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LES PAYS DEVRAIENT POUVOIR SORTIR DE LA POLITIQUE DE SAUVEGARDE ADDITIONNELLE DU FONDS MONDIAL
OFM Edition 103

LES PAYS DEVRAIENT POUVOIR SORTIR DE LA POLITIQUE DE SAUVEGARDE ADDITIONNELLE DU FONDS MONDIAL

Author:

Djesika Amendah

Article Type:
Opinion

Article Number: 1

Cette politique contribue Ć  la bonne gestion financiĆØre mais n'est pas la panacĆ©e

RƉSUMƉ En plus de publier les principes et l'application de la politique de sauvegarde additionnelle, le Fonds mondial doit publier ses indicateurs de performance, y compris le renforcement des capacitĆ©s requis, la stratĆ©gie de sortie et le dĆ©lai dans lequel ces objectifs devraient ĆŖtre atteints. Le SecrĆ©tariat et le pays doivent s'entendre sur les exigences qui rendraient possible le retrait de la Politique de sauvegarde additionnelle, ainsi que sur les mesures qui empĆŖcheraient la rĆ©pĆ©tition des infractions.

Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme accorde des subventions Ć  plus de 100 pays. L’instance de coordination nationale (CCM en anglais), qui comprend des reprĆ©sentants de l’Ɖtat, de la sociĆ©tĆ© civile, des populations clĆ©s et d’autres parties prenantes, sĆ©lectionne gĆ©nĆ©ralement les bĆ©nĆ©ficiaires principaux (BP) pour administrer ces subventions. Les BP sont des agents de mise en œuvre et sont des institutions Ć©tatiques comme le ministĆØre de la santĆ© ou des acteurs non Ć©tatiques comme les organisations non gouvernementales. Ces BP doivent faire preuve d’une gestion financiĆØre satisfaisante et assurer la bonne exĆ©cution de ces programmes. Cependant, selon leĀ manuel opĆ©rationnel du Fonds mondial, le SecrĆ©tariat peut invoquer la Politique de sauvegarde additionnelle (ASP) pour “traiter les problĆØmes matĆ©riels qui surviennent lorsque les responsables de la mise en œuvre des programmes (tels que les BP et les sous-bĆ©nĆ©ficiaires) ont dĆ©montrĆ© un manque de capacitĆ© ou une incapacitĆ© Ć  dĆ©ployer, mettre en œuvre et/ou sauvegarder efficacement le financement et les actifs des subventions du Fonds mondial en raison de facteurs (tels que des troubles civils, un afflux de personnes dĆ©placĆ©es, l’instabilitĆ© gouvernementale et une capacitĆ© de programme national inadĆ©quate) qui sont ou non sous le contrĆ“le des responsables de la mise en œuvre existants dans un pays donnĆ©”. Cette politique accorde notamment au SecrĆ©tariat du Fonds mondial le pouvoir de sĆ©lectionner les BP et, parfois, les sous-bĆ©nĆ©ficiaires de la subvention. Ces BP sont souvent des agences des Nations Unies (ONU) ou des organisations internationales non gouvernementales basĆ©es en Europe ou en AmĆ©rique.

 

La plupart du temps, l’ASP amĆ©liore la gestion financiĆØre de la subvention. Cependant, selon le Bureau de l’inspecteur gĆ©nĆ©ral (BIG), il ne renforce souvent pas la chaĆ®ne d’approvisionnement. En d’autres termes, l’ASP est en mesure de prĆ©venir le vol de fonds par le personnel, mais les produits des entrepĆ“ts ou des Ć©tablissements de santĆ© sont vulnĆ©rables au vol. Dans les pays oĆ¹ cette politique est appliquĆ©e, les entitĆ©s gouvernementales et non Ć©tatiques sont souvent relĆ©guĆ©es au rang de sous-bĆ©nĆ©ficiaires des agences internationales choisies par le SecrĆ©tariat. Les institutions locales sont toujours chargĆ©es de faire le travail sur le terrain, comme s’occuper des patients, distribuer les mĆ©dicaments, atteindre les populations clĆ©s, mais les BP sont les dĆ©cideurs officiels.

 

Les institutions internationales ne sont pas la panacƩe

Dans leur rĆ“le de BP, les organisations internationales ne rĆ©pondent pas toujours aux attentes du SecrĆ©tariat. En 2019, le BIG aĀ documentĆ© le dĆ©tournement de fonds par Population Services International (PSI) en RĆ©publique dĆ©mocratique du Congo.Ā Il a Ć©galement relevĆ© des manquements dans la gestion des actifs par leĀ Programme des Nations Unies pour le dĆ©veloppement, le BP au Soudan. En 2020, le gouvernement nĆ©palais a accusĆ© l’organisation internationale et le BP “Save the Children” de surestimer le nombre de personnes vivant avec le VIH dans le but de recevoir des ressources supplĆ©mentaires en leur nom. (Ces affirmations n’ont pas Ć©tĆ© vĆ©rifiĆ©es de maniĆØre indĆ©pendante par le Fonds mondial ou toute autre institution). Le BIG a Ć©galement notĆ© que la mise en place des mesures de sauvegarde a un coĆ»t Ć©levĆ©. Il a comparĆ© cinq pays sous ASP, et calculĆ© que 57 % des subventions Ć©taient consacrĆ©es aux frais de personnel, aux frais de structure, aux coĆ»ts de planification et d’administration, ce qui ne laisse qu’une petite proportion pour les autres activitĆ©s liĆ©es aux subventions.

Les ASP rassurent souvent (mais pas toujours) sur la bonne gestion financiĆØre. Toutefois, ces mesures ne permettent pas aux pays de s’approprier les subventions du Fonds mondial. A lā€™inverse, elles entraĆ®nent l’indiffĆ©rence, voire l’animositĆ© de certaines parties prenantes Ć  l’Ć©gard des subventions du Fonds mondial. Selon le BIG, ces BP internationaux n’obtiennent pas nĆ©cessairement de meilleures performances des programmes.

 

Partenariat et appropriation par les pays

Dans certains pays, le SecrĆ©tariat du Fonds mondial ou les ICN (CCM) ont des difficultĆ©s Ć  obtenir des fonctionnaires qu’ils dĆ©montrent Ć  temps les dĆ©penses de cofinancement ou l’exemption fiscale, qui est nĆ©cessaire pour une bonne performance des subventions.

Ces difficultĆ©s sont parfois dues aux mesures de sauvegarde, car seule une petite partie de la subvention, sous forme d’activitĆ©s et de leur financement, est mise en oeuvre dans le pays. Les calculsĀ utilisent des chiffres arrondis provenant de documents officiels et sont basĆ©s sur l’allocation totale et non sur les dĆ©penses. Or, la plus grande proportion des subventions, au moins 60 %, est utilisĆ©e pour acheter des produits de santĆ©, comme les mĆ©dicaments antirĆ©troviraux (ARV), les moustiquaires ou d’autres intrants mĆ©dicaux par le biais du mĆ©canisme de mise en commun des achats (PPM) contrĆ“lĆ© par le SecrĆ©tariat et qui ne verse pas les sommes correspondant Ć  ces achats aux pays. Les siĆØges des organisations internationales reƧoivent 7 % de la subvention au titre des coĆ»ts indirects, ce qui laisse environ 33 % de l’allocation pour toutes les autres activitĆ©s dans les pays. Les ressources humaines et les autres coĆ»ts opĆ©rationnels des organisations internationales absorbent environ 40 % du montant restant de l’allocation qu’elles gĆØrent, ce qui correspond Ć  12,5 % (33 %*40 %). En conclusion, les pays ne reƧoivent plusĀ qu’environ 20,5 % de l’allocation pour d’autres activitĆ©s telles que la prĆ©vention, la sensibilisation pour mettre les gens en contact avec les soins, et le traitement et les soins des personnes vivant avec le VIH ou touchĆ©es par la tuberculose ou le paludisme. Ce pourcentage baisse encore si une part plus importante de la subvention est consacrĆ©e aux produits de base ou si d’autres contractants, tels que les agents fiscaux, fiduciaires ou de passation de marchĆ©s, travaillent Ć©galement sur les subventions.

Il est indĆ©niable que la valeur des produits de santĆ© pour les trois maladies ou 20,5% d’une allocation qui est une subvention (et non un prĆŖt) est claire. Toutefois, de nombreux fonctionnaires estiment que cette somme est bien moins importante que l’allocation annoncĆ©e par le SecrĆ©tariat. Il est donc difficile de les convaincre de l’importance de la contribution du Fonds mondial et de la nĆ©cessitĆ© pour le pays de “s’approprier” ces programmes alors qu’il ne les gĆØre pas.

 

Sortie des mesures de sauvegarde additionnelle

L’appplication de l’ASP doit s’accompagner d’une stratĆ©gie de sortie claire liĆ©e Ć  un calendrier. Plusieurs rapports du BIG l’ont dĆ©jĆ  recommandĆ© : parmi eux, l’audit de 2017 surĀ la gestion des subventions dans les environnements Ć  risque Ć©levĆ©Ā et la revue consultative des subventions en Afrique occidentale et centrale. Aidspan dĆ©fend lā€™idĆ©e que cette politique devrait ĆŖtre assortie d’un dĆ©lai et ĆŖtre levĆ©e progressivement. ƀ la fin du cycle au cours duquel l’ASP a Ć©tĆ© invoquĆ©e, et pour autant que les conditions soient remplies, le SecrĆ©tariat devrait permettre aux pays de choisir leur BP selon un ensemble de critĆØres prĆ©dĆ©terminĆ©s. Les deux parties peuvent convenir d’un mĆ©canisme de renforcement des capacitĆ©s, d’autres mesures d’attĆ©nuation des risques telles que l’instauration d’agents fiscaux et fiduciaires, ainsi que de contrĆ“les plus frĆ©quents et plus dĆ©taillĆ©s des agents locaux du fonds. Avec le temp, ces pays acquerront l’expertise nĆ©cessaire pour gĆ©rer plus efficacement leurs subventions.

A lā€™heure actuelle, les BP internationaux, les agents fiscaux et fiduciaires renforcent rarement les capacitĆ©s du personnel ou des institutions locales. Le SecrĆ©tariat crĆ©e un conflit d’intĆ©rĆŖts intrinsĆØque lorsqu’il engage des institutions en tant que BP, agents fiscaux ou fiduciaires pour attĆ©nuer les risques et renforcer les capacitĆ©s des personnes et des autres institutions qui prendront plus tard la relĆØve. La composante de renforcement des capacitĆ©s est alors nĆ©gligĆ©e.

LaĀ dĆ©cision initiale du Conseil d’administration adoptant l’ASP en 2004Ā prĆ©cisait que ces politiques devaient ĆŖtre appliquĆ©es tout au long de la subvention, et non pas indĆ©finiment, ce qui semble ĆŖtre l’interprĆ©tation actuelle du SecrĆ©tariat (Aidspan n’a trouvĆ© aucun amendement Ć  la dĆ©cision initiale du Conseil).

Le Fonds mondial a fait preuve d’innovation en instituant les ICN qui donnent aux populations clĆ©s une voix, mĆŖme dans les pays oĆ¹ leurs activitĆ©s sont criminalisĆ©es. Le SecrĆ©tariat devrait suivre le mĆŖme principe d’inclusion et de dialogue lorsqu’il travaille avec des institutions nationales, Ć©tatiques et non Ć©tatiques qui, avec le temps, devraient ĆŖtre habilitĆ©es Ć  gĆ©rer les subventions de leur pays. Selon le rapport du BIG sur les pays Ć  haut risque, certains pays sont sous l’Ć©gide de l’ASP depuis plus d’une dĆ©cennie. Certes, certains de ces pays sont en guerre et il est difficile et risquĆ© d’y travailler ; mais tous les pays relevant de l’ASP ne sont pas en guerre. MalgrĆ© leurs dĆ©fauts, la plupart de ces gouvernements gĆØrent leur pays et le rendent suffisamment accueillants pour que le personnel des organisations internationales puisse y vivre et y travailler.

Aidspan a assistĆ© Ć  des rĆ©unions oĆ¹ des membres des ICN et des fonctionnaires ont dĆ©clarĆ© publiquement que les mesures de sauvegarde additionnelles Ć©taient pires que des peines de prison car, contrairement aux condamnĆ©s, ils ne connaissaient pas la durĆ©e de leur peine ni les conditions de libĆ©ration anticipĆ©e le cas Ć©chĆ©ant. Dans le cas des mesures de sauvegarde, la durĆ©e de la peine est inconnue. Certains pays ont dĆ©clarĆ© que mĆŖme lorsque les conditions de retrait ont Ć©tĆ© remplies, le SecrĆ©tariat hĆ©site Ć  lever l’ASP.

Les subventions du Fonds mondial au Nigeria ont rĆ©cemment fait la une de l’actualitĆ©Ā en raison de la sĆ©lection par le SecrĆ©tariat d’une organisation internationale autre que l’organisation locale prĆ©fĆ©rĆ©e par lā€™ICN nigĆ©rian. Le pays est sous ASP, ce qui rend une telle dĆ©cision possible. La sociĆ©tĆ© civile nigĆ©riane et le CCM ont rĆ©agi fortement Ć  cette dĆ©cision et ont portĆ© le dĆ©bat Ć  l’attention des mĆ©dias et du Conseil d’administration. Une telle exposition du Fonds mondial et le risque rĆ©putationnel y affĆ©rant auraient pu ĆŖtre Ć©vitĆ©s s’il y avait eu une stratĆ©gie de sortie claire avec un dĆ©lai recommandĆ© que les deux parties suivraient.

Par souci de transparence, qui est l’un des principes du Fonds mondial, ce dernier doit publier non seulement les raisons de lā€™application de cette politique dans un pays (comme il le fait actuellement), mais aussi la stratĆ©gie de sortie, ses indicateurs de performance et la pĆ©riode pendant laquelle elle s’appliquera. Le SecrĆ©tariat et le pays doivent Ć©galement s’entendre sur les mesures qui permettront de lever l’ASP et d’Ć©viter la rĆ©pĆ©tition des problĆØmes de dĆ©tournement et de fraude qui ont conduit Ć  l’application initiale des mesures de sauvegarde.

 

Ressources complƩmentaires

DĆ©cisions du Conseil dā€™administration: Additional Safeguard Policy (GF/B7/7) 2004

Rapport dā€™audit: Gestion des subventions du Fonds mondial dans les environnements Ć  risque Ć©levĆ©Ā (GF-OIG-17-002) janvier 2017 Geneva, Switzerland

Rapport dā€™audit: Subventions du Fonds mondial en RĆ©publique du SoudanĀ (GF-OIG-19-010) – 29 Avril 2019)

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