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Révéler l’exploitation et les abus sexuels: Analyse comparative des programmes de santé en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe
OFM Edition 151

Révéler l’exploitation et les abus sexuels: Analyse comparative des programmes de santé en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe

Author:

Samuel Muniu

Article Type:
NOUVELLES ET ANALYSE

Article Number: 3

Défaillances dans le signalement et la réponse concernant les cas d'exploitation et d’abus sexuels dans les programmes bénéficiant des subventions du Fonds mondial

De récents rapports d'enquête du Bureau de l'Inspecteur Général du Fonds mondial ont révélé des cas d'exploitation et d'abus sexuels dans le cadre de programmes bénéficiant des subventions du Fonds mondial en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwé. Ces incidents impliquaient des individus en position de pouvoir qui ciblaient des bénéficiaires vulnérables. Les enquêtes ont mis en évidence le retard dans le signalement de ces allégations au Fonds mondial et l'insuffisance du soutien apporté aux victimes, soulignant ainsi la nécessité de mettre en œuvre des réformes urgentes en vue de renforcer la redevabilité et la protection des personnes dans le secteur de la santé au niveau mondial.

Des rapports d’enquête du Bureau de l’Inspecteur général (BIG) du Fonds mondial publiés le 19 mai 2023 ont révélé des cas d’exploitation et d’abus sexuels dans le cadre de programmes subventionnés par le Fonds mondial en Afrique de Sud, en Ouganda,  et au Zimbabwe. Ces rapports mettent l’accent sur l’exploitation de personnes vulnérables par le biais de pratiques coercitives. Les enquêtes ont également révélé un retard important dans la notification des allégations au Fonds mondial, ainsi que l’absence d’une réponse et d’un soutien appropriés aux victimes. En conséquence, des réformes globales et immédiates sont nécessaires en vue de renforcer la redevabilité et la protection des personnes dans le secteur de la santé au niveau mondial.

 

Le Fonds mondial adopte une approche centrée sur les victimes et les survivants, avec une tolérance zéro pour l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels, conformément au principe “ne pas nuire”. Ce principe met l’accent sur l’obligation pour les professionnels de santé de prioriser le bien-être et la sécurité des patients, en évitant les actions susceptibles de leur causer du tort ou d’aggraver leur état de santé. Le Fonds mondial met l’accent sur une stratégie globale comprenant des mesures de prévention et d’intervention pour assurer la protection des personnes contre l’exploitation, les abus et le harcèlement sexuels. L’organisation dispose d’un Code de conduite pour les bénéficiaires des ressources du Fonds mondial  qui interdit de manière explicite toute forme d’exploitation, d’abus et de harcèlement sexuels. Le code définit l’exploitation sexuelle comme l’utilisation abusive du pouvoir, de la vulnérabilité ou de la confiance à des fins sexuelles, tandis que l’abus sexuel fait référence à une intrusion physique réelle ou à une menace de nature sexuelle, impliquant souvent une coercition ou des conditions inégales. Le harcèlement sexuel est décrit comme un comportement importun de nature sexuelle dont on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il soit source d’offense ou d’humiliation.

 

Des faits similaires observés dans les trois enquêtes sur l’exploitation et les abus sexuels

Des cas d’exploitation et d’abus sexuels profondément troublants

Les enquêtes menées en Afrique du Sud, en Ouganda et au Zimbabwe, ont confirmé des cas bouleversants d’exploitation et d’abus sexuels perpétrés par des personnes en position de pouvoir à l’encontre de bénéficiaires vulnérables.

 

En Afrique du Sud, un cadre d’un programme en direction des travailleurs du sexe a utilisé la coercition pour inciter les membres du personnel et les bénéficiaires à se livrer à des actes sexuels. Il a abusé de son autorité pour forcer les victimes à se livrer à des actes sexuels en les menaçant de leur infliger des dommages physiques. Il a également exploité la vulnérabilité des pairs éducateurs et des bénéficiaires en leur offrant des incitations financières, des opportunités d’emploi ou des avantages liés au programme en échange de relations sexuelles. En outre, il a violé la vie privée et la sécurité des bénéficiaires en révélant publiquement leur implication dans le travail du sexe sans leur consentement, avec pour conséquence leur stigmatisation et la mise en péril de leur réputation et de leur bien-être.

 

En Ouganda, un employé d’une organisation sous-récipiendaire d’une subvention du Fonds mondial a exploité des bénéficiaires du programme destiné aux adolescentes et aux jeunes femmes, menaçant leur bien-être et leur santé mentale. L’employé, profitant de sa position, a exploité sexuellement et abusé d’au moins trois bénéficiaires vulnérables entre 2019 et 2020.

 

Il a eu des rapports sexuels avec ces bénéficiaires, les a entraînées dans des aventures de nuit et accordé un traitement préférentiel à celles qui se pliaient à ses exigences. L’enquête a révélé que certaines bénéficiaires n’ont pas reçu le matériel promis, probablement parce qu’elles ont refusé les avances de l’employé. Certaines bénéficiaires ont déclaré que l’employé faisait preuve de favoritisme, accordant des activités spécifiques et des avantages financiers tels que des indemnités journalières et de la nourriture à ses favorites.

 

Au Zimbabwe, un membre du personnel d’un hôpital public a exploité une patiente vulnérable en profitant de sa situation de détresse. La victime a déclaré que le membre du personnel lui avait fait des avances alors qu’il exerçait ses fonctions à l’hôpital. Le BIG a également été informé que les bénéficiaires qui dépendaient de leur famille pour leur alimentation et leur ravitaillement pendant leur séjour à l’hôpital étaient parfois abusées par le membre du personnel qui leur offrait de la nourriture en échange de faveurs sexuelles. Ces cas révèlent des failles systémiques et un déclin des normes morales au sein des programmes de santé.

 

Retard dans le signalement des allégations d’exploitation et d’abus sexuels

Les trois enquêtes ont révélé une tendance troublante à ne pas signaler immédiatement les allégations au Fonds mondial, en violation du code de conduite du Fonds à l’intention des bénéficiaires. Cette situation témoigne du manque de transparence et de redevabilité au sein des programmes. En Ouganda, le sous-récipiendaire, Programme for Accessible Health Communication and Education (PACE), et le principal récipiendaire, AIDS Support Organization (TASO), n’ont pas signalé au Fonds mondial les cas de coercition, ce qui révèle une culture de dissimulation et de négligence.

 

L’Afrique du Sud a été le théâtre d’un scénario similaire, le National AIDS Council of South Africa (NACOSA) et le sous-récipiendaire concerné n’ayant pas traité ou signalé les cas d’inconduite sexuelle. Au Zimbabwe, le défaut de signalement a également été constaté, les administrateurs de l’hôpital n’ayant pas informé le ministère de la Santé et de la Protection de l’enfance (MOHCC), un sous-récipiendaire de la subvention VIH, ni le principal récipiendaire, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Ces manquements ont non seulement violé le code de conduite du Fonds mondial, mais également porté atteinte à la crédibilité et à l’efficacité des programmes eux-mêmes.

 

Manque d’assistance et de soutien adéquats pour les victimes d’exploitation et d’abus sexuels

Les enquêtes ont révélé un problème commun et préoccupant: l’insuffisance de la réponse et du soutien apportés aux victimes d’exploitation et d’abus sexuels. En Ouganda, l’enquête initiale menée par Population Services International (PSI) n’a pas apporté le soutien nécessaire aux victimes, ce qui souligne la nécessité de mettre en place des mécanismes solides d’aide aux victimes. De même, en Afrique du Sud, les victimes n’ont pas bénéficié d’une réponse et d’un soutien efficaces, reflétant ainsi l’absence de mesures en faveur des victimes au sein des programmes. Au Zimbabwe, la victime a dû se débrouiller seule dans les procédures judiciaires, malgré le courage dont elle a fait preuve en dénonçant les faits. Ce manque de soutien témoigne d’une négligence et d’une insensibilité à l’égard du bien-être et des droits de la victime. Les rapports font ressortir la nécessité urgente de prioriser l’assistance aux victimes, le soutien et la justice dans ces programmes.

 

Conclusion et recommandations

Les conclusions des trois enquêtes appellent à un renforcement des mesures de sauvegarde, des mécanismes de signalement et des systèmes d’aide aux victimes. Les rapports indiquent qu’il est nécessaire de renforcer les mesures de prévention et de lutte contre l’exploitation et les abus sexuels. Ils révèlent également un manque de redevabilité de la part des personnes et des organisations impliquées. L’engagement du Fonds mondial vis-à-vis de son Cadre opérationnel pour la protection contre l’exploitation et les abus sexuels, le harcèlement sexuel et les abus de pouvoir qui en découlent constitue une avancée importante, mais il est essentiel de le mettre efficacement en œuvre et de l’étendre à toutes les étapes du cycle de vie des subventions. Des mesures punitives plus sévères pour les auteurs de tels actes et un soutien renforcé pour les personnes affectées sont nécessaires pour veiller à ce que les personnes incriminées rendent compte de leurs actes.

 

Les rapports mettent en évidence une préoccupation importante concernant la communication tardive des allégations et des conclusions des enquêtes au Fonds mondial, mettant ainsi en lumière l’importance des rapports immédiats pour remédier aux comportements répréhensibles, soutenir les victimes et prendre les mesures qui s’imposent. Des mécanismes de signalement clairs et solides sont jugés nécessaires, les organisations étant tenues de notifier rapidement toutes les allégations et de prendre les mesures appropriées. Cela implique non seulement des changements de procédure, mais également un changement de culture organisationnelle. Le soutien aux victimes est considéré comme un aspect crucial qui englobe l’assistance immédiate, le soutien psychologique et l’accompagnement dans les procédures judiciaires. Il est essentiel de prioriser les mesures centrées sur les victimes dans les programmes de santé afin de protéger les victimes et de veiller à ce que justice soit rendue.

 

Les expériences passées des initiatives mondiales pour la santé (IMS) révèlent l’importance de politiques claires et d’une formation solide en matière d’exploitation et d’abus sexuels, tant pour le personnel que pour les bénéficiaires des programmes. Des initiatives mondiales pour la santé telles que le Programme commun des Nations unies sur le VIH/Sida  (ONUSIDA) l’ Organisation mondiale de la santé (OMS), et Médecins Sans Frontières ont mis en place des cadres, des codes de conduite et des directives détaillés afin d’assurer la prévention et la lutte contre l’exploitation et les abus sexuels. Elles priorisent la formation obligatoire des membres du personnel et apportent un soutien aux victimes. Leurs stratégies proactives et leurs systèmes de soutien aux victimes peuvent servir de modèle au Fonds mondial et à ses bénéficiaires pour lutter efficacement contre l’exploitation et les abus sexuels.

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