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Que gagnerait le Fonds mondial à travailler avec les institutions de contrôle nationales en Afrique ? Exemple de La République Démocratique du Congo (RDC)”
OFM Edition 145

Que gagnerait le Fonds mondial à travailler avec les institutions de contrôle nationales en Afrique ? Exemple de La République Démocratique du Congo (RDC)”

Author:

Djesika Amendah

Article Type:
COMMENTAIRE

Article Number: 3

Le Fonds mondial de lutte contre le VIH, la TB et le paludisme doit collaborer avec les institutions nationales de contrôle pour réduire les risques, améliorer les gestions des subventions et ultimement sauver des vies. Le cas de la République Démocratique du Congo est à cet égard paradigmatique.

La République Démocratique du Congo (RDC) est l’un des cinq plus importants portefeuilles du Fonds mondial avec une allocation de 700,653,867 de dollars US pour le cycle de 2021-2023, si l’on considère le nombre d’habitants (111 millions), le faible niveau d’indice de développement humain (0, 479, le pays est classé 179e) et la charge élevée de la maladie.  La RDC représente à elle seule 12% des cas de paludisme – le paludisme est la cause de 40% des consultations dans le pays – et 13% du taux de mortalité dans le monde, selon le Rapport 2021 de l’Organisation mondiale de la santé.

 

Cela dit, la RDC est classée comme pays à fort impact, c’est-à-dire que les résultats obtenus dans le pays contribuent substantiellement aux résultats du Fonds mondial. La RDC est aussi considérée comme un contexte d’intervention difficile. En effet, le pays a connu au cours des dernières décennies une guerre civile. Et des rébellions restent actives dans l’est du pays. Les infrastructures de transport et médicales sont insuffisantes dans ce vaste pays de 2.3 millions de km2.

 

Notons que le gouvernement est le principal récipiendaire des subventions avec CORDAID et SANRU comme acteurs non gouvernementaux.

 

Dans un contexte d’intervention difficile (selon le vocabulaire du Fonds mondial) et en vue d’assurer la pérennité et l’efficacité de ses investissements, le Fonds mondial applique une politique de zéro tolérance à la corruption et met en place un appareil de contrôle et de mitigation des risques. Compte tenu des cas de malfaisance financière dans le passé, et du niveau de risques actuels, le pays est également placé sous Politique de sauvegarde additionnelle avec des contrôles accrus depuis 2011. Cela implique la mise en place la CAGF, un agent fiscal installé par le Secrétariat et financé par les subventions pour obtenir ou maintenir une orthodoxie dans la gestion. Il y a également les visites quasi hebdomadaires des membres de l’équipe pays du Secrétariat, le renforcement de l’équipe d’audit interne de l’unité de gestion du ministère de la Santé Publique, Hygiène et Prévention.

 

Le dernier rapport du Bureau de l’Inspecteur General sur la RDC publié en 2019 indiquait que la gestion financière par les acteurs publics nécessite une nette amélioration alors même que la qualité des services et la chaine d’approvisionnement se révélaient partiellement efficaces. Une investigation du BIG a relevé des surfacturations et autres fraudes d’un récipiendaire principal privé. Le rapport de recouvrement du Fonds mondial de 2022 signale un montant de 2,019,708 de dollars US de dépenses inéligibles détecté par le Secrétariat et les mécanismes de contrôle. Le gouvernement de la RDC doit rembourser ce montant.

 

C’est dans ce contexte qu’Aidspan l’observateur indépendant du Fonds mondial a organisé un atelier de renforcement des capacités des institutions nationales de contrôle de la RDC du 27 au 31 mars 2023 à Kinshasa. Cet atelier s’est focalisé sur les audits financier, programmatique et les aspects d’achats et approvisionnement des stocks spécifique à la RDC.

 

Les institutions de contrôle de la RDC ne sont pas impliquées dans les subventions du Fonds mondial

La RDC dispose d’institutions de contrôle qui ont été créées ou revigorées au cours des 10 dernières années. Les institutions qui agissent ou peuvent agir dans le domaine de la santé sont la Cour des comptes qui est l’Instance Supérieure de Contrôle (ISC), l’Inspection Générale des Finances (IGF) qui est l’audit interne de l’État congolais, et l’Inspection Générale de la santé (IGS).

 

L’inspection de la santé a été créée en mars 2017 par un arrêté du ministre de la Santé d’alors. L’inspection de la Santé (IGS) de la République Démocratique du Congo est l’audit interne du ministère. Dirigée par M. Komba Djeko Louis André, l’IGS a pour objectif de rechercher et de détecter les irrégularités au ministère de la Santé.  L’inspection a du personnel qualifié, des financiers, médecins, pharmaciens et autres (113 à l’IGS et 676 dans les IPS) qui travaillent au ministère dans la capitale et dans les provinces. Les inspecteurs de la santé sont aussi des officiers de police judiciaire, c’est-à-dire qu’ils peuvent rapporter des suspicions de fraudes au procureur qui pourrait donc poursuivre en justice les auteurs de ces actes s’il le décide.

 

Pour garantir à l’IGS une certaine autonomie, elle répond directement au ministre de la Santé qui est la principale autorité du ministère. En revanche, les autres services du ministère de la Santé relèvent du secrétaire général de la Santé.

 

Précisons immédiatement qu’aucune des institutions de contrôles nationales susmentionnées n’est officiellement impliquée dans le contrôle des interventions/investissements du Fonds mondial. D’après le directeur de l’IGS, l’inspection soutient la CAGF du Fonds mondial quand celui-ci lui demande de façon ponctuelle. Par exemple, en 2017, il manquait des pièces justificatives pour des activités d’un montant de 5.724.876,15$. En l’absence de pièces justificatives, toutes ces dépenses sont considérées comme inéligibles et devraient être remboursées par le gouvernement de la RDC. La CAGF a contacté l’IGS pour rechercher les pièces justificatives dans les institutions de santé et avec les autres acteurs de mise en œuvre dans les provinces. Le rapport de cette activité indique que l’IGS a pu récupérer des pièces justificatives acceptables par l’agent fiscal qui représentaient 97% du montant initial.

 

Quelques succès et défis de l’Inspection de la Santé de la RDC

L’IGS a fait ses preuves avec certains partenaires comme la Banque mondiale, GAVI, PROSANI/USAID, JICA, PRODS et l’UNICEF, mais n’est pas engagée dans les interventions du Fonds mondial.

Avec le soutien financier de la Banque Mondiale, l’IGS a recherché les agents fictifs du ministère de la Santé entre 2018-2019. Ces agents fictifs sont des personnes qui émargent au budget national, sans jamais travailler du fait qu’elles sont décédées, invalides, retraités ou autre. L’IGS a trouvé environ 36 266 agents fictifs qui coutaient 3.5 millions de dollars par mois au budget national. Ces agents fictifs ont été enlevés de la paye nationale et remplacés par de nouvelles recrues.

En 2021, l’IGS soutenu par l’UNICEF a inspecté et contrôlé le fonctionnement ainsi que les bonnes pratiques de distribution des produits pharmaceutiques dans les établissements de vente en gros. Cette inspection s’est appesantie particulièrement sur les 13 médicaments qui sauvent les vies des femmes et des enfants de moins de 5 ans. Le rapport a mis en lumière la proportion de produits disponibles, la conformité des procédures d’importation, de stockage, et de la qualité du personnel par rapport aux normes règlementaires. Il a aussi formulé des recommandations.

Le principal défi de l’inspection selon son directeur est l’insuffisance de son budget de fonctionnement. De fait, les partenaires supportent les activités spécifiques de contrôle. En l’absence de ce support, l’inspection est vivement limitée. Un observateur se demanderait si c’est fait à dessein.

 

 

Impliquer les institutions de contrôle dans les subventions en Afrique

Les circonscriptions d’Afrique de l’Ouest et Centre et d’Afrique de l’Est et Australe reçoivent 70% des ressources du Fonds mondial, mais les institutions de contrôle africaines sont essentiellement exclues des procédures de contrôle. En effet, seule une dizaine de pays sur les 46 que compte la circonscription africaine conduit l’audit externe annuel de leur subvention.

 

L’idée d’impliquer les institutions de contrôle dans les subventions d’Afrique fait son chemin, mais rencontre encore des réticences.

 

Certains interrogent la compétence des institutions de contrôle. Ont-elles les capacités humaines et matérielles de veiller sur les ressources du Fonds mondial ? Passer en revue les rapports d’audit, d’investigations et autres développés par ces institutions pour l’État et d’autres partenaires, les évaluations conduites par leurs organisations faitières et la Banque mondiale contribuerait à le savoir.

 

Certains encore interrogent l’indépendance et l’intégrité des membres des institutions nationales de contrôle. Pourraient-ils fournir un service de qualité ? Ou pour parler crûment quel est leur niveau de corruption ? Pour le savoir, il serait important d’écouter les institutions nationales, d’impliquer leurs organisations faitières, publier leurs rapports et ceux des autres institutions de contrôle. Il faudrait mettre tous ces acteurs en compétition de façon transparente. Il faudrait considérer le financement des activités des institutions nationales de contrôle si leurs statuts le permettent. Après tout, les services des institutions privées ne sont pas gratuits non plus.

 

À des fins de pérennisation, beaucoup militent avec insistance afin que les institutions de contrôles nationales prennent progressivement la main. Au besoin, il faudrait renforcer les capacités des institutions de contrôle par rapport aux procédures spécifiques du Fonds mondial comme Aidspan le fait. Ceci est d’autant plus vrai que les structures de contrôle privées ne sont pas non plus à l’abri des bévues et des erreurs comme en témoignent les rapports du BIG.

 

De fait, dans beaucoup de pays africains, les institutions de contrôle pourraient mieux soutenir les subventions du Fonds mondial si le Secrétariat leur en donne la possibilité et/ou si elles se saisissent de leurs mandats. En effet, ces institutions de contrôle nationales ont bien souvent des mandats bien plus larges que celui des fournisseurs de services du Fonds mondial. Qui plus est, elles sont plus « redoutées » que les privés parce que leur pouvoir de dissuasion est plus fort.

 

Il serait important d’avancer par étapes. Une première étape pourrait être d’impliquer les institutions de contrôle tout en gardant une partie de la machine du Fonds mondial.

 

Par exemple un audit interne du ministère ou de l’État avec un agent fiscal, ou un audit externe de la Cour des comptes élaboré en collaboration avec une agence privée et avec un champ approprié de l’agent local du Fonds pourraient aider à trianguler les informations et motiver sainement tous ces acteurs de façon à améliorer la qualité de leur prestation de services et ultimement sauver des vies.

 

Au cours de l’atelier de renforcement des capacités organisé par Aidspan à Kinshasa, les différent(e)s participant(e)s répartis en trois groupes ont procédé à un audit « blanc » programmatique du paludisme dans une structure sanitaire de la place. Voici un aperçu de ce qu’il en est ressorti concernant le laboratoire et la pharmacie.

 

Observation au niveau du service de Laboratoire

OBSERVATIONS POSITIVES LACUNES
1. Par rapport aux Ressources humaines:

  • Personnel qualifié, formé et disponible
  • Briefing
  • Présence d’un RAQ

2. Processus:

  • Disponibilité des intrants et réactifs de labo
  • Mise en place d’une unité bactériologique avec les fonds propres
  • Informatisation des données
  • Bonne organisation des services (circuit des patients, coordination…)

3. Système :

  • La promptitude et complétude de transmission des données
1. Par rapport aux ressources humaines :

  • Absence des évidences/documents de formation et de briefing des prestataires

2. Processus

  • Utilisation des outils de collecte des données Palu non normés
  • Mise en place partielle de l’Assurance qualité interne
  • Absence de prélèvement de T° des réfrigérateurs

3. Système

  • Faible collaboration entre le laboratoire et la pharmacie
  • AQE non réalisée
RECOMMANDATIONS:
1. Par rapport aux ressources humaines :

  • Rendre disponible les évidences de formation et de briefing sur le diagnostic Palu (MDH)

2. Processus

  • Rendre disponible les outils de collecte des données Palu normés incluant les catégories d’âge supérieurs et inferieurs à 5 ans pour la microscopie et les TDR réalisés ( MDH/Zone de Santé)
  • Finaliser et approuver les procédures d’assurance qualité (Responsable LABO/MDH)
  • Prélever et suivre la température journalière des réfrigérateurs (Responsable LABO)

3. Système

  • Améliorer la collaboration entre le laboratoire et la pharmacie (Responsable LABO et Pharmacie/MDH)
  • Mettre en place le système d’AQE (MDH)

 

Observation au niveau du service de pharmacie

Observation positive Lacunes Recommandations
Bon accueil Discordance entre stocks physiques et théoriques pour certaines molécules (AL 6 Cès et 12 Cès)
  • Mettre systématiquement à jour les fiches des stocks;
  • Réajuster les stocks après chaque inventaire
Personnel disponible et motivé Rupture des stocks en certains antipaludéens (LA) Commander les médicaments à chaque fois que le stock d’alerte est atteint
Propreté du cadre (Pharmacie) Mauvais rangement des médicaments (Absence d’étiquette, cartons pêlemêle, etc.) Respecter les normes de rangement, de stockages et conservation des médicaments
Existence des outils de gestion Irrégularité dans le remplissage des fiche s de température (Prélèvement non effectués à certains jours) Remplir correctement et journalièrement les fiches de température
Observation positive Lacunes Recommandations
15 cadres de la pharmacie formés en PNLP Présence d’une poubelle non couverte en milieu de la pharmacie Placer la poubelle en dehors de la pharmacie de manière sécurisée
Existence de thermomètres et hygromètres Mauvaise condition de stockage et de conservation (médicaments à même le sol, contre le mur et le plafond) Respecter les normes de rangement, de stockages et conservation des médicaments
Présence des palettes, des étagères et d’un réfrigérateur Armoire à poison non fermée à clé Sécuriser l’armoire à poison
Dépôts pharmaceutique et officine exiguës Doter l’hôpital des infrastructures conformes pour la pharmacie
Recommandations Responsables Echéance
  • Mettre systématiquement à jour les fiches des stocks;
  • Réajuster les stocks après chaque inventaire
Pharmacien/assistants en pharmacie
  • Immédiat
  • A chaque inventaire
Commander les médicaments à chaque fois que le stock d’alerte est atteint Pharmacien Mensuellement
Respecter les normes de rangement, de stockages et conservation des médicaments Pharmacien/assistants en pharmacie Immédiat
Remplir correctement et journalière ment les fiches de température Assistants en pharmacie Immédiat
Recommandations Responsables Echéance
Placer la poubelle en dehors de la pharmacie de manière sécurisée Pharmacien/assistants en pharmacie Immédiat
Respecter les normes de rangement, de stockages et conservation des médicaments Pharmacien/assistants en pharmacie Immédiat
Sécuriser l’armoire à poison Pharmacien Un mois
Doter l’hôpital des infrastructures conformes pour la pharmacie MDH 1 année

NB : Ce texte est une version remaniée d’un article initialement publié dans le bulletin d’information de l’African Constituency.

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