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Le défi du financement de la santé dans les pays africains où le Fonds mondial investit
OFM Edition 156

Le défi du financement de la santé dans les pays africains où le Fonds mondial investit

Author:

Armelle NYOBE

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 3

Dans le cadre du financement de la santé, les pays africains sont encouragés à contribuer à la lutte contre les 3 maladies à hauteur de 15% du montant total de leur allocation. Si la réalité de très nombreux pays sur le continent n’inspire guère à l’optimisme en la matière, il n’en demeure pas moins que quelques pays parviennent à mettre en place des mécanismes pour la réalisation de cet objectif de financement et envisagent même un avenir sans le Fonds mondial.

Contexte

 

Les efforts de lutte contre le paludisme, la tuberculose et le VIH/Sida ainsi que les autres maladies requièrent d’importantes ressources financières. C’est une des raisons pour lesquelles les pays africains se sont engagés à Abuja en 2001 à allouer 15% de leur budget national à la santé. Cependant, ces engagements sont loin d’être respectés, exception faite de quelques pays. En effet, selon les données de la Banque Mondiale, seuls cinq pays en 2017 (Zimbabwe, Madagascar, Botswana, Tunisie, Afrique du Sud) ont alloué plus de 12 % du budget général de leur gouvernement (hors soutien des donateurs) à la santé ; 18 pays ont dépensé 5 % ou moins.

 

Autant dire qu’en dépit de leur engagement à honorer la  Déclaration d’Abuja, les pays africains restent fortement dépendants de l’aide extérieure en matière de santé.

 

Au rang des donateurs, on compte les États-Unis, le Groupe de la Banque Mondiale, la France, le Fonds mondial pour ne citer que ceux-là. Dans un contexte où l’aide au développement diminue à cause de la raréfaction des financements, mais aussi de la compétition des priorités, il devient de plus en plus urgent de trouver une solution face à ces dépendances. Cela passe par une augmentation importante du financement domestique, mais aussi par une approche basée sur le cofinancement. C’est la solution immédiate la plus urgente.

La problématique a été discutée lors de la rencontre qui a réuni les pays de la sous-région Afrique de l’Ouest à Addis Abeba le 24 avril 2023. C’était également l’unique point de discussion lors de la réunion virtuelle organisée par le Bureau de la Circonscription Africaine le 14 juin dernier.

 

États de lieux

 

Rappelons que le Fonds mondial (FM) a pour but de soutenir les efforts des pays dans la lutte contre le paludisme, la tuberculose et le VIH/SIDA. Et cela passe par l’optimisation de ses investissements. Très concrètement, « pour accéder à la somme que le Fonds mondial leur alloue, les pays doivent démontrer une hausse progressive des dépenses publiques de santé et une prise en charge graduelle des principaux coûts des programmes, notamment de ceux que le Fonds mondial soutient ». Pour accéder à l’enveloppe que le Fonds mondial leur alloue, les pays doivent démontrer une hausse progressive des dépenses publiques de santé et une prise en charge graduelle des principaux coûts des programmes, notamment ceux que le Fonds mondial soutient. Parallèlement,  à travers le cofinancement, le FM encourage les pays à participer activement à la lutte contre les trois maladies. Précisons que le Fonds mondial a adopté une politique de durabilité, de transition et de cofinancement qui encadre ses exigences en matière de financement national dans les pays où il investit. On parle alors en termes technique de l’« additionnalité ». Autrement dit, la contribution du FM s’ajoute aux ressources locales pour lutter contre les trois maladies. Elle ne les remplace pas. Et à mesure que la charge de morbidité diminue dans certains pays, ceux-ci cessent de bénéficier du soutien du FM. En clair, les pays doivent contribuer à hauteur de 15% de leur allocation et s’engager à le respecter ; cela peut aller bien au-delà de ce pourcentage, comme ce fût le cas de la Côte d’Ivoire lors de la sixième réunion de reconstitution du Fonds mondial qui s’est tenue à Lyon le 9 octobre 2019.

 

Les comptes nationaux de la santé et cofinancement

 

Les comptes nationaux de la santé (CNS) ont été développés pour mettre en lumière et classifier les différentes sources de financements des partenaires. De façon générale sont comptabilisés à titre de cofinancement, les investissements en capitaux tels que la construction des formations sanitaires, le salaire du personnel soignant, les charges fixes comme le paiement de l’eau, de l’électricité, etc. ainsi que les différentes sources extérieures (bailleurs de fonds). Cependant, les retards constatés dans la mise à jour de comptes nationaux de la santé ont toujours des effets négatifs sur l’appréciation des efforts de co-financement auprès d’organisations de la santé mondiales comme le FM, GAVI et ne permet pas d’avoir une bonne visibilité sur les efforts des pays africains.

 

Lors du Réseau d’Apprentissage d’Afrique de l’Ouest et du Centre qui s’est tenu le 25 avril de cette année, M. Soulé Diarra de la Mauritanie a fait remarquer le FM est, à bien des égards, magnanime sur le sujet, car bien des pays ne parviennent pas à honorer leur engagement de cofinancement sans que cela n’affecte le montant total de la subvention. Précisons immédiatement que ce n’est pas vrai pour tout le monde.

La République Démocratique du Congo honore son engagement de cofinancement en achetant des médicaments produits localement (approuvés par l’autorité compétente). Ce qui permet à la fois de promouvoir l’industrie pharmaceutique locale, mais de réduire aussi les retards que peut subir la chaine d’approvisionnement.

 

Innover et prendre le relai

 

S’il est vrai que les pays africains croulent sous les dettes qui, de fait, entrainent un sous-investissement dans les domaines sociaux tel que la santé, on peut néanmoins relever ici et là quelques avancées et innovations dans la mobilisation des fonds domestiques pour assurer un financement efficace et durable de la santé.  Les exemples du Nigeria, Congo et Sénégal sont à cet égard fort instructifs. Au Nigeria, le ministre de la Santé a pris l’initiative de mobiliser des ressources et de coordonner toutes les parties prenantes pour soutenir l’initiative de cofinancement. Le gouvernement sous l’égide du ministère de la Santé a également mis en place un programme de lever de fonds auprès des bénéficiaires directs ou de la communauté. Le programme a reçu 1,7 million de dollars de la part des communautés de 13 États. Toujours au Nigeria, et ceci dans une approche décentralisée, chaque gouverneur est encouragé a appuyé le secteur de la santé dans sa juridiction. À ce titre M. Dozie Ezechukwu du Nigeria a fait savoir lors de la réunion virtuelle organisée par le Bureau de la Circonscription Africaine le 14 juin 2023 qu’« 1 % du total des recettes internes de l’État de Kano est alloué aux soins de santé primaires et 10 % de ce 1 % est consacré à l’élimination du paludisme ». Dans une optique de durabilité, le gouvernement du Nigéria envisage d’étendre la couverture de l’assurance maladie aux trois maladies (VIH/SIDA, paludisme et tuberculose), anticipant ainsi un retrait du Fonds mondial dans le futur.

 

Le Congo, quant à lui a mis en place « une ligne budgétaire dédiée au cofinancement (4 milliards 565 millions) FCFA » ce qui permet au pays de ne pas faillir à ses obligations de cofinancement. Et dans l’optique de garantir le suivi et le respect desdits engagements, le pays a également mis en place « une commission interministérielle de suivi de l’exécution des engagements de cofinancement ». C’est le même son de cloche du côté du Sénégal où une commission similaire a été créée au sein de l’Instance de Coordination Nationale dans laquelle siègent les ministères de la santé, des finances et du budget. À l’instar du cas du Congo, l’objectif est également de veiller à ce que le Sénégal honore ses engagements.

 

Conclusion

 

Pour mettre en œuvre efficacement la politique de cofinancement, les pays recevant un financement du Fonds mondial doivent en priorité impliquer les principaux décideurs gouvernementaux, tels que les parlementaires, les membres des conseils ministériels, les gouvernements locaux et d’autres personnalités politiques influentes. Il est également important, voire crucial, pour les pays de renforcer leur volonté de veiller à la santé de leur population afin de se départir de la dépendance l’égard de l’aide extérieure. L’exemple du Nigéria où les gouverneurs des États sont appelés à contribuer à l’effort fédéral peut servir de piste de solutions pérennes, mais aussi de processus d’appropriation de la pyramide sanitaire. Évidemment, cela n’est qu’une piste parmi tant d’autres.

 

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