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Les objectifs actuels en matière de santé sont redondants
OFM Edition 130

Les objectifs actuels en matière de santé sont redondants

Author:

Oliver Campbell White

Article Type:
ANALYSE ET COMMENTAIRES

Article Number: 3

Les objectifs nationaux de financement de la santé doivent être plus réalistes.

RÉSUMÉ Par l'intermédiaire de son Département du financement de la santé, le Fonds mondial promeut et soutient les efforts visant à accroître le financement de la santé par les gouvernements. Comme il a été convenu de manière universelle, la finalité est d'aider les pays à assurer un financement intérieur stable de leurs systèmes de santé. Dans presque tous les articles, discussions ou discours sur le thème du financement de la santé en Afrique, il est fait référence à la Déclaration d'Abuja de 2001, qui comportait un objectif à atteindre en ce qui concerne les niveaux de financement de la santé par les gouvernements. Le présent article remet en question l'utilité de faire référence à la Déclaration d'Abuja aujourd'hui. D'autres objectifs en matière de financement de la santé ont également fait leur apparition depuis 2001, mais n'ont pas non plus été atteints dans une large mesure. Le présent article, qui contient de grands tableaux fournissant des comparaisons intéressantes entre les pays, soutient que les comparaisons basées sur ces objectifs sont inéquitables et qu'il convient de mettre davantage l'accent sur les financements nécessaires aux niveaux national et local et de fixer des objectifs plus réalistes. Bien que l'article porte sur l'Afrique, ces principes s'appliquent à d'autres régions.

A l’approche de la septième conférence de reconstitution de ses ressources, l’attention du Fonds mondial et de ses partenaires est focalisée sur les promesses de dons faites en faveur de cette reconstitution. Pourtant, la contribution la plus importante, selon l’Argumentaire d’investissement , est constituée des 58,6 milliards de dollars, soit 45 % des besoins en termes d’investissement pour la lutte contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme (y compris le renforcement des systèmes de santé et la riposte aux pandémies), estimés à 130,2 milliards de dollars sur la période triennale 2024-2026, qui sont censés provenir des ressources intérieures (voir notre article sur l’Argumentaire d’investissement: Est-ce suffisant? publié au début de cette année). Est-il raisonnable d’attendre des gouvernements nationaux qu’ils soient en mesure de contribuer autant à une époque de précarité financière sans précédent?

Cet article examine les différentes manières dont les pays développés tentent d’évaluer la contribution que leurs voisins moins nantis devraient apporter à leurs propres budgets de santé et se demande si, vingt ans après la Déclaration d’Abuja, ces approches sont toujours pertinentes.

Contexte

En avril 2001, le Sommet africain sur le VIH/SIDA, la tuberculose et autres maladies infectieuses connexes s’est tenu à Abuja, au Nigéria.  À l’issue de ce sommet, les gouvernements africains ont pris un certain nombre d’engagements formels, notamment celui de prendre toutes les mesures nécessaires afin d’assurer la disponibilité de ressources adéquates provenant de toutes les sources et leur utilisation efficiente et efficace.  En outre, ils se sont fixés pour objectif d’allouer au moins 15 % de leur budget annuel à l’amélioration du secteur de la santé. Au cours de cette même réunion, les gouvernements africains ont soutenu la création du Fonds mondial.

Peu de temps après, il est également devenu usuel de mesurer les dépenses publiques de santé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), notamment dans le cadre de la mesure des progrès réalisés en matière de couverture sanitaire universelle (CSU). A titre d’illustration,  un  article de l’Université de Cambridge  publié en 2017 indique qu’ “un objectif explicite pour les dépenses publiques de santé basé sur le PIB est un outil potentiellement puissant pour amener les gouvernements à rendre des comptes sur leur progression vers la CSU, en particulier dans le contexte de l’inclusion de la CSU dans les Objectifs de développement durable”. Il est susceptible d’avoir une plus grande influence que l’objectif d’Abuja, qui nécessite des réductions des allocations budgétaires à d’autres secteurs et auquel les ministères des finances s’opposent en raison de l’atteinte portée à leur autonomie dans la prise de décisions relatives aux allocations budgétaires sectorielles” et poursuit en affirmant que “nos analyses convergent vers un objectif de dépenses publiques en matière de santé d’au moins 5% du PIB en vue de progresser vers la CSU”. De même, la page d’information du Tableau de bord de l’Afrique sur le financement intérieur de la santé  indique qu’”Il n’est pas logique que les petites et les grandes économies aient le même objectif en dollars US par habitant.  Les gouvernements devraient par conséquent consacrer également plus de 5 % de leur PIB à la santé.”

Un objectif en valeur absolue par habitant constitue une autre mesure des dépenses de santé.  Deux objectifs de cette nature ont été élaborés sur la base d’estimations des besoins en ressources que les pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure devraient satisfaire pour être en mesure de fournir un ensemble de services de soins de santé primaires (SSP) de base: (1) la Commission Macroéconomie et Santé en 2001; et (2) le Groupe de travail de haut niveau en 2009. Selon les estimations de la Commission Macroéconomie et Santé, d’ici 2015, les besoins en ressources par habitant dans les pays à faible revenu s’élèveraient à 38 dollars (exprimés en dollars de 2002), tandis que le groupe de travail de haut niveau a estimé ce chiffre à 54 dollars (exprimés en dollars de 2005) pour des services plus complets. Il est intéressant de noter que l’article de l’Université de Cambridge susmentionné déclare, en référence à ces chiffres ce qui suit : “à notre avis, il serait approprié d’utiliser 86 dollars comme estimation des ressources nécessaires par habitant pour fournir des services de SSP de base dans les pays à faible revenu.” – mais il faut rappeler que c’était en 2017.  Ces chiffres pour les dépenses par habitant ne sont en fait d’aucune utilité car les soins de santé ne se limitent pas aux services de SSP : il est nécessaire d’inclure tous les niveaux de soins de santé et les services de soutien (tels que les ambulances, les laboratoires, les centres de recherche, les organismes de réglementation).

En 2019, l’Union africaine a mis en place le tableau de bord de l’Afrique sur le financement intérieur de la santé. Le tableau de bord publié utilise les trois mesures des dépenses publiques de santé mentionnées ci-dessus : (i) Point de référence 1: par habitant; (ii) Point de référence 3: en % du PIB; et (iii) Point de référence 5: en % du budget public (Les Points de référence 2 et 4 ne sont pas mentionnés).  Le tableau de bord de 2019 présente des données de 2016.  Il était censé être mis à jour chaque année, mais cela n’a pas été le cas.

Les articles sur le financement intérieur de la santé font souvent référence aux budgets publics.  Alors que le taux d’exécution budgétaire peut être assez élevé dans quelques pays, il est généralement faible dans de nombreux pays bénéficiant des programmes du Fonds mondial. On constate également que les gouvernements ne rendent pas compte des dépenses réelles par rapport au budget et de l’impact de l’écart sur leur système de santé.

Performance réelle du financement public de la santé

Le tableau suivant compare les dépenses publiques de santé de 2000 (immédiatement avant Abuja) et de 2019 en pourcentage des dépenses publiques totales dans les pays africains.  Pour information, toutes les données relatives au financement de la santé figurant dans le présent article proviennent de la base de données en ligne de la Banque mondiale.

Les dépenses santé du gouvernement en pourcentage des dépenses totales

En 2000, deux gouvernements consacraient déjà plus de 15 % de leurs dépenses totales à la santé. En 2019, il ne restait plus qu’un seul pays – l’Afrique du Sud – tandis que 21 gouvernements dépensaient un pourcentage inférieur à celui de 2000.  L’engagement d’Abuja n’a donc pas tenu ses promesses.

En ce qui concerne la mesure comparative du PIB, il a été affirmé que l’objectif proposé était approprié pour les pays de tous les niveaux de développement économique et applicable sur le long terme. Pour les pays à faible revenu, cet objectif devait permettre de progresser vers des services de SSP universels. A mesure que le PIB augmente, les 5 % devraient se traduire par une augmentation des ressources financières en valeur absolue et la possibilité d’élargir la gamme des services de santé couverts.  Cette idée semble géniale, mais elle néglige un facteur important qui affecte la demande de services de santé : la croissance démographique.

C’est le bon moment pour examiner cette mesure du financement de la santé car, en raison de l’impact de la COVID-19 sur les systèmes de santé, les montants des dépenses de santé pour 2020 et 2021 ne seront pas comparables aux données antérieures à 2020.

Le tableau suivant présente une comparaison des dépenses de santé en pourcentage du PIB pour les années 2000 et 2019.  Il montre qu’en 2019, l’Afrique du Sud était, une fois de plus, le seul pays à atteindre l’objectif de 15 %. On pourrait arguer que certains progrès ont été réalisés car 26 gouvernements, en plus de l’Afrique du Sud, dépensaient un pourcentage plus élevé du PIB jusqu’en 2019.  Toutefois, compte tenu des efforts actifs de l’Union africaine pour stimuler l’augmentation des dépenses publiques en matière de santé, il est décevant de constater que seuls 10 gouvernements ont augmenté leurs dépenses de plus de 1 % du PIB, tandis que 20 gouvernements y ont consacré un pourcentage plus faible jusqu’en 2019 et que 39 pays n’étaient même pas à mi-chemin de l’atteinte de l’objectif de 5 %.

Les dépenses du gouvernement en pourcentage du PIB

Le tableau de la page suivante fournit deux comparaisons très intéressantes.  Tout d’abord, il montre que les dépenses publiques par habitant en matière de santé en 2019 oscillaient entre 1,8 dollar au Cameroun, ce qui ne représente pratiquement rien, et 610,8 dollars aux Seychelles.  Notons que l’utilisation d’une comparaison en parité de pouvoir d’achat (PPA) (dans la deuxième colonne du tableau) n’apporte que très peu de changement à la comparaison.

La deuxième comparaison porte sur les dépenses publiques en 2000 et 2019 en pourcentage des dépenses totales de santé.  Elle révèle qu’en 2019 : (a) 20 gouvernements ont apporté une contribution inférieure à 25 % du financement total de la santé; et (b) 25 gouvernements ont contribué moins au financement total qu’en 2000.

Les dépenses santé du gouvernement par personne et en pourcentage du total