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LES PARTENAIRES DE MISE EN ŒUVRE DU FONDS MONDIAL ISSUS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LES PAYS D’AFRIQUE ANGLOPHONE ET LUSOPHONE CRÉENT UN FORUM D’ÉCHANGE D’EXPÉRIENCES PERMANENT
OFM Edition 90

LES PARTENAIRES DE MISE EN ŒUVRE DU FONDS MONDIAL ISSUS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LES PAYS D’AFRIQUE ANGLOPHONE ET LUSOPHONE CRÉENT UN FORUM D’ÉCHANGE D’EXPÉRIENCES PERMANENT

Author:

Djesika Amendah

Article Type:
NOUVELLES ET ANALYSE

Article Number: 1

Performance des subventions, taux d’absorption des fonds, et apprentissage par les pairs à l’ordre du jour lors de la réunion de juin

RÉSUMÉ Les réseaux nationaux d'organisations prestataires de services dans la lutte contre le sida en Afrique de l'Est (EANNASO) ont organisé une rencontre avec les partenaires de mise en oeuvre du Fonds mondial issus de la société civile dans les pays d’Afrique anglophone et lusophone. Les participants ont partagé leur expérience des défis liés à la mise en œuvre et au taux d'absorption des subventions, ainsi que les solutions qu’ils ont mises en place. A l’issu des deux jours de rencontre, les participants ont plébiscité la création d’une communauté de pratique pour continuer à apprendre les uns des autres. L’équipe chargée de l’analyse politique chez Aidspan relate l’événement.

Les réseaux nationaux d’organisations prestataires de services dans la lutte contre le sida en Afrique de l’Est (EANNASO) ont organisé une rencontre avec les bénéficiaires principaux (BP) et quelques bénéficiaires secondaires (BS) issus de la société civile des pays d’Afrique anglophone et lusophone, dans le but d’améliorer la performance des subventions. La rencontre avait notamment pour but de partager les rapports de deux études commanditées par EANNASO sur la mise en œuvre des subventions et le taux d’absorption, de partager des expériences, et d’explorer la possibilité de mettre en place une communauté de pratiques (CdP). La Directrice exécutive de EANNASO, Olive Mumba, affirme que « l’apprentissage mutuel entre BP de la société civile est essentiel car il permet aux partenaires de mise en oeuvre d’apprendre les uns des autres, ainsi que des différents outils et diverses tactiques ». La réunion a eu lieu les 25 et 26 Juin 2019 à Kampala, en Ouganda.

Aidspan a été invité à la rencontre en tant qu’observateur du Fonds mondial.

Rapports commandités par EANNASO

Les participants ont tout d’abord discuté de deux rapports commandités par EANNASO, l’un portant sur l’évaluation des partenaires de mise en œuvre de la société civile (bénéficiaires principaux), et l’autre sur la capacité d’absorption des subventions et son amélioration.

Évaluation des bénéficiaires principaux

Le rapport d’évaluation des bénéficiaires principaux de la société civile en Afrique anglophone et lusophone repose sur les résultats d’une enquête menée auprès de 24 BP de la société civile ainsi que sur des données quantitatives disponibles en ligne. Le rapport a révélé que 16 des BP interrogés avaient une expérience antérieure en tant que BP et qu’ils étaient encore plus nombreux (19) à avoir été BS des subventions du Fonds mondial (ces chiffres ne s’excluent pas mutuellement). Par ailleurs, 16 répondants étaient des ONG locales.
La quasi-totalité des BP (22 sur 23) a participé à la sélection des BS, mais les BP n’étaient pas la seule institution chargée de cette sélection, selon le rapport.
Les autres institutions qui avaient leur mot à dire dans la sélection des BS comprenaient les instances de coordination nationale (ICN), les agents locaux du Fonds (ALF), les équipes pays du Fonds mondial, les groupes de travail technique, les ministères gouvernementaux concernés, les groupes communautaires, les partenaires et les comités d’examen indépendants.

L’enquête a mis en évidence les tensions entre les organisations de la société civile, relatives à l’accès aux financements du Fonds mondial, et a demandé au Fonds mondial de fournir des orientations sur le processus de sélection des BS, sur les institutions qui devraient y participer et d’indiquer dans quelle mesure les BP peuvent mettre en œuvre des activités plutôt que de les confier aux BS. Les BP peuvent modifier jusqu’à 5% des coûts directs des BS, selon le manuel de mise en œuvre du Fonds mondial ; ce manuel indique que ces proportions peuvent augmenter si le BP est une organisation non gouvernementale internationale (ONGI) ou une agence des Nations Unies, ou bien si l’institution fonctionne sous la Politique de sauvegarde supplémentaire.

Selon une analyse approfondie, à moins qu’une faute flagrante n’ait été commise, les ICN sont généralement réticents à changer de BP, pour plusieurs raisons : le coût élevé de sélection d’un nouveau BP (le processus de mise en concurrence, la création d’un comité de sélection, la vérification de l’éligibilité de candidats, par exemple) ; la période de mise en œuvre de trois ans, qui est courte, car la sélection des nouveaux BP doit avoir lieu au cours de la dernière année de mise en œuvre, alors que l’ICN est occupé par la conduite du dialogue pays et par la rédaction d’une nouvelle demande de financement ; et les retards éventuels dans le démarrage et la mise en œuvre de la subvention par le(s) nouveau(x) BP.

Il est bien connu que même les BP établis comptant de nombreuses années d’expérience subissent des retards de mise en œuvre des subventions. Par exemple, Amref Health Africa et la Croix-Rouge Kenyane, les deux BP de la société civile au Kenya, ont tous deux lancé 6 à 9 mois après le démarrage de la subvention l’appel à expression d’intérêt pour les organisations candidates pour devenir BS. Compte tenu du temps nécessaire pour finaliser la sélection des BS et pour permettre aux candidats non retenus de passer par la procédure de recours, ces subventions ont accusé une année de retard environ, ce qui a entraîné une performance et un taux d’absorption plus faible que prévu. Les BP doivent avancer activement sur les plans d’accélération de la mise en œuvre des subventions afin d’atteindre leurs cibles ; ceci est vital dans le modèle de financement du Fonds mondial basé sur la performance.

Le rapport souligne que tous les BP possèdent des unités de suivi et évaluation bien établies dotées des effectifs nécessaires, et qu’ils rendent des comptes « vers le haut » à des entités multiples c’est-à-dire les ICN, les Conseils nationaux de lutte contre le VIH/sida, les entités régionales, les ministères et programmes nationaux, mais ne rendent aucun compte aux entités « vers le bas ». La quasi-totalité des BP (21 sur 23) interagissent très fréquemment avec les ICN, à travers les Comités de suivi stratégique de chaque ICN. Le Comité de suivi stratégique aide à résoudre des problèmes opérationnels tels que les ruptures de stocks, l’achat et la distribution des équipements et la sélection et la gestion des BS.

Le taux d’absorption des subventions des récipiendaires principaux

Le rapport sur le taux d’absorption des subventions, bien qu’encore non publié (même si une présentation est disponible en anglais), expose la façon dont les problèmes de conception et de mise en œuvre entravent la pleine absorption des subventions et propose des recommandations. L’étude s’est servi d’informations issues de huit pays : l’Ethiopie, le Ghana, le Malawi, le Nigéria, le Sud Soudan, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe.

Elle révèle que même si les représentants de la société civile sont souvent représentés dans les dialogues pays et les discussions sur les demandes de financement, cette représentation est de « faible qualité », selon la présentation. Par exemple, les représentants de la société civile locale ou d’organisations de populations clés se présentent aux réunions sans y être préparés, sans aucune donnée ni aucune autre documentation pour défendre leur position.

Ainsi, la conception de la subvention peut ne pas inclure complètement leurs idées ; cependant, ces organisations sont souvent responsables de la création de la demande car elles connaissent mieux que toute autre institution la population la plus exposée au risque. Ces problèmes au moment de la conception sont aggravés lors de la mise en œuvre par un retard de démarrage de la subvention, une sélection et une intégration des BS tardives, et des capacités souvent déficientes de la part des BP de la société civile en matière d’achat de matériel et d’équipement, ainsi que des versements tardifs de la part du Fonds mondial. Les facteurs supplémentaires responsables du faible taux d’absorption sont, paradoxalement, les gains d’efficience et de taux de change entraînant des économies ; lorsque ces économies ne sont pas reprogrammées rapidement, elles deviennent des reliquats, considérés comme des preuves de la faible capacité d’absorption des BP.
Il n’est pas surprenant que les auteurs de l’étude recommandent une plus grande implication des populations clés dans la conception de la subvention, dans les négociations menant à l’élaboration de la subvention, ainsi que des financements accrus pour le renforcement des capacités, y compris l’apprentissage par les pairs et de leurs bonnes pratiques.

Autres expériences en tant que récipiendaire principal
Candidature conjointe d’ONG locales et d’une ONG internationale dans le cadre d’une subvention du Fonds mondial
Les participants à la rencontre ont appris de l’expérience de Frontline AIDS, qui est le BP pour les programmes VIH dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), en partenariat avec des ONG locales. Frontline AIDS est une ONG internationale disposant de robustes systèmes financier et de suivi-évaluation. MENA H est une coalition d’organisations menée par des populations clés, dont la force repose sur la formation, le coaching et les activités de création du besoin, mais qui a des lacunes en matière de gestion financière et de suivi-évaluation. En mobilisant les forces de chacune des organisations, leur candidature conjointe a été en mesure de fournir des services aux populations clés dans la région, tout en renforçant la capacité des systèmes financiers et de reporting des ONG locales.

La capacité de certains BP reste faible malgré la fourniture d’appui technique

Selon certains participants, la faible capacité du personnel, à la fois aux niveaux des BP et des BS, est à l’origine d’une mauvaise performance des subventions. Cette faible capacité est susceptible de rester une caractéristique de certaines subventions, puisque le Fonds mondial a choisi ne pas octroyer de fonds supplémentaires aux ONG locales pour les aider à se renforcer et à accroître leur capacité organisationnelle ; en revanche, le Fonds mondial finance le recouvrement des coûts indirects (RCI), qui est le pourcentage d’une subvention que perçoit le siège des ONG internationales qui jouent le rôle de BP. Ces ONG internationales pourraient utiliser ces fonds pour appuyer le renforcement des capacités dans leurs différents programmes. Le fait que les ONG internationales imposent des coûts plus élevés fait écho aux rapports antérieurs issus du Bureau de l’Inspecteur général, qui relèvent, dans la revue de l’Afrique de l’Ouest et du Centre, par exemple, le fait que les ONG internationales (ainsi que les agences des Nations unies) dans le rôle de BP intermédiaires sont bien plus coûteuses que les autres exécutants, sans pour autant afficher une meilleure performance que les BP gouvernementaux.

Les participants ont longuement discuté de l’importance de bénéficier d’un appui technique pour rédiger les demandes de financement et négocier les subventions. En l’absence d’un tel appui, la mise en œuvre des subventions devient ardue, en particulier lorsque les BP doivent mettre en œuvre de nouvelles activités mal comprises, retardant ainsi la mise en œuvre des subventions.

Risques associés à la sélection et à la gestion des sous-récipiendaires

Les pays ont différentes règles et règlementations en ce qui concerne la sélection et la gestion des bénéficiaires secondaires, ce qui a une influence sur la mise en œuvre des subventions. Par exemple, au Kenya, l’ICN a sélectionné les BS avec une certaine contribution de la part des BP ; les BP ne sont pas autorisés à mettre en œuvre les subventions. Toutes les activités de mise en œuvre sont conduites par les BS afin d‘éviter les conflits d’intérêts au niveau des BP. L’idée est que lorsqu’un BP avec plusieurs branches met en œuvre une subvention, le siège étant BP et les branches étant BS, le personnel du siège pourrait « soutenir » ses collègues dans la branche ou bien couvrir leur mauvaise gestion.

En revanche, en Zambie, c’est le BP de la société civile est qui a sélectionné les BS et il met également en œuvre certaines activités. Michael Kachumi de l’Association Zambienne des Eglises pour la santé, un BP de la société civile, explique que le contexte pays est important pour justifier les différentes modalités de mise en œuvre. CHAZ, explique-t ’il, a environ 50 ans et existait bien avant que le Fonds mondial ne soit créé. Contrairement à d’autres organisations, CHAZ n’a pas été créée expressément pour tirer parti des financements du Fonds mondial. Avant de devenir BP du Fonds mondial, CHAZ avait mis en œuvre d’autres subventions et activités, ce qui lui a permis de négocier les conditions de son rôle de BP. Par exemple, CHAZ n’a accepté de porter la responsabilité des actions des BS (une exigence du Fonds mondial à l’encontre des BP) qu’à condition qu’elle ait elle-même sélectionné ces BS.

Les participants ont également discuté des conflits d’intérêts qui, selon eux, sont monnaie courante dans certains ICN. Trois exemples ont été mis en évidence. Dans le premier cas, les BP de la société civile relèvent de membres de l’ICN qui, eux, ont l’intention d’écarter les BP actuels pour permettre à leur propre organisation de la société civile de devenir BP ; dans le deuxième exemple, les membres de l’ICN exercent des pressions sur les BP ou d’autres membres de l’ICN pour que leurs organisations soient sélectionnées comme BS ; enfin, dans le dernier exemple, il n’a pas été possible d’écarter certains BP de la société civile, même dans des cas de faible performance, parce que ces organisations avaient été créées par des personnes « haut placées ». Cette discussion fait écho à la présentation du Gestionnaire de portefeuille du Fonds mondial pour le Ghana, Marc Saafeld, qui partageait son expérience antérieure avec des ICN tellement gangrénés par les conflits d’intérêt que ces conflits empêchaient l’ICN de remplir ses fonctions de large représentation et de suivi.

Communauté de pratique

La réunion s’est terminée par une discussion sur la création d’une communauté de pratiques (CdP) qui permettrait aux BP de continuer à apprendre et à s’entraider pendant la mise en œuvre des subventions. Le représentant de Frontline AIDS a expliqué comment sa CdP fonctionne en ligne avec la participation des membres des différents pays de la région MENA et de son siège au Royaume-Uni. En s’appuyant sur l’expérience de Frontline AIDS, la communauté de pratique des BP de la société civile sera hébergée en ligne et modérée par un collaborateur de EANNASO. Par ailleurs, les membres de la CdP se retrouveront annuellement dans le cadre d’une réunion en personne, organisée par EANNASO.

Dans l’ensemble, les participants ont estimé que la réunion avait atteint ses objectifs pédagogiques. Comme l’a exprimé Peter Kamau, un participant venu du Kenya pour représenter une organisation bénéficiaire secondaire : « La rencontre a fourni un cadre unique qui a permis aux BP et BS de l’Afrique anglophone de partager et d’apprendre les uns des autres [afin] d’améliorer la performance des subventions et la réponse aux communautés ».

Lectures complémentaires :

– Rapport d’évaluation des récipiendaires principaux de la société civile en Afrique anglophone et lusophone (en anglais), décembre 2018

– Comment la société civile et les communautés d’Afrique anglophone peuvent-elles rendre les subventions du Fonds mondial efficaces: analyse de situation sur la capacité d’absoBPtion des fonds des OSC BP (en anglais), mai 2019

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