Subscribe To Our Newsletter
Abonnez-vous à notre bulletin
Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION DU RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ FINANCÉ PAR LE FONDS MONDIAL ?
OFM Edition 103

Y A-T-IL UN PILOTE DANS L’AVION DU RENFORCEMENT DU SYSTÈME DE SANTÉ FINANCÉ PAR LE FONDS MONDIAL ?

Author:

Aidspan

Article Type:
News

Article Number: 3

L’élaboration des demandes de financement RSS a souffert de l’absence de compétences et de compréhension partagée au Secrétariat Fonds mondial, et d’interlocuteurs dans les ministères de la santé

RÉSUMÉ L’élaboration des demandes de financement a systématiquement introduit une composante renforcement des systèmes de santé. Malgré une stratégie et des outils préparés pour faciliter la planification, le RSS demeure un sujet difficile à conceptualiser et surtout à opérationnaliser pour les équipes du Fonds mondial et les acteurs pays.

A l’occasion du renouvellement des subventions pour le cycle 2020-2022, et pour la première fois depuis l’avènement du nouveau cycle de financement en 2014, les directives du Fonds mondial prévoyaient un investissement systématique dans le renforcement du système de santé. Cette décision faisait suite au rapport du panel de revue technique (TRP) sur les investissements en système de santé qui le recommandait, et dont Aidspan s’était fait l’echo.

Les lettres d’allocation envoyées aux pays récipiendaires insistaient sur l’importance de prévoir des activités qui renforcent le système, avec une phrase que l’on retrouve systématiquement dans tous les courriers adressés aux Instances de Coordination Nationales (CCM en anglais): « Le Fonds mondial encourage les candidats à investir dans le renforcement des systèmes de santé et communautaires, dans la mesure où ils sont essentiels pour mettre un terme plus rapidement aux épidémies. (…) Ainsi, le Secretariat du Fonds mondial salue i) les initiatives visant à mettre en place et à renforcer une prise en charge intégrée centrée sur le patient (y compris en tenant compte des co-infections ou en fournissant des paquets cohérents de soins comme des services prénatals intégrés), et ii) à investir dans la capacité des services d’appui nécessaires à l’impact et à la pérennité des programmes de lutte contre les maladies (y compris les laboratoires, les chaînes d’approvisionnement, les systèmes de données, le suivi communautaire, la mobilisation communautaire, le développement des actions de plaidoyer et des organisations ainsi que les ressources humaines pour la santé au niveau de la communauté et des établissements).

Injonctions contradictoires et occasions manquées

Malgré cette affirmation de l’importance du renforcement des systèmes de santé, le Secrétariat du Fonds mondial n’a pas pris la décision de réserver une enveloppe prédéfinie aux activités visant à promouvoir un système résilient et pérenne pour la santé ( SRPS) et a activement découragé l’élaboration de subventions SRPS indépendantes (« stand-alone »). Chaque CCM devait conduire les discussions afin de répartir les financements entre les quatre composantes : TB, VIH, paludisme et Renforcement du Système de Santé (RSS) et a finalement choisi le plus souvent l’option de « glisser » ces activités dans les différentes subventions de maladie.

L’absence de directives et d’outils facilitant la compréhension par tous de ce que les activités de renforcement du système apportent à la lutte contre les trois maladies a ouvert la voie à une compétition malsaine entre certains programmes de lutte contre les 3 maladies et les directions des Ministères, pour tenter de limiter le plus possible les enveloppes consacrées au RSS, du fait que les gaps programmatiques subsistent. Des « morceaux » de subvention ont été retirés des composantes maladies afin de composer une enveloppe RSS bigarrée, le plus souvent fragmentée entre les différentes subventions, sans cohérence, et sans vision.

Selon les informations reçues par Aidspan, la majorité des équipes pays du Fonds mondial ont fortement conseillé les CCM pour que les composantes RSS soient intégrées dans les enveloppes maladies. Les raisons probables de ce choix reposent dans la volonté d’éviter de chercher un bénéficiaire principal pour les activités RSS, et de s’exposer à des problèmes de rapportage des activités RSS pour lesquelles la mise en œuvre est généralement lente et poussive.

Ce processus pénible a influencé la suite des discussions concernant le RSS : dans la plupart des pays, les programmes maladies (VIH, TB et Paludisme) se sont désintéressés des activités de renforcement du système, qu’ils ont considérées, au mieux comme des « ajouts » (pour lesquels ils anticipent des difficultés de mise en œuvre), au pire comme des sommes dont on les privait pour lutter contre leur maladie, dont de nombreuses priorités ne seront pas financées faute de plus de ressources.

Pris dans le rythme infernal de la rédaction des demandes de financement dans un laps de temps court et dans les conditions de mobilité difficiles due à la pandémie de la COVID-19, les consultants maladie ont souvent omis de collaborer avec ceux en charge du RSS, les laissant imaginer seuls les activités de chaque module et les besoins en RSS pour appuyer la lutte contre les 3 maladies. Et en plein contexte de lutte contre la COVID-19, les cadres du ministère de la santé publique ont été peu disponibles car pris dans la riposte à cette nouvelle pandémie (en particulier certaines directions comme celles du laboratoire, de la pharmacie et du médicament ou de la santé communautaire).

Enfin, les programmes maladie ont travaillé à l’élaboration de leur demande, et n’ont en général pas pris le temps de discuter avec les directions concernées par le RSS : la direction de l’information sanitaire,  celle de la pharmacie et du médicament, celle des laboratoires, la direction de soins de santé primaire où est généralement logée la santé communautaire, la direction de la planification.

La demande de financement soumise par les pays reflète cette dichotomie, également relevée dans la majorité des commentaires du TRP pour les requêtes de financement déjà évaluées : les activités RSS ne parviennent pas à démontrer l’impact attendu sur les maladies. A l’inverse, l’absence d’analyse des goulots d’étranglement contribuant à expliquer l’impact trop faible sur les résultats n’ont pas permis de justifier le choix des modules et activités retenus pour le RSS. Les modules RSS ont été présentés au sein des subventions maladies sans pour autant faire clairement le lien et leur impact direct sur les trois maladies, et peu de demandes sont parvenues à présenter une vision claire de la stratégie défendue pour renforcer le système.

Ce même TRP a souligné la difficulté pour leurs experts d’analyser les composantes RSS, tellement ces dernières étaient fragmentées dans les différentes subventions, dont les demandes ont été souvent soumises à des fenêtres différentes.

 

Qu’a-t-on appris de ce cycle de renouvellement des subventions ?

Les six derniers mois ont été riches d’enseignements puisqu’ils ont mis à l’épreuve de la réalité les concepts et les outils que le Fonds mondial avait élaborés pour guider la réflexion et la rédaction des composantes RSS.

Les équipes pays ont appris, à leurs dépens, que le renforcement du système de santé est un sujet polymorphe, complexe car systémique, et qu’une formation solide leur est nécessaire pour participer aux discussions et les accompagner. Dès 2019, le Bureau de l’Inspecteur General avait souligné dans son rapport que la gestion et le cadre du RSSH requéraient des améliorations pour le rendre opérationnel (Aidspan en a parlé ici). Le BIG avait averti à l’époque que le Secrétariat manquait de compétences en matière de RSS.

Les derniers mois l’ont cruellement rappelé : les quelques experts de la division RSS, principale pourvoyeuse d’expertise en interne au Secrétariat, (avec les experts de la chaine d’approvisionnement et du laboratoire et du SNIS), ont constaté à quel point ils étaient tributaires du bon vouloir et de la curiosité des membres des équipes pays qui peuvent décider de les consulter ou pas, sur la documentation à lire, les outils du Fonds mondial disponibles, la méthodologie pour hiérarchiser les priorités ou encore des aspects techniques qui doivent être exposés dans les modules de la demande de financement. Ecrasés par la charge de travail (un expert RSS couvre environ 10 pays), dominés par des chronogrammes trop ambitieux (une moyenne de 40 demandes a été déposées à certaines fenêtres, rendant impossible une analyse affinée), ils perdent le fil au fur et à mesure que les négociations se tiennent. Les premiers échos issus de la phase de développement de la subvention (grant making), portent à croire que les experts RSS ne sont plus sollicités systématiquement lors de cette phase pourtant décisive pour décider des activités finalement retenues, de leurs indicateurs et du budget qui leur est assigné.

Les CCM ont regretté le degré d’impréparation en matière de RSS de leurs membres d’abord, le peu de maturité – voire l’absence – de relations de collaboration régulières avec certaines directions du ministère de la santé, et de discussions autour de la gouvernance des activités RSS. En effet, de par sa technicité, les discussions sur les activités RSS n’ont pas été clairement anticipées ni préparées : les évaluations sur la mise en œuvre des activités RSS du cycle actuel n’ont pas été conduites, les priorités n’avaient pas été identifiées ni discutées en amont, les indicateurs étaient souvent inexistants ou trop anciens, et une description exhaustive de ces activités est introuvable au Fonds mondial ou auprès des CCM. Le dialogue entre les programmes et les directions a peiné à s’organiser, et les CCM ne sont en général pas parvenus à imposer l’idée, pourtant logique, que les composantes RSS devraient être pilotées par un bénéficiaire national, logé au Ministère de la santé. Même au stade de négociation du financement après l’approbation du TRP (grant making), ces discussions relatives au pilotage de la composante RSS n’ont pas lieu, laissant présager des difficultés dans la mise en œuvre.

Enfin, les consultants ont constaté avec un mélange de surprise et d’abattement que la planification de la composante RSS s’est souvent effectuée sans dialogue stratégique nourri avec les autres bailleurs de la santé, en particulier Gavi, la Banque Mondiale, l’Union européenne et les coopérations bilatériales (britannique, allemande, française, japonaise…). Leurs efforts pour cartographier les investissements en cours, et les prendre en compte afin d’éviter les doublons et de maximiser l’investissement du Fonds mondial au profit du pays se sont heurtés aux délais imposés et à la difficulté d’obtenir les documents de chaque bailleur. Là encore, le manque d’anticipation démontrant un dialogue encore trop ponctuel entre les différents bailleurs du RSS est une leçon qu’il faut tirer.

 

Quelles options s’offrent au Fonds mondial pour progresser dans le domaine du RSS ?

Le Fonds mondial a débuté les consultations dans le cadre de l’élaboration de sa nouvelle stratégie. Ce processus qui va durer plus d’un an, est une opportunité à saisir pour reprendre la réflexion et la discussion sur ce sujet, en particulier pour :

  • Revoir la définition du renforcement des systèmes de santé : s’il est clair qu’une définition existe grâce au travail de l’OMS, sa déclinaison au Fonds mondial semble bancale. En effet, ce dernier conçoit le RSS sur un mode projet, alors que dans les ministères de la santé, c’est le PNDS qui, dans sa vision à 10 ans, fixe les objectifs d’amélioration du système. Il n’y a  pas de pilotage centralisé du RSS, donc pas d’interlocuteur unique qui soit l’interface des bailleurs (à l’excepion de la Direction de la planification). Il apparaît de ce fait nécessaire que le Fonds mondial revoit ses propres objectifs pour les aligner sur ceux des pays;
  • Remettre le patient au centre des discussions et de la réflexion concernant le RSS. Car ce dernier est bien l’objectif premier de toutes les activités visant à renforcer le système. Si l’on veut faire progresser l’impact de ces activités sur les maladies, il faut analyser en finesse l’expérience du patient, afin de comprendre ses besoins, les barrières qu’il rencontre dans la recherche de soins, et rapprocher le plus possible les services des bénéficiaires ; d’une part réfléchir à l’offre de services dont le patient dispose ainsi que son accessibilité, pour guider les priorités visant à rendre ces services les plus accessibles possibles. D’autre part, analyser la demande, et les facteurs qui l’influencent : les perceptions et la compréhension des maladies, le recours à des modes traditionnels de traitement des maladies, les inégalités femmes-hommes, les croyances, la culture, la religion… Ce n’est qu’à cette condition que les stratégies RSS auront du sens.
  • Faire un choix stratégique en matière de RSS , qui se résume finalement aux alternatives suivantes :
    1. Effectuer des ajustements (forcément à la marge), pour rendre les outils de planification des activités RSS opérationnelles, et  créer ceux qui manquent pour suivre leur mise en œuvre. Dans ce cas, le « pilier stratégique » SRPS du Fonds mondial sera reconduit presque en l’état.
    2. Remettre à plat toute la question du SRPS et la traiter comme un élément structurant et unique de l’action du Fonds mondial à bien des égards : parce qu’il permet de planifier à long terme, au-delà des 3 ans de la durée d’un cycle et pourrait être décorrélé du cycle de financement; parce qu’il permet au Fonds mondial de se positionner comme un acteur clé de la santé dans un dialogue stratégique avec les différents directions du ministère de santé, bien au-delà de son implication auprès des programmes maladie. Enfin, parce qu’il peut engager le Fonds mondial dans une démarche partenariale réelle avec les bailleurs en santé mondiale qui financent le RSS : la planification, la mise en œuvre et l’évaluation (technique et audit financier) pourraient être conjointes sur un calendrier et des outils uniques, facilitant le pilotage par les ministères de la santé des pays récipiendaire.

 

 

Ressources complémentaires

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Aidspan

Categories*

Loading
Aidspan

Categories*

Loading