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EN RDC, UNE GESTION CHAOTIQUE DES STOCKS A UN IMPACT SUR LES SOINS DANS LA LUTTE CONTRE LE SIDA
OFM Edition 16

EN RDC, UNE GESTION CHAOTIQUE DES STOCKS A UN IMPACT SUR LES SOINS DANS LA LUTTE CONTRE LE SIDA

Author:

AurƩlie Fontaine

Article Type:
ARTICLES COURTS

Article Number: 1

Entre les ruptures de stock d'anti-rƩtroviraux, de tests de dƩpistage rapide pour le VIH et la distribution de mƩdicaments quasiment pƩrimƩs, la gestion des stocks est chaotique en RƩpublique dƩmocrat

RƉSUMƉ Entre les ruptures de stock d'anti-rĆ©troviraux, de tests de dĆ©pistage rapide pour le VIH et la distribution de mĆ©dicaments quasiment pĆ©rimĆ©s, la gestion des stocks est chaotique en RĆ©publique dĆ©mocratique du Congo. Ces difficultĆ©s inquiĆØtent les sous-rĆ©cipiendaires du Fonds mondial et ont un impact direct sur les soins.

EclairĆ© par l’Ć©cran d’un tĆ©lĆ©phone, un pharmacien cherche son dernier bon de livraison parmi les dossiers entassĆ©s sur la table. Dans la poussiĆ©reuse rĆ©serve de la zone de santĆ© de Massina 1, un quartier populaire de Kinshasa, la capitale, il n’y a pas d’Ć©lectricitĆ©, pas de systĆØme d’aĆ©ration et le climatiseur ne fonctionne plus depuis longtemps. C’est pourtant lĆ  que sont stockĆ©s les anti-rĆ©troviraux (ARV) destinĆ©s Ć  approvisionner cinq centres de santĆ© financĆ©s par le Fonds mondial. Sur le bon de livraison, une commande de 287 boites de Zidolam-N (un mĆ©dicament antirĆ©troviral prĆ©qualifiĆ© par lā€™Organisation Mondiale de la SantĆ©) reƧue le 6 mai dernier et dont la date de pĆ©remption indique fin juin 2015. Ā« Cette zone de santĆ© (qui redistribue ensuite aux centres de santĆ© NDLR) reƧoit 800 tests de dĆ©pistage rapide du VIH par trimestre, or cette quantitĆ© correspond Ć  une consommation mensuelleĀ», affirme Albert Edinga, infirmier au bureau VIH de MĆ©decins sans FrontiĆØres (MSF) Ć  Kinshasa. Pour empĆŖcher lā€™arrĆŖt des traitements, les centres de soins ont recours au systĆØme D, se dĆ©pannent entre eux ou empruntent des stocks aux autres quand ils en ont besoin.

Dysfonctionnements dans la chaĆ®ne d’approvisionnement

Selon les acteurs de la lutte contre le Sida, ces problĆØmes sont la consĆ©quence de fortes perturbations dans la chaĆ®ne d’approvisionnement en RDC.

Parmi les raisons, certains pointent du doigt la rĆ©organisation du Fonds mondial qui a modifiĆ© sa maniĆØre de fonctionner. Ā«Ā En 2008, le Fonds mondial a suivi la politique du pays qui visait Ć  standardiser l’offre de soins pour le VIH au niveau des zones de santĆ©. Cependant, aucun indicateur de santĆ© publique n’est venu contrebalancer cette approche et les spĆ©cificitĆ©s locales n’Ć©taient plus prises en compte (coĆ»ts logistiques, nombre de patients, sĆ©roprĆ©valence…). RĆ©sultat, il y a, encore aujourd’hui, de gros soucis de rĆ©partitions des stocks et de suiviĀ Ā», affirme Pascale Barnich-Mungwa, coordinatrice gĆ©nĆ©rale de MĆ©decins du Monde-France Ć  Kinshasa, sous-rĆ©cipiendaire du FM au Nord-Kivu, dans l’est du pays.

Dā€™autre part, lorsque le PNUD Ć©tait le RĆ©cipiendaire Principal (jusquā€™en 2013, voir Ć  ce sujet le rapport du Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ralĀ OIG report GF-OIG-14-019), la gestion du stock en ARV et produits sanitaires a posĆ© des problĆØmes. Depuis, le PNUD a Ć©tĆ© remplacĆ© par Cordaid dans six provinces (Kinshasa, Nord et Sud-Kivu, Maniema, Province Orientale et Ɖquateur). Ā« Trop de produits avaient Ć©tĆ© commandĆ©s par le PNUD. Cordaid a donc hĆ©ritĆ© d’un certain nombre de produits avec une date de pĆ©remption trop procheĀ», explique le docteur Paul Ntangu, coordonnateur Ć  Kinshasa du Programme National de Lutte contre le Sida (PNLS), qui gĆØre Ć©galement les approvisionnements.

De plus, Ć  la mĆŖme Ć©poque, l’Organisation Mondiale de la SantĆ© publie un nouveau protocole qui prĆ©conise la prescription de TĆ©nofovir pour tous les patients atteints du VIH. Ā« Les mĆ©decins ont donc largement prescrit cette molĆ©cule, or le stock en TĆ©nofovir n’Ć©tait pas suffisant. Nous nous sommes ainsi retrouvĆ©s en rupture Ā», ajoute Paul Ntangu.

Enfin, l’immensitĆ© du pays – la RDC a la mĆŖme superficie que l’Europe de l’Ouest – les conflits rĆ©currents Ć  l’Est, lā€™absence dā€™infrastructures et le manque de moyens logistiques et humains rendent difficile l’approvisionnement des produits sanitaires jusqu’aux centres de santĆ©.

Ā« A notre niveau, l’approvisionnement est rĆ“dĆ© mais il y a parfois des problĆØmes dans la chaĆ®ne d’approvisionnement, souvent au niveau des zones ou des centres de santĆ©. Soit le centre de santĆ© ne passe pas les commandes, soit le gestionnaire les gĆØre mal. De plus, la consommation mensuelle en ARV et en produits sanitaires n’est pas toujours listĆ©e et enregistrĆ©e donc il n’y a pas de visibilitĆ© sur les besoins Ā», explique Olivier Goureaux, responsable de la gestion des approvisionnements et des stocks pour Cordaid.

Ce que reconnaĆ®t aisĆ©ment le PNLS. Ā« Il est vrai que nous avons des problĆØmes d’organisation car toutes les zones de santĆ© n’ont pas forcĆ©ment des pharmaciens qualifiĆ©s. Mais nous avons fait un plaidoyer auprĆØs des autoritĆ©s pour que des pharmaciens professionnels y soient affectĆ©s et c’est en train d’ĆŖtre mis en place Ā», assure Paul Ntangu.

Des amƩliorations Ơ venir ?

Nicolas Farcy, le gestionnaire du portefeuille RDC admet que les problĆØmes structurels sont immenses Ć  la fois en matiĆØre dā€™infrastructures, de ressources humaines et de moyens logistiques, mĆŖme si des progrĆØs ont Ć©tĆ© faits dans lā€™acheminement des produits sanitaires grĆ¢ce Ć  lā€™utilisation des trois portes dā€™entrĆ©e que sont Kinshasa, Goma et Lubumbashi. Lā€™absence dā€™un systĆØme pour la distribution au Ā«Ā dernier kilomĆØtreĀ Ā», (last mile distribution), reste problĆ©matique.

Il explique que les RĆ©cipiendaires Pricipaux et les Sous-RĆ©cipiendaires effectuent un suivi de la gestion des produits sanitaires depuis la quantification jusquā€™au suivi des stocks au niveau des CDR et des BCZS (Bureaux de Coordination des Zones de SantĆ©) en coordination avec le PNLS. Un forfait de 20 dollars est prĆ©vu par Formation Sanitaire pour inciter les infirmiers titulaires Ć  venir rĆ©cupĆ©rer les mĆ©dicaments aux BCZS. Enfin une coopĆ©ration Ć©troite existe avec PEPFAR et ses partenaires de mise en œuvre afin dā€™optimiser les gestions de stock et pallier Ć  de possibles ruptures.

Dans la note conceptuelle soumise par la RDC, un financement spĆ©cifique Ć  lā€™amĆ©lioration de la chaĆ®ne dā€™approvisionnement est prĆ©vu Ć  hauteur dā€™au moins 5 millions de dollars. Pour garantir que ces fonds soient bien utilisĆ©s, le Fonds mondial, avec dā€™autres bailleurs, appuie le ministĆØre de la SantĆ© et cofinance Ć  hauteur de 120 000 dollars un soutien technique pour le dĆ©veloppement du Plan StratĆ©gique National dā€™Approvisionnement en MĆ©dicaments Essentiels. Ā« Parmi les pistes dā€™amĆ©lioration, affirme Nicolas Farcy, sont envisagĆ©s un renforcement de la gouvernance du PNAME (Programme National pour lā€™Approvisionnement en MĆ©dicaments Essentiels), des infrastructures en gĆ©nĆ©ral et des CDR (Centres de Distribution RĆ©gionale) en particulier, comme la crĆ©ation de nouveaux centres pour le stockage, le financement de moyens de transport ou la formation du personnel. De plus, une Ć©tude financĆ©e dans la province du Bandundu par la Banque mondiale devrait permettre de proposer des solutions et des investissements pour optimiser les flux de produits sanitaires dans cette province. Il est aussi envisagĆ© de redynamiser les comitĆ©s provinciaux des mĆ©dicaments et dā€™aligner la chaĆ®ne dā€™approvisionnement des mĆ©dicaments contre la tuberculose avec celle du pays.Ā Ā»

Sur le terrain, MĆ©decins du Monde s’alarme toujours du manque d’ARV et de produits sanitaires. Pour documenter les problĆØmes, l’ONG a lancĆ© un observatoire trimestriel dans le Nord-Kivu oĆ¹ la prĆ©valence est de 2,08% par rapport Ć  la moyenne nationale de 1,2% et oĆ¹ 7245 personnes sont sous traitement antirĆ©troviraux (pour plus de 100 000 Ć  lā€™Ć©chelle du pays). Ā« Les ruptures en Ceftriaxone et Fluconazole perdurent dans la plupart des structures de santĆ© du Nord-Kivu depuis plus d’un an. Trois zones de santĆ© de Butembo, Kyondo et Rwanguda n’ont pas toujours un stock suffisant en ARV et il est dĆ©plorable de constater que les centres de santĆ© manquent toujours de Duovir-N malgrĆ© les alertes. Par ailleurs, nous nous inquiĆ©tons des frĆ©quentes ruptures de tests de dĆ©pistage dans la zone de santĆ© de Butembo Ā», peut-on lire dans la note du premier trimestre 2015, qui constate cependant des amĆ©liorations par rapport Ć  2014.

Dans des zones difficiles d’accĆØs ces manques en mĆ©dicaments peuvent avoir de graves consĆ©quences sur les patients. Ā« Cela augmente le nombre de Ā«Ā perdus de vueĀ Ā» (des patients qui sont sous traitements et qui un jour ne reviennent plus chercher leurs mĆ©dicaments NDLR), rappelle Jean Luke le coordonnateur du RĆ©seau National des Organisations d’Assise Communautaires (RNOAC). Si on dit plusieurs fois Ć  un patient qu’il n’y a pas ses mĆ©dicaments alors qu’il parcourt des kilomĆØtres et des kilomĆØtres Ć  pied pour aller au centre de santĆ©, cela le dissuadera forcĆ©ment de revenirĀ Ā».

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