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MODIFIER LA GOUVERNANCE DU FONDS MONDIAL, UNE RÉFORME POSSIBLE ET NÉCESSAIRE
OFM Edition 2

MODIFIER LA GOUVERNANCE DU FONDS MONDIAL, UNE RÉFORME POSSIBLE ET NÉCESSAIRE

Author:

Bernard Rivers

Article Type:
POINT DE VUE

Article Number: 2

RÉSUMÉ En 2011, le Fonds mondial a dû faire face à une crise de confiance déclenchée par certains articles négatifs dans la presse. Suivant le vieil adage selon lequel « à quelque chose malheur est bon », le Conseil d'administration du Fonds a cherché à rectifier un certain nombre de faiblesses, dont certaines n'avaient jamais été débattues auparavant.

En 2011, le Fonds mondial a dû faire face à une crise de confiance déclenchée par certains articles négatifs dans la presse. Suivant le vieil adage selon lequel « à quelque chose malheur est bon », le Conseil d’administration du Fonds a cherché à rectifier un certain nombre de faiblesses, dont certaines n’avaient jamais été débattues auparavant.

Le directeur exécutif a été convaincu de démissionner, un directeur général temporaire a été nommé pour restructurer le Secrétariat, et le Conseil d’administration a procédé à une refonte complète du modèle de fonctionnement du Fonds. Enfin, un nouveau directeur exécutif expérimenté a été recruté pour mettre en œuvre ce modèle.

La réaction efficace du Conseil d’administration face à cette crise ne compense pas pour autant les dysfonctionnements réguliers du Conseil dans l’exercice de ses responsabilités et de ses obligations courantes. De fait, d’aucuns pourraient affirmer que cette crise ne se serait jamais produite si le Conseil d’administration avait mieux fait son travail avant 2011.

Lors de la réunion qui s’est tenue début mars à Jakarta, il a été annoncé qu’un groupe de travail sur la gouvernance serait mis en place pour examiner la structure et les méthodes de travail du Conseil.

Quelques idées concernant de possibles réformes sont exposées ci-après. Elles sont extraites d’un document intitulé Des options pour réformer le Conseil d’administration du Fonds mondial, qui vient d’être publié par Aidspan.

La taille du Conseil d’administration

Avec vingt membres ayant le droit de vote, six membres sans droit de vote, plus un président et un vice-président tous deux sans droit de vote, le Conseil d’administration du Fonds mondial est une assemblée d’une taille conséquente. De plus, lors des réunions, chaque membre du Conseil est accompagné d’une délégation pouvant compter jusqu’à neuf membres.

Un conseil de cette taille a ses avantages, en ce sens que cela permet à des points de vue très divers de s’exprimer. Cependant, cela présente aussi certains inconvénients.

Par exemple, une fois le débat lancé, tout membre du conseil qui manifeste son désir d’intervenir doit souvent attendre son tour pendant une demi-heure voire plus. Lorsque ce moment arrive enfin, il n’est pas rare que le sujet de la discussion ait changé. Cela rend presque impossible toute conversation franche et sincère.

Cette « hypertrophie » fait que les réunions du Conseil d’administration du Fonds mondial ressemblent davantage aux séances d’un conseil des parties prenantes (comme un parlement) qu’à celles d’un conseil de direction (comme le conseil d’administration d’une entreprise).

Recommandation : Le Conseil d’administration devrait modifier le statut de quatre de ses membres sans droit de vote − à savoir, l’OMS, l’ONUSIDA, la Banque mondiale et les « partenaires » (Faire reculer le paludisme, Halte à la tuberculose et UNITAID) − pour en faire des observateurs.

Recommandation : Le Conseil d’administration devrait réduire à cinq, au lieu de dix actuellement, le nombre maximum de personnes dans chaque délégation.

La notion de groupe délibératif

Le Conseil d’administration du Fonds mondial fait figure d’exception parmi les organisations multilatérales dans la mesure où ses vingt membres qui ont un droit de vote se répartissent à part égale entre les donateurs et les maîtres d’œuvre. Le groupe des donateurs se compose de représentants des gouvernements de pays développés, du secteur privé et de fondations. Le groupe des maîtres d’œuvre est constitué de représentants des gouvernements de pays en développement, d’ONG et de communautés touchées par les trois maladies. Tous ces membres ont le même droit de vote et aucune résolution ne peut être adoptée sans le soutien des deux tiers de chaque groupe. Cette règle de « la double majorité des deux tiers » signifie qu’une résolution peut être bloquée par 20% des vingt membres avec droit de vote, c’est-à-dire par quatre membres seulement.

Au début, cette règle de vote était nécessaire pour rallier tout le monde derrière l’idée selon laquelle les pays donateurs ne devaient pas avoir la possibilité d’imposer leurs volontés. Or, cette idée est maintenant si bien admise que l’on peut véritablement affirmer que cette règle n’est plus nécessaire.

Recommandation : Le Conseil d’administration devrait permettre l’adoption d’une résolution à la simple majorité des deux tiers (de tous les membres avec droit de vote), plutôt que d’exiger cette majorité dans chaque groupe délibératif.

Des membres indépendants au Conseil d’administration

De nombreux conseils d’administration intègrent quelques membres indépendants, qui sont choisis pour leur expertise et leur expérience en matière de gouvernance et de leadership, leur intégrité personnelle et leur ouverture d’esprit.

Recommandation : Deux membres indépendants devraient siéger au Conseil d’administration. Si le système de vote à la double majorité des deux tiers est maintenu, ces membres indépendants ne devraient pas avoir de voix délibérative. Dans le cas contraire, ils pourraient alors avoir un droit de vote.

Un système de gouvernance à deux niveaux

La plupart des grandes organisations ont deux niveaux de gouvernance. À un premier niveau, on trouve un conseil des parties prenantes, qui comprend des membres, des actionnaires ou des représentants d’organisations partenaires.

À un autre niveau, on trouve un conseil de direction, plus restreint, souvent élu par le premier organe de gouvernance (le conseil des parties prenantes), et dont les membres ont une grande expérience de la gestion et de la gouvernance.

Le Fonds mondial est particulier dans la mesure où ces deux fonctions sont réunies au sein d’un seul organe, à savoir, le Conseil d’administration dans sa forme actuelle.

Recommandation : Le Fonds mondial devrait mettre sur pieds un organe de gouvernance à deux niveaux, en conservant le Conseil existant comme conseil des parties prenantes et en créant un nouveau comité exécutif (Comex) qui assurerait la fonction de conseil de direction. Le Comex devrait avoir le pouvoir de prendre seul certaines décisions, mais seulement celles pour lesquelles il a reçu un mandat de l’ensemble du Conseil. Dans les autres domaines, le Comex n’aurait que la possibilité d’émettre des recommandations à l’intention du Conseil.

Les trois comités permanents du Conseil d’administration

Recommandation : L’effectif de chaque comité permanent du Conseil devrait être limité à neuf membres (au lieu du nombre très supérieur observé actuellement), dont six seraient des membres du Conseil ou leurs représentants, et trois seraient des membres indépendants.

La qualité des membres du Conseil d’administration

Même si la plupart des membres du Conseil d’administration du Fonds mondial assurent parfaitement leurs fonctions au quotidien, certains ne sont pas très bons en tant que membres du Conseil.

Recommandation : Le Conseil devrait inciter le Secrétariat, ou une tierce partie, à assurer une formation préparatoire complète pour les membres des délégations et encourager ces derniers à y participer.

Recommandation : Le Conseil devrait inciter les groupes constitutifs à nommer des membres ayant une expérience de gouvernance, soit dans d’autres conseils d’administration, soit en tant que cadres ayant eu à rendre compte à des conseils d’administration.

Niveau de responsablité des membres du Conseil d’administration et des comités

Recommandation : Le Conseil d’administration devrait inciter les groupes constitutifs à nommer de très hauts responsables pour siéger au Conseil et présider les comités, et des personnes de confiance d’un échelon intermédiaire dans les comités. Il devrait ensuite passer relativement peu de temps lors des réunions à examiner et approuver les recommandations des comités pour consacrer l’essentiel de son énergie à traiter des questions plus larges de stratégie et de politique.

Des mandats limités pour les membres du Conseil d’administration

Certains membres ne participent qu’à une ou deux réunions et n’y assistent plus par la suite. À l’inverse, d’autres membres ont parfois siégé au Conseil pendant plus de dix ans.

Les principes d’une bonne gouvernance, que ce soit pour les chefs d’État ou les membres des délégations du Conseil d’administration du Fonds mondial, imposent toujours que les titulaires d’une charge, une fois un certain délai écoulé, cèdent leur place à d’autres.

Recommandation : Le Conseil devrait adopter une règle limitant la durée des mandats. Cette règle devrait spécifier que toute personne ayant participé à plus de dix réunions du Conseil d’administration en tant que membre du Conseil et/ou membre suppléant et/ou membre d’une délégation, ne peut plus assister aux réunions suivantes du Conseil ou d’un comité à aucun titre que ce soit, même celui d’observateur, et ce pendant une durée de trois ans.

La redevabilité des membres du Conseil d’administration

Recommandation : Le Conseil d’administration devrait mettre en place un code de conduite précisant que même si les membres du Conseil et des comités ont effectivement pour rôle d’informer leurs groupes constitutifs, l’intérêt supérieur du Fonds mondial et des populations qu’il sert doit avoir préséance lorsqu’ils reçoivent des informations ou que des décisions sont prises par le Conseil ou les comités.

Priorités du Conseil d’administration et évaluation de son travail

Jusqu’en 2012, le Conseil d’administration n’a que rarement abordé de manière approfondie les questions portant sur le contrôle financier, la gestion des risques, la qualité de l’encadrement, le moral du personnel, les performances du Conseil, les résultats produits et le développement anticipé de solutions innovantes pour éviter une perpétuelle gestion de crises. Les choses se sont améliorées depuis, mais pas suffisamment.

Le meilleur investissement que le Conseil pourrait réaliser pour améliorer la gouvernance consisterait à commander une évaluation indépendante de son travail et de son efficacité.

Recommandation : Au début de chaque cycle de gouvernance de deux ou trois ans, le Conseil devrait s’accorder sur les objectifs à atteindre et les principales tâches à accomplir pendant ce cycle, ainsi que sur ce qu’il considérerait être une bonne performance. Vers la fin du cycle, le Conseil chargerait alors un expert en gouvernance indépendant de mener une évaluation approfondie des performances du Conseil et de ses membres par rapport aux objectifs annoncés. L’examen des résultats de l’évaluation devrait être le point principal à l’ordre du jour d’une réunion ultérieure du Conseil.

Conclusion

Lorsque le Fonds mondial a été créé il y a douze ans, on a loué son système de gouvernance novateur, en particulier la participation avec droit de vote de représentants d’ONG. Depuis lors, ce système n’a toutefois connu aucune évolution notable, si ce n’est la restructuration des comités. Pendant ce temps, d’autres organisations ont mis en place des réformes de leur gouvernance, qui pourraient servir de modèles.

Si le Fonds mondial entamait un processus de réforme de sa gouvernance, ceci pourrait contribuer à lui faire retrouver son statut exemplaire dans ce domaine pour le plus grand bénéfice de toutes ses parties prenantes..

Bernard Rivers (bernard.rivers@gmail.com) a fondé Aidspan en 2002 et a dirigé l’organisation jusqu’en septembre 2012. Maintenant à la retraite, il est chargé de recherches pour Aidspan et intervient (jusqu’en juin 2014) en tant que chercheur invité à l’Université de Cambridge, où il a réalisé une grande partie des recherches et des entretiens qui ont servi de base à cet article. Toutes les opinions exprimées dans cet article et dans le document de travail sont les siennes.

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