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Il est temps pour l’Afrique de financer sa propre santé
OFM Edition 154

Il est temps pour l’Afrique de financer sa propre santé

Author:

Amida Kariburyo

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 3

Lors du sommet de l'Union africaine à Nairobi le 12 juillet 2023, les parlementaires africain(e)s ont lancé le premier groupe de travail sur la mobilisation des ressources nationales pour la santé en Afrique. Cet événement a débouché sur un florilège d’intention et d’engagements pour renforcer le financement des soins de santé en Afrique. Cet article est un compte-rendu de la Déclaration qui en est ressortie.

Contexte

Le financement du système de santé en Afrique reste un problème majeur. La Déclaration d’Abuja (2001), dans laquelle les gouvernements se sont engagés à consacrer 15 % de leur budget national à la santé, a fixé des objectifs que la majorité des pays africains n’ont pas encore atteints. Bien que plusieurs pays africains aient légèrement augmenté leurs dépenses en santé, moins d’un pays sur cinq a atteint cet objectif.

 

La nécessité et l’urgence d’accroître le financement du système de santé en Afrique ont également été soulignées dans la Déclaration ALM au cours de la réunion des dirigeants africains (ALM) en février 2019.

 

Cette déclaration ALM invitait les dirigeants africains à augmenter les budgets nationaux de santé et à restructurer les systèmes de santé africains. Mieux encore, elle exigeait que les ressources nationales soient mobilisées pour la santé, que les inefficacités budgétaires actuelles soient corrigées et que des systèmes plus efficaces soient financés. Elle encourageait le secteur des affaires à saisir des opportunités d’investissement dans le secteur de la santé et plaidait enfin pour une meilleure coopération entre les différents secteurs.

 

Selon un récent rapport du PNUD intitulé « Les défis de la santé en Afrique : quel rôle pour le numérique ? », 36 sur 57 nations africaines souffrent d’une grave pénurie de personnel de santé. Tandis que les pays à revenu élevé dépensent plus de 4 000 dollars par personne pour les soins de santé, les pays africains dépensent entre 8 et 129 dollars par personne. Ce sous-financement a nécessairement un impact significatif sur les systèmes de santé en Afrique, en général et en Afrique de l’Ouest et du Centre comme en témoigne le tableau ci-dessous.

Jusqu’ici, les États membres de l’Union africaine ont adopté un cadre pour le droit à la santé qui comporte entre autres l’agenda 2063 et les Objectifs de développement durable (ODD). Mais malgré ces engagements, les systèmes de santé restent faibles, et ce, en raison de l’insuffisance des investissements et de la dépendance non durable à l’égard de l’aide extérieure.

 

Et pourtant, rappelons-le, investir dans la santé, améliore le capital humain, stimule l’économie et réduit les inégalités. Les programmes de santé communautaire sont cruciaux. Ils réduisent les disparités en garantissant précisément l’accès aux services essentiels pour les populations vulnérables.

 

C’est dans ce contexte que lors du sommet de l’Union africaine qui s’est tenu à Nairobi le 12 juillet pour réfléchir et discuter du financement de la santé en Afrique, a été lancé le premier Groupe de travail pour la mobilisation accrue des ressources nationales au profit de la santé en Afrique. Coprésidé par l’Honorable Daniel Molokele du Zimbabwe et l’Honorable Dr Rabi Maitournam du Niger et soutenu par le GFAN Afrique, ce groupe de travail est porté par des parlementaires de dix pays africains, à savoir les parlementaires du Cameroun, de la Côte d’Ivoire, de la RDC, du Ghana, du Kenya, du Niger, du Rwanda, du Sénégal, de la Zambie et du Zimbabwe.

 

Mus sans doute par la nécessité et l’urgence de formaliser une véritable collaboration entre les parlementaires et la société civile, ces parlementaires ont proposé une boite à outils pour un plaidoyer efficace articulée autour d’une plateforme d’échange d’informations, de partage des meilleures pratiques et de renforcement des synergies politiques.

 

Plus singulièrement, le lancement de ce groupe de travail a conduit à un vibrant appel aux dirigeants africains, aux partenaires et aux autres parties prenantes pour qu’ils s’engagent davantage en faveur de la mobilisation des ressources domestiques, adéquates et durables pour la santé sur le continent. Voici ci-dessous les principaux engagements et recommandations contenus dans la Déclaration ayant sanctionné la rencontre de Nairobi.

 

Engagements

Les pays se sont engagés à défendre :

  • La mobilisation des ressources nationales pour la santé, y compris le passage de l’engagement à l’action, le cofinancement des programmes du Fonds mondial et d’autres partenaires de développement pour le VIH, la tuberculose et le paludisme, afin de mettre en place des systèmes de santé équitables et résistants, axés sur une approche centrée sur les personnes et des services de santé intégrés (traitant le VIH, la tuberculose et le paludisme ainsi que d’autres problèmes de santé en fonction des besoins des personnes et de la charge de morbidité) ;
  • Renforcement du système de santé communautaire, notamment en garantissant un statut reconnu pour les agents de santé communautaire, en finançant la stratégie de santé communautaire, en soutenant les réponses menées par les communautés et en intégrant les considérations relatives à la communauté, aux droits et au genre dans les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ;
  • Intégrer la couverture sanitaire universelle en tant qu’objectif dans les cadres nationaux de politique de santé, en la reliant stratégiquement à des priorités interministérielles plus larges telles que la préparation aux situations d’urgence, la stabilité sociale, le climat, l’économie et les finances ;
  • Combler les lacunes financières et de mise en œuvre concernant le VIH, la tuberculose, le paludisme, le renforcement des systèmes de santé, la préparation et la réponse à la prévention des pandémies et les systèmes de santé communautaire dans les plans stratégiques nationaux des pays ;
  • Créer un espace d’échange et de partage des bonnes pratiques entre les parlementaires des différentes régions d’Afrique ;
  • Créer des synergies avec la société civile sur la mobilisation des ressources nationales pour la santé en Afrique.

 

Recommandations

À l’issue du sommet, un certain nombre de recommandations à prendre en compte ont également été proposées, à savoir :

  • Que les gouvernements africains, dans le cadre d’une approche multisectorielle, travaillent de concert avec les parlementaires, la société civile et le secteur privé pour mettre en œuvre des stratégies durables de mobilisation des ressources nationales et d’augmentation significative des budgets de santé, étant donné qu’une nation en bonne santé est indispensable à la transformation socio-économique de l’Afrique, comme le prévoit l’Agenda 2063.
  • Les gouvernements africains, dans le but d’atteindre la couverture sanitaire universelle d’ici 2030, accélèrent l’institutionnalisation des agents de santé communautaire pour assurer la pérennité de leurs actions. Il s’agit de formaliser leur intégration dans les systèmes de santé, de professionnaliser leur formation et de mobiliser les ressources nécessaires à leur rémunération.

 

Commentaire général : S’il y a lieu de saluer cette déclaration, la suite que réservent habituellement les États africains à ce type d’engagement invite cependant à un optimisme extrêmement modéré. En fait, comme le souligne Christian Djoko, d’un côté, les États africains acceptent volontiers de signer de beaux textes juridiques plus ou moins contraignants, mais se montrent très réticents quand vient le temps de prendre des mesures précises en vue de leur mise en œuvre effective. Cela dit, comme la sagesse populaire le recommande : « donnons la chance au coureur. Jugeons le maçon au pied du mur ». Les enjeux et défis sont trop importants pour souscrire à la résignation ou céder le flanc au défaitisme.

—-

 

Le lien vers la Déclaration : https://impactsante.org/wp-content/uploads/2023/07/DECLARATION_MP_Nairobi_FR.pdf

Référence bibliographique : Christian Djoko, État de droit et droits de la personne en Afrique centrale : le cas du Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 94

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