PLUS DE 200 MILLIONS USD À L’ÉTAPE DES NÉGOCIATIONS ENTRE LA RDC ET LE FONDS MONDIAL
Author:
Aurélie Fontaine
Article Type:Article Number: 5
La RDC franchit l’étape du Comité d’approbation des subventions pour plus de 200 millions USD contre le VIH et la tuberculose.
RÉSUMÉ Après le rejet en mars 2014 d’une première demande de subvention pour le VIH, la RDC est en passe de réussir sa deuxième tentative auprès du Fonds mondial sous la forme d’une note conjointe VIH-tuberculose. Récit de longs mois d’apprentissage des exigences du nouveau modèle de financement.
La République démocratique du Congo (RDC) avait de gros défis à relever pour satisfaire les exigences du nouveau modèle de financement (NMF): manque de données nationales fiables, difficultés à consulter les populations clés sur un immense territoire sans infrastructures, problèmes de leadership et d’organisation. A cela s’ajoute un tâtonnement dans l’application des outils du NMF, tant à Kinshasa qu’à Genève, indique-t-on en RDC, le pays étant l’un des six premiers invités par le Fonds mondial pour tester ses nouvelles règles d’attribution des subventions.
En mars 2014, la note conceptuelle VIH présentée en janvier par l’Instance de coordination nationale (ICN) est rejetée par le Fonds mondial. Le Comité technique d’examen des propositions (TRP) retoque le dossier pour « manque d’articulation des priorités et mise en œuvre imprécise des programmes VIH et tuberculose». «Nous aurions dû avoir des données harmonisées or dans la note nous citions plusieurs sources, reconnaît Sylvain Yuma, coordonnateur du comité d’élaboration de la note VIH puis de la note conjointe VIH/tuberculose. De plus, nous n’avions pas suffisamment abordé la question de la co-infection VIH/tuberculose, alors que la RDC a une importante charge de morbidité VIH et tuberculose.»
L’ICN doit élaborer un nouveau dossier. Mais entretemps le Conseil du Fonds mondial a décidé d’exiger que soient dorénavant regroupées les demandes de financement contre le VIH et la tuberculose dans les pays à fort taux de prévalence, comme la RDC. Celle-ci développe donc une note conjointe VIH-tuberculose, comme l’avait d’ailleurs recommandé le TRP, autre nouveauté qu’aucun pays candidat n’a encore testée. Cette deuxième tentative sera la bonne : en août, la demande de la RDC passe sans encombre l’étape du TRP, qui rend ses conclusions en octobre, suivi du Comité d’approbation des subventions (GAC) qui donne son feu vert fin novembre pour la négociation de l’accord de subvention de près de 230 millions USD, incluant 14,5 millions USD de financement d’encouragement. Selon le Secrétariat du Fonds mondial, l’accord de subvention devrait retourner au GAC pour approbation finale et soumis au Conseil d’administration au deuxième ou troisième trimestre de 2015.
Le difficile apprentissage des nouvelles règles du Fonds mondial
Au Secrétariat du Fonds mondial, on considère que cet investissement de temps et de travail ne peut être que bénéfique pour la RDC, un Etat qui doit surmonter des difficultés particulières pour satisfaire les exigences du nouveau modèle de financement.
Parmi ces difficultés, il y a eu une confusion sur la place de récipiendaires principaux (RP) dans l’élaboration de la note VIH, certains jugeant qu’ils ne pouvaient pas être à la fois concepteurs de la note et récipiendaires désignés. Par conséquent, leur absence des discussions a contribué notamment à un manque de précision concernant les objectifs et le budget proposés. « Les RP n’ont ménagé aucun effort pour participer aux réunions. Ils auraient pu apporter leur contribution aux estimations financières des activités, car ils ont un recul là-dessus », indique Patrick Kanku, responsable du programme VIH à Sanru (Santé rurale, structure publique), un des RP prévus par la note pour la partie VIH. Les RP ont tout compte fait été impliqués dans la conception de la note VIH-tuberculose mais, selon eux, pas à 100%.
« Voyant que l’élaboration de la note manquait de leadership technique et organisationnel, des partenaires ont tiré la sonnette d’alarme et France Expertise Internationale m’a demandé d’intervenir. A cette époque, certains partenaires se demandaient même si la note pourrait être envoyée le 15 août, date prévue de la soumission », se rappelle Eric-Marie Dupuy consultant indépendant et membre du comité d’élaboration de la note conjointe. « Il y a par exemple eu des discussions sans fins sur l’intégration ou non d’un RP communautaire, qui a finalement été intégré par l’ICN. »
Autre difficulté : le manque d’expérience de collaboration entre le gouvernement et la société civile. Marie Nyombo Zaina, coordinatrice du réseau des ONG nationales pour le développement de la femme et membre du comité d’élaboration des deux notes, reproche ainsi un manque de considération par le comité d’élaboration. « Nous, les représentants de la société civile, sommes difficilement acceptés là où il y a des experts venant des ministères. Ils pensent que nous voulons récupérer le gâteau qu’ils avaient l’habitude de manger seul. Mais avec le NMF ils comprennent qu’il faut aller dans le sens de la réforme ». Par exemple, dit-elle, « les médecins des programmes nationaux ne comprenaient pas que l’accompagnement psycho-social et la prise en charge juridique soient aussi importants que le suivi médical physique ».
En définitive, le comité a pris en compte les points de vue de la société civile, précise Marie Nyombo Zaina. « Nous avons intégré les aspects genre dans la description de l’épidémiologie de la tuberculose et du VIH, la structure des systèmes de santé et communautaires, et concernant les droits de l’homme. »
L’élaboration de cette note conjointe a été plus fluide, selon Joseph Bulakali, le secrétaire général de l’ICN. « Certains malentendus ont déjà été dissipés par rapport à la première note. A ce moment-là, l’assistance technique avait été décidée uniquement par les partenaires (Onusida, OMS, Pepfar, Usaid, Unicef). Mais pour la note conjointe nous avons pu avoir des discussions ouvertes sur le choix des assistants techniques. De plus, une feuille de route a été élaborée et presque suivie à la lettre », explique-t-il.
Une note conjointe approuvée, avec quelques recommandations
Si la note conjointe a été validée, le TRP a cependant émis certaines recommandations. Le comité considère ainsi que l’ICN n’a pas été assez claire sur la façon dont le pays compte gérer le passage de 350 à 500 CD4 pour les patients à mettre sous ARV, comme recommandé par l’Organisation mondiale de la santé.
Le TRP prie également la RDC de prendre en charge les patients co-infectés VIH/TB et les femmes enceintes séropositives, ce qui n’est pas inscrit dans la note. Le comité technique estime par ailleurs insuffisant le nombre de préservatifs et de lubrifiants alloués aux homosexuels et aux prostitués et trouve que le programme VIH à destination des mineurs, chauffeurs routiers ou encore des forces de l’ordre n’est pas assez consistant.