Une étude révèle un écart important entre la politique et la pratique dans les efforts du Fonds mondial en matière d’inégalités entre les genres
Author:
David Garmaise
Article Type:Article Number: 1
« Trop peu d’accords de subvention contiennent des activités sensibles au genre ou transformatrices de genre »
RÉSUMÉ La stratégie du Fonds mondial en matière de genre contient un engagement ferme en faveur de l’élimination des inégalités entre les genres, mais selon une nouvelle étude, il existe un écart important entre la politique et la pratique. Les auteurs ont constaté que trop peu d’accords de subvention contiennent des activités sensibles au genre ou transformatrices de genre.
« La stratégie du Fonds mondial en matière de genre affiche un engagement ferme en faveur de la lutte contre les inégalités entre les genres qui attisent l’épidémie de VIH (avec une emphase particulière sur les femmes et les jeunes filles), mais l’évaluation des indicateurs de mise en œuvre et de suivi révèle néanmoins un écart important entre les intentions de la politiques et la pratique. Trop peu d’accords de subvention définissent, financent ou suivent les activités sensibles au genre ou transformatrices de genre. »
C’est là une des conclusions de l’analyse de 18 « partenariats mondiaux public-privé pour la santé » menée par Sarah Hawkes, de l’Institute for Global Health rattaché à University College London, et deux coauteurs. Les résultats de l’analyse ont été publiés dans un rapport paru le 12 mai 2017 dans le journal Globalization and Health.
Les auteurs y définissent les partenariats mondiaux public-privé pour la santé comme des « institutions mondiales dotées d’un mécanisme de gouvernance formel comptant à la fois des acteurs du secteur public et du secteur privé à but lucratif ». Outre le Fonds mondial, les 18 partenariats visés par l’étude comprennent l’Alliance GAVI, le Partenariat Halte à la tuberculose et Faire reculer le paludisme.
Les auteurs avancent que la majorité des partenariats mondiaux public-privé ont une approche de la santé aveugle au genre et sont dépourvues de mécanismes simples visant à favoriser la responsabilisation en matière d’égalité de genre. Ils identifient trois omissions et lacunes importantes concernant les politiques et programmes de santé internationale transformateurs de genre, à savoir :
- Dans la grande majorité des partenariats, les genres ne sont pas représentés à parts égales au conseil d’administration ;
- La majorité des partenariats mondiaux public-privé pour la santé ne communiquent ou ne publient pas de données ventilées par sexe sur la couverture, les résultats ou l’impact des programmes qu’ils financent ;
- Le travail de ces partenariats en matière de genre est en grande partie étroitement axé sur la santé maternelle, la santé infantile et les maladies transmissibles/infectieuses.
(Voir la section ci-après sur la répartition hommes-femmes au Conseil d’administration du Fonds mondial.)
En ce qui concerne les données ventilées, les auteurs indiquent que lorsque des résultats sexospécifiques sont communiqués, ils se limitent le plus souvent à présenter le pourcentage des bénéficiaires qui sont des femmes et des jeunes filles.
« Une telle perspective est non seulement restrictive, elle peut en outre s’avérer contre-productive vis-à-vis des facteurs sous-jacents contribuant à la charge de morbidité mondiale », précisent-ils. « La ventilation par sexe et âge des données sur l’exposition au risque, la couverture et les résultats de la prévention et du traitement est essentielle pour comprendre les problèmes de santé, veiller à ce que les investissements parviennent aux personnes qui en ont le plus besoin et surveiller l’impact, notamment sur la réduction des lacunes liées au genre en matière de couverture et de résultats ».
Selon les auteurs du rapport, ces informations sont cruciales pour les efforts visant à garantir que personne ne soit laissé pour compte dans le domaine de la santé internationale. Ils citent notamment une étude publiée dans The Lancet et analysant systématiquement les taux mondiaux d’incidence et de mortalité du VIH, de la tuberculose et du paludisme sur plus de vingt ans, dont il ressort que les taux de mortalité sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes pour les trois maladies, alors que les taux d’incidence sont plus élevés chez les femmes au niveau du paludisme, plus élevés chez les hommes au niveau de la tuberculose et plus ou moins identiques en ce qui concerne le VIH. Si l’on interprète ces résultats en tenant compte du genre, affirment les auteurs, on pourra conclure que les programmes concernés par les normes liées au genre en matière de demande de traitement et de couverture sanitaire doivent inclure un centrage sur les taux de mortalité supérieurs chez les hommes (indicateurs d’un taux inférieur d’accès aux soins). Or, parmi les partenariats étudiés, disent-ils, seul Halte à la tuberculose semble prêter attention à cette dimension des questions de genre.
« Exiger des comptes aux partenariats mondiaux public-privé pour la santé en ce qui concerne les résultats sanitaires et liés aux questions de genre suppose, au minimum, qu’ils aient des données à jour et ventilées par sexe sur la couverture et les résultats », affirment les auteurs.
Concernant le centrage des travaux, les auteurs estiment que ces partenariats ont dans une large mesure échoué à faire face aux plus lourds fardeaux associés aux maladies, à savoir les maladies non transmissibles, la violence et les blessures. À leurs yeux, cela traduit l’absence de reconnaissance de « la nature sexospécifique des risques sanitaires et de la souffrance ». Ce manque d’attention, disent-ils, « reflète les critiques émises à l’encontre des partenariats mondiaux public-privé pour la santé, selon lesquelles ils adoptent une orientation commerciale favorisant les “questions sûres” et des approches étroites d’un point de vue technique, ou à “solution magique” plutôt que de s’attaquer aux déterminants structurels en amont, plus complexes, dont les relations de pouvoir entre les sexes ».
Les auteurs concluent en disant que les partenariats mondiaux public-privé pour la santé doivent adopter une attitude plus volontariste en matière de genre.
« Il n’est pas suffisant de mentionner les jeunes filles et les femmes dans les documents de plaidoyer », jugent les auteurs. « Il est nécessaire d’intégrer une perspective relationnelle en matière de genre au travers des activités courantes [des organisations], des livrables et des systèmes de responsabilisation ». Des salles de direction à la prestation des services de santé et à l’accès à ceux-ci, les questions de genre doivent être pleinement prises en compte, affirment-ils.
Répartition hommes-femmes au Conseil d’administration du Fonds mondial
Actuellement, 17 des 26 membres du Conseil d’administration du Fonds mondial sont des hommes, contre 9 femmes. Quant aux 23 membres suppléants, ils sont 11 hommes et 12 femmes. Le Conseil d’administration n’a pas fixé d’objectif en matière de représentation des genres en son sein. On peut lire dans la stratégie du Fonds mondial en matière d’égalité des genres que l’équilibre des genres au niveau de la composition des membres du Conseil d’administration (et de ses comités) est un véritable défi en raison du caractère représentatif du Conseil.
L’étude du Lancet mentionnée dans cet article est disponible ici (voir “Global, regional, and national incidence and mortality for HIV, tuberculosis, and malaria during 1990–2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013.” (Incidence et mortalité mondiales, régionales et nationales du VIH, de la tuberculose et du paludisme de 1990 à 2013 : analyse systématique aux fins de l’étude 2013 de la charge de morbidité dans le monde)).