 2022, dont huit décès. Même au moment où se tenait la conférence SIDA 2022, cinq autres décès dus à la variole du singe ont été signalés au Brésil, au Ghana, en Inde et en Espagne.
Les hommes, en particulier les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), sont les plus touchés. Les données disponibles au 19 juillet 2022 indiquent que sur les 10 098 cas confirmés, 98% étaient des hommes. Parmi les hommes infectés dont l’orientation sexuelle était connue, 98 %, soit 3 499, étaient des HSH. Selon les données disponibles sur la transmission, 2 580, soit 94 %, ont contracté la variole du singe par contact sexuel.
Selon Doherty, l’OMS n’a pas encore recommandé la vaccination de masse contre la variole du singe. Elle souhaite que les programmes de vaccination soient exécutés dans le cadre de recherches et d’essais menés de manière concertée en vue de contrôler l’efficacité du vaccin, ses effets secondaires et le dosage nécessaire. Pour l’instant, les priorités de l’OMS sont les suivantes:
- Protéger les communautés contre la propagation de la maladie
- Surveiller la situation épidémiologique et identifier les facteurs de risque
- Assurer la prise en charge des personnes infectées
- Garantir l’accès aux médicaments et leur distribution équitable aux populations touchées
- Promouvoir la coordination entre les Etats membres.
Conclusion
La résurgence de la variole du singe constitue actuellement une menace pour la santé mondiale. Son épidémiologie est en mutation, et le virus s’étend actuellement à de nouveaux territoires. Il est nécessaire de reconnaître ses facteurs de risque afin d’éclairer l’élaboration et le déploiement d’une riposte appropriée. Cela nécessitera des collaborations multipartites dans lesquelles les communautés et les gouvernements constituent un front commun pour répondre à cette pandémie émergente.
Quelles sont les implications pour le Fonds mondial? Si la situation s’aggrave et que les infections se multiplient, certains pays recevant des subventions du Fonds mondial pourraient commencer à demander un appui pour faire face à la menace. L’objectif “évolutif” du Fonds mondial, qui consiste à assurer la préparation et la riposte aux pandémies implique que l’organisation pourrait avoir à faire face à une nouvelle menace qui elle-même évolue rapidement.