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ÉVOLUTION SIGNIFICATIVE OU IMMOBILISME ? LE NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT DU FONDS MONDIAL ET LA POLITIQUE D’INTENSIFICATION DE LA LUTTE CONTRE LE VIH
OFM Edition 1

ÉVOLUTION SIGNIFICATIVE OU IMMOBILISME ? LE NOUVEAU MODÈLE DE FINANCEMENT DU FONDS MONDIAL ET LA POLITIQUE D’INTENSIFICATION DE LA LUTTE CONTRE LE VIH

Author:

Kapilashrami, A. and Hanefeld, J.

Article Type:
POINT DE VUE

Article Number: 4

RÉSUMÉ Cette semaine, le déploiement du nouveau modèle de financement offre l’occasion de considérer des évaluations indépendantes qui ont été réalisées, dans différents pays, et qui recommandent une

RÉSUMÉ Cette semaine, le déploiement du nouveau modèle de financement offre l’occasion de considérer des évaluations indépendantes qui ont été réalisées, dans différents pays, et qui recommandent une transformation importante de la façon dont le Fonds mondial structure ses activités.

Cette semaine, le déploiement du nouveau modèle de financement offre l’occasion de considérer des évaluations indépendantes qui ont été réalisées, dans différents pays, et qui recommandent une transformation importante de la façon dont le Fonds mondial structure ses activités.

Le Fonds est un mécanisme de financement crucial pour atteindre l’objectif d’accès universel au traitement et à la prévention du VIH dans les pays à faible revenu ou à revenu intermédiaire. Son évolution reflète les débats en matière de santé publique mondiale visant à concilier les exigences des programmes verticaux (ndlr visant une maladie en particulier) et les soins de santé intégrés, ou l’intérêt de chercher à atteindre des objectifs de santé à court terme au détriment du renforcement des systèmes de santé.

La stratégie « investir pour garantir l’impact » semble être une tentative d’éliminer la nécessité de ces compromis tout en réalisant des objectifs plus ambitieux en termes d’intensification des interventions de lutte contre le VIH. Une « approche plus ciblée » décrite dans le document de stratégie qui était à la base du nouveau modèle de financement présente le Fonds mondial comme « un organisme de financement plus efficace et efficient », plus « attrayant pour les bailleurs de fonds », qui cherche à tourner la page sur les difficultés fiduciaires, financières et de leadership auxquelles il a fait face en 2012.

Avec une meilleure prévisibilité et une plus grande flexibilité du financement, ainsi qu’un engagement plus volontariste dans la mise en œuvre des subventions au sein des pays récipiendaires, le Fonds s’éloigne actuellement de sa vocation originelle de simple instrument financier. Ces changements spectaculaires apportés à son mécanisme de financement permettent également au Fonds de se conformer à ses idéaux politiques, notamment son engagement en faveur d’une approche du financement et de la mise en œuvre des subventions fondée sur le respect des droits de l’homme.

Mais ces changements annoncés s’accompagnent-ils d’une réelle modification de comportement, d’activités et surtout d’impact ? Dans notre article publié en janvier dans le Journal of Global Health Policy, nous concluons que, si l’objectif consiste à rendre le modèle de financement plus souple et attaché aux principes d’efficacité de l’aide et de renforcement des systèmes de santé, les changements annoncés risquent d’amplifier certains effets négatifs que le Fonds mondial avait sur les systèmes de santé nationaux et les résultats dans le domaine de la santé.

Systèmes de santé et gouvernance

Le nouvel engagement du Fonds à dépasser la seule lutte contre les maladies et à contribuer au renforcement des systèmes de santé nationaux arrive à-propos dans la mesure où il reconnaît la nécessité d’un investissement extérieur durable.

Cependant, la vague notion d’« investissements plus stratégiques » semble se limiter aux investissements qui s’alignent sur les systèmes nationaux, et uniquement dans les pays les plus démunis. Il n’est fait aucune mention de la façon dont la coordination et l’alignement des bailleurs de fonds seront assurés. Dans la stratégie ou le modèle de financement, rien non plus n’a trait aux ressources humaines, en dépit de l’impact largement documenté des financements du Fonds mondial sur les ressources humaines en matière de santé (Hanefeld et Musheke, 2009).

L’accent sur le « rapport coût-efficacité » et l’emphase mise sur les systèmes de gestion et de mesure des résultats – avec leurs coûts additionnels – sont susceptibles d’exacerber les problèmes liés aux coûts de transaction et les comportements opportunistes liés aux mécanismes de l’aide du Fonds.

Il est à espérer que le financement et la rétention des ressources humaines finiront par être abordés à travers un alignement plus stratégique sur les plans nationaux de la santé et une analyse comparative des grilles de salaires.

L’amélioration des rapports et le suivi de la morbidité sur l’absorption des ressources humaines du Fonds dans les systèmes de santé assureront un alignement plus stratégique qu’en mettant l’accent sur l’impact et le rapport coût-efficacité. Il est également utile de rappeler que sans investissements dans le recrutement et la rétention d’un personnel de santé qualifié, l’impact de toute intervention soutenue par le Fonds sera limité – une conclusion à laquelle on a maintes fois abouti dans des évaluations nationales.

Certains pays ont signalé des aberrations dans des interventions soutenues par le Fonds qui avaient omis d’en tenir compte (Gulrajani, 2011). En Inde, dans bon nombre de centres de santé, le personnel a trafiqué les chiffres sur l’adhésion et a re-inscrit des patients sous de faux noms pour faire croire à une plus grande utilisation des lits et des centres de soins (Kapilashrami et McPake 2013). Cet exemple met en évidence les tensions inhérentes à un système qui fournit des incitations pour des objectifs ambitieux et la promotion des principes de droits de l’homme tels que l’égalité et la participation.

Le cadre stratégique et le modèle de financement mettent l’accent sur la gouvernance et le financement en accord avec les plans nationaux. Lorsqu’il n’existe pas de tel plan ou stratégie national(e) de la santé de qualité suffisante, les pays doivent y remédier dans le cadre de ce processus. Ces conditions préalables risquent d’amener les pays à élaborer des plans et stratégies ambitieux simplement pour remplir une nouvelle exigence du Fonds mondial, au lieu de véritablement s’engager dans un système intégré et de le développer.

Participation de la société civile

Le nouveau modèle exige une plus large participation des parties prenantes, notamment les organismes publics, les donateurs, la société civile et les communautés affectées. Au service de cette priorité, le Fonds exige un « dialogue national » : un processus par lequel les parties prenantes, avec l’appui de ses propres équipes de pays et un soutien technique externe, rédigeront une note conceptuelle qui servira de base pour leurs propositions détaillées spécifiques à une maladie.

À condition que ce dialogue soit un processus, et non une réunion ponctuelle, qui s’appuie sur l’engagement national et infranational dans une série de consultations ouvertes, transparentes et participatives ne se limitant pas aux réseaux préexistants de la société civile du Fonds mondial, la société civile a la possibilité de mieux se préparer à la gestion et à la mise en œuvre des subventions. Maintenant que les pays seront tenus d’indiquer explicitement leurs intentions concernant les ressources qui leur sont actuellement allouées, la société civile sera dotée d’informations essentielles grâce auxquelles elle pourra demander au Fonds mondial et aux organismes maîtres d’œuvre de lui rendre des comptes.

Il reste à voir comment ce modèle permettra l’engagement communautaire dans la prise de décision, en particulier au sein des populations vulnérables et des groupes qui, jusqu’ici, sont restés invisibles ou marginalisés dans les processus de décision et de demande de subventions. Il s’agit encore ici de saisir une occasion exceptionnelle face à un bilan négatif dans ce domaine.

Équité et droits de l’homme

L’un des cinq objectifs stratégiques énoncés dans le document de stratégie en faveur de la transition vers le nouveau modèle de financement consiste à protéger et à promouvoir les droits de l’homme. Cet objectif, en ligne avec la formule «investir pour garantir l’impact », peut être atteint en cessant de soutenir les programmes qui violent les droits de l’homme, en encourageant les investissements qui abordent les obstacles à l’accès liés aux droits de l’homme et l’intégration d’une perspective des droits dans tous les aspects du travail du Fonds.

Ces nobles aspirations sont dans une certaine mesure compromises par l’absence de tout effort concret visant à s’assurer que les populations touchées ne soient pas ignorées. L’accent se limite là aussi aux pays où les progrès les plus palpables peuvent être accomplis ;  le modèle de financement vise un petit nombre de pays sur la base de critères épidémiologiques et de gouvernance.

Cette approche va à l’encontre de la promotion des droits de l’homme par le Fonds mondial, dans la mesure où les populations les plus pauvres et les plus stigmatisées des pays à faible gouvernance ou à faible prévalence du VIH sont désavantagées par rapport au financement, et par conséquent, à l’accès aux médicaments vitaux et aux interventions préventives. Si ce n’est pas une priorité explicite et si les fonds sont limités, ce sont souvent les plus vulnérables qui en feront les frais. En outre, pour aborder à long terme les facteurs déterminants des diverses vulnérabilités ou les « facteurs en amont », il faut une combinaison d’approches qui visent à changer les comportements individuels, les structures communautaires et les normes ainsi qu’à régler les problèmes structurels qui sous-tendent ces vulnérabilités.

En outre, la stratégie et le modèle de financement restent muets sur les questions systémiques plus larges telles que le rôle de la religion ou des normes sociales. Le même silence entoure les limites potentielles de l’accès aux médicaments en raison des accords commerciaux.

Conclusion : le nouveau modèle, évolution ou immobilisme ?

Le Fonds mondial a connu une nette évolution, quoique de manière inégale, vers l’efficacité de l’aide et le renforcement des systèmes de santé.

En plein débat sur l’extension des interventions de prévention et de traitement visant à atteindre des populations et des régions géographiques plus larges, l’accent sur « certaines régions » pour « l’impact le plus marqué » va à l’encontre de l’orientation  proposée sur les droits de l’homme et un aspect central du soutien du Fonds mondial : l’accessibilité en tous lieux des populations les plus marginalisées à ces financements.

S’il est compréhensible de fonder les décisions de financement sur la gouvernance, l’épidémiologie ou le profil maladie, les dispositions en matière de gouvernance sont inquiétantes. L’accent accru sur l’impact et les objectifs chiffrés crée des tensions sur l’engagement lié aux droits de l’homme qui n’est toujours pas clarifié dans la stratégie actuelle. Les nouvelles dispositions peuvent également augmenter les coûts de transaction et exercer des pressions sur les maîtres d’œuvre pour ajuster les chiffres des rapports.

En outre, il y a une contradiction inhérente dans le modèle de fonctionnement du Fonds mondial qui soulève des questions sur l’intention générale et la crédibilité de sa dernière stratégie. En donnant la priorité aux objectifs de santé à court terme dans ses objectifs concernant les trois maladies, notamment maintenir les personnes sous traitement, vacciner les enfants, intensifier le regroupement des personnes vivant avec le VIH/sida dans des réseaux, étendre la pulvérisation intradomiciliaire – PID (contre le paludisme), il réduit l’importance des indicateurs à plus long terme dans le cadre des interventions. Cette approche s’écarte sensiblement de l’accent sur les droits de l’homme inhérent à la stratégie.

Anuj Kapilashrami est affilié à l’Institut de la santé internationale et du développement (Institute for International Health and Development) de l’université Queen Margaret à Edimbourg au Royaume-Uni. Johanna Hanefeld est affiliée au Département de la santé mondiale et du développement (Department of Global Health and Development) de la London School of Hygiene and Tropical Medicine à Londres. Les opinions exprimées dans cet article sont les leurs.

Voir l’article original en anglais. See the original article in English.

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