LES FENÊTRES DE CANDIDATURE DU FONDS MONDIAL POUR LES ALLOCATIONS 2020-2022 POURRAIENT-ELLE ÊTRE AJUSTÉES POUR TENIR COMPTE DES MESURES SPÉCIALES COVID-19 DES PAYS ?
Author:
EquipeAidspan
Article Type:Article Number: 5
RÉSUMÉ Les pays africains entre autres, consacrent une énergie et des ressources énormes à leurs efforts pour contenir le coronavirus, COVID-19. Cela menace la qualité et la ponctualité de leurs demandes de financement auprès du Fonds mondial pour le cycle de financement 2020-2022. Le Fonds mondial pourrait-il ajuster le calendrier des fenêtres de demande de subvention restantes en 2020 pour tenir compte de cette situation ?
Les pays de la région Afrique de l’Ouest et du Centre sont confrontés à des défis majeurs dans l’élaboration des notes conceptuelles pour leurs prochaines demandes de subvention au Fonds mondial, dans le contexte de la propagation rapide du virus COVID-19.
Source : site web de l’OMS, situation le 17 mars 2020.
Si, dans un premier temps, le continent africain est apparu comme relativement épargné par le coronavirus, l’apparition de cas ces derniers jours laisse craindre une expansion rapide dans les semaines à venir. Les pays du Maghreb, les plus affectés jusqu’à présent, tentent de limiter la propagation et ont déjà fermé leurs frontières aériennes, en particulier aux voyageurs en provenance d’Europe. Après la découverte de nouveaux cas en République Démocratique du Congo, puis en Ethiopie, en Afrique du sud, au Sénégal, et plus récemment en Côte d’Ivoire, Rwanda, Kenya, Afrique du Sud et au Bénin, les pays africains prennent des mesures préventives fortes : quarantaines, interdiction des réunions, des fêtes religieuses, fermeture des lieux de culte, des écoles et universités, l’annulation de visas, mise en quarantaine des citoyens provenant de pays affectés par le Covid et fermeture des frontières aériennes dans certains cas.
De ce fait, de nombreux consultants n’ont pas pu se déplacer dans les pays en raison de leur nationalité ou de leur lieu de résidence, en particulier les experts venant d’Europe (France, Allemagne et Italie).
Depuis le début de la semaine, les principaux pourvoyeurs d’assistance technique engagés dans le soutien aux ministères de la santé dans l’élaboration des requêtes de financement ont suspendu leurs activités, qu’il s’agisse d’Expertise France, important fournisseur d’assistance technique dans la région, ou encore d’Onusida, Roll Back Malaria ou de l’OMS. Les pourvoyeurs d’AT et les bureaux de consultance rapatrient désormais les consultants encore présents sur le terrain, et leur demandent de continuer leur appui à distance.
Cette coordination à distance va sans aucun doute transformer la nature du processus de dialogue pays, par ailleurs rendu impossible par les interdictions de réunions dans de nombreux pays. Les discussions inclusives et approfondies seront de ce fait presque impossibles et une véritable collaboration entre les consultants et les programmes, les CCM et les acteurs nationaux engagés dans la lutte contre les pandémies s’avère très difficile.
Par ailleurs, les ministères de ces pays sont désormais très concentrés sur l’endiguement de COVID-19, et il sera difficile de mobiliser les acteurs nécessaires à la prévention des épidémies, y compris pour les trois maladies, dans le processus de dialogue pays, au moment où la prévention de la diffusion du coronavirus est la priorité des ministères de la santé.
Etat des requêtes de financement
En ce qui concerne les requêtes de financement au Fonds mondial, pour la fenêtre de mars sont pratiquement achevées (la date limite de soumission dans cette fenêtre est le 23 mars), et les pays entrent dans la dernière ligne droite : intégration des commentaires et suggestions des équipes pays du Fonds mondial, validation par les autorités nationales des choix stratégiques, discussions autour du co-financement (montant et activités couvertes). Le retour précipité des consultants dans leurs pays d’origine a privé les pays récipiendaires de leur appui dans cette phase critique, puisque la plupart des décisions prises en ce moment concernent des questions regardées de près par le comité de révision des demandes : le co-financement et les modalités de mise en œuvre (choix des bénéficiaires principaux entre autres).
Mais la situation est encore plus délicate pour les pays dont les requêtes de financement doivent être soumises à la fenêtre de mai (date limite de soumission : 25 mai), car presque tous les consultants (cela ne concerne pas les experts nationaux) qui étaient supposés appuyer les pays dans l’élaboration de leurs demandes de financement ont été renvoyés chez eux.
En dehors des “Nouvelles orientations en réponse à COVID-19” publiées le 4 mars sur le site web du Fonds mondial, nous n’avons pas encore assisté à de véritables discussions au Fonds mondial sur les prochaines étapes des demandes de financement des pays, compte tenu de la perturbation par le coronavirus du fonctionnement “normal” des ministère de la santé des pays récipiendaires. Même si la décision a déjà été prise d’organiser un TRP virtuel pour la fenêtre 1 (la session du TRP était initialement prévue du 29 avril au 11 mai), il est très probable que le processus de rédaction des demandes de financement sera désormais très perturbé, et ne pourra probablement respecter aucun des principes du Fonds mondial en matière de dialogue transparent, inclusif et complet dans les pays.
Il est clair que le Secrétariat est inquiet à l’idée d’un retard dans la soumission des notes conceptuelles à la 2ème fenêtre (car tout retard signifie en bout de chaîne qu’il ne restera pas suffisamment de temps pour mener correctement tout le processus, jusqu’à la signature des accords de subvention avant la fin décembre). Il souhaite à tout prix éviter l’interruption des services ou des extensions extrêmement chronophages, mais il y a un risque réel que les requêtes de financement ne remplissent pas les critères de qualité nécessaires, et le résultat d’un processus de consultation très limité.
Conclusion
La capacité des pays récipiendaires à soumettre des demandes de bonne qualité et validées par le TRP est aujourd’hui l’enjeu de cette discussion. Cette capacité est d’autant plus nécessaire que les montants qui leur ont été accordés dans le cadre des allocations 2020-2022 sont beaucoup plus élevés que pour le cycle actuel, et nécessitent une véritable discussion – surtout sur des systèmes de santé résistants et durables, et sur les stratégies les plus efficientes pour éliminer les trois maladies.
Les circonscriptions africaines au conseil d’administration du Fonds mondial, conscientes de l’enjeu pour leur région, ont pris les devants, et ont élaboré une déclaration qui est rendue publique aujourd’hui. Elle souligne le caractère exceptionnel du contexte de lutte contre le coronavirus, met l’accent sur les efforts réalisés par les ministères de la santé de ce continent aux systèmes de santé encore fragiles, dans la contention du virus. Elle demande enfin à ce que le Secrétariat propose des mesures d’assouplissement permettant aux pays de soumettre leurs requêtes dans de bonnes conditions : en reportant la fenêtre du 23 mars de quelques semaines (jusqu’à un mois), en ajournant les soumissions du 25 mai au 30 août (fenêtre 3 de soumission) et en discutant dès maintenant de possibles extensions des subventions du cycle actuel au 1e trimestre 2021 afin de laisser aux pays le temps de mener le processus de négociation de la subvention à son terme.
Le sujet sera certainement traité lors du comité stratégique, qui doit se tenir virtuellement jeudi 19 et vendredi 20 mars.