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INITIATIVE « LEVEZ LES OBSTACLES » : DES PROGRÈS PERFECTIBLES.
OFM Edition 134

INITIATIVE « LEVEZ LES OBSTACLES » : DES PROGRÈS PERFECTIBLES.

Author:

Christian Djoko

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 2

RÉSUMÉ Cet article analyse les conclusions du Rapport à mi-parcours de l’initiative « Levez les obstacles » du Fonds mondial. Puisant dans les données recueillies dans les 20 pays dans lesquels l’initiative est menée, le Rapport montre que la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ne saurait se réduire à une approche biomédicale. Plus que jamais, elle implique de s’attaquer en profondeur aux différents facteurs systémiques (juridiques et sociaux) qui exposent davantage les personnes clés et vulnérables à la maladie et entravent leur accès aux services de santé. Plus spécifiquement, l’initiative et les résultats qui en découlent à mi-chemin permettent de saisir les liens étroits qui existent entre les droits humains et la santé. Devant la dissémination inégalitaire des risques sanitaires et des conditions d’accès aux soins de santé, la défense des droits humains est un enjeu primordial

Il y a cinq ans le Fonds mondial lançait l’initiative « Levez les obstacles ». L’objectif attaché à ce projet était de fournir un soutien technique et financier à 20 pays pour les aider à éliminer les obstacles systémiques liés aux droits humains qui entravent l’accès aux services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Plus singulièrement, il s’agissait pour le Fonds mondial de contrer la stigmatisation, la discrimination, les lois et politiques punitives, les pratiques abusives des forces de l’ordre, le traitement irrespectueux dans les services de santé et les services inadéquats dont étaient particulièrement sujettes les populations clés. Quoique perfectibles, les progrès réalisés à mi-parcours fournissent un large panorama d’informations et de pratiques utiles pour les prochains investissements catalytiques du Fonds mondial.

Méthodologie d’évaluation

De manière générale, la méthodologie utilisée pour refléter l’incidence des interventions s’articule autour de trois niveaux d’importance variable.

  • Évaluation approfondie ;
  • Évaluation programmatique ;
  • Évaluation rapide.

Ces évaluations reposaient essentiellement sur l’analyse des documents afférents à l’initiative et sur la réalisation d’une série d’entretiens avec une pluralité de personnes ressources. Si en raison de la COVID-19 la quasi-totalité des évaluations menées dans les 20 pays – diversement – bénéficiaires a été effectuée à distance, le niveau d’analyse et le nombre d’entretiens effectués en revanche étaient fonction du type d’évaluation utilisée pour chacun des pays. Sur une échelle de 0 à 5, il s’agissait plus précisément « a) [d’]évaluer [quantitativement] les progrès accomplis dans la création d’un environnement favorable et la mise en place de programmes complets et de qualité visant à éliminer les obstacles liés aux droits humains qui entravent l’accès aux services de lutte contre le VIH et la tuberculose ; b)[de] décrire [qualitativement] les données probantes émergentes sur l’impact de l’initiative Lever les obstacles ; et c) [d’]éclairer les investissements et les efforts à venir dans le cadre d’une riposte globale » (p. 9).

Cette démarche a permis de dégager plusieurs tendances de fond.

Les résultats sont globalement satisfaisants

Nonobstant les difficultés d’implémentation de l’initiative (pp. 12-13) propres à chaque pays ; eu égard aux multiples contraintes nées de la pandémie Covid-19, Levez les obstacles a permis à tous les États bénéficiaires de réaliser des « progrès considérables » (p. 33.) en matière d’accès aux soins de santé par les populations clés en proie aux VIH et à la tuberculose.  Les deux graphiques ci-dessous nous donnent un aperçu global de ces progrès.

Si à l’évidence certains pays réalisent de bien meilleurs résultats que d’autres, il n’en demeure pas moins que l’amélioration moyenne est de 0,9 sur l’échelle de 0 à 5. Il pourrait être intérêt de s’attarder à ce niveau sur les ressorts de ces résultats globalement satisfaisants ? Du Rapport, il se dégage que l’initiative préconise de peser sur l’ensemble des leviers structurels capables d’éliminer ou d’atténuer les injustices multiformes qui entravent l’accès aux services de lutte contre le VIH et la tuberculose. Ces leviers sont de plusieurs ordres:

  • Sensibilisation des communautés (émissions radio, dialogues communautaires, etc.) aux effets préjudiciables de la stigmatisation et de la discrimination envers les populations clés ;
  • Formation et mobilisation les professionnel(le)s de la santé aux enjeux éthiques et juridiques dans les services de soins pour les personnes vivant avec le VIH et la tuberculose (la confidentialité des dossiers médicaux et du statut sérologique pour le VIH ou du statut bactériologique pour la tuberculose) ;
  • Plaidoyer en faveur de la reforme ou l’abrogation des lois et politiques qui entravent l’accès aux services de santé, en particulier pour les populations clés ;
  • Facilitation de l’accès aux services juridiques et parajuridiques communautaires ;
  • Sensibilisation des agents de forces de l’ordre, les parlementaires, des professionnels de la santé aux violences basées sur le genre ;
  • Mobilisation des personnes vivant avec le VIH et la tuberculose, des survivants de la tuberculose et d’autres populations clés à titre d’assistants juridiques pairs et pour assurer la surveillance des atteintes aux droits humains ;
  • Instauration des groupes de soutien pour les personnes atteintes de tuberculose et leurs familles ;
  • Soutien technique et financier accordé à certaines organisations dirigées par des populations clés ;
  • Éducation des populations clés à la connaissance de leurs droits.

Loin d’être exhaustive, cette liste démontre cependant que les progrès réalisés par le Fonds Mondial via cette initiative sont largement tributaires de la prise au sérieux du lien indéniable qui existe entre la santé et les droits humains. Le respect des droits humains favorise la santé. Les deux graphiques ci-dessous en font un compte rendu rapide.

Relativement au paludisme, le Rapport fait très spécifiquement état des résultats obtenus dans deux pays particulièrement touchés par la maladie, à savoir le Kenya et l’Ouganda. Si « progrès » est la terminologie utilisée par les rédacteurs du Rapport lorsqu’il s’agit de parler de la lutte contre le VIH et la tuberculose, « développements prometteurs » est l’expression employée pour parler des résultats obtenus au titre de la lutte contre le paludisme. Ce choix n’est pas anodin. À la lecture des passages consacrés au paludisme et aux droits humains, il se dégage clairement que les résultats sont assez poussifs.  À en croire les chercheurs à l’origine du Rapport, « malgré les développements prometteurs [en Ouganda], dont le renforcement des systèmes de santé communautaire pour la riposte au paludisme, des efforts concertés sont nécessaires pour sensibiliser le public aux aspects de la lutte contre le paludisme liés aux droits humains » (p. 30). Relativement au Kenya, écrivent-ils très précisément, « peu de programmes s’attaquant aux obstacles liés aux droits humains qui entravent l’accès aux services antipaludiques ont été relevés, et la plupart des programmes de lutte contre le paludisme visent surtout la fourniture de produits de base et la prestation de services » (p.31).

Un aperçu global de la situation dans les deux pays susmentionnés nous ait donné à travers ce graphique ci-dessous.

Les droits humains et l’accès aux soins de santé contre le VIH, la tuberculose et le paludisme sont les deux faces d’une même pièce.

Puisant dans les données recueillies dans les 20 pays dans lesquels l’initiative est menée, le Rapport du Fonds mondial montre que la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ne saurait se réduire à une approche biomédicale. Elle implique de s’attaquer en profondeur aux différents facteurs systémiques (juridiques et sociaux) qui exposent davantage les personnes clés et vulnérables à la maladie et entravent leur accès aux services de santé. Plus spécifiquement, l’initiative et les résultats qui en découlent à mi-chemin permettent de saisir les liens étroits qui existent entre les droits humains et la santé. Devant la dissémination inégalitaire des risques sanitaires et des conditions d’accès aux soins de santé, la défense des droits humains devient plus que jamais primordiale. Il ne peut y avoir de lutte efficience contre ces maladies sans une défense conséquente des droits humains.

Entendons-nous bien. Il ne s’agit pas seulement d’outiller les populations clés relativement à leurs droits, mais de corriger aussi et peut être surtout les effets (néfastes) de l’environnement et des structures. Un environnement juridique discriminatoire empêchera nécessairement les populations vulnérables de recourir aux services de santé et d’adopter des comportements qui réduisent le risque de contracter le VIH et ce, par crainte précisément d’être arrêtées, harcelées ou violentées part des forces de l’ordre.

Du reste, il y a de bonnes raisons de penser que l’initiative Levez les obstacles accroît l’impact des subventions du Fonds mondial et révèle des stratégies intéressantes qui à l’avenir pourront être mobilisées pour une riposte toujours efficiente contre les anciennes nouvelles et maladies.

Rester en état de veille et d’éveil : de nombreux défis conjoncturels et systémiques demeurent persistants

Cela dit, en dépit des progrès notoires réalisés grâce à l’initiative Levez les obstacles, quelques défis importants sont toujours d’actualité. L’efficacité de la lutte contre les injustices structurelles qui entravent l’accès aux soins de santé demeure assujettie à la disponibilité du financement, à la volonté politique, à l’implication des communautés, à la qualité données recueillies et au temps. Il faudra inéluctablement de la volonté politique et du temps pour surmonter la persistance de certaines normes sexospécifiques (croyances religieuses, pratiques culturelles, etc.) discriminatoires et stigmatisantes à l’égard des populations clés, parmi lesquelles les femmes et les personnes LGBTQ+.

Toutefois, les protections juridiques entourant les droits civils et politiques liées à la santé ont peu de sens pour ceux qui ne bénéficient pas d’une situation socioéconomique suffisamment sûre pour exercer les droits en question. Par conséquent, les approches de droits humains qui s’attaquent à la discrimination, la stigmatisation et l’exclusion doivent également faire progresser l’égalité et la justice sociales et économiques ― reconnaissant ainsi que la pauvreté et l’inégalité exposent les populations clés à la violation de leurs droits civils et politiques et qu’elles ont, par conséquent, une incidence négative sur l’accès aux services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme.

Lien vers le Rapport : https://www.theglobalfund.org/media/12206/core_2022-breaking-down-barriers-mid-term-assessment_summary_fr.pdf

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