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Une enquête du BIG sur une étude biocomportementale clé sur le VIH en Guinée met à jour des données et des coûts falsifiés
OFM Edition 78

Une enquête du BIG sur une étude biocomportementale clé sur le VIH en Guinée met à jour des données et des coûts falsifiés

Author:

Adèle Sulcas

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 3

De graves problèmes de qualité et d’intégrité des données ont également été mis en lumière – les taux déclarés de prévalence du VIH s’avèrent plus bas que les taux réels

RÉSUMÉ Une ONG guinéenne recrutée par un récipiendaire principal de la subvention VIH du Fonds mondial s’est avérée avoir falsifié des faits sur les participants à une étude et leurs réponses, ainsi que des données sur des prélèvements sanguins et sur la prévalence du VIH. Les répercussions sont considérables – l’étude qui a été falsifiée (étude biocomportementale intégrée pour 2015) est d’un type fréquemment utilisé dans l’ensemble du portefeuille du Fonds mondial pour éclairer la conception et la mise en œuvre de programmes efficaces de lutte contre le VIH, et en mesurer les résultats. Le rapport du Bureau de l’Inspecteur général affirme que la falsification des données a dénaturé les avancées du programme financé par la subvention. Le Bureau propose que le Secrétariat cherche à recouvrer 114 366 dollars de dépenses non conformes, soit la valeur totale du contrat passé avec l’ONG SIDALERTE.

Dans une enquête sur une subvention de lutte contre le VIH accordée par le Fonds mondial à la Guinée, le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) a constaté qu’en 2015, une ONG locale appelée SIDALERTE a falsifié les données et les coûts d’une enquête, dénaturant ainsi les avancées du programme.

Le rapport d’enquête du Bureau de l’Inspecteur général a été publié le 30 octobre 2018.

La valeur totale du contrat passé avec SIDALERTE (114 366 dollars) est le montant que le BIG propose que le Fonds mondial recouvre au titre de dépenses non conformes – mais les répercussions de la falsification des données vont au-delà des coûts financiers.

SIDALERTE a été chargé en 2015 par le Comité national de lutte contre le sida de Guinée, le récipiendaire principal d’une subvention de lutte contre le VIH qui a pris fin en juin 2018, de réaliser une étude biocomportementale intégrée. Cette étude avait pour objet de mettre à jour les indicateurs fondamentaux sur le comportement et la prévalence en matière de VIH parmi les groupes de population à risque, et de fournir les données nécessaires aux fins de l’évaluation à mi-parcours du cadre stratégique national de lutte contre le sida 2013/2017 de la Guinée.

L’enquête a révélé qu’environ un quart (2 306 des 9 740 participants, soit 23,7 pour cent) étaient fictifs, et avaient été créés pour couvrir des lacunes de certaines régions en termes de nombre de participants à l’étude et de tests de dépistage du VIH qui étaient inférieurs aux cibles. (L’équipe de suivi technique a cité la crise de l’Ébola sévissant à l’époque comme ayant entravé les taux de participation à l’étude.) L’enquête biocomportementale 2015 visait des personnes issues de huit groupes à risque : les jeunes, les mineurs, les hommes en uniforme, les professionnelles du sexe, les détenus, les pêcheurs, les routiers et les patients atteints de tuberculose. Les duplications étaient les plus nombreuses dans les groupes des mineurs et des jeunes – 48 pour cent et 38 pour cent respectivement.

Les données falsifiées ont été créées par duplication des caractéristiques démographiques et des réponses à l’enquête de 1 176 autres sondés (réels), et par exagération de plus de 50 pour cent du nombre de prélèvements sanguins.

Les dépenses non conformes s’élèvent à 114 366 dollars, ce qui représente le montant intégral du contrat de SIDALERTE. Le Bureau de l’Inspecteur général propose que le Secrétariat cherche à recouvrer l’entièreté de ce montant.

Une conclusion importante, bien que moins tangible, du Bureau de l’Inspecteur général signalée dans la première ligne du résumé du rapport est le fait que l’enquête a également révélé des problèmes substantiels de qualité des données. Ainsi, pour 83 % des questionnaires analysés, le Bureau n’a pas pu corréler les réponses inscrites sur les questionnaires imprimés avec les réponses des participants entrées dans la base de données. Les taux indiqués de prévalence du VIH ne reflètent pas les résultats enregistrés par les laborantins chargés d’analyser les prélèvements, et il n’a pas été possible de les rapprocher. De plus, l’exactitude des résultats des tests de dépistage rapide du VIH n’a pas été validée par une entité indépendante, comme cela était prévu dans le budget et le plan de travail.

Genèse de l’enquête du Bureau de l’Inspecteur général

Les irrégularités ont commencé en mai 2015, mais le Bureau de l’Inspecteur général n’en a eu vent qu’en février 2017, lorsque le Secrétariat lui a signalé une fraude possible de SIDALERTE, qui avait déposé une demande de remboursement de certains postes budgétaires liés à l’enquête biocomportementale 2015 en Guinée. Le Bureau a mené deux missions en Guinée dans le courant de l’année 2017 et a collecté des exemplaires de la base de données sur les participants à l’enquête biocomportementale 2015 et leurs réponses, et a également recueilli de nombreux questionnaires imprimés remplis par les équipes de terrain, les registres de tests de dépistage du VIH renseignés par les laborantins, et des registres financiers et documents connexes.

 

Principales constatations

Le Bureau de l’Inspecteur général identifie cinq conclusions principales de cette enquête. Les voici en bref :

  1. Un quart des participants à l’enquête sont fictifs et reprennent à l’identique les données démographiques et les réponses d’autres sondés. Le nombre total de participants s’élevait à 9 740 ;
  2. Les données démographiques et les réponses des participants à l’enquête entrées dans la base de données n’ont pas pu être rapprochées avec les questionnaires imprimés ;
  3. SIDALERTE a exagéré le nombre de prélèvements sanguins analysés de plus de 50 pour cent et a falsifié les taux de prévalence du VIH (les taux de prévalence du VIH publiés ne sont appuyés par aucune preuve d’analyse au niveau des laboratoires) ; les taux de prévalence du VIH enregistrés par les laborantins sont supérieurs aux taux publiés pour sept des huit groupes cibles, et plus de deux fois supérieurs dans quatre groupes. De plus, les analyses indépendantes inscrites au budget à des fins d’assurance qualité n’ont pas été réalisées ;
  4. SIDALERTE a présenté des documents falsifiés aux montants exagérés pour justifier des dépenses engagées dans le cadre de l’enquête (les actions convenues de la direction 1 et 2 sont liées à cette constatation) ;
  5. Le récipiendaire principal n’a pas dûment supervisé les travaux de l’enquête (les actions convenues de la direction 3, 4 et 5 sont liées à cette constatation).

 

Types d’actes répréhensibles et actions convenues de la direction

Le rapport identifie la « fraude » comme le seul type d’acte répréhensible identifié dans le cadre de cette enquête.

À la lumière des conclusions du rapport, le Secrétariat se chargera de cinq actions convenues de la direction, résumées ci-dessous. (Pour un tableau détaillant les actions convenues de la direction, voir la page 19 du rapport du Bureau de l’Inspecteur général.)

Action convenue de la direction Date cible
  1. Recouvrement du montant intégral du contrat de SIDALERTE, soit 114 366 dollars (le montant entier du contrat est considéré non conforme).
30 Septembre 2019
  1. Des sanctions sont envisagées à l’encontre de SIDALERTE ; lui et ses récipiendaires principaux sont interdits de participer à l’avenir aux programmes financés par le Fonds mondial en qualité de fournisseurs.
31 mars 2019
  1. Conjointement avec l’instance de coordination nationale de la Guinée, le Secrétariat informe les partenaires nationaux des conclusions de l’enquête et invalide les résultats du rapport de l’enquête 2015.
30 Novembre 2018
  1. Le Secrétariat fait appel à un prestataire de services approprié pour examiner l’enquête biocomportementale intégrée 2017 récemment réalisée en Guinée par une ONG internationale aux fins d’obtenir une garantie raisonnable sur l’intégrité et l’exactitude de l’enquête.
31 mars 2019
  1. Le Secrétariat établit des directives opérationnelles fondées détaillant la politique et les orientations applicables aux enquêtes biocomportementales intégrées et similaires, afin d’en garantir l’exactitude et d’atténuer les risques potentiels.
31 mars 2019

 

(Voir le tableau des actions convenues de la direction à la page 19 du rapport du Bureau de l’Inspecteur général.)

Contexte national

Le Fonds mondial a signé plus de 330 millions de dollars de subventions à la Guinée, et a décaissé 214 millions de dollars depuis 2003. Trois subventions sont actuellement actives dans le pays (voir le tableau ci-dessous), d’un budget total de 199,4 millions de dollars. Deux de ces subventions, une liée au VIH et une subvention tuberculose/VIH, ont été signées en 2018.

L’enquête biocomportementale intégrée 2015 qui fait l’objet de cette enquête du Bureau de l’Inspecteur général a été financée avec les crédits d’une subvention active depuis 2012 et arrivée à terme en juin 2018 (GIN-H-CNLS).

La Guinée est un pays « essentiel » selon la classification du Fonds mondial ; elle est également considérée comme un contexte d’intervention difficile, et à ce titre est visée par la politique de sauvegarde supplémentaire. Comptant 12,6 millions d’habitants, dont 55 pour cent vivent en dessous du seuil de pauvreté, la Guinée se place au 183e rang sur 188 pays selon l’indice de développement humain du PNUD.

 

Tableau 1 : Subventions actives du Fonds mondial à la Guinée en 2018

Récipiendaire principal Composante Subvention Montant signé (en USD)
Ministère de la Santé publique VIH GIN-H-MOH 33 573 749
Plan International TB/VIH GIN-C-PLAN 14 550 605
Catholic Relief Services Paludisme GIN-M-CRS 151 257 623
Total 199 381 977

 

Faiblesses identifiées précédemment

Le Bureau de l’Inspecteur général a déjà publié un rapport d’enquête sur la Guinée en mars 2015. Cette enquête avait révélé des « détournements et des fraudes graves » visant 22 des 26 sous-sous-récipiendaires investis dans les programmes du Fonds mondial liés au VIH dans le pays entre 2008 et 2010. Au total, l’enquête avait relevé 416 813 dollars de dépenses non conformes, détournées ou non justifiées.

Le Secrétariat a cessé de faire appel aux sous-sous-récipiendaires incriminés en 2010. En 2012, il a invoqué la politique de sauvegarde supplémentaire et en 2014, il a confié le poste de récipiendaire principal précédemment occupé par le ministère de la Santé au Comité national de lutte contre le sida.

En 2017, le Bureau de l’Inspecteur général a réalisé un audit des subventions de la Guinée. Le rapport relatif à cette enquête a été publié le 25 août 2017.

Réaction du Fonds mondial

Invité à commenter le rapport d’enquête du Bureau de l’Inspecteur général sur le problème de falsification des données liées au VIH, Seth Faison, Directeur de la communication du Fonds mondial, a répondu comme suit à Aidspan dans un courrier électronique : « Nous prenons cette situation très au sérieux. Le Fonds mondial est de plus en plus sensible à l’importance de l’intégrité et de la qualité des données, composantes essentielles de l’efficacité des travaux dans le domaine de la santé mondiale. Nous renforçons activement nos travaux en matière de données, et resterons à l’affût de tout obstacle. »

 

Le rapport complet de l’enquête du Bureau de l’Inspecteur général sur la falsification de données dans le cadre de la subvention de lutte contre le VIH de la Guinée soutenue par le Fonds mondial est accessible sur le site Web du Fonds mondial, de même que le rapport de l’enquête de mars 2015 et le rapport de l’enquête de 2017 du Bureau de l’Inspecteur général.

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