Subscribe To Our Newsletter
Abonnez-vous à notre bulletin
ENQUÊTE DU BIG SUR L’ACHAT DE MOUSTIQUAIRES IMPRÉGNÉES D’INSECTICIDE À LONGUE DURÉE D’ACTION DE QUALITÉ INFÉRIEURE À LA NORME
OFM Edition 110

ENQUÊTE DU BIG SUR L’ACHAT DE MOUSTIQUAIRES IMPRÉGNÉES D’INSECTICIDE À LONGUE DURÉE D’ACTION DE QUALITÉ INFÉRIEURE À LA NORME

Author:

Oliver Campbell White

Article Type:
Actualite

Article Number: 1

RÉSUMÉ Le rapport du BIG concernant l'achat de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) de qualité inférieure par TANA Netting a révélé la faiblesse des mécanismes de contrôle qualité du Fonds mondial et la façon dont ils ont conduit à une perte non quantifiable avec une perspective de recouvrement improbable.

Le 26 février 2021, le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) a publié les conclusions de son enquête concernant l’achat de moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée d’action (MILDA) de qualité inférieure auprès de TANA Netting, un fabricant basé au Pakistan.

Contexte

Tana Netting, une filiale de NRS International, était l’un des fournisseurs de moustiquaires dans le cadre de subventions du Fonds mondial depuis 2009. En février 2013, TANA a sous-traité la fabrication à une autre filiale, HSNDS, et a ensuite aidé cette dernière à accroître sa capacité de production.

L’enquête a été ouverte après que le BIG a reçu des informations – dont la source n’est pas citée – selon lesquelles, entre janvier 2017 et avril 2018, TANA a fabriqué des MILD en utilisant des méthodes de fabrication non approuvées pour lier l’insecticide à la moustiquaire, et qu’il y a eu une tentative délibérée de falsification des données de fabrication pour dissimuler la non-conformité. Comme l’indique le résumé du rapport : “TANA n’a pas respecté les exigences de fabrication approuvées et n’a pas contrôlé la qualité des produits de plus de 52 millions de MILD Dawa Plus 2.0, d’un coût de 106 millions de dollars, violant ainsi l’accord-cadre avec les fournisseurs.”

En 2019, TANA a cessé la production de moustiquaires et a transféré la propriété de fabrication du produit à une autre société. On ne sait pas si cela était lié d’une manière ou d’une autre à la production non conforme aux normes des MILDA Dawa Plus 2.0.

Les conclusions sont claires sur certains points mais, comme le pointe le rapport, certaines questions restent sans réponse.

Conclusions de l’enquête

L’enquête a été entravée

Le rapport conclut d’abord que TANA et HSNDS ont fait obstruction à l’enquête en refusant l’accès aux dossiers et aux données, empêchant ainsi le BIG d’établir toute l’étendue de la non-conformité et des actes répréhensibles. Tous les dossiers pertinents avaient disparu ou avaient été détruits, ne permettant pas au BIG de déterminer l’étendue des défauts de fabrication ou de savoir qui était responsable. Le BIG a dû tirer ses conclusions en utilisant des tests de laboratoire rétrospectifs, dont les résultats sont exposés dans le rapport.

Toutefois, certains passages du rapport laissent entendre que le problème de qualité pourrait s’être étendu au-delà des 52 millions de MILDA produites entre janvier 2017 et avril 2018. Au-delà du problème de qualité de l’insecticide, le rapport indique que “le BIG a également recueilli des témoignages de faiblesses qui auraient pu avoir un impact significatif sur la qualité des moustiquaires produites par la HSNDS, comme le stockage du tissu brut à découvert et exposé au soleil et à la pluie, l’utilisation de balances non calibrées pour mesurer les liants et les pesticides, et l’utilisation d’eau non testée pour la fabrication des moustiquaires”. Le rapport fait également référence à un ancien responsable du HSNDS qui a déclaré avoir été témoin de l’utilisation de tissus défectueux, qui auraient dû être rejetés, pour la fabrication des moustiquaires TANA. Ces autres défauts de fabrication, dont les conséquences n’ont pu être évaluées, pourraient avoir existé avant et après la période examinée.

La fabrication a changé et n’a pas été contrôlée

La deuxième constatation principale est que TANA n’a pas contrôlé les processus de fabrication de ses moustiquaires, ce qui a donné lieu à des produits de qualité inférieure. La chaîne d’approvisionnement, les processus de fabrication et les processus de contrôle et d’assurance qualité de HSNDS étaient défectueux, et TANA pour sa part n’a pas réussi à contrôler et à garantir la qualité requise des MILDA Dawa Plus 2.0 fabriquées par HSNDS. L’enquête du BIG a tenté de déterminer les responsables dans ce qui s’était passé. Bien que la responsabilité du traitement inférieur aux normes des moustiquaires semble être attribuée à un ancien responsable de HSNDS, cela ne disculpe pas – et ne devrait pas disculper – TANA qui avait la responsabilité contractuelle.

Les mécanismes de contrôle de la qualité du Fonds mondial sont inadéquats

L’absence de contrôle de qualité est sous-jacente à l’affaire TANA. La troisième conclusion importante du rapport statue que “les mécanismes de contrôle qualité du Fonds mondial sont inadéquats et inefficaces pour identifier les MILDA de qualité inférieure”. Le rapport poursuit en expliquant que

  • (a) le contrôle qualité déficient a empêché l’identification des moustiquaires non conformes ;
  • (b) il existe des faiblesses de surveillance dans les processus d’assurance qualité du Fonds mondial ; et
  • (c) le Secrétariat était informé des problèmes de qualité des MILDA Dawa Plus 2.0 dès novembre 2017. Ce dernier point a peut-être plus d’importance que ce que le rapport lui accorde. Si le problème de qualité des MILDA, mis en évidence par des tests au Rwanda en novembre 2017 et à nouveau en Afghanistan en juin 2018, avait fait l’objet d’une enquête et d’un suivi complets plus tôt – et avant que les dossiers de fabrication de TANA/HSNDA n’aient été retirés – on peut émettre l’hypothèse que l’étendue des déficiences et les responsables auraient pu être identifiés.

Mesures de gestion convenues

Des mesures de gestion ont été convenues pour remédier à ces déficiences. La première action convenue est la suivante : ” Sur la base des conclusions du rapport, le Secrétariat du Fonds mondial finalisera et cherchera à obtenir de toutes les entités responsables un montant recouvrable approprié. Ce montant sera déterminé par le Secrétariat en fonction de son évaluation des droits et obligations juridiques applicables et de la détermination associée du recouvrement.” Cette opération sera complexe, difficile et coûteuse, et l’on ne sait pas dans quelle mesure les moustiquaires TANA n’étaient pas conformes aux spécifications. Si la preuve de la fraude est évidente, sa valeur ne l’est pas ; et cela signifie que le Fonds mondial aura peu de chances de recouvrer la valeur totale, qui devrait également inclure le coût de l’enquête du BIG et les coûts supplémentaires à supporter par le Secrétariat du Fonds mondial et son Comité de recouvrement. De telles incertitudes sur ce qui peut être réclamé, à qui et comment cela peut être appliqué, indiquent qu’il pourrait être sage de fixer une limite de coût pour cette action.

Ce cas a peut-être été coûteux, mais il fera date lorsque les autres actions convenues seront pleinement opérationnelles et appliquées à d’autres achats, le cas échéant, évitant ainsi qu’une telle situation ne se reproduise.  Ces mesures sont les suivantes

(a) Le Secrétariat, en consultation avec le BIG, signalera les constatations de mauvaise conduite de la part des fournisseurs en vue d’une éventuelle saisine du Comité des sanctions ;

(b) Le Secrétariat examinera et rendra compte de la conformité des Bénéficiaires principaux et de l’agent d’approvisionnement du PPM aux exigences d’assurance qualité du Fonds mondial pour la période juillet 2019 – juin 2020 ; et

(c) Sur la base des conclusions du rapport, le Secrétariat du Fonds mondial formalisera : (i) des directives pour l’inspection avant expédition, l’échantillonnage et le test des MILDA ; (ii) des directives pour la surveillance après commercialisation qui couvrent toutes les moustiquaires imprégnées d’insecticide achetées par le biais du Fonds mondial ; et (iii) un processus de vérification interne des pratiques de test de contrôle de la qualité des MILDA par les Bénéficiaires principaux et l’agent d’approvisionnement du PPM.

Mesures prises dès maintenant

Il est rassurant de constater que le Fonds mondial a déjà pris des mesures en réponse à l’enquête du BIG sur TANA Netting. Suite à l’enquête du BIG, le Secrétariat a renforcé ses exigences en matière d’assurance qualité de l’accord-cadre des fournisseurs de MILDA, stipulant que les fournisseurs doivent informer le Fonds mondial de toute déficience critique identifiée.  Il a également renforcé les exigences relatives aux systèmes de gestion de la qualité des fabricants, au recours à des sous-traitants et aux exigences de qualité des produits dans les accords-cadres.

En outre, la lettre du directeur exécutif datée du 25 février 2021 concernant le rapport du BIG indique que “le Fonds mondial a travaillé en étroite collaboration avec les programmes nationaux et les partenaires respectifs dans les pays concernés afin de peser les risques et les avantages de l’utilisation des moustiquaires. De nombreux programmes nationaux ont décidé de distribuer les moustiquaires pour assurer la protection des populations à risque.  …. Nous sommes rassurés par le fait que le type de défaut de qualité constaté signifie que les familles ont tout même bénéficié de niveaux de protection significatifs grâce à ces moustiquaires.”  La lettre poursuit : “Le Secrétariat a également sélectionné un panel de fournisseurs pour entreprendre des services d’assurance qualité, de contrôle de la qualité et de gestion des risques, et révise ses directives opérationnelles pour l’inspection avant expédition, l’échantillonnage et les tests”.

Observation

Cette affaire permet de tirer des leçons salutaires, en particulier sur le fait que les moustiquaires imprégnées d’insecticide de qualité inférieure auraient pu – et auraient dû – être identifiées bien plus tôt ; les mécanismes de contrôle de la qualité des achats du Fonds mondial doivent donc être renforcés et appliqués de manière cohérente. Malgré cela, le rapport du BIG ne mentionne pas la manière dont les MILDA défectueuses ont pu affecter la mise en œuvre des programmes de lutte contre le paludisme et l’impact potentiel sur la santé, ce qui est encore plus difficile à évaluer. C’est d’autant plus surprenant que c’est l’impact des moustiquaires de la mauvaise qualité sur les programmes de lutte contre le paludisme qui a réellement déclenché l’enquête ; pourtant, cet impact semble avoir été ignoré ou mis de côté.

Une source d’Aidspan avait évoqué le sujet en octobre 2019, indiquant que les communautés de plusieurs pays s’étaient plaintes que certaines moustiquaires (pas toutes) reçues lors des campagnes de moustiquaires du cycle alors en cours et du précédent n’étaient pas de la même qualité que celles reçues en 2010-2012. Le problème de qualité concernait à la fois le toucher et la sensation (moins solide) et le dosage de l’insecticide.  La source cite un utilisateur qui avait déclaré : “avant on n’entendait pas et on ne voyait aucun moustique dans la pièce quand les moustiquaires étaient sorties : maintenant on les entend à l’intérieur”. La source voulait savoir si d’autres personnes étaient informées de plaintes similaires de la part des communautés concernant la qualité des MILDA.

A l’époque, la source d’Aidspan supposait que des 60 millions de moustiquaires qui avaient été placées “en quarantaine”, un certain nombre avaient finalement été utilisées et données aux communautés : “Cela représente 120 à 180 millions de personnes couvertes par ces moustiquaires de mauvaise qualité ; c’est peut-être la raison pour laquelle certaines communautés se plaignent aujourd’hui.”

La source avait suggéré que la question soit soulevée auprès du BIG pour :

  • (a) mener une enquête afin de déterminer si les moustiquaires placées “en quarantaine” ont finalement été distribuées aux communautés dans les pays et pourquoi ;
  • (b) examiner et rendre compte du contrôle de la qualité des moustiquaires distribuées (rapports des pays par rapport aux rapports de Genève) ;
  • (c) examiner pourquoi les entreprises qui sont reconnues coupables de tromperie sur le dosage des moustiquaires peuvent changer de nom, se faire qualifier à nouveau par l’OMS et être à nouveau utilisées par certains partenaires et dans le cadre d’appels d’offres, alors que ces entreprises qui sont prises devraient être mises sur une liste noire à vie ; et
  • (d) enquêter sur ce qui s’est passé dans les communautés où les moustiquaires défectueuses ont été envoyées. Ces communautés se trouvaient dans les pays suivants Afghanistan, Angola, Bénin, Cameroun, RDC, Ghana, Guinée, Kenya, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Myanmar, Niger, Nigeria, Pakistan, Philippines, Rwanda, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Togo et Zambie. La source avait également noté que les cas de paludisme avaient augmenté presque partout depuis 2015 et que les moustiquaires sous- standard nuisaient aux progrès réalisés pour inciter les gens à utiliser des moustiquaires et réduire les cas de paludisme et les décès.

Nous attendrons avec intérêt de connaître le résultat des actions de suivi qui ont été convenues.

*Oliver Campbell White est un expert comptable britannique hautement qualifié qui travaille depuis plus de 40 ans comme consultant en gestion dans le domaine du développement international.  Il a effectué des missions dans plus de 50 pays pour, entre autres, la BAD, le DFID, la Commission européenne, le Fonds mondial, le PNUD, le HCR, l’USAID, l’OMS et la Banque mondiale.

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Aidspan

Categories*

Loading
Aidspan

Categories*

Loading