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Les décisions de l’administration Trump menacent la santé mondiale
OFM Edition 178

Les décisions de l’administration Trump menacent la santé mondiale

Author:

Christian Djoko

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 2

Cet article analyse l'impact néfaste des décisions de l'administration Trump sur les efforts de santé mondiale, en particulier en Afrique. Il met en lumière le retrait des États-Unis de l'OMS et la suspension du financement de programmes vitaux de lutte contre le VIH, qui menacent des décennies de progrès dans la lutte contre les maladies infectieuses. L'article met également en garde contre les conséquences immédiates, notamment les perturbations dans le traitement et la prévention du VIH, ainsi que les risques à long terme tels que l'affaiblissement des systèmes de santé et l'érosion de la coopération internationale. Enfin, il affirme que ces politiques isolationnistes mettent en péril la sécurité sanitaire mondiale et américaine.

Les récentes décisions de l’administration Trump, notamment le retrait des États-Unis de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la suspension du financement des programmes vitaux de prévention et de traitement du VIH, de la tuberculose et du paludisme en Afrique, suscitent de vives inquiétudes quant à l’avenir de la santé publique sur le continent. Ces mesures, qui ont des implications immédiates et à long terme, menacent de saper des décennies de progrès dans la lutte contre les maladies infectieuses

 

Impact immédiat sur les programmes de lutte contre le VIH

 

Dès son entrée en fonction, le président Donald Trump a signé un décret initiant le retrait des États-Unis de l’OMS, justifiant cette démarche en invoquant un prétendu déséquilibre entre les contributions financières américaines et chinoises. Cette décision a été suivie d’une suspension plus large de l’aide étrangère américaine, qui comprenait des programmes essentiels de lutte contre le VIH en Afrique. Le secrétaire d’État Marco Rubio a annoncé une pause de 90 jours pour réexaminer l’aide étrangère des États-Unis, avec des exceptions limitées à l’aide alimentaire d’urgence et à l’aide militaire à certains pays.

 

Ce gel a entraîné l’arrêt de la distribution de médicaments antirétroviraux dans de nombreuses cliniques africaines financées par le Plan présidentiel d’aide d’urgence à la lutte contre le Sida (PEPFAR) et L’Initiative présidentielle de lutte contre la malaria (PMI). En conséquence, les patient(e)s ont été contraint(e)s d’annuler leurs rendez-vous et les efforts de dépistage et de prévention du paludisme, de la tuberculose et du VIH ont été interrompus, augmentant ainsi le risque de transmission et de progression de maladies qui ne connaissent pas de frontières.

 

Conséquences à moyen terme

 

À moyen terme, la suspension du financement américain menace la continuité du traitement pour des millions de personnes vivant avec le VIH, la tuberculose et le paludisme en Afrique. L’interruption des programmes de prévention, de dépistage et de traitement pourrait réduire à néant les efforts déployés pour contrôler l’épidémie.

 

En Afrique, la lutte contre les trois grandes maladies infectieuses repose en grande partie sur le financement de programmes internationaux tels que PEPFAR, PMI et le Fonds mondial. Dans plusieurs pays, la mise en œuvre de ces initiatives a été fragmentée en sous-régions, chacune bénéficiant de financements distincts. Ainsi, au moment où nous écrivons ces lignes, certaines provinces, notamment celles soutenues par le Fonds mondial, continuent de fonctionner normalement. En revanche, d’autres régions, dont les programmes sont majoritairement financés par PEPFAR et PMI, sont à l’arrêt complet, paralysées par la suspension des fonds. Cette situation met une fois de plus en évidence les effets d’entraînement de la décision de l’administration américaine, qui plonge des millions de bénéficiaires et de travailleurs de première ligne dans une profonde incertitude.

 

Selon une note interne de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), cette décision pourrait perturber l’approvisionnement en médicaments essentiels contre le VIH, le paludisme et la tuberculose, mettant en danger des millions de vies et risquant de provoquer l’émergence de souches résistantes aux médicaments. En septembre 2023, AIDSPAN avait déjà tiré la sonnette d’alarme dans un article sur les graves risques sanitaires posés par la suspension du PEPFAR pour les efforts mondiaux de lutte contre le VIH/SIDA.

 

À long terme, le retrait américain, qui représente près de 20 % du budget de l’OMS, pourrait affaiblir les systèmes de santé africains en réduisant les ressources disponibles pour la formation du personnel médical, la surveillance épidémiologique et la réponse aux urgences sanitaires. L’Africa Centres for Disease Control and Prevention (Africa CDC) a exprimé sa préoccupation, soulignant que de nombreux pays africains dépendent du financement américain par l’intermédiaire de l’OMS pour leurs programmes de santé publique.

 

Voici ci-dessous un graphique (figure 1) montrant le nombre de personnes qui perdent chaque jour l’accès aux traitements ARV dans les pays les plus touchés à la suite de la suspension du PEPFAR.

 

Figure 1 : Impact des ordres d’arrêt des travaux pour les programmes PEPFAR

Source : Bureau des politiques publiques de l’Andelson

 

Cet autre graphique ci-dessous (Figure 2) met en évidence l’augmentation alarmante du nombre d’infections par le VIH chez les nourrissons chaque jour à la suite de l’arrêt des services financés par le PEPFAR.

 

Figure 2 : Impact des ordres d’arrêt des travaux sur les programmes PEPFAR

Source : Bureau des politiques publiques de l’Andelson

 

Pour un aperçu exhaustif de l’impact de la suspension du PEPFAR, je vous invite à consulter le document de données statistiques préparé à cet effet par The Andelson Office of Public Policy.

 

Une confiance ébranlée et une menace pour l’avenir

 

Donald Trump a pris une décision lourde de conséquences en annonçant le retrait des États-Unis des négociations sur la sécurité sanitaire internationale. Il a déclaré que son pays ne reconnaîtrait pas le caractère contraignant du traité mondial visant à prévenir, préparer et répondre aux pandémies. Comme le souligne si bien Stéphanie Tchiombiano, enseignante et spécialiste de la santé mondiale, derrière cette posture intransigeante se cache un calcul politique cynique : flatter une frange de son électorat farouchement opposée aux institutions multilatérales et adepte d’un isolationnisme aveugle, au mépris des réalités sanitaires mondiales.

 

Loin d’être un simple geste symbolique, cette rupture affaiblit considérablement les mécanismes collectifs de prévention et de coordination des menaces sanitaires émergentes. En s’excluant volontairement de ces discussions stratégiques, les États-Unis se privent d’un accès privilégié à des données critiques sur les épidémies à venir, mettant ainsi en péril leur propre capacité à anticiper et à répondre aux crises sanitaires.

 

Pire encore, en minant la crédibilité des efforts internationaux, cette décision sape l’idée même d’une réponse globale aux crises sanitaires, laissant la porte ouverte à un monde plus vulnérable, où chaque nation serait livrée à elle-même face aux catastrophes à venir. Les États-Unis, qui ont pourtant été durement frappés par la pandémie de COVID-19, semblent n’avoir rien retenu des leçons du passé, préférant s’isoler dans une posture idéologique périlleuse. Ce repli nationaliste, sous couvert de protectionnisme sanitaire, ne protégera ni les Américains ni le reste du monde ; il ne fera que creuser un fossé dangereux dans la lutte contre les pandémies futures.

En définitive, les actions de l’administration Trump risquent de compromettre la confiance des partenaires internationaux et des bénéficiaires locaux dans la fiabilité des financements américains, ce qui rendra de plus en plus difficile la mise en place de programmes de santé durables.

 

Conclusion : Une fenêtre d’opportunité ?

 

À la veille de la 8ᵉ reconstitution des ressources du Fonds mondial, dont les États-Unis assurent près de 30 % du financement, l’inquiétude est plus vive que jamais quant à notre capacité à éradiquer le VIH, la tuberculose et le paludisme en tant que menaces majeures de santé publique d’ici 2030, conformément aux ambitions initialement portées par les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD). L’éventualité d’un désengagement américain fragilise des décennies de progrès et compromet l’accès aux traitements vitaux pour des millions de personnes.

 

Cependant, aussi préoccupante et regrettable que soit cette décision, elle met en lumière une urgence incontournable : la nécessité pour les États africains de renforcer le financement domestique de la santé. Il est impératif que les gouvernements du continent augmentent leurs investissements dans la santé publique en allouant une part plus importante de leurs budgets nationaux aux programmes de lutte contre le VIH et les autres maladies infectieuses. Au-delà du soutien financier, cette crise doit également inciter à une coopération régionale plus étroite : la mutualisation des ressources, le partage d’expertises et la mise en œuvre de stratégies concertées et coordonnées sont des leviers importants pour assurer la continuité des soins, améliorer les efforts de prévention et renforcer la résilience des systèmes de santé. Plutôt que d’être à la merci des décisions politiques internationales, l’Afrique doit saisir cette opportunité pour asseoir son autonomie sanitaire et affirmer sa capacité à protéger durablement la santé de ses populations.

 

 

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