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Aggravation de la crise de la lutte contre le VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale
OFM Edition 148

Aggravation de la crise de la lutte contre le VIH en Europe de l’Est et en Asie centrale

Author:

Aidspan

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 7

La seule région où la prévalence du VIH est en hausse appelle à des efforts soutenus pour combattre l'épidémie

La région de l'Europe de l'Est et de l'Asie centrale continue d'être confrontée à une épidémie croissante de VIH. L'incidence du VIH est en hausse et la mortalité liée au sida ne diminue pas. L'épidémie est en grande partie due à la consommation de drogues injectables et aux rapports sexuels non protégés au sein des populations clés qui sont confrontées à d'importants obstacles sur le plan juridique, notamment la criminalisation, la discrimination et la stigmatisation. Cette situation entrave leur accès aux médicaments vitaux et aux services de santé. Il existe un besoin manifeste de financement continu pour assurer la viabilité et le plaidoyer en faveur de la lutte contre le VIH dans les pays de l'EECA. Les gouvernements, les organisations internationales et les bailleurs de fonds doivent prioriser le financement des programmes de prévention et de traitement du VIH, des programmes de réduction des méfaits, des campagnes de plaidoyer, et la recherche afin de mener à bien la lutte contre l'épidémie de VIH dans la région.

 

Selon le rapport 2022 de Global AIDS , l’Europe de l’Est et l’Asie centrale (EECA) enregistrent la plus forte progression de l’épidémie de VIH dans le monde. En 2021, 160 000 [130 000-180 000] personnes ont été nouvellement infectées par le VIH, soit une augmentation de 48 % depuis 2010. En 2021, la région a enregistré 44 000 [36 000-53 000] décès liés au sida, soit 32 % de plus qu’en 2010.

Le rapport de l’ONUSIDA nous apprend que la couverture régionale des services de prévention et de traitement du VIH reste insuffisante. En 2021, 63 % des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) connaissaient leur statut, 81 % des personnes connaissant leur staut sérologique étaient sous traitement (51 % de l’ensemble des PVVIH) et 94 % des personnes sous traitement étaient en suppression virale (soit 48 % de l’ensemble des personnes infectées). Les pratiques d’injection non sécurisées constituent un facteur clé de l’épidémie dans la région. La thérapie par agonistes opioïdes (TAO) est disponible en Arménie, au Kazakhstan, au Kirghizstan et en République de Moldavie, mais elle ne parvient pratiquement pas aux personnes qui en ont besoin au Kazakhstan et n’est pas disponible au Turkménistan et en Ouzbékistan. 

La figure ci-dessous montre l’état désastreux de l’épidémie dans la région.

Figure 1: Nombre de nouvelles infections à VIH et de décès liés au sida, EECA, 2000-2021
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Source: Global AIDS Update 2022

Les deux figures suivantes montrent comment l’épidémie est alimentée par les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et les utilisateurs de drogues injectables (UDI).

Figure 2. Répartition de l’acquisition de nouvelles infections à VIH par population et par sexe (15-49 ans), EECA, 2021

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Source: Global AIDS Update 2022

 Figure 3. Prévalence du VIH au sein des populations clés par rapport aux adultes (âgés de 15 à 49 ans), pays EECA ayant communiqué des données, 2017-2021

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Source: 
Global AIDS Update 2022

La stigmatisation et la discrimination constituent un obstacle important à l’efficacité des ripostes au VIH. Des études ont mis en évidence des niveaux élevés de stigmatisation à l’égard du VIH et des populations clés (PC): au Tadjikistan, par exemple, seuls 23 % des personnes vivant avec le VIH interrogées ont fait état d’une expérience positive après avoir révélé leur séropositivité. La COVID-19 a également mis en évidence une épidémie de violence faite aux femmes  dans l’ensemble de la région; celle-ci a accru les responsabilités économiques des femmes, ce qui les a rendues plus vulnérables aux infections sexuellement transmissibles, dont le VIH, ainsi qu’aux grossesses non désirées.

Les cadres juridiques et politiques varient dans la région. La transmission du VIH, l’exposition au virus et la non-divulgation de la séropositivité sont érigées en infractions dans tous les pays, à l’exception de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine du Nord, bien que les poursuites judiciaires varient d’un pays à l’autre. Le commerce du sexe et la consommation de drogues sont dépénalisés dans certains pays de la région, mais des poursuites sont encore engagées pour le commerce du sexe organisé et la possession de drogues. Si certains pays (Arménie, Kazakhstan, Kirghizstan, République de Moldavie et Tadjikistan) ont dépénalisé les relations sexuelles entre personnes de même sexe, la stigmatisation des homosexuels et des autres HSH est encore fréquente, et des cas de violence policière ont été signalés.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a alimenté l’épidémie

Lorsque l’on pense à cette région, on ne s’imagine généralement pas qu’elle subit les mouvements de population que l’on observe dans d’autres parties du monde en proie à la guerre et à d’autres bouleversements. Mais en février 2022, la Fédération de Russie a envahi l’Ukraine, pays dans lequel vivent 240 000 [220 000-280 000] PVVIH. La guerre a provoqué une crise humanitaire, endommageant gravement les infrastructures de santé en Ukraine et entraînant une interruption généralisée des services de santé. La Moldavie, la Pologne et d’autres pays de la région ont également été touchés par les vastes mouvements de population des Ukrainiens franchissant massivement les frontières. Le maintien de l’accès aux services de santé (dont le plus grand programme TAO de la région), ainsi qu’à la nourriture, au logement et à la sécurité personnelle, s’est avéré particulièrement difficile pour les plus de 15,7 millions de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire urgente et les plus de 7,1 millions de personnes déplacées par la guerre, y compris les personnes vivant avec le VIH.

Les ressources pour la prévention du VIH sont quasi-inexistantes

 

La population la plus touchée par l’augmentation des nouvelles infections est celle des UDI et leurs familles; les coûts élevés des traitements et le manque de financement pour des interventions efficaces augmentent leur vulnérabilité. 

Depuis 2018, les données provenant de 12 pays suggèrent que seulement 6 % des ressources allouées à la lutte contre le VIH ont été consacrées à la prévention. La plupart des pays ont recours au financement national pour les services de prévention destinés aux UDI, mais certains pays dépendent encore des ressources internationales pour la totalité de leur programme. Les dépenses nationales actuelles pour les programmes ne sont suffisantes ni pour atteindre la couverture nécessaire à la réalisation des objectifs de 2025 ni pour réduire l’incidence du VIH. Un financement supplémentaire est nécessaire pour modifier la trajectoire des nouvelles infections à VIH.

Selon l’ONUSIDA, l’impact économique de la crise liée à la guerre en Ukraine sur la région de l’EECA est jugé important, au moment même où l’économie mondiale montre des signes de reprise après la crise provoquée par la pandémie de COVID-19. En 2021, 88 % des ressources consacrées au VIH dans la région provenaient de sources nationales. Les ressources totales pour le VIH dans la région doivent être multipliées par 2,3 d’ici 2025 pour atteindre les objectifs fixés dans la déclaration politique des Nations unies sur le VIH et le Sida: mettre fin aux inégalités et se mettre sur la voie de l’élimination du sida d’ici 2030  . 

Il est désormais très improbable d’assurer la viabilité financière des programmes

 

Le financement gouvernemental viable des programmes de prévention du VIH n’a toujours pas été assuré. Même des pays comme la Croatie, le Monténégro et la Macédoine du Nord, qui étaient autrefois présentés comme des modèles de transition réussie et de riposte durable au VIH, sont aujourd’hui confrontés à des difficultés dues à des facteurs tels que l’absence de cadre juridique, la suppression du VIH de la liste des priorités politiques ou des changements fréquents au sein du gouvernement. Les ressources actuelles sont largement inférieures aux besoins estimés, comme le montre la figure 4.

Figure 4. Ressources disponibles pour le VIH, EECA, 2006-2021, et estimation des besoins en ressources pour le VIH d’ici 2025

 

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Source: Global AIDS Update 2022

Le Fonds mondial a assuré la disponibilité de programmes de plaidoyer régionaux très utiles qui ont permis de relever de nouveaux défis avec une grande flexibilité. Les organisations communautaires ont été en mesure de s’adapter et de faire face à des problématiques allant de la guerre en Ukraine à la suppression de la priorité accordée au VIH en Macédoine du Nord, en passant par l’élimination des programmes de prévention du VIH en Bosnie-Herzégovine. Toutefois, un plaidoyer soutenu est essentiel pour relever ces défis complexes et un financement important est nécessaire à cette fin. Les gouvernements de la région et le Fonds mondial doivent prioriser le financement des programmes de prévention et de traitement du VIH. Cependant, un changement durable et des solutions pérennes ne peuvent être obtenus que par le biais du plaidoyer et de l’engagement des communautés affectées.

Les organisations internationales doivent passer à l’action

 

Des fonds sont également nécessaires pour lutter contre la stigmatisation sociale associée au VIH/Sida dans les pays de l’EECA. Cette stigmatisation empêche souvent les PVVIH d’accéder aux soins de santé et aux services de soutien. Des campagnes de plaidoyer sont nécessaires pour sensibiliser le public sur le VIH/sida et réduire la discrimination et la stigmatisation. Le financement est nécessaire pour soutenir ces campagnes et s’assurer qu’elles atteignent les communautés les plus vulnérables. Outre les programmes de réduction des risques et les campagnes de plaidoyer, le financement est également nécessaire pour la recherche de nouvelles stratégies de prévention et de traitement du VIH. La prophylaxie pré-exposition (PrEP) est une approche innovante de la prévention et du traitement du VIH qui permet d’espérer une réduction de la propagation du VIH dans les pays de l’EECA, mais il reste encore beaucoup à faire pour améliorer les connaissances à ce sujet dans la région et assurer un accès plus facile à cette thérapie pour les groupes les plus vulnérables.

 

La riposte au VIH dans la région EECA repose largement sur la participation active et le leadership des organisations de la société civile (OSC) et des communautés affectées. Selon les commentaires, certains partenaires du Fonds mondial ont rencontré des difficultés dans leur engagement à promouvoir des programmes de prévention et de traitement du VIH durables dans la région. Les bureaux pays de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la région ont eu du mal à prioriser les programmes de prévention et de traitement du VIH en raison de capacités limitées et de priorités concurrentes au niveau des bureaux pays.

                        

En outre, la présence de l’ONUSIDA dans les pays de l’EECA est limitée et sa voix en faveur d’une riposte durable au VIH est faible. Ce défaut de soutien de la part des organisations internationales a fait peser un lourd fardeau sur les OSC et les communautés qui sont déjà confrontées à des défis importants, dont la perception de certains d’entre eux comme des agents gouvernementaux étrangers dans certains pays.

 

En conclusion, il existe un besoin manifeste de financement continu pour assurer la viabilité et le plaidoyer en matière de lutte contre le VIH dans les pays de l’EECA. Les gouvernements, les organisations internationales et les bailleurs de fonds doivent prioriser le financement des programmes de prévention et de traitement du VIH, des programmes de réduction des méfaits, des campagnes de plaidoyer et la recherche pour lutter contre l’épidémie de VIH dans les pays de l’EECA. Les communautés, les organisations et les groupes de la société civile affectés doivent pouvoir s’exprimer dans le processus de prise de décision. Des efforts doivent également être déployés pour réduire la stigmatisation et la discrimination auxquelles sont confrontées les PVVIH. En investissant dans ces domaines essentiels, nous pouvons envisager un avenir où le VIH/sida ne sera plus une menace pour la vie et le bien-être des habitants de la région.

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