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OFM Edition 179,   Article Nombre: 2

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Le gel de l’aide américaine : Un état des lieux


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Type d'article:
News
     Auteur:
Christian Djoko et Ekelru Jessica
     Date: 2025-03-01

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ABSTRAITE


Cet article propose une mise à jour sur les conséquences du gel de l’aide américaine, en mettant en lumière son impact sur le secteur de la santé en général, et plus spécifiquement sur la lutte contre les principales maladies infectieuses.


Depuis plusieurs décennies, les États-Unis se positionnent comme l’un des principaux acteurs de la santé publique mondiale, notamment à travers l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). Grâce à un financement massif, cette agence a soutenu des programmes essentiels de lutte contre des maladies infectieuses majeures telles que le VIH, la tuberculose et le paludisme. Son engagement a permis de sauver des millions de vies et d’améliorer l’accès aux soins dans de nombreux pays à faibles et moyens revenus.   Cependant, la récente suspension des financements de l’USAID plonge les activistes, les organisations internationales, les organisations communautaires et de la société civile, les personnes malades dans une incertitude grandissante. L’inquiétude monte face aux répercussions d’une telle décision, dont l’ampleur semble encore sous-estimée par les gouvernements des pays bénéficiaires.   En effet, ces gouvernements n’ont pas pleinement pris la mesure des conséquences du gel américain. Ils peinent à saisir l’étendue du problème et à élaborer une réponse adaptée. Cette situation s’explique en partie par le fait que ces États avaient jusqu’ici une visibilité limitée et un contrôle restreint sur ces financements, dont la mise en œuvre se déroulait souvent en parallèle des dispositifs nationaux.   Si ce choc pourrait, à terme, inciter ces gouvernements à renforcer leur résilience et à investir davantage dans leurs propres systèmes de santé, la difficulté majeure réside dans le fait que ces coupures ne se limitent pas au secteur sanitaire. Dans un contexte où les priorités budgétaires sont multiples et souvent concurrentes, il sera extrêmement difficile de compenser cette perte.   Cet article propose une analyse actualisée des conséquences de cette suspension. Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, il s’attarde sur le rôle et le fonctionnement de l’USAID, afin de mieux appréhender l’ampleur du désastre qui se profile.   Mise en contexte   Les États-Unis ont historiquement joué un rôle de premier plan dans l’aide publique au développement, en particulier dans le domaine de la santé. L’USAID gère un budget de 42,8 milliards de dollars, représentant à lui seul 42 % de l’aide humanitaire mondiale. Cette aide se répartit en trois grands secteurs : le développement économique, l’assistance humanitaire et la santé.    

Source: Pew Research Center (Drew DeSilver)

  Dans le domaine de la santé, les États-Unis sont les principaux contributeurs mondiaux, investissant massivement dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Leur engagement est particulièrement structurant dans l’écosystème du Fonds mondial de lutte contre ces maladies infectieuses. Le continent africain est le principal bénéficiaire de ces financements, illustrant l’ampleur de l’impact des États-Unis sur la santé publique mondiale.  

Source : Think Global Health (Allison Krugman)

  Cependant, le gel de cette aide met en péril l’équilibre fragile de nombreux programmes de santé publique. Cette suspension entraîne des conséquences dramatiques pour les patient(e)s, les travailleurs et travailleuses de la santé et les systèmes de soins dans plusieurs pays, notamment ceux du continent africain.  

Source: Pew Research Center (Drew DeSilver)

  L’impact   Le VIH : un système de soins en péril   Le Programme d’aide d’urgence des États-Unis contre le sida (PEPFAR) finance une part importante de la lutte contre le VIH dans de nombreux pays. Le gel de cette aide a des répercussions immédiates et sévères comme en témoigne la Note publique de veille de ONUSIDA.  

Source : UNAIDS

  Plus singulièrement, cette note, dont les données actualisés remontent au 17 février 2025,  souligne trois points essentiels :
  • Une dépendance critique au financement américain : Dans des pays comme la Côte d’Ivoire, Haïti et la Tanzanie, plus de 90 % du budget de lutte contre le VIH provient du PEPFAR. D’autres nations comme l’Éthiopie, le Nigeria et l’Ouganda dépendent également fortement de ce programme.
  • Des travailleurs de santé en première ligne affectés : En Afrique du Sud, 15 374 personnels de santé financés par PEPFAR sont directement touchés. Au Cameroun, 2 332 professionnels, dont 258 médecins et infirmiers, subissent des licenciements.
  • Un accès aux traitements compromis : Au moins 14 pays rapportent de graves perturbations dans l’accès aux traitements antirétroviraux. Haïti et l’Ukraine signalent des stocks dangereusement bas, mettant en péril des milliers de patients.
  • L’arrêt de programmes de prévention : Le programme DREAMS, destiné à la prévention du VIH chez les jeunes femmes, est suspendu au Kenya, au Malawi et en Afrique du Sud.
  Un article publié le 18 février 2025 dans le Journal of the International AIDS Society avec pour titre « Early impacts of the PEPFAR stop-work order : : a rapid assessment » se montre également très alarmant par rapport aux conséquences de ce gel.   La tuberculose : un dépistage et un traitement menacés   Selon une Note de veille de STOP TB du 14 février 2025, le gel de l’USAID a provoqué de graves interruptions dans la réponse mondiale à la tuberculose (TB), en particulier dans 12 pays à forte charge de la maladie.
  • Une baisse du dépistage : Au Bangladesh, les projets de dépistage pédiatrique sont suspendus, tandis qu’au Cambodge, 100 000 personnes n’ont pas été testées, augmentant les risques de transmission non détectée.
  • Des infrastructures en crise : L’Ukraine a perdu le soutien de l’USAID pour ses laboratoires, perturbant gravement la détection des cas.
  • Des pénuries de médicaments imminentes : Le Kenya risque une rupture de stock imminente de médicaments contre la tuberculose, tandis qu’en Ukraine, une crise est prévue dès septembre 2025.
  • Une interruption de la prévention : Au Pakistan, toutes les activités de prévention sont suspendues dans 27 districts, augmentant le risque d’infections futures.
  • Fermeture d’unités de soins spécialisées et licenciements massifs de personnels de santé. En Éthiopie 5 000 agents de santé financés par USAID ne travaillent plus. Au Nigéria, 1 800 agents de santé dans 18 États à forte prévalence de TB ont été licenciés.
  Le paludisme : une régression dans les avancées sanitaires   Les financements de l’USAID jouent un rôle crucial dans la lutte contre le paludisme, notamment à travers la distribution de moustiquaires imprégnées, les campagnes de pulvérisation et l’accès aux traitements. Les activistes et agents de santé communautaires de lutte contre le paludisme avec qui nous interagissons dans de très nombreux webinaires affirment que le gel a déjà conduit à :
  • Des interruptions majeures : La suspension des financements a conduit à des pénuries de tests et de traitements essentiels, particulièrement dans les zones rurales.
  • Un recul dans la prévention : Des campagnes de sensibilisation et de distribution de moustiquaires sont annulées, augmentant les risques d’épidémies dans les régions vulnérables.
  • Des répercussions économiques : La régression de la lutte contre le paludisme affecte la productivité des populations exposées, aggravant la pauvreté et limitant le développement économique.
  Outre ces aspects, le gel des financements de l'aide américaine a conduit à la suspension d'un programme phare de développement de vaccins contre le paludisme, perturbant ainsi la recherche en santé mondiale. Le Programme de Développement de Vaccins contre le Paludisme (MVDP) de l'USAID, qui finance des recherches collaboratives entre des institutions telles que l'Université Johns Hopkins aux États-Unis et l'Université d'Oxford au Royaume-Uni, a été contraint d'arrêter ses travaux. Cette interruption affecte des recherches importantes visant à améliorer l'efficacité et la durée des vaccins antipaludiques récemment introduits.   Precisions que « The MVDP’s aim is “to reduce the impact of malaria on children living in malaria-endemic areas of the world”. In sub-Saharan Africa, approximately 450,000 under-5s are killed by malaria each year». Les chercheurs avertissent que cette pause pourrait entraîner une propagation accrue du VIH résistant aux médicaments et un recul significatif des progrès médicaux. Bien que le gel des financements soit initialement prévu pour 90 jours afin de réévaluer les dépenses, l'absence de personnel expert dans les organismes de santé américains pour mener cette révision suscite une incertitude quant à l'avenir. D'autres projets, tels que la production d'ingrédients pharmaceutiques actifs en Afrique pour les antirétroviraux, sont également menacés par la perte de fonds et de personnel. La communauté scientifique appelle à une reconsidération de cette décision pour éviter des décennies de recul dans la lutte contre les maladies infectieuses.   Polio   Pour terminer, notons que les États-Unis jouent un rôle essentiel dans l'Initiative mondiale pour l'éradication de la polio (GPEI), qui permet de vacciner des centaines de millions d'enfants contre la polio dans plus de 40 pays chaque année. Ils contribuent à plus d'un quart du budget annuel de cette initiative. Pendant la période de gel de 90 jours, jusqu'à 110 millions d'enfants qui devaient recevoir des vaccins contre la polio pourraient désormais se retrouver sans protection.   Conclusion   Le gel des financements de l’USAID constitue une menace majeure pour la santé publique mondiale. En mettant en péril des programmes essentiels dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, cette suspension d’aide met en danger des millions de vies. Elle accentue les inégalités sanitaires, fragilise les systèmes de soins déjà vulnérables et entrave les efforts mondiaux de contrôle des maladies infectieuses.   Face à cette crise, il est impératif que des alternatives soient trouvées pour garantir la continuité des soins et la pérennité des initiatives de santé publique. Une augmentation du financement domestique, une mobilisation accrue des autres bailleurs de fonds internationaux, une réallocation stratégique des ressources et un plaidoyer politique vigoureux sont essentiels pour éviter au moins à court terme une catastrophe humanitaire de grande ampleur. La santé mondiale ne peut se permettre de reculer : il est urgent d’agir.  

Publication Date: 2025-03-01


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