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ASIE DU SUD-EST: L’IMPACT DE LA COVID-19 SUR LA RÉDUCTION DES RISQUES ET LA RÉSILIENCE DES COMMUNAUTÉS
OFM Edition 110

ASIE DU SUD-EST: L’IMPACT DE LA COVID-19 SUR LA RÉDUCTION DES RISQUES ET LA RÉSILIENCE DES COMMUNAUTÉS

Author:

Ira Madan et Anurag Paul *

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 2

RÉSUMÉ Le projet « Harm Reduction Advovcay in Asia » (Plaidoyer en faveur de la réduction des risques en Asie) met en œuvre la subvention multi-pays du Fonds mondial qui a permis de fournir un financement et un appui technique pour le plaidoyer en faveur de la santé et des droits humains des personnes usagères de drogues dans sept pays prioritaires. Les interventions programmatiques mettent l'accent sur l’élimination des obstacles politiques et juridiques, le renforcement des systèmes communautaires, et la collecte et l’utilisation de l’information à des fins de plaidoyer; cependant, ces interventions ont été menacées par l'impact de la COVID-19. L’autrice et l’auteur décrivent la façon dont les partenaires en Inde et au Népal ont adapté leurs stratégies avancées et leurs services en utilisant et en renforçant les systèmes communautaires et les stratégies de riposte communautaire pour renforcer la résilience en ces temps de crise.

Selon le Rapport mondial 2020 du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/Sida (ONUSIDA), en 2019, les personnes usagères de drogues (PUD) ont représenté 17% de tous les nouveaux cas d’infections à VIH  dans la région d’Asie-Pacifique. Les personnes usagères de drogues injectables en Asie – environ quatre millions au total – sont plus susceptibles de vivre avec le VIH que tout autre groupe de population vulnérable de la région, avec une prévalence du VIH d’environ 13,5%.

Dans le cadre des objectifs de développement durable (ODD) et la Déclaration politique 2016 sur le VIH/Sida, les pays se sont engagés à mettre fin à l’épidémie de Sida, à éliminer le virus de l’hépatite C (VHC), et à atteindre une couverture santé universelle (CSU) d’ici 2030. Les programmes de réduction des risques sont essentiels si les pays veulent atteindre ces  objectifs.

La subvention « Harm Reduction Advocacy in Asia »

Harm Reduction Advocacy in Asia (HRAsia) est une subvention multi-pays du Fonds Mondial, qui a fourni un financement et de l’appui technique en faveur de la santé et des droits humains des PUD dans le pays prioritaires, tels que le Cambodge, l’Inde, le Népal, les Philippines, la Thaïlande et le Vietnam. La période d’allocation de la subvention était de 2017 à 2020 et le programme a mis l’accent sur l’élimination des obstacles politiques et juridiques, sur le renforcement des systèmes de santé, et la collecte et l’utilisation de l’information à des fins de plaidoyer. L’un des résultats clés de la subvention régionale a été une plus grande participation significative de la part des communautés de PUD dans les activités de plaidoyer et dans la prestation de services. Le récipiendaire principal de cette subvention était l’India HIV/AIDS Alliance, et l’envergure et l’impact de la subvention feront l’objet d’une prochaine publication qui paraîtra en Avril 2021.

L’impact de la COVID-19 sur les services de réduction des risques

La pandémie de COVID-19 et les mesures prises par les gouvernements pour la maîtriser ont un profond impact sur l’accès aux services de santé essentiels pour les personnes vulnérables et marginalisées dans le monde entier. Dans la plupart des pays d’Asie, des confinements nationaux ont été imposés pour endiguer la propagation de la pandémie de coronavirus. Cela a rendu la situation de plus en plus difficile pour les PUD qui ne pouvaient pas quitter leur domicile et se trouvaient dans l’incapacité d’accéder aux programmes de réduction des risques.

Les PUD sont déjà très vulnérables à la COVID-19 en raison de leurs problèmes de santé sous-jacents, qui sont aggravés par la stigmatisation et par la marginalisation sociale, ainsi que par leur vulnérabilité économique et sociale plus élevée; ces personnes ont également un accès faible au logement et aux soins de santé.

Les personnes sous traitement ou recevant des soins dans un établissement de santé ont dû faire face à d’importants défis et obstacles en matière d’accès à des médicaments vitaux, tels que la buprénorphine, la méthadone, et la thérapie antirétrovirale (TARV), et à des services tels que les programmes d’échanges de seringues et d’aiguilles. Cette situation a contribué à une hausse de l’incidence du VHC, du VIH et des overdoses. À cause de la distanciation sociale et du confinement, l’utilisation de la naxolone a également diminué, un médicament utilisé pour annuler les effets de l’overdose, ce qui a probablement entraîné des décès supplémentaires.

Dans les prisons, les risques liés à la COVID-19 sont accrus en raison de la surpopulation, d’une mauvaise ventilation et de services de santé inadéquats. La thérapie de substitution aux opiacés (TSO) pour les PUD est une méthode qui a fait ses preuves pour traiter les symptômes et le manque liés au sevrage, qui se déclenchent lorsqu’on arrête l’usage de la drogue. Cependant, les services médicaux disponibles étaient insuffisants pour faire face aux complications médicales en raison du manque d’accès à la TSO, ce qui a provoqué une augmentation du nombre de formes sévères du sevrage. Les services médicaux disponibles étaient pour la plupart inaccessibles en raison des restrictions de déplacement strictes.

Le confinement a également eu des répercussions sur les familles des PUD, puisque la plupart de ces personnes sont des travailleuses et travailleurs journaliers et se sont retrouvées dans l’incapacité de gagner un revenu en raison du confinement strict dans lequel se trouvaient les pays. Cette situation a accru le traumatisme de ces communautés et a abouti à un manque d’opportunité de gagner des ressources pour subvenir à leurs besoins, à ceux de leurs familles, et pour leur consommation de drogue.

Les partenaires sexuelles des usagers de drogues constituent l’un des groupes les moins visibles tout en étant l’un des plus touchés par la pandémie. Pour d’autres raisons, les partenaires sexuelles deviennent extrêmement vulnérables face au chaos causé par la COVID-19 et aux restrictions imposées qui en résultent, d’autant plus que leur fardeau n’est pas seulement défini par la pandémie mais aussi par les normes de genre qui prévalent au sein de leurs sociétés respectives. Elles sont exposées à un risque accru de subir des violences domestiques et des abus physiques et psychologiques. Cela a un impact délétère sur leur accès à l’alimentation, à la nutrition, à des médicaments adaptés et aux produits sanitaires.

La résilience des communautés face à la COVID-19

En réponse aux risques et aux vulnérabilités auxquels sont confrontées les PUD, le programme HRAsia a travaillé en étroite collaboration avec les partenaires locaux pour s’adapter et innover en matière de stratégie avancée et de services en utilisant et en renforçant les systèmes communautaires et les stratégies de riposte communautaires dans les pays, afin de renforcer leur résilience face à la crise causée par la COVID-19.

En Inde et au Népal, le plaidoyer mené par les partenaires de HRAsia a permis d’obtenir des doses de TSO pour un usage à domicile et un changement de politique qui a permis aux personnes de continuer à recevoir la TSO pendant les périodes de confinement. Cela est le résultat d’un plaidoyer mené par les communautés auprès des gouvernements afin qu’ils publient des orientations et qu’ils élaborent des directives pour la prestation de services de réduction des risques et pour les services fournis par les communautés.

En Inde, entre l’identification du premier cas de COVID-19 et le confinement national, la communauté de PUD a eu le temps de conduire un plaidoyer aux niveaux local et national pour assurer des stocks adéquats de TARV et de TSO. Les réseaux nationaux et régionaux qui étaient appuyés dans le cadre de la subvention ont travaillé d’arrache-pied pour assurer le maintien des services de santé de base durant la crise. Ils ont mis en place des systèmes pour livrer le médicament de la TSO, la buprénorphine, des aiguilles et des seringues propres et même des produits hygiéniques pour les femmes usagères de drogues.

Les réseaux de PUD ont également joué un rôle primordial pendant la pandémie. La continuité des services a été assurée grâce à un leadership plus fort, à un engagement et une participation accrus de la part des communautés de personnes usagères de drogues, qui ont conduit un plaidoyer pour plus de souplesse dans les services, pour des ripostes gouvernementales adaptées et pour une meilleure participation de leurs pairs dans la prestation de services de réduction des risques.

Lorsque les communautés de PUD ont appris que le confinement entraînait une hausse des overdoses et des formes sévères de sevrage, elles se sont mises à distribuer de la naxolone au sein de leur communauté et ont conduit un plaidoyer pour obtenir un accès simplifié à la TSO. Les liens qui ont été créés avec les chefs religieux non traditionnels, avec les organisations religieuses et des individus ont permis aux réseaux de compter sur leur soutien pour obtenir des rations alimentaires pour leur communauté, ainsi que d’autres produits essentiels. Les membres de la communauté de PUD qui avaient des symptômes sévères de sevrage ont pu soulager leur souffrance grâce aux médicaments distribués par les membres du réseau.

Dans plusieurs États de l’Inde, HRAsia a mis en place un service d’assistance téléphonique permettant aux membres de la communauté d’appeler et de partager leurs craintes et leur détresse. Des leaders communautaires formés et expérimentés ont géré la ligne d’assistance. Grâce aux conseils et au soutien moral fournis par les services de la ligne d’assistance, celles et ceux qui subissaient un immense traumatisme en raison de leur sevrage, du manque et de l’incertitude ont pu être en grande partie soulagé.e.s.

Les forums nationaux des personnes usagères de drogues ont priorisé la prise de contact avec les membres de la communauté qui vivent dans la rue et qui n’ont pas d’abri, puisque ces personnes ont peu ou pas accès aux mesures de protection sociale et aux services de santé. Elles ont été identifiées et mises en relation avec les services de TSO (buprénorphine). Les membres du forum se sont penchés sur les défis auxquels sont confrontées les femmes usagères de drogues, et en particulier celles qui s’injectent, et ont initié un suivi téléphonique avec toutes les PUD, au cas où elles auraient besoin de services d’urgence tels que des rations alimentaires ou une réponse immédiate à une overdose.

L’un des problèmes que les communautés ont soulevé comme étant un besoin prioritaire était la fourniture d’aiguilles et de seringues aux femmes qui ne participaient pas au programme de TSO, qui consommaient des drogues et dont l’accès était restreint en raison des restrictions de déplacement liées au confinement. Les membres du forum ont joué le rôle de «pairs» pour la distribution secondaire d’aiguilles et de seringues, et considéraient qu’il s’agissait d’un service essentiel pendant cette période. Cependant, bien souvent, les pairs éducateurs.trices et les agents de proximité qui fournissaient des services de réduction des risques en direct pendant cette période, et qui devaient se déplacer, n’étaient pas considérés comme des travailleurs.euses de première ligne. Ainsi aucun équipement de protection individuelle (EPI) n’a été mis à leur disposition.

“Investir directement dans la communauté et dans le renforcement des systèmes de prestation communautaire : c’est cela qui va façonner le futur de la riposte au VIH”

Prashant Sharma, un activitse Indien qui milite pour la santé et les droits des personnes usagères de drogues.

En outre, en réponse à la détention arbitraire éventuelle de PUD par la police lors du confinement, les forums de personnes usagères de drogues ont reçu un appui pour conduire un plaidoyer auprès des forces de l’ordre afin d’éviter toute arrestation au hasard des membres de la communauté. Au lieu de cela, ils ont reçu un soutien pour fournir des services de santé, de prévention du VIH et de réduction des risques, pour prévenir à la fois morbidité et mortalité.

Des ripostes nationales aux ripostes locales

Dans le cadre du renforcement des systèmes communautaires, l’accent est habituellement mis sur la capitale d’un pays et sur les réseaux nationaux urbains de PUD, négligeant ainsi les populations qui n’ont aucun lien avec les services fournis dans le cadre de la riposte nationale. Avec le programme HRAsia, l’India HIV/AIDS Alliance s’est vue offrir l’opportunité de travailler pour changer ce ciblage, délaissant ainsi les grandes villes afin de venir réellement en aide aux personnes difficiles à atteindre et en mal de services, aux niveaux des États et des districts. Le processus de renforcement des systèmes communautaires au niveau des États et les bénéfices qui en ont découlés ont permis de renforcer le besoin de fournir un soutien décentralisé aux personnes usagères de drogues. Cela signifie que les communautés qui travaillent au plus proches des personnes ont la capacité de mobiliser leurs membres et d’appuyer la création d’un environnement favorable  pour améliorer l’accès aux services et réduire la stigmatisation et la discrimination.

Conclusion et recommandation

Le programme HRAsia, financé par les financements catalytiques du Fonds mondial  entre 2017 et 2020, a joué un rôle crucial dans l’augmentation du potentiel des ripostes communautaires dans les pays. Le fait que le projet investisse dans le renforcement des systèmes communautaires a montré que les bénéfices sont plus importants lorsque l’on met les personnes usagères de drogues en lien avec la riposte nationale et que l’on augmente leur participation significative dans la prestation des services et dans l’accès aux services. Cela peut permettre de combler les lacunes et de réaliser les objectifs d’accélération 90-90-90 pour les PUD.

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