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LA CHINE APRÈS LE RETRAIT DU FONDS MONDIAL
OFM Edition 2

LA CHINE APRÈS LE RETRAIT DU FONDS MONDIAL

Author:

Yanzhong Huang and Jia Ping

Article Type:
POINT DE VUE

Article Number: 1

RÉSUMÉ Pendant près d'une décennie, la Chine a été l'un des principaux bénéficiaires des subventions du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. De 2003 à 2012, plus de 805 millions de dollars ont été décaissés pour soutenir 15 subventions dont près de la moitié (46 %) ont financé des campagnes de prévention, de diagnostic et de traitement de la tuberculose à travers le pays.

Pendant près d’une décennie, la Chine a été l’un des principaux bénéficiaires des subventions du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. De 2003 à 2012, plus de 805 millions de dollars ont été décaissés pour soutenir 15 subventions dont près de la moitié (46 %) ont financé des campagnes de prévention, de diagnostic et de traitement de la tuberculose à travers le pays.

Présent dans plus des deux tiers des comtés et districts de la Chine, le Fonds mondial est devenu le principal partenaire international de la santé dans le pays. Mais le changement des priorités de financement du Fonds en faveur des pays plus pauvres avec des charges de morbidité plus élevées, ainsi que la tendance mondiale qui pousse les économies émergentes à assumer une responsabilité toujours plus grande dans leurs propres budgets de la santé, ont mis un terme à la collaboration entre la Chine et le Fonds. Deux subventions seulement restent actives : l’une contre la tuberculose et l’autre contre le paludisme, le long de la frontière avec le Myanmar. Et la Chine n’a pas été jugée admissible en 2014 pour demander de nouvelles subventions.

Dans un document publié le 31 mars par le groupe de réflexion Council on Foreign Relations, The Global Fund’s China Legacy (PDF – 407 Ko), la fin de cette relation entraîne l’examen inévitable de ce qui est un bilan profondément mitigé. Les financements du Fonds ont certes contribué considérablement à la lutte contre les trois maladies et à l’amélioration de la gouvernance de la santé en Chine, par rapport à l’évolution des mentalités, des institutions et des politiques. Mais les programmes subventionnés ont produit des résultats inégaux et un faible rapport coût-efficacité. Encore plus troublant, ceux-ci ont eu des effets imprévus sur le soutien à la société civile, et le développement difficile de programmes d’intervention durables.

Cet héritage a des implications considérables pour la gouvernance mondiale de la santé, le futur modèle de financement du Fonds et la gestion par la Chine de ses propres problèmes de santé publique.

Gouvernance de la santé mondiale

Les institutions mondiales de la santé peuvent influer sur la santé publique et la gouvernance de la santé d’un pays récipiendaire en établissant un lien entre ses besoins de financement, sa réputation internationale et ses engagements extérieurs. Cependant, pour y parvenir, une approche intégrée et systémique des interventions est essentielle. Des interventions verticales, spécifiques à une maladie, ne doivent être poursuivies que si elles peuvent avoir un impact sur d’autres programmes ou si elles ont un fort potentiel d’atteindre une ampleur conséquente. Des efforts visant à pousser les programmes à adopter une approche uniforme, dans des domaines tels que le soutien à l’épanouissement de la société civile, peuvent aboutir à des résultats indésirables et inattendus qui compromettent leur efficacité à long terme.

En essayant d’imposer des normes et pratiques de la santé mondiale à des contextes spécifiques à chaque pays, des acteurs extérieurs bouleversent parfois l’équilibre délicat si nécessaire pour aboutir à des résultats. Il faut de la souplesse dans la mise en œuvre au niveau national de manière à respecter les principes et valeurs de chaque pays.

Mais si une approche universelle ne tiendra pas compte des spécificités de chaque pays, à l’inverse, une trop forte soumission au principe selon lequel chaque pays doit être aux commandes de ses programmes pourra aller à l’encontre du but même de l’intervention internationale. Une stratégie plus judicieuse et productive reposerait sur une meilleure communication entre les pays récipiendaires et les institutions mondiales de la santé. À cette fin, les institutions internationales de la santé doivent apprendre à mener une diplomatie efficace et à négocier avec leurs homologues d’une manière franche, nuancée et pratique. Une mauvaise communication sur la question de la société civile et le détournement de fonds en Chine, par exemple, a tendu les relations entre la Chine et le Fonds. En revanche, la diplomatie discrète et soutenue de la direction du Fonds mondial a permis une réponse positive de la Chine afin de collaborer à l’amélioration de la situation de la santé publique en Afrique.

Le modèle de financement du Fonds mondial

L’expérience du Fonds mondial en Chine lui sert de base de référence pour son travail dans d’autres pays. La transition vers le nouveau modèle de financement démontre que l’ancienne approche consistant « à mobiliser des fonds, à les dépenser, à optimiser leur utilisation et à collecter plus d’argent » induit des coûts d’opportunité significatifs et, du fait de l’accent mis sur des indicateurs quantifiables, peut créer tous types de risques éthiques.

Le Fonds mondial devrait mettre davantage l’accent sur la réponse appropriée à la charge de morbidité réelle de chaque pays, en insistant sur la qualité des programmes et en créant des mécanismes de co-financement efficaces. Lorsqu’il traite avec les pays bénéficiaires dans la phase de mise en œuvre, le Fonds devrait avoir une vision à plus long terme dans l’application de ses normes, valeurs et procédures — en particulier quand le pays bénéficiaire est confronté à de graves problèmes de capacités.

Dans la mesure où l’absence de bureaux nationaux limite le contrôle qu’il peut exercer sur les systèmes internes de suivi et d’évaluation, le Fonds devrait également former ses gestionnaires de portefeuille, non pas comme des banquiers qui tirent les ficelles à des milliers de kilomètres, mais comme des diplomates de la santé mondiale qui ont une bonne compréhension de la dynamique interne des pays dont ils sont responsables, et qui sont qualifiés pour négocier des accords avec efficacité. Il est impérieux que le Fonds mondial collabore étroitement avec les pays qui deviennent inéligibles pour ses financements afin d’élaborer une stratégie cohérente, souple et sans faille, de les aider à préserver et à intensifier les acquis, tout en les encourageant à devenir partenaires et bailleurs de fonds dans le cadre des investissements du Fonds mondial dans d’autres pays.

Enfin, il est temps que le Fonds mondial envisage d’adopter un mandat plus large qui transcende les trois maladies afin de conserver toute sa pertinence dans le contexte de l’évolution des problèmes de santé publique au niveau mondial et du mouvement soutenu en faveur de l’accès universel aux services de santé.

L’avenir de la Chine

Le retrait du Fonds mondial signale le passage de la Chine du statut de bénéficiaire de l’aide étrangère à celui de bailleur de fonds à part entière. Au lieu de résister aux appels à assumer davantage de responsabilités internationales, il est temps que la Chine dresse un calendrier de partenariats avec d’autres économies émergentes et les organismes d’aide multilatérale, pour investir dans l’amélioration de la situation de la santé dans d’autres pays. Entretemps, le gouvernement chinois devra mobiliser davantage de ressources nationales pour combler le déficit de financement causé par le départ du Fonds, créer un mécanisme pour soutenir l’achat et la fourniture de produits pharmaceutiques, de thérapies et d’autres services, et prendre des mesures pour intégrer les interventions spécifiques à chaque maladie aux objectifs d’accès universel aux soins de santé financés par le gouvernement. Tout au long de ce processus, l’idée d’une instance de coordination nationale réunissant les parties prenantes gouvernementales et non gouvernementales, la société civile et les personnes vivant avec les maladies, devrait être maintenue.

Cette approche est particulièrement utile pour assurer que les groupes marginalisés, les communautés touchées et les femmes sont engagés dans la prise de décision et que les droits de l’homme sont protégés, afin de renforcer la démocratisation des services de santé publique.

En effet, le gouvernement devrait sérieusement envisager la mise en place d’un type d’instance de coordination nationale après le retrait du Fonds pour conseiller les décideurs politiques et suivre la mise en œuvre des projets de santé en cours, afin d’encourager une structure de gouvernance plus ouverte et transparente et de trouver des solutions aux conflits d’intérêts au sein des organisations de la société civile (OSC) au lieu d’adopter la stratégie qui consiste à diviser pour mieux régner. Les OSC doivent être inclues dans la discussion et l’élaboration d’une telle stratégie. Plutôt que de passer pour des acteurs superflus ou des fauteurs de troubles, ces organisations devraient être traitées en tant que partenaires et inspirateurs de changement positif dans la gouvernance de la santé en Chine. En premier lieu, le gouvernement devrait modifier ses lois et règlements pour donner aux ONG un statut juridique et leur permettre de participer à la collecte de fonds publics, au plaidoyer et à la prestation de services, ainsi qu’au suivi et à l’évaluation des programmes. En envisageant le financement des OSC pour l’achat de services, la Chine pourrait s’inspirer du modèle du Comité technique d’examen des propositions (TRP) du Fonds mondial et rendre le processus d’examen plus professionnel, indépendant et transparent. Ce faisant, la Chine pourrait accroître sa collaboration avec d’autres pays récipiendaires et parties prenantes du Fonds afin de favoriser l’émergence d’une structure plus diversifiée et dynamique de la gouvernance de la santé mondiale.

Yanzhong Huang est chercheur principal sur la santé mondiale au Conseil des relations étrangères (Council on Foreign Relations) et professeur agrégé à l’École de diplomatie et des relations internationales (School of Diplomacy and International Relations) de l’Université Seton Hall. Jia Ping est le Directeur exécutif  et fondateur de l’initiative pour la gouvernance de la santé (Health Governance Initiative, autrefois appelée China Global Fund Watch Initiative), un organisme à but non lucratif et groupe de réflexion qui met l’accent sur la gouvernance de la santé, la transparence, la participation du public et la recherche en politique publique et en droit. Les avis exprimés dans ce commentaire sont les leurs.

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