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Où sont les populations clés et vulnérables dans l’Agenda Lusaka
OFM Edition 175

Où sont les populations clés et vulnérables dans l’Agenda Lusaka

Author:

AIDSPAN

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 4

L’Agenda Lusaka s’impose peu à peu dans la sphère des initiatives pour la santé mondiale. Il s’agit en réalité d’une volonté de coordonner et d'harmoniser les efforts des différents partenaires qui soutiennent la santé mondiale. L’Agenda Lusaka prône le guichet unique au niveau des pays afin d’atteindre la Couverture santé Universelle (CSU) aussi . Mais seulement on remarque une faible implication des populations clés et donc des personnes LGBTI dans cet agenda qui visiblement est mis en œuvre en Afrique. Cet article met en lumière la volonté manifeste de l’AL de se montrer peu inclusif et de laisser de côté une partie de la population dans les efforts d’atteinte de la CSU.

Introduction

 

Depuis début 2024, l’Agenda Lusaka (AL) s’est progressivement imposé comme un cadre essentiel dans les discussions relatives aux Initiatives pour la Santé Mondiale (ISM). Né d’une volonté de coordination pour atteindre la Couverture Santé Universelle (CSU) dans les pays, il repose sur une série de coalitions entre partenaires internationaux visant à créer un agenda commun et à mettre en place un guichet unique pour les financements de la santé. Cet effort global a pris forme le 12 décembre 2023 en Zambie, lors de la journée mondiale de la CSU.

 

L’AL est le fruit d’un processus mené par la “Future for Global Health Initiative” (FGHI), regroupant des ISM dédiées à la santé et au bien-être des populations. Parmi les principaux acteurs figurent Gavi, l’Alliance du vaccin, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ainsi que le mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents (GFF). L’AL se distingue par cinq transformations majeures qu’il cherche à accélérer pour renforcer l’évolution des ISM et de l’écosystème mondial de financement de la santé : (1) renforcer les soins de santé primaires (SSP), (2) catalyser le financement national durable, (3) améliorer l’équité en santé, (4) garantir une cohérence stratégique, et (5) coordonner les approches en matière de produits et de la recherche pour le développement.  

 

Bien que des pays africains comme la Zambie, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Malawi aient déjà commencé à intégrer l’AL dans leurs systèmes de santé, des interrogations demeurent quant à la place accordée aux populations vulnérables et marginalisées, telles que les personnes LGBTI, les travailleurs/ses du sexe, et les usager(e)s de drogues injectables. En effet, le positionnement des pays africains sur des questions sensibles comme l’homosexualité soulève des doutes sur l’inclusion réelle de ces populations dans les stratégies de l’AL. Cet état de lieux ne remet-il pas en question la légitimité même de cet agenda ? On peut, en tout cas, légitimement se poser la question. L’Agenda de Lusaka semble, une fois de plus, voué à l’échec, comme tant d’autres tentatives d’alignement des efforts des ISM, ainsi que l’a souligné l’article d’Aidspan paru il y a quelques mois. 

 

L’Agenda Lusaka : Une parodie de l’implication des communautés affectées par les trois maladies

 

L’élaboration de l’Agenda de Lusaka s’est appuyée sur de nombreuses consultations, mobilisant des actrices et acteurs gouvernementaux et des agences internationales. Cependant, les échanges avec les populations clés et les communautés vulnérables ont souvent été restreints, voire symboliques, ce qui a alimenté les critiques concernant la prise en compte insuffisante de leurs besoins réels, notamment pour les groupes les plus affectés par le VIH, la tuberculose et le paludisme. Le terme « société civile », omniprésent dans les documents de l’AL, prête à confusion. Certaines organisations de la société civile, bien qu’invitées à participer aux réunions, ne représentent pas toujours adéquatement les intérêts des populations criminalisées, notamment les personnes LGBTI et les travailleurs du sexe.

 

La délégation des Communautés au Conseil d’Administration du Fonds mondial a par exemple exprimé son inquiétude face à l’exclusion des populations criminalisées du processus de consultation de l’AL. La question de la place des personnes LGBTI dans l’Agenda Lusaka reste particulièrement préoccupante, compte tenu de la répression continue de l’homosexualité dans plusieurs États africains. Cela illustre une tendance persistante à marginaliser encore davantage ces populations dans l’accès à la CSU, aggravant ainsi des inégalités sociales et de santé déjà bien enracinée.

 

Bien que quelques efforts d’inclusion aient été faits lors de la rencontre de Brazzaville du 12 septembre 2024, à l’occasion de la 74e réunion du Comité régional de l’OMS/AFRO, la participation des populations LGBTI et des travailleurs du sexe y était quasiment absente.

 

De nombreux actrices et acteurs communautaires ont dénoncé un manque d’écoute et une absence d’actions concrètes en faveur des populations vulnérables, réduisant cet atelier à ce qui a été qualifié de « parodie d’implication ». 

 

 

Différentes phases d’évolution 

Phase 1 (jan -juillet 2023)

 

Phase 2 : Aout-Dec 2023

Phase 4 : Sept et au-delà

Lieu

Wilton Park (en ligne)

Lusaka -Zambie 

Congo Brazzaville 

 

Actions menées

Phase d’écoute et d’engagement et production des preuves

Transmission des preuves de   l’étude à d’autres parties prenantes en dehors de celles qui étaient au début du FGHI

Présenter l’Agenda Lusaka au cours de 74e réunion du Comité régional de l’OMS/AFRO

Résultat obtenu

Un rapport d’étude avec des recommandations 

Naissance de l’Agenda Lusaka 

Vers une appropriation de l’Agenda Lusaka par les Ministères de la santé africaines, CDC Afrique 

Acteurs clés 

Welcome Trust 

Tous les acteurs des ISM nationaux et les bilatéraux et multilatéraux 

Conseil d’Administration de Global Health Initiative et les amis du financement mondial pour la santé- la Constitution africaine du bureau du Fonds mondial 

Niveau d’implication de la société civile et des communautés 

Aucune trace de la société civile ou des communautés dans ce processus

Quelques membres de la société civile et absence des populations clés 

Quelques membres de la société civile et quelques communautés

 

 

L’Agenda Lusaka et les Instances de Coordination Nationale (ICN) du Fonds Mondial

 

Il existe à la fois des similitudes et des divergences entre les approches qu’utilisent certaines  Initiatives Mondiales de la santé dont le Fonds mondial, Gavi et GFF et ce que prône l’Agenda Lusaka, notamment en ce qui concerne la participation communautaire, la prise en compte des priorités régionales et la consultation des communautés.

 

  • Approche communautaire : Le Fonds mondial privilégie une approche inclusive, centrée sur les populations clés et leur participation active à tous les niveaux. L’Agenda Lusaka, bien que sensibilisé à ces questions, est souvent perçu comme n’accordant pas une priorité suffisante aux groupes marginalisés.
  • Priorités régionales : Alors que le Fonds mondial adopte une approche globale dans ses stratégies, l’Agenda Lusaka se concentre davantage sur les défis spécifiques à l’Afrique. Cette focalisation régionale, bien qu’importante, soulève des questions quant à la pérennité et à la portée globale des initiatives prises dans le cadre de l’AL.
  • Consultation des communautés : Les processus de consultation du Fonds mondial sont bien structurés et formalisés, permettant une réelle inclusion des populations affectées. À l’inverse, ceux de l’AL manquent parfois de transparence et d’engagement significatif, particulièrement en ce qui concerne les populations criminalisées.

 

Une préoccupation centrale de l’AL est également liée au fait qu’il prône la mise en place d’un guichet unique pour le financement de la santé au niveau national, une initiative qui, contrairement aux Instances de Coordination Nationale (ICN) du Fonds mondial, n’inclut pas explicitement un mécanisme pour regrouper le gouvernement, la société civile, et les populations clés. Cela soulève des interrogations sur l’implication véritable des communautés dans les programmes de santé nationaux et, par conséquent, sur la faisabilité d’atteindre la CSU. L’Agenda de Lusaka ne risque-t-il pas, en réalité, de devenir un mécanisme d’exclusion, facilitant l’accès aux soins pour certaines populations tout en marginalisant davantage les autres ? Est-ce une volonté manifeste des États d’ignorer les populations clés et de les réduire au silence ?

 

 Points de vigilance à considérer pour la suite de l’Agenda Lusaka

 

Si l’Agenda Lusaka doit jouer un rôle clé dans l’amélioration des systèmes de santé en Afrique et dans la réalisation de la CSU, plusieurs points de vigilance doivent être pris en compte pour garantir une véritable inclusion des populations clés et vulnérables.

 

  • Renforcer l’implication communautaire : Il est impératif que l’AL prenne des mesures concrètes pour inclure les populations clés, telles que les personnes LGBTI, les travailleurs.ses du sexe, et les usager(e)s de drogues injectables, dans toutes les étapes du processus, depuis la conception des programmes jusqu’à leur mise en œuvre.
  • Consultations inclusives et transparentes : Des mécanismes de consultation formels, transparents et réguliers doivent être mis en place pour garantir que les voix des populations vulnérables soient entendues et prises en compte dans l’élaboration des politiques de santé publique.
  • Alignement avec les stratégies globales : L’AL devrait inciter les pays à adopter des priorités centrées sur les besoins des populations. Il pourrait par exemple inciter les pays à adopter des approches basées sur les droits humains, telles que celles mises en avant par le Fonds mondial, qui inclut les Instances de Coordination Nationale (ICN) et qui garantit l’implication des populations clés.
  • Plaidoyer pour un financement durable : Il est crucial d’assurer un financement adéquat et pérenne pour les initiatives locales et les programmes destinés aux populations clés. Sans un tel financement, les efforts pour lutter contre le VIH/Sida, la tuberculose et le paludisme risquent de s’essouffler, laissant les populations les plus vulnérables sans soutien.

 

Conclusion

 

Bien que l’Agenda de Lusaka représente un pas important vers le renforcement des systèmes de santé en Afrique, son succès repose essentiellement sur sa capacité à intégrer pleinement les populations clés et vulnérables dans ses stratégies et actions. Seule une approche concertée, continue et véritablement inclusive permettra de s’assurer que ces groupes marginalisés ne soient pas laissés de côté, et qu’un accès équitable et universel à la santé soit réellement atteint.

 

 

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