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Rendre compte des résultats du Fonds mondial – Que manque-t-il ?
OFM Edition 175

Rendre compte des résultats du Fonds mondial – Que manque-t-il ?

Author:

Madhuri Kamat

Article Type:
COMMENTAIRE

Article Number: 2

Le rapport sur les résultats 2024 du Fonds mondial détaille ses actions et son impact pour remplir sa mission d'éradication des trois maladies que sont le sida, la tuberculose et le paludisme. Nous en soulignons une partie et discutons ensuite de ce qui peut être fait de plus en termes de renforcement des systèmes de santé pour contribuer à la réalisation des objectifs objectif de développement durable (ODD) 2030.

Introduction

 

Le rapport sur les résultats du Fonds mondial, publié en juin 2024 à l’occasion de l’année de reconstitution des ressources, montre que les donateurs en ont eu plus pour leur argent dans la réalisation de sa mission : mettre fin au VIH, à la tuberculose et au paludisme. Les investissements du Fonds mondial dans les programmes de prévention et de traitement du VIH et du sida s’élèvent à 6,6 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 5,5 milliards de dollars pour les programmes de lutte contre la tuberculose et le VIH ; 9,9 milliards de dollars sont consacrés aux programmes de prévention et de soins pour les personnes atteintes de tuberculose et 1,9 milliard de dollars aux programmes de lutte contre la tuberculose et le VIH ; enfin, plus de 19,1 milliards de dollars sont consacrés aux programmes de lutte contre le paludisme. Le Fonds mondial est devenu le principal contributeur au financement international de la lutte contre la tuberculose et le paludisme, et continue d’être un partenaire majeur dans l’élimination du VIH. Globalement, sa part de contribution a augmenté pour le VIH et le paludisme et a diminué d’un point de pourcentage pour la tuberculose au cours des deux dernières années qui ont suivi l’apparition du virus de la grippe aviaire de 19 ans (figure 1).

 

Figure 1 : Part du Fonds mondial dans le financement international pour les trois maladies

Source : Réseau d’évaluation des performances des organisations multilatérales (MOPAN) 2022 et Rapport sur les résultats du Fonds mondial 2024.

 

Les résultats sont impressionnants : 65 millions de vies ont été sauvées et le taux de mortalité cumulé dû aux trois maladies a diminué de 61 % depuis 2002. Parmi les succès récents, dont le Fonds mondial reconnaît qu’ils sont le fruit de l’engagement des gouvernements et du dynamisme des communautés, Estwatini, en Afrique, a réduit le sida en tant que menace pour la santé publique, en atteignant les objectifs 95-95-95 (95 % des personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 95 % des personnes qui savent qu’elles vivent avec le VIH suivent un traitement antirétroviral salvateur et 95 % des personnes qui suivent un traitement bénéficient d’une suppression virale). Le Cap-Vert, en Afrique, est exempt de paludisme à partir de 2024. Après l’épidémie de covid, en 2023, les programmes de lutte contre la tuberculose sont également remis sur les rails, soutenant la reprise et l’accélération de 2022 et garantissant des efforts plus rapides pour détecter les personnes non diagnostiquées, car l’accès inéquitable conduit à des décès évitables.

 

Mais le Fonds mondial admet également que de nombreux pays ne sont pas sur la bonne voie pour atteindre les objectifs de l’ODD 2030. Compte tenu du nombre d’années pendant lesquelles le Fonds mondial s’est efforcé d’atteindre l’objectif d’éliminer les trois maladies en tant que menace pour la santé publique, il est temps de s’interroger sur ce qui pourrait être le chaînon manquant. La réponse se trouve peut-être dans une déclaration du rapport : « Le Fonds mondial reste le principal pourvoyeur de subventions multilatérales pour le renforcement des systèmes de santé en investissant dans les chaînes de valeur des produits de santé et en garantissant une capacité d’approvisionnement accrue et des prix plus bas pour les produits de santé grâce à la structuration du marché, ainsi qu’en investissant dans les agents de santé communautaires (1,5 milliard de dollars) ». Dans cet article, qui s’appuie sur d’autres articles antérieurs et d’autres sources, nous tentons d’approfondir cette question en soulignant que le renforcement des systèmes de santé ne se résume pas à cela.

 

Focalisation excessive sur les trois maladies

 

L’investissement du Fonds mondial dans les systèmes de santé et les systèmes communautaires s’élève à 1,8 milliard de dollars pour la seule année 2023. Le rapport cite des investissements dans « les établissements de soins de santé primaires, les laboratoires, les chaînes d’approvisionnement, la fourniture d’oxygène et les agents de santé communautaires ». Une note de bas de page mentionne ce que les investissements comprennent également : « des investissements directs dans des systèmes résistants et pérennes de santé (SRPS/RSSH) et des contributions aux RSSH par le biais d’investissements dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ».

 

Une critique d’Aidspan a demandé au Fonds mondial de faire ses devoirs sur les systèmes de santé résilients et durables. Nous avons souligné que l’attention portée au VIH et à la tuberculose, par exemple, dans les rapports du Fonds mondial, ne tient pas compte des autres maladies qui doivent être « greffées sur les plates-formes existantes : diabète, hypertension, santé maternelle et néonatale, maladies cardiovasculaires ». Cette critique n’est pas isolée. Ilona Kickbusch, coprésidente du Conseil du Sommet mondial de la santé et directrice fondatrice du Global Health Center, Graduate Institute of International and Development Studies, dans son article d’opinion pour la lettre d’information du Sommet mondial de la santé, août 2024, a déclaré que l’accent étant souvent mis sur la « peur d’importer des maladies et des virus » dans le Nord, « on s’inquiète très peu de l’exportation de maladies du Nord vers le Sud, où la charge de morbidité liée à l’obésité, au diabète et aux troubles liés à l’utilisation de substances est déjà élevée et ne cesse de croître ».

 

Le Réseau d’évaluation de la performance des organisations multilatérales (MOPAN) du Fonds mondial en 2022 a souligné que le Fonds mondial n’était pas à la hauteur dans son travail sur les systèmes de santé et a exhorté le Fonds mondial à « faciliter l’engagement des pays en se concentrant sur les plans stratégiques nationaux (PSN), le soutien des hauts responsables gouvernementaux, la représentation des instances de coordination nationales (ICN) et des récipiendaires principaux (PR) avec l’engagement conjoint des partenaires ». Toutefois, comme le souligne notre critique, le Fonds mondial recevant des fonds de divers partenaires, qui financent également de manière indépendante le renforcement des systèmes de santé, “les propositions se chevauchent avec de multiples doublons” et il y a un manque d’alignement entre les donateurs concurrents. En outre, l’examen contributif du Fonds mondial par le Bureau de l’Inspecteur général (BIG) et son propre Comité d’examen technique suggèrent plutôt une approche prescriptive pour fixer les priorités sur ce que le Fonds mondial couvrira dans le cycle de subvention 8 en matière de renforcement des systèmes de santé, plutôt que de laisser la fixation des priorités aux pays respectifs.

 

Dans son rapport sur les résultats, 2024, le Fonds mondial parle également de ses services et programmes « centrés sur les personnes ». Cela reprend la formulation de la MOPAN, à savoir « des services de qualité intégrés et centrés sur les personnes ». Mais qu’entend-on par « centré sur l’être humain » ? Dans son cadre d’évaluation des performances des systèmes de santé (figure 2) pour la couverture sanitaire universelle (CSU), l’OMS définit l’approche centrée sur la personne comme une « approche des soins qui adopte consciemment les perspectives des individus, des soignants, des familles et des communautés en tant que participants et bénéficiaires de systèmes de santé fiables, organisés autour des besoins globaux des personnes plutôt que de maladies individuelles, et qui respecte les préférences sociales »[italiques ajoutés]. En outre, dans le rapport sur les résultats, 2024, la CSU n’est mentionnée qu’une seule fois sous le titre « Renforcer les systèmes de santé et les systèmes communautaires ».

 

Figure 2 : Cadre de l’OMS pour l’évaluation des performances du système de santé en vue de la couverture universelle

Source : Le cadre HSPA pour la santé publique, OMS 2022 (pp.199)

 

Le Fonds mondial doit véritablement s’engager auprès de ses partenaires pour bénéficier de leur expertise et de leurs connaissances afin d’atteindre les objectifs des ODD. C’est ce qu’a souligné l’examen stratégique 2023 (SR2023) du Fonds mondial, réalisé sous la supervision de son propre groupe d’évaluation indépendant (IEP), que nous avions abordé sous le titre Le Fonds mondial a besoin d’être reconstitué, et pas seulement de fonds – de connaissances aussi. Ce rapport donne des exemples précis de domaines dans lesquels le Fonds mondial pourrait bénéficier d’une expertise, notamment en tirant parti de l’expertise technique de Gavi, l’Alliance du vaccin, en matière de renforcement des systèmes de santé. Il existe actuellement un groupe de travail conjoint (JWG) avec Gavi et le Fonds de financement mondial, qui cherche à unir les forces pour la santé mondiale, mais les plans d’action sont attendus. Une fois de plus, les parties prenantes ont demandé à ce que l’OMS fasse également partie du groupe de travail conjoint.

 

Conclusion

 

Il convient de noter que le Fonds mondial est financé en grande partie par les États-Unis et qu’il a débuté sous la forme d’un partenariat public-privé financé par le gouvernement américain. Une étude du Fonds du Commonwealth sur les soins de santé aux États-Unis dans une perspective mondiale (2022) a révélé que, parmi les pays à revenu élevé, les États-Unis ont l’espérance de vie la plus faible, le taux le plus élevé de décès évitables, leurs adultes sont plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques multiples, l’obésité est la plus élevée et, bien qu’ils aient les dépenses de santé les plus élevées, à la fois par personne et en pourcentage du PIB, ils restent le seul pays à ne pas disposer d’une couverture sanitaire universelle. Il est peut-être temps de se demander si, sous l’influence des États-Unis, l’accent mis jusqu’à présent sur trois maladies sans aborder le paysage sanitaire de manière unifiée n’a pas contribué à l’impasse dans laquelle se trouve toujours l’éradication de ces trois maladies, alors même que la résistance aux antimicrobiens est déjà devenue une menace pour la santé publique plus importante que les trois maladies réunies.

 

 

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