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Stupéfaction des militants face à la décision du Fonds mondial de mettre fin aux programmes régionaux de lutte contre le VIH en Afrique
OFM Edition 49

Stupéfaction des militants face à la décision du Fonds mondial de mettre fin aux programmes régionaux de lutte contre le VIH en Afrique

Author:

Gemma Oberth

Article Type:
NOUVELLES ET ANALYSE

Article Number: 1

Huit subventions d’une valeur de près de 60 millions de dollars sont concernées par la décision

RÉSUMÉ Le Fonds mondial a récemment annoncé que ses priorités en matière d’investissements multipays pour le cycle de financement 2017/2019 2019 ne comprennent pas de programmes de lutte contre le VIH en Afrique. Cette décision affectera huit subventions existantes d’une valeur de près de 60 millions de dollars, dont la plupart sont mises en œuvre depuis moins de deux ans. Les militants ont réagi à cette décision, la qualifiant de « frustrante » et « irresponsable ». La majorité des investissements multipays en cours ont des objectifs de réforme politique et juridique sur le long terme, qui nécessitent des investissements soutenus en termes de plaidoyer pour avoir un impact durable.

Le Fonds mondial a récemment annoncé la liste des priorités en matière de financement multipays pour le cycle de financement 2017/2019. Une partie des 260 millions de dollars disponibles est réservée à des candidats préalablement identifiés, tandis que le reste fera l’objet de demandes concurrentielles, bien que les régions admissibles et les objectifs des subventions soient déterminés par le Fonds lui-même (voir l’article de l’OFM).

On ne peut s’empêcher de remarquer qu’aucun financement pour les démarches multipays relatives au VIH en Afrique subsaharienne – la région la plus durement touchée par la maladie – ne figure sur la liste. Le Fonds mondial a indiqué que sa décision reposait sur les orientations et les informations des partenaires techniques. Les militants ont qualifié la décision de « frustrante » et « irresponsable ».

(Aidspan a invité Seth Faison, directeur de la communication au Fonds mondial, à commenter l’ébauche du présent article, et celui-ci a fourni une déclaration que nous avons reprise à la fin de l’article.)

Le Fonds mondial investit actuellement 59,3 millions de dollars dans huit subventions multipays de lutte contre le VIH en Afrique (voir le tableau ci-après), dont la plupart prendront fin en 2018 sans possibilité de reconduction.

Aidspan a par le passé publié des articles sur plusieurs subventions multipays de lutte contre le VIH en Afrique (voir les articles de l’OFM disponibles ici, ici et ici).

Outre le fait qu’elle suppose la fin du financement des programmes existants, la décision du Fonds mondial signifie qu’il n’y aura plus de possibilités de nouveaux programmes multipays de lutte contre le VIH dans la région.

Dans sa foire aux questions, le Fonds mondial explique pourquoi il n’a pas alloué de fonds supplémentaires aux programmes multipays de lutte contre le VIH. Il déclare que bien que le VIH ait proportionnellement reçu moins de fonds que la tuberculose et le paludisme dans le cadre des démarches multipays, il en a reçu davantage au niveau des fonds de contrepartie. Les fonds de contrepartie sont des financements supplémentaires offerts au niveau des pays, sous la condition qu’une priorité accrue soit accordée à certains domaines programmatiques dans la somme allouée des pays (voir l’article de l’OFM).

Or, les fonds de contrepartie et les subventions multipays sont des types d’investissement tout à fait différents. « Un des critères de la mise au point de subventions régionales visait à s’assurer que les activités ne pouvaient pas être couvertes par les subventions nationales », explique Shaun Mellors, directeur des connaissances et de l’influence à l’Alliance internationale contre le VIH/sida. « Il n’est en aucun cas possible, ni approprié, pour les subventions nationales de couvrir les activités ou processus régionaux. C’est en train de devenir une excuse pour ne pas financer le travail de plaidoyer et de politique régional », ajoute M. Mellors. Des partenaires de l’Alliance participent à trois des huit subventions figurant dans le tableau ci-après.

 

Tableau : Subventions VIH multipays existantes du Fonds mondial en Afrique

Récipiendaire principal Subvention Montant de l’accord de subvention (en millions de dollars US) Date de fin de la subvention
Consortium des ONG du Kenya contre le sida (KANCO) QPB-H-KANCO 5 566 264,00 Sept. 2018
Organisation du Corridor Abidjan-Lagos (OCAL) QPF-H-ALCO 9 512 171,47 Déc. 2018
Réseau africain de soins pour les enfants touchés par le sida (ANECCA) QPA-H-ANECCA 3 798 118,00 Oct. 2018
Alliance sida et droits pour l’Afrique australe et Enda Santé (ARASA-ENDA) QPA-H-UNDP 10 522 144,00 Déc. 2018
Handicap International (HI) QPF-H-HandINT 3 135 762,55 Déc. 2019
Institut humaniste pour la coopération avec les pays en développement, Afrique australe (HIVOS) QPA-H-HIVOS 11 465 336,00 Déc. 2018
ITPC-Afrique occidentale QPF-H-ITPC 3 779 463,99 Déc. 2019
Communauté de développement de l’Afrique australe – Phase 2 QPA-H-SADC 11 526 269,00 Déc. 2017

 

La majorité des programmes multipays de lutte contre le VIH comportent des cibles de résultats à long terme, comme l’établissement de précédents jurisprudentiels ou l’exercice d’une influence sur la politique. Comme l’a par le passé commenté à Aidspan Deena Patel, en charge de la subvention ARASA-ENDA : « Il s’agit d’une subvention pour la défense des droits de l’homme. Nous savons tous que c’est un travail de longue haleine dont nous ne pouvons pas toujours prédire les résultats. »

La subvention ARASA-ENDA est axée sur l’élimination des obstacles juridiques entravant l’accès des populations clés aux services de lutte contre le VIH et à d’autres services de santé au travers d’actions en justice stratégiques et de plaidoyer local. La subvention KANCO vise à réformer la politique relative aux médicaments au niveau de la Communauté d’Afrique de l’Est. La subvention Hivos, quant à elle, renforce les réseaux de professionnels du sexe, d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et des communautés transgenres d’Afrique australe. Il est clair que ces objectifs requièrent plus de trois ans d’investissement.

  1. Mellors est du même avis que Mme Patel : « Non seulement ces processus prennent du temps à produire un impact, mais ils traitent souvent de sujets très difficiles et sensibles, comme essayer de changer les normes sociales en modifiant les politiques relatives à l’orientation sexuelle, à la réduction des méfaits ou à d’autres questions ». Il souligne du reste l’importance d’une planification et d’un calendrier minutieux lorsque l’on traite de sujets aussi sensibles, notamment pour que les programmes ne produisent pas les effets contraires à ceux attendus.

« Dans la pratique, une subvention de trois ans ne peut pas avoir d’impact à long terme », affirme Solange Baptiste, directrice exécutive de la Coalition internationale pour la préparation aux traitements (ITPC). La subvention multipays du Fonds mondial administrée par la section Afrique occidentale de l’ITPC soutient un observatoire régional des traitements en milieu communautaire qui plaide en faveur de l’élimination des obstacles à l’accès au traitement, en particulier pour les populations clés, les femmes et les jeunes vivant avec le VIH. « Une subvention de trois ans peut afficher des résultats, mais l’impact ne se fait sentir qu’au bout de cinq ans environ, surtout en ce qui concerne les initiatives de plaidoyer et l’impact au niveau régional », explique-t-elle.

Beaucoup se sentent découragés par la décision du Fonds mondial, d’autant plus que les subventions en cours commencent à peine à atteindre leur vitesse de croisière. La subvention de Hivos – « KP REACH » – qui vise à atteindre les populations clés, est mise en œuvre depuis un peu plus d’un an, celle de l’ITPC-Afrique occidentale a été lancée il y a à peine six mois.

« Dès le départ, l’idée sous-tendant la subvention était d’élargir les travaux après 2018 en ajoutant quatre pays supplémentaires aux huit pays actuellement visés », déclare Sithembile Chiware, directrice de programme pour la subvention KP REACH au bureau régional de Hivos pour l’Afrique australe. D’après elle, la subvention prouve à quel point il est important de renforcer les réseaux régionaux pour les populations clés. « Que le Fonds mondial nous ait donné la possibilité d’investir dans ce travail important est fantastique, mais il est triste que nous ne puissions pas poursuivre nos travaux au-delà de 2018 », dit-elle.

Un autre récipiendaire principal affiche le même sentiment : « Notre subvention a engendré d’excellents résultats, et il serait intéressant de voir ce que nous pourrions accomplir d’autre si nous avions trois ans de plus ».

Aidspan a demandé à ces récipiendaires principaux s’il existe d’autres sources potentielles de financement susceptibles de permettre à ces programmes régionaux de poursuivre leurs travaux. L’ITPC-Afrique occidentale a répondu ne pas entrevoir de donateurs capables de soutenir l’ampleur et la nature des travaux actuellement financés par le Fonds mondial. L’Alliance a répondu qu’elle ne dispose pas de financement lui permettant de poursuivre ses programmes régionaux, et qu’à défaut de trouver au plus vite des sources de financement, elle devra fermer ses portes. Hivos a pour sa part indiqué qu’il était plus probable que les organisations membres du partenariat obtiennent des financements à titre individuel, plutôt qu’en tant que consortium, ce qui réduirait la coordination régionale effective des programmes de lutte contre le VIH ciblant les populations clés.

Compte tenu du fait que la plupart des subventions multipays de lutte contre le VIH financées par le Fonds mondial en Afrique – voire toutes – n’auront guère d’autre option que d’être clôturées en 2018/2019, les militants remettent en cause la valeur d’un financement à si court terme par rapport à des objectifs indéniablement à long terme. Pour M. Mellors, il s’agit d’un « investissement gaspillé ». À ses yeux, le fait que ni le Fonds mondial ni ses partenaires techniques ne voient la nécessité de continuer à investir dans les programmes régionaux de lutte contre le VIH en Afrique signifie qu’ils ne comprennent de toute évidence pas les processus politiques et de plaidoyer.

Déclaration du Secrétariat du Fonds mondial

Invité à commenter l’ébauche de cet article, Seth Faison, directeur de la communication, a fourni la déclaration suivante à Aidspan :

« Les allocations du Fonds mondial pour la période 2017/2019 affectent davantage de fonds aux programmes de lutte contre le VIH en Afrique que celles de la période précédente, notamment au niveau des financements à effet catalyseur, qui mettent fortement l’accent sur les femmes et les jeunes filles en Afrique australe et orientale. Les priorités des financements à effet catalyseur ont été mises au point en étroite consultation avec les partenaires techniques, notamment l’OMS et l’ONUSIDA, et ont été approuvées par le Conseil d’administration du Fonds mondial.

Les subventions multipays peuvent s’avérer importantes, mais tous les choix de financement doivent néanmoins être soupesés par rapport à une réduction correspondante ailleurs. Fort de sa ferme détermination à concevoir des financements visant un maximum d’impact, le Conseil d’administration du Fonds mondial a autorisé des décisions accordant la priorité aux financements venant en aide au plus grand nombre.

En outre, le Fonds mondial accorde la priorité aux subventions multipays dans les régions où les sommes allouées aux pays sont globalement réduites. En Afrique, les sommes allouées aux pays sont en hausse.

Votre article laisse entendre que le financement accordé aux programmes de lutte contre le VIH en Afrique est réduit. Cela n’est pas le cas en ce qui concerne l’allocation totale, ni en ce qui concerne les financements à effet catalyseur. Veuillez garder à l’esprit les faits suivants :

  • Plus de 80 % des fonds de contrepartie affectés à la lutte contre le VIH vont à l’Afrique (124,2 millions de dollars contre 25,8 millions de dollars pour les autres régions) ;
  • Deux tiers des fonds de contrepartie totaux vont à l’Afrique (209,6 millions de dollars contre 103,4 millions pour les autres régions) ;
  • Pris ensemble, les fonds de contrepartie et les démarches multipays affectés au VIH vont à l’Afrique à hauteur de 66 % (131,7 millions de dollars contre 68,3 millions de dollars pour les autres régions) ;

Pris ensemble, les fonds de contrepartie et les démarches multipays totaux sont affectés à hauteur de 48 % à l’Afrique (277,6 millions de dollars contre 295,4 millions de dollars pour les autres régions), principalement du fait du montant important attribué à l’Initiative régionale contre la résistance à l’artémisinine en Asie du Sud-Est (119 millions de dollars). »

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