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Nous ne nous inspirons pas des leçons tirées de la lutte contre le VIH pour combattre la pandémie de COVID-19.
OFM Edition 133

Nous ne nous inspirons pas des leçons tirées de la lutte contre le VIH pour combattre la pandémie de COVID-19.

Author:

Samuel Muniu

Article Type:
RETOUR DU TERRAIN

Article Number: 3

Et le Fonds d'intermédiation financière nouvellement créé semble faire double emploi avec le Fonds mondial.

RÉSUMÉ La conférence SIDA 2022 a mis en place une plateforme permettant aux participants de se rencontrer et de parler des leçons tirées de la riposte au VIH et de la manière dont elles ont été appliquées pour combattre la COVID-19 et se préparer aux futures pandémies. De nombreuses personnes présentes à la conférence ont estimé que le monde n'avait pas su transposer les acquis de la lutte contre le VIH dans la riposte mondiale à la COVID-19. En outre, certains ont estimé que le monde semble continuer à réinventer la roue en créant de nouvelles institutions pour la préparation aux pandémies plutôt que d'utiliser les mécanismes existants qui ont fait leurs preuves. 

Les interactions entre la riposte au VIH et la pandémie de COVID-19 ont constitué un thème de discussion majeur lors de la conférence SIDA 2022. En effet, il était important de savoir comment mettre à profit les leçons apprises dans la lutte contre le VIH et la pandémie de COVID-19 afin d’éclairer les efforts de restructuration du cadre mondial de la santé publique pour la préparation aux prochaines pandémies. De nombreux débats et présentations ont été consacrés à ces sujets tout au long des cinq jours de la conférence. L’observateur du Fonds mondial (OFM) était présent à la conférence, et nous mettons en exergue certaines de ces importantes discussions.

VIH, COVID-19 et systèmes de santé sont inextricablement liés

Les systèmes de santé qui soutiennent la fourniture de services liés au VIH sont les mêmes qui aident les pays à faire face à la COVID-19 ainsi qu’à d’autres menaces sanitaires. Et ce sont ces mêmes systèmes qui permettront de faire face aux nouvelles menaces émergentes, telles que la variole du singe  et aux futurs problèmes. C’est ce qu’a déclaré Angeli Achrekar, coordinatrice adjointe principale de la lutte contre le sida aux États-Unis, dans le cadre du plan d’urgence du président des États-Unis pour la lutte contre le sida (PEPFAR). Selon Angeli, l’un des éléments essentiels dans la riposte à la COVID-19 est l’état des systèmes déjà en place pour le VIH. Il s’agit notamment des ressources humaines telles que les agents de santé et les agents communautaires, de la surveillance, des laboratoires, des chaînes d’approvisionnement et des systèmes communautaires. Elle a réaffirmé que les systèmes de santé existants pour le VIH sont essentiels pour protéger les personnes vivant avec le VIH dans le cadre de la COVID-19, et ont contribué de manière significative à la lutte menée par les pays contre la pandémie.

Défaillance dans la valorisation des acquis en matière de plaidoyer et d’accès aux médicaments contre le VIH

Au niveau mondial, nous n’avons pas su transformer les succès de la riposte au VIH en solutions pour lutter contre la pandémie. Cela est particulièrement vrai pour les leçons tirées par les organisations communautaires et les militants de la société civile qui travaillent sur les questions d’accès aux traitements. Denise Byrnes, directrice générale d’Oxfam-Québec, a signalé aux participants aux tables rondes organisées par la AIDS Healthcare Foundation– lors de la conférence que le même schéma d’inégalité observé au début de la pandémie de sida s’est reproduit. Elle a dressé un tableau préoccupant de scientifiques développant des traitements, souvent avec des fonds publics, qui n’ont jamais atteint le public. Malheureusement, les traitements qui permettent de sauver des vies sont souvent le monopole des sociétés pharmaceutiques, le profit étant le critère essentiel. Ils deviennent alors inaccessibles pour la plupart des personnes qui en ont besoin. Une exception à cette règle est le vaccin Oxford-AstraZeneca qui a été mis à la disposition des pays en développement moyennant des frais.

Il s’agit d’une répétition de ce qui s’est passé dans les années 1990, lorsque le traitement du VIH a été rendu disponible pour la première fois, mais qu’il était encore trop onéreux pour l’Afrique et, en fait, pour la plupart des pays en développement. En conséquence, les décès liés au sida ont continué à augmenter. Cette situation était en partie due au fait que le prix des traitements anti-VIH était totalement hors de portée non seulement des Africains, mais également de leurs gouvernements, en raison des cartels pharmaceutiques. Byrnes a salué les mouvements au niveau communautaire, qui se sont ensuite transformés en mouvements internationaux soutenus par des médecins, des militants et des hommes politiques, dont Nelson Mandela, pour une action de plaidoyer en faveur d’un meilleur accès aux médicaments contre le VIH. Ces efforts de plaidoyer ont abouti au renforcement de la capacité des pays à produire des versions génériques moins chères des médicaments. Cette évolution a permis de faire baisser considérablement les prix et ainsi, les patients bénéficient aujourd’hui d’un bien meilleur accès aux traitements et aux médicaments contre le VIH.

Byrnes a fait remarquer que ” nous disposions d’une opportunité de capitaliser les succès des mouvements de lutte contre le VIH et le SIDA, mais à ce jour, nous n’avons pas fait mieux.” Malheureusement, le monde est confronté à un système inégalitaire où les industries pharmaceutiques détiennent tout le pouvoir, même lorsque la vie des gens est en jeu. Elle a souligné que les industries pharmaceutiques se sont enrichies pendant la pandémie de COVID-19 parce qu’elles privilégient le profit au détriment de la santé des populations. Les pays riches qui accumulent les vaccins contre la COVID-19 ont exacerbé la situation. Elle a ajouté que “nous [le Canada] disposions de beaucoup plus de vaccins que nécessaire. Nous avons assez de vaccins pour vacciner chaque Canadien cinq fois et la situation est similaire dans d’autres pays. Ainsi, ce que nous constatons, c’est la manifestation des inégalités”. Byrnes s’est montrée optimiste en affirmant que le changement est possible lorsque les gens s’expriment et s’unissent, et que les composantes du système de santé travaillent en synergie les unes avec les autres, et avec les personnes qui les utilisent. La conférence SIDA 2022 a été l’un des moments où l’ensemble du système s’est réuni pour parler des leçons apprises de la pandémie et de la voie à suivre.

Le nouveau Fonds d’intermédiation financière semble reproduire des mécanismes déjà existants

La préparation et la riposte aux pandémies (PPR) constituent actuellement un sujet de préoccupation majeur au niveau mondial. En effet, elle revêt une telle importance au niveau international que le Fonds mondial, dans sa nouvelle  Stratégie 2023-2028  s’est fixé un objectif évolutif en matière de PPR. Il n’est donc pas surprenant qu’une nouvelle approche mondiale de la prévention des pandémies ait constitué un sujet brûlant lors de la conférence SIDA 2022.

De nombreuses conversations ont porté sur le Fonds d’Intermédiation Financière (FIF).  Nous avons fourni de plus amples informations sur le FIF dans notre article de l’OFM No 132 sur la nouvelle intermédiation financière: un nouveau modèle qui fait double emploi avec le Fonds mondial. Les panélistes de la conférence ont partagé le point de vue commun selon lequel la création du FIF faisait double emploi avec des mécanismes existants et efficaces. Par exemple, il existe des domaines clairs de chevauchement avec le travail du Fonds mondial.

Le Fonds mondial et le nouveau fonds d’intermédiation ont été créés de manière similaire. Depuis sa création, le Fonds mondial a pu bénéficier de plus de vingt ans pour acquérir l’expérience nécessaire dans le domaine de l’allocation efficace et effective des ressources aux pays en développement, en utilisant un modèle de partenariat transparent et efficace. Cela a pris du temps, et nécessité des essais ainsi que des erreurs sur une période assez longue.

Les panélistes ont également décrit la spécificité du Fonds mondial en tant que partenariat qui non seulement écoute les bailleurs de fonds, mais fournit tous les efforts nécessaires pour accorder une attention égale aux intérêts des responsables de mise en œuvre de ses subventions, y compris la société civile et les communautés. En outre, l’organisation reçoit un soutien bipartite du gouvernement américain, ce qui est presque inédit, car peu d’autres organisations reçoivent ce type de soutien direct des États-Unis. Certains panélistes ont également décrit le Fonds mondial comme une organisation unique en son genre, qui bénéficie d’un important plaidoyer de la part de la société civile et des communautés pour soutenir ses campagnes de reconstitution des ressources, un type et un niveau de plaidoyer jamais observé par le passé lors de la collecte de fonds pour d’autres organisations internationales.

Plusieurs participants à la conférence considèrent le FIF nouvellement créé comme un modèle démodé d’aide aux pays en développement utilisant une approche descendante. La majorité des panélistes pensent que le modèle du FIF est centré sur les bailleurs de fonds, avec une faible contribution de la société civile et des communautés. L’idée selon laquelle le FIF est susceptible d’utiliser les systèmes des Nations unies et les gouvernements nationaux comme agents de mise en œuvre, ignorant ainsi le travail déjà effectué par la société civile et les communautés, a inquiété de nombreux participants. Ainsi, le FIF ne dispose pas des nombreux atouts du Fonds mondial et présente une approche paternaliste et colonialiste (pour en savoir plus, voir notre article sur le Racisme dans le secteur de l’aide dans l’OFM #132).

Par conséquent, les panélistes ont estimé que le FIF devrait être adapté à un nouveau mode opérationnel digne du 21e siècle ou être dissous et ses ressources financières transférées au Fonds mondial. Car, malheureusement, la collecte de fonds pour soutenir le travail du FIF signifie potentiellement moins de ressources disponibles pour la reconstitution des ressources du Fonds mondial cette année, et ce d’autant plus que l’on assiste à une récession économique mondiale et à une pression croissante sur les budgets d’aide au développement des pays du Nord.

Cependant, les panélistes ont également souligné que, bien que le Fonds mondial puisse constituer le mécanisme de choix pour la PPR, son conseil d’administration n’a toujours pas approuvé l’élargissement de son mandat au-delà de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (et l’extension pour inclure les systèmes de santé, dans une certaine mesure). Ainsi, le mandat du Fonds mondial n’est plus clair mais est devenu confus. Si le Fonds mondial a réussi à mobiliser des milliards de dollars pour lutter contre la COVID-19 et soutenir les systèmes et programmes de santé clés, il n’était cependant pas préparé à la PPR et y est parvenu “au pied levé”, en apprenant sur le tas. Le fait qu’il ait pu le faire et qu’il ait clairement tiré des leçons de cette expérience, comme le montrent les différences entre les programmes 2020 et 2021 du mécanisme de riposte à la COVID-19 (C19RM), est tout à son honneur.

Certains panélistes avaient le sentiment que la Banque mondiale essayait de faire quelque chose que personne d’autre ne fait. D’autres ont félicité le PEPFAR pour avoir permis que sa plateforme de financement soit utilisée pour faire face à la dernière épidémie,  la variole du singe, même s’ils ont également estimé qu’il restait encore beaucoup à faire. D’autres panélistes ont déclaré que d’autres organisations, comme le Fonds mondial, devraient imiter le PEPFAR et autoriser l’utilisation de leurs mécanismes de financement pour lutter contre la variole du singe.

Conclusion

De nombreux enseignements tirés de la lutte contre le VIH pourraient être appliqués à la préparation aux futures pandémies. Toutefois, l’incapacité à transposer les leçons apprises dans la lutte contre le VIH en une riposte significative à la pandémie de COVID-19 indique que nous n’exploitons pas ces leçons de la manière la plus efficace. Nous devons nous inspirer de l’expérience acquise et renforcer les institutions existantes qui sont mieux outillées si nous voulons assurer une meilleure préparation du monde aux futures pandémies.

 

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