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SÉRIEUSES INQUIÉTUDES SUR LA QUALITÉ DES PROPOSITIONS SOUMISES AU FONDS MONDIAL
OFM Edition 12

SÉRIEUSES INQUIÉTUDES SUR LA QUALITÉ DES PROPOSITIONS SOUMISES AU FONDS MONDIAL

Author:

Lauren Gelfand

Article Type:
DERNIERES NOUVELLES

Article Number: 1

Après examen de 91 notes conceptuelles, le Comité technique d'examen des propositions s’inquiète des lacunes des notes conceptuelles et de la méthodologue d’allocation.

RÉSUMÉ Suite à l'examen complet des notes conceptuelles présentées au cours des périodes de soumission 3 et 4, le Comité technique d'examen des propositions se dit préoccupé par la qualité et le contenu des activités proposées dans le cadre du nouveau modèle de financement. Constatant ce qu’il considère comme une dépendance croissante des pays vis-à-vis du soutien financier du Fonds mondial, le Comité s’inquiète également face à l’intérêt de pure forme de certains pays pour les questions de genre et les populations clés.

Le Comité technique d’examen des propositions (CTEP) du Fonds mondial vient de publier son rapport le plus complet à ce jour sur la qualité et la portée des notes conceptuelles présentées dans le cadre du nouveau modèle de financement (NMF). Ce rapport a été présenté au Conseil d’administration avant la dernière réunion du Comité de la stratégie, des investissements et de l’impact. Le CTEP y recense les grandes tendances des 91 propositions présentées pendant les périodes de soumission 3 et 4. et exprime sa préoccupation croissante concernant l’échelle, la pérennité et les chances de réussite des activités soumises pour examen par les instances de coordination nationale (ICN) au Fonds mondial en vue d’un financement.

Le Comité technique d’examen des propositions exprime également un certain malaise face à l’intérêt de pure forme manifesté par certains pays en ce qui concerne l’équilibre de traitement des femmes et des hommes et les besoins particuliers des populations clés identifiées, ainsi que sa crainte que les pays ne procèdent ni à la collecte, ni à l’analyse de données probantes pour étayer leurs plans stratégiques nationaux.

Dans l’espoir de faire augmenter le taux d’approbation des notes conceptuelles présentées au cours de ces périodes de soumission, 19 de ces notes ont été retournées aux ICN pour révision, accompagnées d’un guide indiquant étape par étape ce que le CTEP s’attend à trouver dans une note conceptuelle avant de l’approuver.

Bien que la majeure partie de ce document de 46 pages porte sur les tendances et les lacunes recensées dans les notes conceptuelles, il contient également un nombre important de recommandations faites au Fonds mondial lui-même, en particulier en ce qui concerne la méthodologie d’allocation, et s’en prend à nouveau à la décision prise de créer trois sources de financement distinctes − allocation de base, financement d’encouragement et registre des demandes de qualité non financées − une décision susceptible d’avoir des conséquences désastreuses pour les pays.

Ci-après figurent certains des points exprimés par le CTEP, basés sur les conclusions des rapports (voir les articles ici [en anglais] et ici) préparés par lui-même après l’examen des notes conceptuelles présentées pendant les périodes de soumission 1 et 2.

Faisabilité, échelle et pérennité

La viabilité financière des programmes demeure une préoccupation particulière pour le CTEP, alors que le rapport mentionne une « dépendance croissante vis-à-vis du Fonds mondial pour financer et poursuivre l’intensification des programmes de traitement du VIH, de traitement de la tuberculose multirésistante et de distribution de moustiquaires imprégnées d’insecticide longue durée pour la prévenir le paludisme ».

« [À] moins d’accorder une plus grande importance à la viabilité financière, certains candidats vont se rapprocher du moment où l’on verra des programmes commencer à s’effondrer ou des composantes majeures disparaître », met en garde le rapport, ce qui non seulement portera atteinte aux progrès accomplis par les pays dans leur lutte contre les trois maladies mais risque également d’entraîner un retour en arrière.

Des inquiétudes sont également exprimées concernant la faible capacité de nombreuses notes conceptuelles à intensifier les prestations de services de manière réaliste. Avec un nombre toujours plus grand de personnes mises sous traitement, la taille de la population traitée augmente. Ainsi, maintenir cette population sous traitement devient plus difficile et empêche de poursuivre l’extension des services. Cela est plus inquiétant lorsqu’il s’agit des groupes plus exposés aux risques d’infection, note le CTEP. En effet, ces groupes peuvent se retrouver « négligés au profit d’une intensification des programmes destinés à des populations dont l’impact sur l’épidémie est potentiellement bien moindre ».

Dans de nombreux pays, la planification à long terme de programmes viables a été également compromise par des évaluations irréalistes des capacités systémiques, indique le CTEP. Malgré une appréciation relativement sincère de la faiblesse de leurs infrastructures et de leurs ressources humaines, de trop nombreux pays ont soumis des notes conceptuelles laissant entendre qu’ils disposaient des capacités suffisantes − à la fois sur le plan logistique et sur le plan humain − pour répondre aux besoins accrus d’intensification et de pérennisation des services. De même, rares sont les propositions qui abordaient le « continuum complet des soins », pourtant nécessaire pour prévenir les nouvelles infections tout en gérant la charge de morbidité existante.

Même si le CTEP note avec satisfaction la présence « d’exemples positifs et prometteurs » d’initiatives de renforcement des systèmes communautaires dans les notes conceptuelles présentées pendant les deux périodes de soumission, l’absence de tels éléments dans la majorité des propositions − ainsi que la relégation du renforcement des systèmes communautaires dans les activités relevant du montant au-delà de la somme allouée pour certaines autres notes − démontre un profond besoin de recentrer les efforts dans ce domaine.

Enfin, le CTEP observe une déconnexion entre les interventions proposées et les difficultés programmatiques recensées, c’est-à-dire un écart entre la capacité des ICN à identifier les lacunes dans les services offerts et leur incapacité à proposer des solutions adaptées pour combler ces lacunes. Pour les trois composantes maladie comme pour les activités de renforcement des systèmes de santé, « une bonne analyse de la situation ne s’est pas toujours traduite par des interventions et des budgets appropriés pour les programmes proposés».

Un exemple de cette inadéquation est donné en utilisant la note conceptuelle soumise par un pays non nommé pour financer son programme de lutte contre le paludisme. Alors que l’ICN avait clairement identifié les migrants économiques comme un groupe particulièrement touché par le paludisme, il était très peu question dans la note conceptuelle des mesures envisagées par le pays pour répondre aux besoins spécifiques de cette population en termes de prévention.

Ces problèmes de pérennité s’étendent aux pays qui se préparent à ne plus bénéficier du soutien du Fonds mondial, soit par qu’ils ne peuvent plus y prétendre en application de la formule revenu/morbidité, soit à cause d’évolutions intervenues dans l’épidémiologie d’une maladie.

Bon nombre de ces pays en transition ont omis d’inclure la description d’un « plan de sortie » dans leurs notes conceptuelles, s’agissant en particulier des programmes destinés aux populations clés, dont la responsabilité incombe actuellement aux organisations de la société civile ou à des groupes communautaires. Même si le plan de sortie est et devrait être du ressort du pays lui-même, le CTEP suggère que le Fonds mondial devrait exiger des pays sur le point d’être reclassés qu’ils élaborent un plan de transition clair.

Des inquiétudes concernant les droits de l’homme et chacune des trois maladies

D’après le CTEP, presque toutes les notes conceptuelles ont échoué à proposer des « interventions judicieuses et efficaces visant à surmonter les obstacles en rapport avec les droits de l’homme ». Cela concerne aussi bien des activités destinées aux populations clés − des populations qui, en raison de la stigmatisation et de la discrimination ou d’un environnement législatif agressif, font face à de nombreux obstacles dans l’accès aux services de santé − que des activités ou un travail au niveau communautaire visant à soutenir les catalyseurs essentiels de la lutte contre les maladies.

D’après le CTEP, le manque d’activités destinées spécifiquement aux populations clés dans certaines notes conceptuelles semble indiquer que, dans certains cas, les questions relatives aux droits de l’homme n’ont pas été correctement abordées durant le processus d’élaboration des notes et que les populations clés étaient insuffisamment représentées dans les instances de coordination nationale.

Des préoccupations semblables ont été reprises dans les observations du CTEP sur les activités conçues spécialement pour répondre aux besoins des femmes et des filles. Alors que certaines notes conceptuelles proposaient des mesures concrètes pour les femmes et les filles, d’autres n’ont « abordé les questions sexospécifiques que dans la section traitant du contexte » ou n’ont proposé que des « solutions génériques pour traiter les questions liées aux sexospécificités ».

On pourra en partie expliquer cette situation par l’absence persistante de données ventilées par sexe dans les notes conceptuelles − et dans l’ensemble des milieux concernés par les activités du Fonds mondial de manière générale − ainsi que par ce que le CTEP appelle un « manque de compréhension des interventions efficaces ». Il reste à voir comment les pays − et les partenaires engagés pour fournir à ces pays une assistance technique dans ce domaine précis − entendent à l’avenir développer leurs modèles pour favoriser des changements dans les normes sociales et un soutien en faveur d’interventions plus ciblées et plus efficaces.

Selon le CTEP, le Fonds mondial lui-même devrait continuer à mettre l’accent sur la nécessité de mettre en œuvre des « interventions en rapport avec les droits sociaux et les droits de l’homme » tout en envisageant également une nouvelle obligation pour les pays mal classés suivant l’Indice d’inégalité de genre de traiter les « problèmes sexospécifiques identifiés à l’aide d’activités concrètes ».

Sur les 91 notes conceptuelles examinées au cours des deux périodes de soumission, 19 portent sur la lutte contre le VIH, dont une qui, pour la première fois, montre que « les ressources disponibles seront insuffisantes d’ici un an au vu du besoin d’élargir l’accès aux traitements antirétroviraux ».

Le CTEP ne précise pas l’identité du candidat concerné mais observe que l’intensification proposée des traitements antirétroviraux a été préparée « sans prêter une attention suffisante aux contraintes budgétaires rencontrées ». Ce candidat, prévient le CTEP, est un indicateur pour les autres pays d’Afrique subsaharienne dans lesquels, d’une part, la pérennisation des traitements antirétroviraux sera bientôt compromise par l’insuffisance des ressources − tant internationales que nationales − et, d’autre part, les programmes de traitement risquent de prendre le pas sur d’autres programmes, notamment les programmes de prévention, et amener les pays à opérer « un triage des patients traités susceptible d’entraîner de graves conséquences ».

Dix-huit notes conceptuelles portant sur la lutte antituberculeuse ont été examinées au cours de la période. La plupart de ces notes continuent d’insister sur un signalement accru des cas afin de combler les lacunes en matière de dépistage et de s’attaquer au problème d’une charge de morbidité en augmentation.

Alors que plusieurs notes conceptuelles abordent le problème de la tuberculose multirésistante et demandent des crédits pour étendre les services de lutte contre cette maladie, le CTEP suggère qu’il serait plus approprié pour ces pays de mettre l’accent sur « l’efficacité et la pérennité de leurs programmes de lutte contre la tuberculose avant d’intensifier le dépistage de la tuberculose multirésistante ».

Concernant les 20 notes conceptuelles communes pour le VIH et la tuberculose demandées aux pays touchés par une forte comorbidité, pour chaque proposition reflétant « une forte collaboration entre les deux programmes », trop de propositions « ne reflétaient toujours pas le degré souhaitable de coordination, de collaboration et d’intégration entre les deux programmes ».

Parmi les candidats autorisés à soumettre une note conceptuelle séparée pour le renforcement des systèmes de santé (RSS), il existe une perception persistante selon laquelle les systèmes sont des « entités distinctes, presque autonomes ». Selon le CTEP, cela va à l’encontre de la nécessité d’une intégration et d’une complémentarité des activités de RSS avec le travail effectué sur les maladies.

Ces problèmes sont aggravés dans ce qui est considéré comme des « environnements opérationnels difficiles », à savoir des pays aux faibles capacités et confrontés à des problèmes immenses.

Le CTEP a observé d’importants écarts dans la qualité des notes conceptuelles portant sur le RSS, particulièrement dans celles présentées par les pays aux environnements opérationnels difficiles. Le comité s’inquiète de la capacité de ces candidats à élaborer des notes conceptuelles ciblées compte tenu de leurs problèmes et de leurs capacités potentiellement insuffisantes. Parmi ces candidats figurent des pays en conflit ou sortant d’un conflit, confrontés à des défis environnementaux ou géographiques, ou se trouvant dans une situation fragile.

L’assistance technique est essentielle pour ces pays, rappelle le CTEP, et pourrait être apportée à la fois par des partenaires techniques ou d’autres parties prenantes et par des pays ayant connu une situation similaire, c’est-à-dire des pays qui ont réussi à sortir d’une situation de conflit ou d’après-conflit pour devenir des États moins fragiles.

Mettons fin au financement d’encouragement, répète le CTEP.

Le CTEP utilise une partie du dernier tiers du rapport pour mener une campagne autour de son thème favori : mettre fin au financement d’encouragement et à la nécessité pour les candidats d’effectuer des demandes hors allocation de base. Non seulement ces deux sources de financement ne parviennent pas à produire « le résultat souhaité qui est d’encourager des interventions ambitieuses, novatrices et hiérarchisées », mais elles « engendrent un surcroît de travail pour les candidats, le Secrétariat et le CTEP ».

Que cela soit dû à une mauvaise compréhension de la complexité du modèle, à une tentative visant à obtenir une allocation maximale ou à une foule d’autres raisons, de nombreux candidats continuent de faire figurer des services essentiels dans des demandes hors allocation de base, alors que ces services pourraient et devraient être un des piliers de leur demande d’allocation. Contraint de retourner ces notes conceptuelles pour révision, le CTEP contribue précisément aux retards que le NMF était censé éviter.

Les conclusions du CTEP montrent également que les candidats ne saisissent pas toutes les subtilités et les nuances du concept de présentation exhaustive des besoins. « La présentation exhaustive des besoins engendre également une charge de travail supplémentaire pour les candidats, car sa formulation dans le document-type modulaire et dans la partie narrative de la note conceptuelle représente un travail énorme, surtout lorsqu’aucun financement n’est garanti au-delà de l’allocation de base », écrit le CTEP.

Au-delà de l’impact de ces sources de financement supplémentaires en termes d’administration et de charge de travail, le CTEP mentionne un impact potentiel sur la relation du Fonds mondial avec des pays déçus par le montant de leur allocation et amenés à entretenir des « attentes irréalistes » vis-à-vis du Fonds, ce qui pourrait alors conduire à « une mobilisation moindre des ressources nationales ». Par ailleurs, le fait qu’elles peuvent « compromettre l’intérêt qu’aurait un pays à véritablement hiérarchiser les interventions » est une autre conséquence préjudiciable de ces sources de financement selon le CTEP.

Pour limiter ces risques potentiels, le comité demande le réexamen rapide mais minutieux de ces concepts afin de revoir et de rationaliser les processus du modèle de financement en temps voulu, avant la reconstitution des ressources prévue en 2017.

« Le CTEP conseille vivement au Secrétariat et au Conseil d’administration de clarifier les objectifs du Fonds mondial concernant l’allocation de base et de réévaluer la méthodologie avant la prochaine reconstitution des ressources », indique le rapport. « Si l’objectif du Fonds mondial est de réduire la morbidité et mortalité plutôt que d’éradiquer les maladies, la méthodologie devrait alors rendre compte de manière plus précise des investissements les plus stratégiques. »

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