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LE SECRÉTARIAT DU FONDS MONDIAL EN DÉSACCORD AVEC LE NIGERIA AU SUJET DU BÉNÉFICIAIRE PRINCIPAL POUR LES POPULATIONS CLÉS DU VIH
OFM Edition 102

LE SECRÉTARIAT DU FONDS MONDIAL EN DÉSACCORD AVEC LE NIGERIA AU SUJET DU BÉNÉFICIAIRE PRINCIPAL POUR LES POPULATIONS CLÉS DU VIH

Author:

Equipe d’Aidspan

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 4

RÉSUMÉ Le secrétariat du Fonds mondial et l'instance de coordination nationale (CCM) du Nigeria sont en désaccord sur les bénéficiaires principaux (BP) des subventions VIH pour le cycle 2020-2022. La pomme de discorde est la décision du secrétariat de déclasser la Society for Family Health (SFH), une organisation de la société civile locale, au rôle de sous-bénéficiaire de family health international (fhi 360), qui deviendra le seul bénéficiaire principal non étatique. Le CCM et plusieurs organisations de la société civile s'opposent à cette décision. Ils préfèrent SFH, qui est en charge des programmes de population clés dans le cadre de la subvention actuelle. Le Nigeria possède l'un des plus grands portefeuilles du fonds mondial : l'allocation totale est de près de 890,6 millions de dollars pour le cycle 2020-2022. Le pays a demandé la poursuite du financement de la subvention VIH/TB, qui s'élève à plus de 451,3 millions de dollars pour la période.

Le Secrétariat du Fonds mondial et l’Instance de coordination nationale (CCM) du Nigeria sont en désaccord sur les bénéficiaires principaux (BP) des subventions VIH/TB pour le cycle 2020-2022. La pomme de discorde est la décision du Secrétariat de déclasser la Society for Family Health (SFH), une organisation de la société civile (OSC) locale, au rôle de sous-bénéficiaire de Family Health International (FHI 360), qui deviendra le seul bénéficiaire principal non étatique. Le CCM et plusieurs OSC s’opposent à cette décision. Ils préfèrent SFH, qui est en charge des principaux programmes auprès des populations clés dans le cadre de la subvention actuelle. Le Nigeria possède l’un des plus grands portefeuilles du Fonds mondial : l’allocation totale s’élève à près de 890,6 millions de dollars pour le cycle 2020-2022. Le pays a demandé la poursuite du financement de la subvention VIH/TB, qui s’élève à plus de 451,3 millions de dollars pour la période.

Les informations utilisées dans cet article proviennent de la demande de subvention du Nigéria et des lettres échangées entre le Secrétariat (y compris le directeur exécutif), le président du CCM, qui est le ministre fédéral de la santé du pays, et plusieurs OSC.

Le contexte du financement de la santé au Nigeria

Le Nigeria possède l’un des plus grands portefeuilles du Fonds mondial. Il compte une population de plus de 200 millions d’habitants, dont 95 % sont exposés au risque de paludisme tout au long de l’année. De plus, la prévalence du VIH parmi la population adulte est de 1,3 %. Le Fonds mondial classe le Nigéria parmi les pays à fort impact (un portefeuille très important, avec un fardeau de maladies critiques) et un environnement opérationnel difficile.

En 2016, le Secrétariat a invoqué la politique de sauvegarde additionnelle à la suite d’une enquête menée par le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) en 2015, qui « révélait de nombreuses preuves de détournement systématique des fonds du programme, de pratiques frauduleuses et de collusion par … le personnel et les consultants [du partenaire de mise en oeuvre] affectés au programme financé par le Fonds mondial”. L’entité de mise en œuvre était le Département de la planification, de la recherche et des statistiques du gouvernement fédéral, un sous-bénéficiaire de l’Agence nationale pour le contrôle du sida (NACA). Le BIG avait constaté que l’insuffisance des contrôles internes à la NACA avait entraîné des dépenses non conformes de 3 816 766 dollars. Certains de ces problèmes ont dû être résolus, car la NACA est actuellement le PR des subventions VIH et le restera pour la période d’allocation 2020-2022.

Au Nigeria, la subvention du Fonds mondial pour la lutte contre le VIH et la tuberculose couvre l’achat des produits, les traitements et la gestion des programmes dans deux États (Ebonyi et Anambra),  le plan d’urgence du président américain pour la lutte contre le sida (PEPFAR) soutient les autres États. Le Fonds mondial et le PEPFAR se partagent les interventions en matière de VIH pour les populations clés, telles que la fourniture de préservatifs et de lubrifiants pour l’ensemble du pays. Le PEPFAR a contribué à hauteur de 72 % du total des fonds destinés à la lutte contre le VIH ; le Fonds mondial a contribué à hauteur d’environ 22 %. Le reste est couvert par le gouvernement du Nigeria, selon la note conceptuelle sur le VIH de 2019 soumise au Fonds mondial par le CCM.

Subvention autonome pour le renforcement du système de santé résilient et pérenne

Comme pour tous les pays, la lettre d’allocation nigériane suggérait une répartition entre les trois maladies (VIH, tuberculose et paludisme). Le CCM du Nigeria a proposé que l’allocation soit divisée en quatre subventions, une pour chaque maladie (VIH, tuberculose et paludisme) et une subvention autonome pour le renforcement des de systèmes de santé résilients et pérennes (SRPS). Le CCM a proposé de réduire les subventions pour le VIH et le paludisme de 50 644 580 dollars pour financer la subvention SRPS.

Le Comité technique d’examen des propositions (TRP), un organe indépendant du Fonds mondial qui évalue la qualité des demandes de financement, a approuvé le concept de la subvention autonome SRPS. Cependant, le panel n’était pas d’accord avec certains des arbitrages nécessaires au financement de la subvention, en particulier le manque de garantie apportée par le CCM de financer entièrement la chimioprévention du paludisme saisonnier (CPS). Cette dernière permet aux enfants vivant dans des zones de transmission du paludisme hautement saisonnier (la région du Sahel) de suivre un traitement complet de médicaments antipaludiques de façon intermittente, souvent mensuelle. Une partie de ces activités figurait dans la demande de qualité non financée. Les activités figurant dans cette demande peuvent être financées par optimisation du portefeuille, mais le financement n’est pas garanti. Le Secrétariat a suggéré que le financement complet de la chimioprévention du paludisme saisonnier provienne de la réduction de la subvention SRPS et de l’optimisation de la subvention paludisme.

Les deux parties ont accepté ce changement.

Tableau 1 : Répartition des fonds pour financer le renforcement des systèmes de santé résilients et pérennes ($)

ALLOCATION 2020–2022 Répartition proposée par le CCM Répartition propose par l’équipe pays du FM Contribution des composantes maladies à la subvention SRSPS
VIH  329,207,978  307,715,959 307,715,959 21,392,019
TB 143,595,962  143,595,962 143,595,962
Paludisme  417,893,727 388,641,166  403,641,147 14,252,580
SRPS 50,644,580 35,644,599
Allocation totale  890,697,667  890,597,667  890,597,667 35,644,599

Source: Lettre envoyée par le Secrétariat du Fonds mondial au CCM du Nigéria

 

Bénéficiaires principaux de la subvention VIH/TB

Le CCM a initialement proposé six bénéficiaires principaux pour gérer la subvention VIH/tuberculose : quatre bénéficiaires principaux pour le VIH – NACA, FHI 360, SFH et le ministère de la santé de l’État de Lagos ; et deux bénéficiaires principaux pour la tuberculose – le programme national de lutte contre la tuberculose, la lèpre et l’ulcère de Buruli et l’Institut de virologie humaine du Nigeria. Les six partis étaient les BP du cycle précédent.

L’évaluation du TRP a révélé que le dispositif de mise en œuvre proposé était complexe et inutilement coûteux. Il a également déclaré que l’engagement d'”un plus grand nombre d’institutions nationales dans la gestion des subventions pourrait avoir un impact positif sur l’appropriation du programme et la transition”. Le panel a donc recommandé de réduire le nombre de BP, de réduire les coûts de gestion des programmes et d’augmenter les coûts de renforcement des capacités des institutions nationales et des Organisations de la Société Civile en matière de gestion des programmes et des finances.

En conséquence, le CCM a proposé d’abandonner le gouvernement de Lagos comme BP pour la subvention VIH, de conserver FHI 360 et SFH comme BP non étatique, et le NACA comme BP gouvernemental. Dans une lettre signée par le président, le CCM justifiait ce choix. Il signalait que SFH avait obtenu de meilleurs résultats auprès des populations clés que FHI 360, et que le maintien de SFH en tant que BP entraînerait une perturbation minimale des services aux populations clés financés par les subventions du Fonds mondial. La CCM a également noté que FHI 360 n’avait pas mené la formation prévue pour renforcer les capacités des organisations locales.

Aidspan a pris connaissance des lettres de gestion envoyées à SFH et à FHI 360 pour la période allant de juillet 2019 à fin décembre 2019 (Les lettres de gestion sont envoyées par le Secrétariat aux BP en réponse à la soumission de leur rapport semestriel de mise en œuvre de la subvention. La plus récente, datant de juin 2020, n’a pas encore été partagée). Sur la base des performances, FHI 360 a obtenu la note B1. L’équipe pays a noté quelques transgressions financières mais n’a pas modifié la note. L’équipe pays a dégradé la performance de SFH de B1 à B2 en raison de données manquantes pour un trimestre. Elle a également mentionné la nécessité d’une meilleure collaboration entre SFH et FHI 360.

Le Secrétariat s’est opposé à la proposition de conserver SFH comme BP. Il a proposé que FHI 360 continue d’être BP et que SFH devienne un sous-bénéficiaire de FHI 360. FHI 360, bénéficiaire des financements du PEPFAR, est devenu un BP des subventions du Fonds mondial après l’audit de 2015. Une lettre du Secrétariat, signée par le chef de la division « High Impact Africa 1 », explique que le pays est soumis à la politique de sauvegarde additionnelle, qui autorise le Secrétariat à choisir les BP.

En réaction, plusieurs OSC représentant les personnes vivant avec le VIH et les populations clés ont écrit au président de la CCM, puis au directeur exécutif du Fonds mondial, avec copie au président et au vice-président du Conseil d’administration du Fonds mondial. Dans ces lettres, les dirigeants de ces organisations ont exhorté le ministre à rejeter la décision du Secrétariat de choisir FHI 360 comme BP, lui préférant SFH. Des extraits de ces lettres sont publiés dans les médias en ligne du Nigeria. L’une de ces lettres affirmait que “FHI 360 n’a pas d’expérience dans l’intervention auprès des populations clés et ne les comprend pas bien. SFH a tenu ses promesses et a continué à les soutenir en dépit de tous les obstacles. Ils ont également acquis, au fil du temps, une expérience dans l’intervention auprès des populations clés, ce qui les rend plus aptes à être des BP”.

Peter Sands, le directeur exécutif du Fonds mondial, a répondu aux OSC en soutenant ses collègues. Il a rappelé dans sa lettre que les subventions accordées au Nigeria pour la lutte contre le VIH ont augmenté de 33 % et que la politique de sauvegarde additionnelle permet au Secrétariat de choisir les BP. La lettre n’abordait pas la question de la performance comparative des deux organisations.

La CCM a ensuite écrit aux BP pour leur demander de cesser toute discussion sur l’octroi des subventions avec l’équipe pays du Fonds mondial pendant que la CCM et le Secrétariat résolvent la question.

Le 31 juillet, le Forum d’évaluation par les pairs, un réseau d’observateurs et de plaideurs, a adressé un courrier très ferme à Peter Sands. La lettre a été signée par 385 organisations. Elle affirmait que le choix de SFH comme bénéficiaire principal garantirait la fourniture de bons services aux populations clés tout en permettant au pays d’économiser plus de 24 millions de dollars, qui pourraient être utilisés pour financer d’autres interventions dans le cadre de la demande non financée citée ci-dessus. La lettre mentionnait que les organisations non gouvernementales internationales sont engagées à des coûts élevés qui ne sont pas communiqués, même au CCM nigérian. Les signataires ont déclaré que le choix de SFH répondra à la recommandation du TRP d’accroître la capacité des organisations locales et de minimiser la perturbation de la prestation de services due aux mécanismes existants à SFH. Les signataires ont critiqué la politique de sauvegarde additionnelle, notant que dans sa forme actuelle, elle “sert d’outil de colonisation oppressif pour la réponse au VIH au Nigeria, que le secrétariat du FM peut facilement utiliser lorsqu’il se livre à des pratiques malsaines”.

La politique de sauvegarde additionnelle à l’œuvre

Le Nigeria est soumis à la politique de sauvegarde additionnelle depuis 2016. L’NACA, le BP du gouvernement fédéral dont le sous-bénéficiaire était responsable de la disparition des fonds de la subvention, et dont les contrôles internes ont été jugés défaillants, a depuis été rétabli en tant que BP. Au Nigeria, le Secrétariat a engagé un agent fiscal et un autre chargé de l’entreposage des médicaments afin d’atténuer le risque de mauvaise gestion des fonds de la subvention. L’évaluation de ces mesures d’atténuation des risques n’a pas encore été rendue publique.

Les rapports de l’OIG ont abordé la question de la politique de sauvegarde additionnelle. Dans son audit de 2017 sur la gestion des subventions dans les environnements à haut risque, le BIG a recommandé que “conformément au principe d’appropriation par les pays du Fonds mondial, les garanties supplémentaires … doivent être des mesures à court terme”. Dans son Rapport consultatif sur l’Afrique occidentale et centrale publié en 2019, l’OIG a souligné le conflit d’intérêts inhérent lorsque le Secrétariat du Fonds mondial exige de ses prestataires de services qu’ils renforcent les capacités du personnel ou des organisations locales pour prendre en charge leur travail. Cette exigence n’a pas fonctionné pour les précédentes subventions du Fonds mondial en Afrique de l’Ouest.  L’OIG a également souligné l’importance d’avoir une stratégie de sortie pour la Politique de Sauvegarde additionnelle. Le rapport a également ajouté : “Les mesures de sauvegarde additionnelles ont conduit à un déséquilibre entre l’atténuation des risques financiers et la mise en œuvre des subventions”.

 

Lectures complémentaires

 

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