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Le Programme présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR) est menacé de disparition.
OFM Edition 155

Le Programme présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida (PEPFAR) est menacé de disparition.

Author:

Christian Djoko

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 2

Le PEPFAR est pris en otage par une guerre idéologique entre républicains et démocrates

Cet article rappelle l’importance du PEPFAR dans la lutte contre le VIH/SIDA au moment où son avenir est suspendu à la guerre culturelle et à la partisanerie politique en cours au niveau de la Chambre des représentant(e)s des États-Unis.

 

Crée en 2003 sous l’impulsion de Georges W. Bush alors président des États-Unis, le PEPFAR (Programme présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le sida) est un programme de politique étrangère américaine visant à éradiquer le VIH/SIDA dans le monde. À travers son soutien au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (dont le PEPFAR est le principal donateur), aux gouvernements nationaux, à ONUSIDA et à d’autres agences des Nations unies, le PEPFAR entend offrir des services de santé sexuelle et génésique tels que : la prévention de la transmission du VIH de la mère à l’enfant et l’accès aux préservatifs, l’éducation et les soins relatifs aux infections sexuellement transmissibles, le dépistage et le traitement du cancer du col de l’utérus et la prévention de la violence fondée sur le sexe.

 

Cette initiative qui a permis de sauver plusieurs millions de vies dans le monde et en Afrique subsaharienne plus particulière est aujourd’hui menacée de disparition. Le soutien bipartisan (Démocrates et Républicains) qui a permis son maintien depuis vingt ans est aujourd’hui loin d’être garanti comme en témoignent les articles du The New York Times et du Washington Post. Certains républicains de la Chambre des représentants, poussés par une série de groupes conservateurs influents, menacent de bloquer une nouvelle réautorisation quinquennale au motif que le PEPFAR est devenu un moyen de promouvoir et de financer indirectement des avortements, ce qui va à l’encontre de leurs croyances. Des allégations que contestent de nombreux experts en santé, les démocrates, et les responsables du PEPFAR.

 

À ce stade, il existe une certitude : si cette querelle politique sur fond de guerre idéologique débouche sur la non-reconduction du programme d’ici le 30 septembre 2023, la lutte contre le VIH à travers le monde s’en trouvera nécessairement affaiblie. Autrement dit, l’abrogation de programme ou du retard dans le lancement d’un nouveau cycle quinquennal constituera inéluctablement un risque majeur pour la sécurité/santé mondiale et une condamnation à mort pour de millions de personnes. Mais, avant de nous appesantir sur les conséquences de la fin éventuelle du PEPFAR, il convient peut-être de présenter plus amplement de quoi ce programme est-il le nom et les réalisations et succès que l’on peut objectivement mettre à son actif au bout de 20 ans d’existence.

 

Le PEPFAR : de quoi est-il concrètement le nom?

 

Le PEPFAR est non seulement le plus grand programme de santé au monde consacré à une seule maladie, mais c’est aussi le programme qui a sauvé plus de vies que n’importe quelle autre politique du gouvernement américain au 21e siècle. Depuis son lancement, le PEPFAR a dépensé plus de 100 milliards de dollars dans plus de 50 pays, distribué des millions de médicaments pour traiter et prévenir le VIH, recueilli des données qui ont permis de mieux comprendre et contenir la propagation du VIH/SIDA.

 

Selon les estimations les plus récentes du gouvernement américain, il aurait permis de sauver jusqu’à 25 millions de vies depuis son entrée en vigueur. Il soutient actuellement le traitement de plus de 20 millions de personnes qui dépendent du programme pour continuer à avoir accès aux médicaments.

 

Les experts soulignent surtout que le PEPFAR a contribué à stabiliser les systèmes de santé dans des régions telles que l’Afrique subsaharienne, dévastée par la propagation du VIH dans les années 1990, et à renforcer la capacité mondiale à faire face aux crises futures. « Il ne s’agit pas du tout d’une question d’avortement, mais de la mise en place d’infrastructures de soins de santé dans les pays pour faire face à des défis de type pandémique », a déclaré le sénateur démocrate du Maryland Benjamin L. Cardin.

 

Plus singulièrement, le PEPFAR a contribué à améliorer la santé maternelle et infantile et qu’il est associé à des baisses importantes et significatives de la mortalité dans les pays où il a été mis en œuvre.

 

20 ans d’impact

 

Pour les enfants, le décès d’un parent laisse souvent place à l’éclatement/séparation des familles, à la pauvreté, au retard voire à l’abandon des études, à la maltraitance, aux troubles de santé mentale, à l’exploitation sexuelle et une exposition élevée aux infections sexuelles transmissibles. Selon les données de l’ONUSIDA, l’ère du PEPFAR a permis d’inverser significativement ces effets dévastateurs sur la trajectoire de vie des enfants orphelins.

Source : https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(23)01723-3/fulltext

 

Le nombre de nouvelles infections à VIH chez les enfants dans ces pays a diminué de 1,7 million en 2010 à 820 000 en 2022, ce qui représente 94 % de toutes les infections à VIH chez les enfants évitées au niveau mondial grâce aux programmes de transmission verticale.

 

Il y a lieu de préciser que les progrès les plus significatifs réalisés dans la prévention des nouvelles infections et la réduction des décès liés au sida l’ont été dans les pays soutenus par le PEPFAR. Entre 2010 et 2022, le nombre de nouvelles infections par le VIH dans les pays soutenus par le PEPFAR a chuté de 57 %, contre 38 % au niveau mondial. Et même si le financement annuel du PEPFAR n’a pas considérablement évolué au cours de la dernière décennie, force est de constater que le PEPFAR à une influence significative sur la mobilisation de fonds gouvernementaux supplémentaires pour la prévention et le traitement du VIH/SIDA. (Voir p. 27). Dans l’immense majorité des pays soutenus par le PEPFAR, il est en effet loisible d’observer une augmentation de leur financement national pour la lutte contre VIH/SIDA. Cela est d’autant plus remarquable que les financements internationaux pour la santé et le développement dans les pays à revenu faible et intermédiaire sont globalement en baisse.

 

Les progrès et les succès continus du PEPFAR ont un impact systémique, soutenant les efforts mondiaux visant à mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique.

 

Les dangers liés à la disparition du PEPFAR.

 

Alors que l’autorisation actuelle du PEPFAR par le congrès se termine, disions-nous, le 30 septembre 2023, certains républicains et milieux conservateurs veulent imposer au PEPFAR la politique dite de “Mexico”, laquelle interdit au gouvernement fédéral de financer toute organisation soutenant l’avortement, même avec des fonds non fédéraux. D’autres invitent à réduire la fenêtre opérationnelle du PEPFAR, en l’obligeant à être réautorisé tous les ans plutôt que tous les cinq ans. Ces deux propositions n’ont cependant rien à voir avec la réalité des faits.

Premièrement, le PEPFAR a toujours été interdit de financer l’avortement. Le programme se tient à l’écart de nombreuses questions sociales controversées liées au VIH/sida, ce qui est un héritage de sa création bipartisane en 2003.

 

Deuxièmement, le fait d’imposer des votes annuels sur le programme créerait inévitablement des occasions de l’affaiblir. Au moment où le Congrès débat de l’avenir du programme, la confusion et l’inquiétude sur le terrain sont grandes pour les organisations qui tentent de planifier leurs opérations quinquennales. De toute évidence, si le PEPFAR devient une nouvelle victime des guerres culturelles internes aux États-Unis, des dizaines de millions de personnes souffriront et mourront potentiellement d’une maladie que nous savons déjà combattre. La perte du PEPFAR entraînerait inévitablement la mort, l’orphelinat et la souffrance de millions d’enfants. Les modèles épidémiologiques pour les enfants de moins de 15 ans prévoient qu’une interruption de l’approvisionnement pendant 6 mois entraînerait 107 300 infections pédiatriques supplémentaires par le VIH et 20 600 décès infantiles supplémentaires dus au sida en l’espace d’un an.

 

Les républicains qui se présentent souvent comme de pro-vies doivent se rendre à l’évidence que le PEPFAR est un instrument qui sauve des vies.

 

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