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Pourquoi parlons-nous encore des droits de la femme en 2023 ?
OFM Edition 144

Pourquoi parlons-nous encore des droits de la femme en 2023 ?

Author:

Amida Kariburyo

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 5

JournƩe internationale de la femme : les droits des femmes restent infƩrieurs Ơ ceux des hommes

Bien que la JournĆ©e internationale de la femme ait plus d'un siĆØcle, sa commĆ©moration reste plus que jamais nĆ©cessaire. Au-delĆ  de l'aspect rĆ©crĆ©atif qui lui est gĆ©nĆ©ralement attachĆ©, elle est une excellente occasion d'attirer l'attention sur les injustices et les inĆ©galitĆ©s criantes qui continuent de peser sur la vie des femmes dans le monde entier, mais surtout en Afrique. Cet article nous donne l'occasion d'interroger Ć  nouveaux frais la JournĆ©e internationale de la femme et les raisons pour lesquelles nous devons encore parler des droits des femmes.

Certaines personnes pourraient penser que l’Ć©galitĆ© entre les hommes et les femmes n’est plus un problĆØme dans le monde d’aujourd’hui, que des avancĆ©es juridiques ont Ć©tĆ© rĆ©alisĆ©es et que nous vivons dans un monde juste oĆ¹ tout le monde a une voix Ć©gale. Ce n’est pas le cas.

 

En prĆ©tendant avoir atteint l’Ć©quitĆ© rĆ©elle par l’Ć©quitĆ© juridique, nous limitons la rĆ©alitĆ© des femmes Ć  une sĆ©rie de lois et de chartes, comme si elles changeaient magiquement les comportements et les injustices systĆ©miques persistantes. Aujourd’hui encore, nous fermons les yeux et refusons de voir que les femmes sont moins bien payĆ©es que les hommes Ć  compĆ©tences Ć©gales. La plupart des femmes portent encore le double fardeau du travail et des tĆ¢ches mĆ©nagĆØres. Les statistiques montrent que les femmes sont encore trĆØs sous-reprĆ©sentĆ©es dans les institutions dĆ©cisionnelles de la sociĆ©tĆ©. En fait, plus on monte dans la hiĆ©rarchie des institutions (publiques ou privĆ©es), moins on a de chances de rencontrer des femmes. MĆŖme dans les secteurs de l’Ć©ducation et de la santĆ©, oĆ¹ les femmes sont plus susceptibles d’ĆŖtre prĆ©sentes en grand nombre, il n’y a pas d’exception. La majoritĆ© des postes de dĆ©cision sont occupĆ©s par des hommes, surtout en Afrique.

 

Depuis des dĆ©cennies et jusqu’Ć  aujourd’hui, les femmes africaines continuent de subir quotidiennement le harcĆØlement (sexuel, moral, etc.), le sexisme, la misogynie, les agressions sexuelles, les violences basĆ©es sur le genre (VBG), les discriminations, etc. Au nom de croyances parfois phallocratiques, des petites filles sont empĆŖchĆ©es d’aller Ć  l’Ć©cole et de s’instruire. Ceux qui dĆ©noncent les violences sexuelles et ceux qui veulent amĆ©liorer l’accĆØs Ć  la santĆ© reproductive sont bĆ¢illonnĆ©s. Dans de nombreux pays, il est interdit aux femmes de s’habiller comme elles le souhaitent, d’occuper les postes qu’elles dĆ©sirent et de remettre en question les normes qui leur sont injustement imposĆ©es. Celles qui osent s’exprimer ou se dresser contre leur oppression sont critiquĆ©es et parfois discriminĆ©es par leur communautĆ©. En bref, la violence liĆ©e au sexe et la discrimination restent le lot quotidien de nombreuses femmes en Afrique.

 

Genre et violence

Pour illustrer notre propos, l’ONUSIDA a identifiĆ© la violence liĆ©e au sexe comme un facteur majeur de risque d’infection par le VIH/sida chez les femmes en Afrique.Ā Selon l’ONUSIDAĀ les statistiques montrent que cet impact est le plus prononcĆ© en Afrique subsaharienne, oĆ¹ les adolescentes et les jeunes femmes (Ć¢gĆ©es de 15 Ć  24 ans) reprĆ©sentaient 25 % des nouvelles infections par le VIH, alors qu’elles ne constituent que 10 % de la population. LesĀ femmes enĀ gĆ©nĆ©ral reprĆ©sentaientĀ 63 % des nouvelles infections au VIH dans la rĆ©gion en 2021. Pour les organisations internationales, l’Ć©limination de la violence Ć  l’Ć©gard des femmes est essentielle dans la lutte contre la propagation des Ć©pidĆ©mies.

 

C’est pourquoi les stratĆ©gies de prĆ©vention du VIH doivent s’attaquer Ć  l’inĆ©galitĆ© de pouvoir entre les hommes et les femmes, ainsi qu’aux normes et pratiques qui exposent les femmes Ć  un risque plus Ć©levĆ© de contracter le VIH. Les femmes qui ont Ć©tĆ© victimes de violence liĆ©e au sexe sont jusqu’Ć  trois fois plus susceptibles d’ĆŖtre infectĆ©es par le VIH que celles qui ne l’ont pas Ć©tĆ©. En Afrique prĆ©cisĆ©ment, les jeunes femmes sont plus susceptibles de subir des violences physiques ou sexuelles que les femmes plus Ć¢gĆ©es, gĆ©nĆ©ralement de la part d’un partenaire proche ou d’un membre de la famille. En outre, les femmes disent craindre la discrimination, la violence physique et le rejet de leur famille si elles rĆ©vĆØlent leur sĆ©ropositivitĆ©.

 

La violence fondĆ©e sur le sexe a Ć©tĆ© dĆ©crite par les Nations unies comme “la violation des droits de l’homme la plus rĆ©pandue, mais la moins visible dans le monde” et elle touche massivement les femmes africaines. Un rapport de l’Organisation mondiale de la santĆ© (OMS) a rĆ©vĆ©lĆ© que 65 % des femmes en Afrique centrale et 40 % en Afrique de l’Ouest ont subi des violences. Ces chiffres sont loin de reflĆ©ter la rĆ©alitĆ©, selon les organisations de dĆ©fense des droits des femmes. En effet, la peur de la stigmatisation dĆ©courage trop souvent les victimes de dĆ©noncer leur agresseur. Par exemple, au Niger, 99% des victimes de viols ne vont pas en justice, et lorsqu’elles y vont, les peines de prison ne sont pas Ć  la hauteur de la gravitĆ© des actes commis contre les femmes, selon uneĀ Ć©tude deĀ la Fondation allemande Friedrich-Ebert.

 

Les mutilations gƩnitales fƩminines sont toujours monnaie courante

Selon l’OMS, le monde compte aujourd’hui plus de 200 millions de filles et de femmes ayant subi des mutilations gĆ©nitales fĆ©minines (MGF) dans 30 pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’AsieĀ oĆ¹ les MGF sont pratiquĆ©es. Par exemple, enĀ GuinĆ©e, 97% des filles et des femmes ont Ć©tĆ© mutilĆ©es, 90% dans les rĆ©gions du centre-est du Burkina Faso. Au SĆ©nĆ©gal, un quart des femmes de plus de 15 ans ont subi des MGF. AuĀ Mali,Ā ainsi qu’au LibĆ©ria et en Sierra Leone, cette proportion atteint 73 % chez les filles de moins de 14 ans et 89 % chez les 15-49 ans.

 

Si cela arrivait aux hommes, ces questions auraient ƩtƩ abordƩes depuis longtemps.

Ce que les femmes demandent fondamentalement et sont en droit d’attendre, c’est la fin de ces violences et de ces discriminations ou, pour le dire plus positivement, une Ć©galitĆ© des droits effective. Ce n’est pas une journĆ©e par an qui mettra fin aux violences et aux discriminations quā€™elles subissent ou qui suscitera une sympathie ponctuelle qui amĆ©liorera leur condition, mais un engagement ferme Ć  mettre en œuvre une rĆ©ponse efficace aux obstacles qui entravent lā€™effectivitĆ© de leurs droits. Il est grand temps que les diffĆ©rences naturelles cessent d’ĆŖtre une source d’inĆ©galitĆ© systĆ©mique.

 

Pour cela, il faudra supprimer les barriĆØres patriarcales, sexistes, misogynes, historiques, religieuses, culturelles et socio-Ć©conomiques qui empĆŖchent les femmes africaines de jouir de leurs droits sur un pied d’Ć©galitĆ© avec les hommes. En fait, mettre fin Ć  toutes les formes de discrimination Ć  l’Ć©gard des femmes et des filles n’est pas seulement une exigence de justice. C’est aussi un moyen de tracer un avenir durable pour le continent africain. De nombreux Ć©conomistes insistent sur le fait que l’autonomisation des femmes est un facteur de croissance Ć©conomique et de dĆ©veloppement.

 

ƀ la lumiĆØre de ce qui prĆ©cĆØde, il est facile de voir que les dĆ©fis sont Ć©normes. S’il est vrai que le chemin vers l’Ć©galitĆ©/Ć©quitĆ© est encore long et semĆ© d’embĆ»ches, l’Afrique a le potentiel de devenir un leader mondial en matiĆØre d’Ć©galitĆ© entre les hommes et les femmes. L’Afrique a le potentiel de devenir un champion mondial de l’Ć©galitĆ© des sexes. Avec un peu de volontĆ© politique, elle peut corriger ces injustices de longue date. Et mĆŖme si une telle ambition Ć©tait d’inspiration fĆ©ministe, elle ne disqualifierait pas l’exigence de justice qu’elle incarne pour les femmes africaines.

 

J’espĆØre que la JournĆ©e internationale des droits de la femme ne sera plus simplement une occasion de plus de boire, manger, danser et faire la fĆŖte, ou d’assister Ć  des dĆ©bats/confĆ©rences insipides et sans grand impact, mais une vĆ©ritable fenĆŖtre d’opportunitĆ© et un engagement dĆ©cisif contre les inĆ©galitĆ©s de genre qui dĆ©savantagent l’Afrique, et en particulier les femmes africaines, et les empĆŖchent d’exploiter pleinement leur potentiel.

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