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LA PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH : QUAND LA QUANTITÉ PRIME SUR LA QUALITÉ.
OFM Edition 97

LA PRISE EN CHARGE MÉDICALE DES PERSONNES VIVANT AVEC LE VIH : QUAND LA QUANTITÉ PRIME SUR LA QUALITÉ.

Author:

Dr Madiarra Coulibaly Offia

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 6

Les organisations de la société civile locales construisent une expertise dans la gestion des subventions du Fonds mondial et répondent aux défis avec professionnalisme et pertinence

RÉSUMÉ L’Alliance Côte d’Ivoire est bénéficiaire principale des subventions communautaires de lutte contre le VIH et la tuberculose depuis plusieurs années. Forte de cette expérience qu’elle partage dans cet article, elle analyse les défis et les opportunités que ce rôle lui a conférés, invitant les organisations de la société civile locales à relever ces défis dans une recherche d’appropriation et de professionnalisation.

Contexte

La gestion de subventions des partenaires internationaux comme le Fonds Mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a pendant longtemps été confiée aux organisations internationales ou onusiennes et ce pour diverses raisons que nous n’évoquerons pas ici.

Certains pays comme la Côte d’Ivoire, ont en revanche fait le choix de responsabiliser assez tôt des ONG nationales à la position de bénéficiaire principal (BP) pour le volet de mise en œuvre des activités communautaires. C’est ainsi qu’en 2011, l’ONG Alliance Côte d’Ivoire a été sélectionnée comme BP communautaire de la subvention VIH, puis de la subvention tuberculose en 2016. L’organisation assure une gestion performante des deux subventions qui sont toutes les deux notées A1 selon la grille de performance du Fonds Mondial.

Leçons apprises et valeur ajoutée de devenir Bénéficiaire principal

Etre sélectionné comme BP a constitué pour Alliance Côte d’Ivoire une opportunité de passer à l’échelle des approches pertinentes propres à l’organisation au bénéfice des cibles et d’insuffler sa vision dans la mise en œuvre des programmes communautaires au niveau national. Ainsi, les processus de renforcement progressif des capacités des ONG partenaires, les approches de lutte contre la stigmatisation des populations clés en milieu de soins (LILO, formation des prestataires du secteur public, utilisation du REACT etc) pour ne citer que celles-ci, ont pu être opérationnalisées à large échelle en Côte d’Ivoire.

Par ailleurs, la gestion des subventions du Fonds Mondial a entraîné le développement d’outils, de mécanisme et de rigueur de gestion qui ont contribué à renforcer le management global et la gouvernance de l’organisation. Le leadership de l’organisation s’en trouve renforcé car elle est associée aux différents cadres de concertation et de prise de décision au niveau national et régional. La mise en œuvre des subventions oblige à un renforcement des équipements, au recrutement de personnels qualifiés et à l’acquisition de locaux convenables. Cette montée en puissance au niveau managérial et du leadership rend l’organisation attrayante pour les autres bailleurs, qui sont à la recherche d’ONG locales crédibles pour assurer la mise en œuvre de leurs projets.

Les bénéfices de la gestion des subventions du Fonds Mondial par une ONG locale évoqués ci-dessus n’auraient pas été possible en l’absence de mise en œuvre performante des subventions. Il est donc utile de rappeler qu’il existe des pré-requis pour pouvoir gérer une subvention du Fonds Mondial de façon performante.

Alliance Côte d’Ivoire s’est familiarisée à la gestion des subventions du Fonds Mondial en qualité de sous-bénéficiaire de 2008 à 2010. Au sortir de la crise postélectorale de 2011 traversée par la Côte d’Ivoire, des garanties additionnelles furent imposées au pays et qui constituaient un frein majeur au décaissement des fonds. L’Alliance, qui venait d’être recrutée comme BP Communautaire VIH, a éprouvé du mal à démarrer son programme en raison de ces procédures contraignantes et peu flexibles. Avec la normalisation du contexte socio-politique et la levée de ces conditions, Alliance Côte d’Ivoire a utilisé 4 grands leviers pour améliorer sa performance.

  • Le premier levier fut l’investissement dans la gouvernance et le management de l’organisation avec un renforcement de la fonctionnalité de ses organes de gouvernance (Assemblée générale, Conseil d’Administration, Direction Exécutive), la révision de ses manuels de procédures et le renforcement du contrôle interne. La mise en œuvre de ce volet a bénéficié de l’appui technique de Frontline Aids (anciennement Alliance Internationale contre le VIH/sida), réseau international dont Alliance Côte d’Ivoire est membre.
  • Le second levier est celui du capital humain. Une révision de l’organigramme basé sur le plan stratégique de l’organisation a d’abord été réalisée. Des processus de recrutement du personnel basés sur la compétence s’en sont suivis et une évaluation des besoins de formation continue a été conçue et mise en œuvre grâce aux subventions ou sur fonds propres. Les processus de fixation annuelle des objectifs à chaque personnel, assortis d’évaluations régulières, ont été systématisés. Un travail sur l’amélioration du climat de travail a été conduit avec l’instauration de cadres de concertation (réunions, retraites), le renforcement de la socialisation à travers l’amicale du personnel et la révision de la grille salariale.
  • Le troisième levier est celui de la planification et du développement des outils de gestion. En plus des plans stratégique, opérationnel, de communication et de plaidoyer qui orientent les actions de l’organisation, la gestion quotidienne des subventions du Fonds Mondial requiert le développement de procédures solides de planification et de reprogrammation. Ainsi, une fois le plan d’action et le budget validés, des plans de démarrage des subventions, d’accélération en cas de retard, d’approvisionnement doivent être établis. Des plans d’action doivent prévoir les décaissements de chaque sous-bénéficiaire. Des outils de gestion des BS ont été acquis ou conçus. Il s’agit du PR Dashboard, obtenu grâce à l’appui technique de GMS (Grant Management Solution), des guides de justification des dépenses et d’un outil Excel de gestion comptable simplifiée pour les organisations de faible capacité (sous sous-bénéficiaires).
  • Le dernier levier est celui du partenariat avec le secteur public et la société civile ivoirienne. Le recrutement des sous-bénéficiaires est une étape cruciale qui, si elle est mal gérée, peut constituer un réel handicap pour le bénéficiaire principal. Pour ce faire, une commission indépendante avait été mise en place pour sélectionner les organisations les mieux outillées suite à un processus compétitif et ouvert. Les BS identifiés ont été évalués avant d’être reconduits pour les financements suivants et félicités quand les performances étaient satisfaisantes. L’organisation a amélioré sa communication avec l’équipe pays du Fonds Mondial, le CCM et les programmes nationaux de lutte contre le VIH et la tuberculose. La production de bulletins d’information, de rapports annuels et d’abstracts/articles a contribué à la diffusion des résultats obtenus par la structure.

 

Résultats

Le graphique ci-dessous montre l’évolution de la performance d’Alliance Côte d’Ivoire de décembre 2013 à juin 2019 pour les 2 subventions communautaires VIH et TB financées par le Fonds Mondial.

image

La gestion performante a facilité les efforts de mobilisation de ressources de l’organisation.  Alliance Côte d’Ivoire est passée de 2 projets soutenus par les bailleurs en 2013 à 7 projets en 2020 avec un éventail plus varié de bailleurs (Fonds Mondial, Union Européenne, Banque Mondiale, Initiative 5%, Stop TB partnership, EGPAF/UNITAID). Malgré ces efforts de diversification de partenaires, le Fonds Mondial représente encore plus de 90% des financements de l’organisation en raison du niveau des subventions accordées.

L’octroi de frais de gestion à Alliance Côte d’Ivoire depuis 2016 sur les subventions du Fonds Mondial permet d’aborder avec plus de sérénité le développement et la pérennisation de l’organisation.

Défis

L’Alliance Côte d’Ivoire a dû faire face à des défis relatifs à sa position de bénéficiaire principal et la gestion des subvenions du Fonds Mondial. En effet, après avoir été sous-bénéficiaire et considérant le contexte de sortie de crise, il a fallu rapidement rassurer les acteurs (CCM, Fonds Mondial et Ministère de la santé) en produisant des résultats. Cela s’est traduit par une charge de travail importante lors du démarrage des subventions, un travail actif de partage d’informations pour renforcer la communication et la signature d’accords de collaboration avec les programmes nationaux, afin de faciliter la mise en œuvre des interventions par les partenaires sur le terrain.

D’autre part, la mise en œuvre de la subvention en cascade (BP, BS, SSB) induit des risques financiers et programmatiques qu’il a fallu prévenir, par un renforcement continu des capacités des ONG impliquées, le développement des outils de gestion et un suivi rapproché.

Un autre défi qui surgit de la mise en œuvre en cascade pour le BP, est celui de la perte de sa légitimité aux yeux de ses BS, SSB et de la société civile car l’organisation est perçue comme une structure de concepteurs et gestionnaires de projet, qui s’éloigne progressivement des réalités de la mise en œuvre. Maintenir, en tant qu’Alliance Côte d’Ivoire, la mise en œuvre de certains axes d’interventions sur le terrain a contribué à corriger cette image dont dépend l’autorité du BP auprès de ses BS pour une mise en œuvre réussie des programmes.

Le dernier défi, et pas des moindres, concerne le détournement de l’ONG nationale devenue BP, de son rôle de veille et de contrôle citoyen, puisqu’elle devient partenaire de mise en œuvre. Le soutien apporté à la Plateforme des réseaux et faitières, forte de 10 réseaux et faitières engagés dans la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, a contribué à relever ce défi. Le soutien s’est traduit par la mise en place d’un système d’alerte sur les ruptures de médicaments, le respect des normes de gratuité et la fonctionnalité des équipements, des appuis au fonctionnement, des voyages d’échange avec d’autres pays, et l’appui à l’observatoire sur les violations des droits humains en lien avec ENDA Santé Côte d’Ivoire.

Conclusion

La gestion des subventions du Fonds Mondial en qualité de bénéficiaire principal communautaire représente une réelle opportunité de développement organisationnel pour une ONG nationale, à condition que celle-ci accepte d’opérer les transformations nécessaires et de travailler sur les leviers spécifiques. La mise en œuvre réussie des subventions du Fonds Mondial en qualité de BP par une ONG nationale est possible. Elle renforce les possibilités de mobilisation des ressources pour la structure et son leadership. Cependant, il est important de rester vigilant à certains défis qui pourraient fragiliser l’organisation et qu’il convient d’anticiper. La transition de la gestion des financements internationaux vers les ONG locales est souhaitée par les partenaires financiers, elle peut se construire sur des expériences réussies pour proposer des programmes holistiques et compatibles avec le développement des ONG locales retenues.

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