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Côte d’Ivoire – Libéria : le difficile suivi des femmes séropositives
OFM Edition 6

Côte d’Ivoire – Libéria : le difficile suivi des femmes séropositives

Author:

Aurélie Fontaine

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 1

RÉSUMÉ Dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, marqué par dix ans de crises politico-militaires, le sida touche les femmes de manière disproportionnée. Le Fonds mondial finance depuis 2012 des activités qui leur sont spécifiquement adressées, une aide tardive qui ne prend pas en compte le problème du suivi de ces femmes, dont beaucoup se déplacent régulièrement vers le Libéria.

Dix ans de conflits armés et d’insécurité ont favorisé la propagation du VIH en Côte d’Ivoire, particulièrement chez les femmes, dans la zone frontalières avec le Libéria, où des milliers ont été victimes de viols par les diverses forces combattantes et par des bandits, comme l’attestent de nombreux rapports, ou poussées vers la prostitution à cause de l’extrême pauvreté. Depuis 2012, le Fonds mondial finance des activités qui leur sont spécifiquement adressées, mais cette aide tardive et insuffisante ne prend pas encore en compte la difficulté d’assurer le suivi médical de ces femmes, dont beaucoup se déplacent régulièrement des deux côtés de la frontière.

Beaucoup de femmes séropositives perdues de vue

Lors de la crise post-électorale de 2010 et 2011, quelque 100 000 personnes ont fui les combats et se sont rendues au  Libéria voisin. Aujourd’hui, près de 52 000 réfugiés sont encore au Libéria, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Beaucoup n’osent pas rentrer définitivement chez eux et font donc des allers-retours. « Nous donnons des médicaments aux femmes pour un mois, puis elles se retrouvent au Libéria pendant deux ou trois mois donc on les perd de vue et elles cessent alors leurs traitements », souligne le docteur Jonas Akafou, du centre de santé de Djouroutou, un village isolé près du Libéria.

La propagation du VIH parmi les Ivoiriennes est également favorisée par la prostitution, le plus souvent occasionnelle, comme l’explique Paulin Gbahi, infirmier au centre de santé de Taï, un village situé à quelques kilomètres de la frontière avec le Libéria. « Les déplacements de population favorisent énormément la transmission du VIH. Les jeunes filles sont tantôt au Libéria, tantôt en Côte d’Ivoire. Dans le village il n’y a pas trop de prostitution en tant qu’activité principale, mais si par exemple une dame loue sa maison, elle va aussi proposer ses services. »

« En Côte d’Ivoire, seule 18% de la population est dépistée, rappelle Dramane Cissé, assistant social au centre de dépistage de l’hôpital public de Duékoué, une des plus importantes villes de l’ouest ivoirien et qui a été durement touchée lors de la guerre civile de 2010 et 2011. Par exemple, les ex-combattants sont peu éduqués, ils n’ont que très peu accès à la sensibilisation. Ils multiplient les partenaires car ils bougent beaucoup. En plus, ils ne prennent pas leurs précautions. A Duékoué le taux de prévalence du VIH est de 5,25% (contre 3,7% au niveau national), selon l’enquête menée par le district en 2013. Ce pourcentage a été calculé selon les personnes qui se font dépister donc en réalité ce chiffre est bien plus élevé. » 

Fatoumata (le prénom a été modifié), en couple avec un ancien combattant et séropositive, a été dépistée à Duékoué. « Je suis fidèle car comme je suis infectée je ne veux pas transmettre le virus. Au début je l’ai caché à mon compagnon mais maintenant il le sait, donc on utilise des préservatifs que l’hôpital nous donne. Mais je ne crois pas que lui soit fidèle », raconte la jeune femme, dans un bureau de l’hôpital de Duékoué. Fatoumata a pu être prise en charge, parce qu’elle l’a demandé. Mais le plus souvent, par ignorance, par peur d’être jugée, par manque d’argent ou encore à cause d’une distance trop grande avec un centre de dépistage, beaucoup ne se soignent pas.

Une intervention tardive dans l’ouest du pays

« L’enquête a montré que l’épidémie est bien concentrée à l’ouest du pays, d’où les initiatives financées par le Fonds mondial dans cette région, où il y a beaucoup de mouvements de population », note Venance Kouakou, directeur d’Heartland Alliance Côte d’Ivoire, sous-récipiendaire d’Alliance Côte d’Ivoire.

Depuis 2012, le Fonds mondial finance des dispositifs essentiellement à destination des travailleuses du sexe. Ainsi, lors de la phase 1 (septembre 2012-janvier 2013), $475 000 ont été consacrés à des activités de sensibilisation, suivis $1.4 million pour la phase 2 (janvier 2013-2016). « 13 districts et 15 localités (dont les villes de Toulepleu, Bangolo, Danané et Biankouma) sont concernés par la mise en place de cliniques de nuit deux fois par mois, à proximité des sites de prostitution. Des unités qui leur permettent de se faire dépister la nuit près de leur lieu de travail », souligne Flavienne Ouelle, directrice des programmes chez Heartland Alliance.

Ces cliniques de nuit, où médecins et infirmières peuvent dépister le VIH, sans toutefois y distribuer d’antirétroviraux, offrent des services plus discrets que les centres de santé, explique le docteur Camille Anoma, coordonnateur de l’ONG Espace Confiance, sous-récipiendaire du Fonds mondial pour une initiative similaire dans l’est, à la frontière du Ghana. « C’est une bien meilleure stratégie car elle offre des services plus accessibles, plutôt que d’attendre que les bénéficiaires aillent se soigner dans les centres de santé. Auparavant, la stratégie était de référer les homosexuels et les travailleurs du sexe vers les structures publiques de santé. Je suis assez circonspect sur l’efficacité de cette méthode. Car comment s’assurer que ces personnes iront se faire prendre en charge ? Les préjugés sur le travail du sexe et l’homosexualité sont encore forts, même chez les prestataires de santé »

Pour tenter d’assurer un suivi médical, une autre méthode est testée à Abidjan. Il s’agit cette fois de distribuer des cartes aux femmes séropositives, une sorte de mini-dossier médical, afin que ces personnes qui se déplacent régulièrement puissent être suivies efficacement, quel que soit le centre de santé où elles se rendent. La phase pilote de ce système informatisé, terminée en juin, devrait être suivie par une demande de financement au Fonds mondial avant la fin de 2014, selon le Programme de lutte contre le sida chez les populations hautement vulnérables.

 

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