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RENFORCER LA CAPACITÉ DE SURVEILLANCE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA LUTTE CONTRE LE VIH AU NORD-KIVU
OFM Edition 16

RENFORCER LA CAPACITÉ DE SURVEILLANCE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA LUTTE CONTRE LE VIH AU NORD-KIVU

Author:

Stéphanie Braquehais

Article Type:
ARTICLES COURTS

Article Number: 2

Au Nord-Kivu, où la prévalence du VIH est de 2,08% par rapport à la moyenne nationale de 1,2 %, un observatoire vise à évaluer l’accès aux soins et la qualité des services aux patients.

RÉSUMÉ Au Nord-Kivu, où la prévalence du VIH est de 2,08% par rapport à la moyenne nationale de 1,2 %, un observatoire vise à évaluer l’accès aux soins et la qualité des services aux patients. Diffusant des rapports trimestriels, il a été mis en place en partenariat avec des organisations de la société civile congolaise par Médecins du Monde, récipiendaire du Fonds mondial depuis 2005. Grégoire Kambale, le coordinateur VIH pour Médecins Du Monde au Nord Kivu, répond aux questions de Stéphanie Braquehais.

Quand le projet d’observatoire a-t-il débuté ?

Ce projet qui a commencé en novembre 2013 est né dans un contexte où Médecins du Monde (MDM) souhaitait renforcer la société civile qui jouait un rôle marginal au Nord-Kivu. En collaboration avec deux plate-formes de la société civile, l’Union Congolaise des Organisations des personnes vivant avec le VIH/Sida et le Forum Sida (Fosi), nous avons écrit une proposition de renforcement et de promotion du rôle de la société civile dans la coordination de la lutte contre le Sida à l’initiative 5% qui a accepté. Notre projet comprend trois composantes : la mise en place d’un observatoire sur l’accessibilité et la qualité des services VIH issus de la subvention du Fonds mondial, le renforcement des capacités organisationnelles et institutionnelles des acteurs de la société civile (formation sur l’animation des réseaux, sur les principes de représentation et de redevabilité et sur le plaidoyer) et la mise en place d’une stratégie de plaidoyer (sit-in, manifestations publiques, revendications citoyennes organisées par les malades). L’objectif ultime est d’améliorer la mise en oeuvre des programmes du Fonds mondial

Comment l’observatoire fonctionne-t-il ?

Nous avons créé des questionnaires en trois parties qui abordent l’accessibilité aux services, la qualité de ces services et la disponibilité des médicaments et la coordination de la lutte. Dans le futur, nous souhaiterions inclure des questions liées à la stigmatisation des populations clés. Nous avons sélectionné 35 enquêteurs qui sont répartis sur les 13 zones où sont présentes les 68 structures de santé. Le questionnaire est intégré dans un smartphone via une application. Les enquêteurs remplissent le questionnaire directement sur le téléphone. Ensuite, il suffit d’avoir le réseau cellulaire, activer l’envoi et les données sont envoyées directement au niveau du serveur à Goma.

Comment garantissez-vous que les rapports sont objectifs et critiques étant donné que MDM est un récipiendaire du Fonds mondial ?

Nous recherchons les critiques, les informations venues des usagers sur les services que nous appuyons afin d’affiner notre stratégie et d’adapter nos interventions. Pour éviter les conflits d’intérêt, nous avons donné la responsabilité de l’observatoire et des enquêteurs à l’Union Congolaise des Organisations des Personnes vivant avec le VIH (UCOP+). Nous participons aux analyses avec les deux plateformes d’organisations de la société civile et ONUSIDA. Chaque fois que des dysfonctionnements sont signalés, nous appelons les responsables de ces structures pour vérifier.

Pourquoi est-il important de donner la voix aux usagers et aux prestataires ?

Nous pensons qu’il est important de placer les usagers au centre du dispositif. Favoriser leur participation les valorise et va dans le sens des exigences du Fonds mondial et du principe GIPA prôné par Onusida qui consiste à renforcer la participation des personnes vivant avec le VIH aux processus décisionnels.

Quels sont les principaux résultats de ces enquêtes en terme d’accès aux soins, d’approvisionnement en médicaments, de personnel formé ?

Les enquêtes ont révélé des dysfonctionnements dans les systèmes d’approvisionnement. Les zones de santé qui sont les unités de gestion opérationnelle n’arrivent pas à bien quantifier les commandes en raison d’une formation et d’une connaissance du VIH insuffisantes et certains médecins ont du mal à organiser des supervisions. Au niveau des pharmacies zonales, les produits sanitaires peuvent rester longtemps sans être distribués, car la gestion des stocks n’est pas appropriée. Autre point de blocage, quand les commandes sont passées, elles se fondent sur une estimation des malades attendus par zones de santé en fonction de la prévalence. Or ces estimations souffrent de l’inexactitude des statistiques en RDC. Enfin, les délais de livraison sont trop importants. Les médicaments peuvent parfois arriver avec un retard de trois ou six mois, ce qui entraîne des ruptures de stock.

Quels sont les obstacles auxquels vous avez été confrontés en faisant ce travail de suivi et surveillance ?

L’obstacle premier au Nord-Kivu, c’est la sécurité. Certaines structures sont difficilement accessibles ce qui entraîne une collecte des données irrégulière. Par exemple, pour le trimestre qui vient de passer, nous n’avons pas pu obtenir d’informations sur les centres de santé de Kamango dans le territoire de Béni en raison des affrontements entre l’armée congolaise (FARDC) et la rébellion ADF-Nalu.

Il a fallu aussi former les enquêteurs pour qu’ils maîtrisent la technologie de la collecte et fassent un suivi de proximité. Parfois, les autorités sanitaires ne comprennent pas l’objectif de l’observatoire et considèrent cette initiative comme une façon de les juger. J’ai personnellement dû aller les voir et leur expliquer que c’était au contraire un moyen d’améliorer la lutte contre le VIH. Nous constatons parfois une résistance de la part du récipiendaire principal (Cordaid) qui se sent pointé du doigt et qui est réticent à ce que ces résultats soient diffusés. Les enquêteurs se heurtent aussi à la méfiance des usagers qui craignent d’être espionnés.

A qui sont destinés ces rapports et servent-ils dans un but de plaidoyer ? Quels sont les changements, les améliorations que l’observatoire a permis de mettre en place ?

Les premiers destinataires sont les récipiendaires du Fonds mondial, les autorités sanitaires de la province, le programme national de lutte contre le VIH, la division provinciale de la santé, le ministère et certains bailleurs qui ont des représentations en RDC comme Pefpfar, le Fonds mondial bien sûr et Onusida.

Nous voyons que les centres de santé deviennent plus réceptifs et utilisent désormais ces résultats pour réorienter leurs services et améliorer l’accès aux soins. Par exemple, avant la création de l’observatoire, les récipiendaires principaux organisaient des allocations forfaitaires aux structures sans tenir compte des files actives de malades, ce qui provoquait des ruptures de stock. L’observatoire a accéléré un changement dans le système d’approvisionnement survenu juin 2014. Désormais, le groupe approvisionnement, composé des autorités sanitaires et des partenaires d’appui au niveau de la division provinciale, se réunit à chaque fin de mois et fait un suivi des approvisionnements au niveau du CDR (Centrale de Distribution Régionale) et évite les ruptures de stocks.

Dans les premiers rapports de l’observatoire, les usagers dans 80% des zones indiquaient qu’ils devaient payer un ou deux dollars pour bénéficier des soins. Selon les derniers rapports, ils accèdent désormais aux soins gratuitement pratiquement partout. Nous voyons donc que nos rapports exercent une pression positive.

Quelle est la prochaine étape ? Avez-vous le projet d’étendre ce projet à d’autres provinces de la RDC ?

Nous cherchons des financements pour pouvoir continuer notre projet et élargir notre zone de couverture à des provinces dont le taux de prévalence est plus élevé qu’au Nord-Kivu. Dans la ville province de Kinshasa par exemple, où l’on retrouve plus de 30% des malades sous antirétroviraux. Plus largement, la RDC fait face à de nombreux défis et si l’aide est reçue sans qu’un suivi soit mis en place, les projets risquent d’avoir peu d’impact et des résultats très limités.

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