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Le Fonds mondial demande au Nigeria de retravailler sa demande de financement TB/VIH
OFM Edition 49

Le Fonds mondial demande au Nigeria de retravailler sa demande de financement TB/VIH

Author:

Gemma Oberth

Article Type:
NOUVELLES ET ANALYSE

Article Number: 3

Portefeuille criblĆ© de problĆØmes

RƉSUMƉ Le 4 aoĆ»t 2017, le Nigeria a Ć©tĆ© informĆ© que sa demande de financement pour la lutte conjointe contre le VIH et la tuberculose nā€™Ć©tait pas invitĆ©e Ć  passer au stade de lā€™Ć©tablissement de la subvention. Le Nigeria est le plus gros portefeuille dā€™investissement du Fonds mondial. Ceci reprĆ©sente le dernier revers en date dā€™un portefeuille qui a dĆ» faire face Ć  de nombreuses difficultĆ©s. Des audits rĆ©alisĆ©s en 2011 et en 2016 par le Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral ont rĆ©vĆ©lĆ© des problĆØmes persistants de gestion financiĆØre et des subventions, qui bloquent le progrĆØs vers lā€™Ć©limination des trois maladies dans le pays.

Le 4Ā aoĆ»t 2017, le Nigeria a Ć©tĆ© informĆ© que sa demande de financement pour la lutte conjointe contre le VIH et la tuberculose ā€“ dĆ©posĆ©e le 28Ā maiĀ 2017 ā€“ nā€™Ć©tait pas invitĆ©e Ć  passer au stade de lā€™Ć©tablissement de la subvention. Le ComitĆ© technique dā€™examen des propositions a recommandĆ© quā€™une version rĆ©visĆ©e soit prĆ©parĆ©e. Cela signifie que le pays doit retravailler sa demande de financement et en prĆ©senter une nouvelle version, tenant compte des prĆ©occupations du ComitĆ©. Le pays prĆ©sentera de nouveau sa demande de financement le 7Ā fĆ©vrier 2018, date de soumission pour la quatriĆØme pĆ©riode dā€™examen.

Le Nigeria est le plus gros portefeuille dā€™investissement du Fonds mondial. Pour le cycle de financement 2017/2019, le pays sā€™est vu allouer 660,7Ā millions de dollars pour les trois maladies, ce qui reprĆ©sente 6,4Ā % des investissements totaux du Fonds mondial pour la pĆ©riode. Les investissements du Fonds mondial au Nigeria Ć  ce jour dĆ©passent 1,8Ā milliard de dollars. Ces fonds ont permis de placer prĆØs dā€™un million de personnes sous traitement anti-VIH, de dĆ©tecter presque un demi-million de cas de tuberculose et de distribuer prĆØs de 130Ā millions de moustiquaires imprĆ©gnĆ©es dā€™insecticide.

Les subventions actuelles de lutte contre le VIH et la tuberculose prennent fin le 31Ā dĆ©cembreĀ 2017. Suite Ć  la dĆ©cision du ComitĆ© technique dā€™examen des propositions, il sera nĆ©cessaire de proroger les subventions afin de garantir la disponibilitĆ© des mĆ©dicaments vitaux et des services essentiels.

Pour le VIH et la tuberculose, les ressources du Fonds mondial reprĆ©sentent environ un quart des ressources totales disponibles dans le pays. Un autre quart provient dā€™autres donateurs, dont le PEPFAR, et les ressources nationales reprĆ©sentent prĆØs de la moitiĆ© du financement total.

Dā€™aprĆØs les sources dā€™Aidspan dans le pays, le ComitĆ© technique dā€™examen des propositions a demandĆ© de meilleures descriptions des aspects suivants du programme proposĆ© dans la demande de financementĀ : la dĆ©centralisation des prestations de services, les interventions ciblant les adolescents et les jeunes, les estimations relatives Ć  la taille des populations clĆ©s, les considĆ©rations en matiĆØre de droits de lā€™homme, la coordination des donateurs et la pĆ©rennitĆ© financiĆØre de la riposte.

Des Ć©tudes montrent que la coordination des donateurs au Nigeria est entravĆ©e par la fragmentation de la direction au niveau national. Les diffĆ©rents organes ā€“ la Commission nationale de planification, lā€™Agence nationale de lutte contre le sida, la Division VIH/sida du ministĆØre de la SantĆ© et lā€™instance de coordination nationale du Fonds mondial ā€“ communiquent mal entre eux et leurs responsabilitĆ©s se chevauchent Ć  de nombreux Ć©gards.

Les problĆØmes de pĆ©rennitĆ© financiĆØre sont une prĆ©occupation que lā€™on retrouve chez plusieurs des principaux partenaires de financement du Nigeria. Lā€™indice 2016 de pĆ©rennitĆ© du Nigeria du PEPFAR qualifie la mobilisation de ressources nationales de Ā«Ā non viable et nĆ©cessitant des investissements significatifsĀ Ā» ā€“ la plus faible des quatre catĆ©gories possibles. En raison du manque dā€™investissements dans lā€™achat dā€™antirĆ©troviraux et dā€™autres produits essentiels, le PEPFAR qualifie Ć©galement la prestation de services au Nigeria de non viable.

Les difficultĆ©s liĆ©es Ć  la dĆ©centralisation des prestations de services constituent un autre sujet de prĆ©occupation commun. Le PEPFAR souligne lā€™absence de reconnaissance officielle des stratĆ©gies de prestation de services VIH/sida au niveau communautaire comme un problĆØme majeur. Les parties prenantes qui ont participĆ© Ć  la mise au point de la demande de financement du Nigeria ont exprimĆ© des inquiĆ©tudes semblables.

Ā«Ā Lā€™examen initial de la feuille de route de mise au point de la demande de financement a montrĆ© quā€™aucun espace nā€™Ć©tait prĆ©vu pour discuter des inquiĆ©tudes de la sociĆ©tĆ© civile ou du renforcement des systĆØmes communautairesĀ Ā», indique M. Cheikh Traore, consultant dans le domaine de la santĆ© et des droits de lā€™homme basĆ© Ć  Lagos qui a aidĆ© la sociĆ©tĆ© civile Ć  participer au processus de mise au point de la demande de financement. Ā«Ā De ce fait, les prioritĆ©s de financement initialement identifiĆ©es par le ministĆØre de la SantĆ© et lā€™instance de coordination nationale ne dĆ©finissaient pas spĆ©cifiquement dā€™activitĆ©s communautairesĀ Ā», ajoute-t-il.

La sociĆ©tĆ© civile sā€™est rĆ©unie deux semaines avant la date de soumission, dans lā€™objectif spĆ©cifique dā€™examiner le projet de demande de financement et dā€™amĆ©liorer certaines des interventions communautaires et ciblant les populations clĆ©s proposĆ©es. Le processus Ć©tait menĆ© par la SociĆ©tĆ© civile pour le VIH/sida au Nigeria (CiSHAN) et le Centre international de plaidoyer en faveur du droit Ć  la santĆ© (ICARH), avec le soutien du Conseil international des ONG de lutte contre le sida (ICASO) et des RĆ©seaux nationaux dā€™Afrique orientale dā€™organisations de lutte contre le sida (EANNASO). Dā€™aucuns estiment que cet engagement est intervenu trop tard dans le processus pour avoir une influence rĆ©elle sur la demande de financement.

Ā«Ā Le facteur temps est importantĀ Ā», commente Ize Adava, directrice exĆ©cutive de la CiSHAN. Ā«Ā Ć€ mes yeux, nous aurions pu mieux faire si nous avions entamĆ© le processus en temps opportun.Ā Ā» Et de souligner que le processus tout entier de mise au point de la demande de financement a Ć©tĆ© prĆ©cipitĆ©, pas seulement les consultations avec la sociĆ©tĆ© civile. Ā«Ā Jusquā€™au mois dā€™avril, jā€™avais le sentiment que rien ne se passait, malgrĆ© le fait que nous devions prĆ©senter la demande en maiĀ Ā», a dĆ©clarĆ© Mme Adava Ć  Aidspan. Ā«Ā On ne peut que sā€™imaginer la quantitĆ© de travail qui a dĆ» ĆŖtre effectuĆ© dans les semaines qui ont suivi.Ā Ā»

 

 

Multitude de problĆØmes

La dĆ©cision du ComitĆ© technique dā€™examen des propositions de renvoyer la demande du Nigeria pour rĆ©vision est le dernier revers en date dā€™un portefeuille criblĆ© de problĆØmes.

Lors dā€™un audit du Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral en 2011, septĀ millions de dollars de fonds dĆ©tournĆ©s avaient Ć©tĆ© dĆ©couverts, qui avaient dĆ» ĆŖtre remboursĆ©s au Fonds mondial (voir lā€™article de la version anglaise de lā€™OFM). Le rapport dā€™audit identifiait Ć©galement plusieurs faiblesses, principalement en matiĆØre de gestion financiĆØre, dā€™achat et de gestion des sous-rĆ©cipiendaires, et contenait 53 recommandations visant Ć  rĆ©soudre ces problĆØmes.

En octobreĀ 2015, trois millions de dollars restaient Ć  rembourser. En janvier 2015,Ā le ComitĆ© exĆ©cutif de direction du Fonds mondial a adoptĆ© une politique relative aux recouvrements selon laquelle en dernier recours, si tous les efforts de recouvrement Ć©chouent, le Fonds mondial rĆ©duit la somme allouĆ©e au pays concernĆ© par un facteur de 2:1. Dans une lettre du 23Ā septembreĀ 2015 adressĆ©e Ć  lā€™instance de coordination nationale, le directeur de la Division de gestion des subventions du Fonds mondial, Mark Edington, indiquait quā€™un montant de 5,3Ā millions de dollars devrait peut-ĆŖtre ĆŖtre dĆ©duit de la prochaine allocation du Nigeria (voir lā€™article de lā€™OFM). Ā«Ā Si une rĆ©duction sā€™avĆØre nĆ©cessaire, cā€™est Ć  contrecœur que nous lā€™effectueronsĀ Ā», ajoutait-il. Finalement, la somme allouĆ©e au Nigeria pour le cycle de financement 2017/2019 nā€™a pas Ć©tĆ© rĆ©duite, selon les mĆ©dias locaux.

Lors de lā€™approbation des subventions du Fonds mondial en 2014, le programme de lutte contre le paludisme du Nigeria sā€™est vu attribuer 45,7Ā millions de dollars en financement dā€™encouragement, sous la condition que le gouvernement Ć©gale ce montant en financement national sous la forme dā€™investissements dans des moustiquaires imprĆ©gnĆ©es Ć  longue durĆ©e dā€™action. Le gouvernement risque de perdre son financement dā€™encouragement pour avoir manquĆ© le dĆ©lai du 31Ā marsĀ 2017 qui lui avait Ć©tĆ© donnĆ© pour mobiliser les fonds de contrepartie (voir lā€™article de la version anglaise de lā€™OFM). (Cette question est encore en discussion.)

Lors dā€™un autre audit rĆ©alisĆ© en 2016, le Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral a qualifiĆ© dā€™Ā«Ā inefficacesĀ Ā» les subventions du Nigeria en termes de contrĆ“les, de gouvernance et de gestion des risques. Cette note est la plus basse des cinq possibles.Ā Cet audit a mis au jour 20Ā millions de dollars de dĆ©penses dā€™achat non justifiĆ©es et 7,7Ā millions de dollars de dĆ©penses non justifiĆ©es relatives aux ressources humaines et au processus dā€™approbation des paiements (voir lā€™article de la version anglaise de lā€™OFM). Un autre rapport dā€™enquĆŖte du Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral, publiĆ© le mĆŖme jour que le rapport dā€™audit, dĆ©crit des preuves de dĆ©tournement systĆ©matique de fonds des programmes, de pratiques frauduleuses et de collusion par le personnel dā€™un sous-rĆ©cipiendaire dans le cadre dā€™une subvention de lutte contre le VIH du Nigeria (voir lā€™article de la version anglaise de lā€™OFM).

Dans le rapport sur lā€™audit de 2016, le Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral Ć©crivait que le Fonds mondial Ć©tait confrontĆ© Ć  plusieurs difficultĆ©s au Nigeria, notamment du fait que les subventions nā€™atteignaient pas les cibles dā€™impact, de la mauvaise qualitĆ© des services de santĆ©, des interruptions de traitement et des cas de fraude, de corruption et dā€™abus de fonds. Le Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral signalait quā€™au cours des deux annĆ©es Ć©coulĆ©es, le Fonds mondial avait tentĆ© de rĆ©duire les risques dans le portefeuille, mais que ces efforts nā€™avaient engendrĆ© que des amĆ©liorations minimes du profil de risque du portefeuille, qui Ā«Ā sā€™Ć©tait mĆŖme dĆ©tĆ©riorĆ©Ā Ā».

De lā€™avis du Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral, les modalitĆ©s inefficaces de mise en œuvre des subventions Ć©taient Ć  lā€™origine de la plupart des problĆØmes significatifs. MalgrĆ© le transfert total des prestations de services de santĆ© aux gouvernements des Ɖtats, les programmes soutenus par le Fonds mondial Ć©taient Ć  lā€™Ć©poque mis en œuvre au niveau national, indiquait le rapport du Bureau de lā€™Inspecteur gĆ©nĆ©ral, ce qui nuisait Ć  la responsabilisation, au suivi stratĆ©gique et Ć  lā€™impact des programmes sur le long terme.

En dĆ©cembre 2015, le Fonds mondial a approuvĆ© cinq subventions de lutte contre la tuberculose et le VIH, mais avec rĆ©ticence, en raison des graves prĆ©occupations concernant les faiblesses et les risques liĆ©s aux opĆ©rations et aux systĆØmes. La note conceptuelle est restĆ©e au stade de lā€™Ć©tablissement de la subvention pendant plus dā€™un an, dĆ©lai bien supĆ©rieur Ć  la norme. Finalement, le Fonds mondial a dĆ©cidĆ© que, compte tenu de la taille du pays, de sa charge de morbiditĆ© Ć©levĆ©e et de lā€™importance des subventions du Nigeria dans le portefeuille global, la non-approbation des subventions selon le CAS nā€™Ć©tait Ā«Ā pas une option privilĆ©giĆ©e actuellement si le Fonds mondial veut continuer Ć  remplir sa missionĀ Ā». (Voir lā€™article de lā€™OFM.)

MalgrĆ© toutes ces difficultĆ©s, le Nigeria Ā«Ā est un pays incontournable dans le cadre des efforts dā€™Ć©radication des trois Ć©pidĆ©miesĀ Ā», a commentĆ© M. Edington Ć  Aidspan en dĆ©but dā€™annĆ©e. Le Fonds mondial a mis en place plusieurs mesures destinĆ©es Ć  amĆ©liorer lā€™efficacitĆ© de ses investissements dans le pays. Ces derniĆØres annĆ©es, il a entamĆ© des Ć©changes avec les gouvernements des Ɖtats et commencĆ© Ć  octroyer des subventions directement Ć  ceux-ci. Par ailleurs, une quarantaine dā€™employĆ©s de lā€™agent local du Fonds sont actuellement chargĆ©s du suivi stratĆ©gique au Nigeria.Ā Ć€ titre de sauvegarde supplĆ©mentaire en vue de rĆ©duire la mauvaise gestion des fonds, un agent financier a Ć©tĆ© dĆ©signĆ© en maiĀ 2015, dotĆ© de 17Ā spĆ©cialistes Ć  temps plein chargĆ©s de contrĆ“ler toutes les dĆ©penses de certains rĆ©cipiendaires principaux et sous-rĆ©cipiendaires.

Ā«Ā Le Fonds ne peut espĆ©rer rĆ©aliser les cibles de sa stratĆ©gie 2017/2022 sans rĆ©ussite au NigeriaĀ Ā», selon M. Edington. Tandis que le pays se prĆ©pare Ć  rĆ©viser sa demande de financement TB/VIH, des efforts concertĆ©s et coordonnĆ©s seront nĆ©cessaires de la part dā€™un large Ć©ventail de parties prenantes afin de garantir la rĆ©ussite de ce portefeuille crucial.

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