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L’homophobie est un obstacle majeur à la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique.
OFM Edition 163

L’homophobie est un obstacle majeur à la lutte contre le VIH/SIDA en Afrique.

Author:

Ekelru Jessica et Christian Djoko

Article Type:
EVOLUTION DES ICN

Article Number: 6

L'homophobie représente un frein majeur à la lutte contre le VIH en Afrique, en compromettant les efforts pour la prévention, le dépistage et les soins liés au VIH pour les individus appartenant à des minorités sexuelles et de genre. Cet article entend montrer qu’il est essentiel de combattre l'homophobie pour relever le défi du VIH en Afrique. Il est impératif de promouvoir l'inclusion, d'éduquer et de sensibiliser pour mettre fin à la stigmatisation afin de garantir que toutes les personnes, y compris les minorités sexuelles et de genre, aient un accès équitable aux services de santé liés au VIH. Cela implique une action concertée des gouvernements, des organisations de santé et de la société civile pour créer un environnement qui garantit l'accès universel aux soins et élimine les obstacles liés à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre.

 

L’homophobie est une alliée du VIH

 

En Afrique, l’homophobie reste un obstacle majeur à la lutte contre le VIH/SIDA. On ne peut espérer vaincre le VIH/SIDA dans un contexte d’homophobie ambiante. Comme nous l’avons explicité dans notre publication de 2023, les populations clés, notamment les homosexuels et les hommes ayant des rapports avec des hommes (HSH), les personnes transgenres font face à une double stigmatisation en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre. Autrement dit, ces populations sont confrontées à des formes multiples et convergentes de stigmatisation en raison de leurs identités socialement stigmatisées. En plus de subir la marginalisation et parfois la violence liée à leurs orientations ou activités sexuelles, elles font également l’objet de stigmatisation et de rejet en raison de leur statut sérologique. Les données statistiques disponibles, bien que probablement sous-estimées, sont préoccupantes.

 

Des études menées en Afrique du Sud, en Zambie, au Malawi et au Botswana ont mis en lumière des attitudes négatives majoritaires parmi le personnel de santé envers les populations clés. Plus spécifiquement, ces recherches ont révélé que les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes étaient deux fois plus susceptibles d’éprouver de l’appréhension à l’idée de recevoir des soins médicaux et plus de six fois plus susceptibles de se voir refuser des services par rapport aux individus hétérosexuels. Ces constats soulignent une réalité alarmante où les membres de ces communautés non seulement font face à des obstacles pour accéder aux services de santé, mais sont également victimes de discriminations et de rejets injustes de la part du personnel médical.

 

Plus alarmant, de nombreux pays à l’instar de l’Ouganda, de l’Éthiopie, du Nigeria et de la Tanzanie ont récemment renforcé leurs lois discriminatoires à l’encontre des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH). Le Parlement ghanéen a adopté le 28 février 2024, le projet de loi réprimant les pratiques homosexuelles et les individus soutenant les droits des personnes LGBT+. Des peines pouvant atteindre cinq ans d’emprisonnement pourraient être instaurées. Winnie Byanyima, la Directrice exécutive de l’ONUSIDA, a affirmé dans un communiqué de presse que la promulgation éventuelle de ce texte aura de graves répercussions sur la lutte contre le VIH/SIDA au Ghana :

 

« Les approches fondées sur l’inclusion de toutes les personnes ont été cruciales pour les progrès réalisés par le Ghana dans la riposte au VIH. Pour atteindre l’objectif de mettre fin au sida en tant que menace pour la santé publique d’ici 2030, il est essentiel de veiller à ce que chacun ait un accès égal aux services essentiels, sans crainte, stigmatisation ou discrimination, et que les prestataires de services de prévention, de dépistage, de traitement et de soins du VIH, qui peuvent sauver des vies, soient soutenus dans leur travail. […] Si elle est adoptée, elle entravera l’accès aux services vitaux, affaiblira la protection sociale et compromettra la réussite du Ghana en matière de développement.

 

Il est prouvé que les lois punitives telles que ce projet de loi constituent un obstacle à l’éradication du sida et, en fin de compte, nuisent à la santé de tous. »

 

Il y a lieu de souligner que les demandes de financement ou les propositions émanant de certaines cités précédemment occultent déjà – délibérément – cette population en utilisant désormais le terme de “hommes à haut risque de transmission du VIH”. De manière similaire, des individus au sein de l’Instance de coordination nationale (ICN) ou parmi les bénéficiaires secondaires de plusieurs pays africains exploitent la question de l’homosexualité à des fins personnelles. Lorsqu’ils sont sur le point de perdre leur siège ou leur statut d’acteur de mise en œuvre (bénéficiaire secondaire), ils répandent auprès de la population l’idée que l’ICN, en partenariat avec le Fonds mondial, encourage l’homosexualité et des comportements déviants. Ils sous-entendent en particulier que les efforts déployés dans la lutte contre la pandémie favoriseraient les hommes ayant des relations avec d’autres hommes au détriment des autres communautés.

 

Cette double stigmatisation émanant de la société, du secteur de la santé lui-même et quelques fois des acteurs et actrices de mise en œuvre des subventions du Fonds mondial, crée un environnement hostile qui entrave significativement les efforts de prévention et de prise en charge du VIH/SIDA. La peur de la stigmatisation et de la discrimination dissuade souvent ces populations clés de chercher des soins médicaux, retardant ainsi le dépistage et le traitement du VIH. Cette réalité est particulièrement préoccupante, car elle contribue à la propagation continue du virus et à une charge virale plus élevée au sein de ces communautés. Comme le révèle Coalition plus, le réseau international de lutte contre le SIDA : les « violences poussent les personnes LGBTI dans la clandestinité et les empêchent d’accéder aux services de prévention et de soins dont elles ont besoin. Résultat, 37,2% des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes au Cameroun vivent avec le VIH. À Yaoundé, la capitale, le taux de prévalence du VIH chez les HSH grimpe à 44,3%. Selon les données disponibles, c’est la communauté gay la plus touchée au monde après les Mauritaniens (44,4%) et les Sénégalais (41,9%) ». Dans le cas des hommes gays, le risque d’acquisition du VIH est 26 fois supérieur à celui de la population générale, tandis que chez les femmes transgenres, il est 13 fois plus élevé, comme indiqué dans le rapport mondial 2020 d’ONUSIDA.

 

Les conclusions de toutes ces études soulignent également l’urgence d’une transformation profonde au sein du secteur de la santé pour garantir une approche non discriminatoire et inclusive envers toutes les communautés, indépendamment de leur orientation sexuelle ou identité de genre. Cela nécessite une sensibilisation accrue, une formation approfondie du personnel de santé et une révision des politiques institutionnelles afin de promouvoir des environnements accueillants et respectueux.

 

L’histoire d’Iba et de Fotso ci-dessous offre une illustration des statistiques sinistres évoquées précédemment.

 

Une histoire comme celle de milliers d’autres

 

Le soleil couchant embrasait le ciel d’une teinte rouge flamboyant, tandis que le village de Mabanda s’enveloppait dans un voile de silence. Mais dans la petite maison de Fotso, la tension était palpable. Le jeune homme, âgé de 25 ans, serrait dans sa main un résultat de test sanguin, ses yeux trahissant une peur immense. Le verdict était sans appel : séropositif.

 

Fotso n’était pas seul. Le fléau du VIH/SIDA ravageait le village, frappant indistinctement hommes et femmes. Mais pour les hommes comme Fotso, qui aimaient les hommes, la situation était encore plus complexe. Le poids de la tradition et l’homophobie omniprésente les condamnaient au silence et à la honte, les privant d’accès aux soins et à la prévention.

 

Le destin de Fotso croisa celui d’Iba, un homme d’une trentaine d’années, marqué par la vie et le regard empreint de tristesse. Lui aussi était porteur du virus, et vivait dans le secret le plus total. Sa famille le rejetait, le traitant de « pédé », de « depso », de « mauvais esprit » et bien d’autres mots stigmatisants et blessants. La peur du rejet l’avait conduit à se cacher, à se couper du monde, et à se laisser consumer par la maladie.

 

Fotso et Iba se lièrent d’amour, partageant la douleur et l’isolement que leur imposait la société. Cependant, leur romance interdite était étouffée par la peur de la stigmatisation liée à leur orientation sexuelle. L’homophobie, insidieuse et cruelle, les forçait à mener une vie cachée, éloignée des regards jugés désapprobateurs. Ils formaient avec plusieurs autres hommes une communauté invisible, retranchée dans l’ombre, loin des regards et des jugements.

 

En raison de l’hostilité sociale, de la stigmatisation et de la discrimination envers les personnes LGBTQI+, celles-ci sont souvent marginalisées et exclues des services de santé. Cette exclusion a un impact significatif sur la prévalence du VIH dans ces communautés, car elles ont un accès limité à l’information, aux ressources de prévention, aux tests de dépistage, aux traitements et aux soins de soutien. En outre, les lois criminalisant l’homosexualité dans de nombreux pays africains contribuent à perpétuer cette exclusion. Ces lois restreignent la capacité des individus LGBTQI+ à accéder aux services de santé, les exposant à un risque accru de contracter le VIH sans accès adéquat aux mesures de prévention, de dépistage et de traitement. Bref, la réalité brutale était que ces individus étaient plus susceptibles d’éviter les centres de santé par crainte d’une double peine : la séropositivité et l’homophobie.

 

Les lois discriminatoires et les regards réprobateurs rendaient difficile toute discussion sur la prévention du VIH/SIDA spécifiquement pour la population LGBTQI+. Le silence imposé aux hommes homosexuels les rendait vulnérables au virus, les privant d’informations vitales et de l’accès aux services de santé.

 

Le VIH/SIDA, un spectre omniprésent dans leurs vies, se propageait dans l’ombre. Les programmes de prévention, censés toucher toutes les communautés, étaient souvent aveugles à la réalité des couples comme Fotso et Iba. L’injustice résidait dans le fait que la maladie ignorait les préjugés et se répandait sans distinction, touchant aussi bien les amants clandestins que les couples hétérosexuels.

 

Malgré les risques, Fotso et Iba tentaient de naviguer à travers les ruelles sinueuses de leur amour interdit. Ils avaient entendu parler des efforts du Fonds mondial et d’autres organisations pour éradiquer le VIH/SIDA en Afrique, mais ils se sentaient invisibles, marginalisés par une société qui refusait d’accepter leur existence. Qu’en est-il de ces hommes homosexuels qui contractent des mariages avec des femmes, engendrant un ou deux enfants pour satisfaire leur famille et se conformer à la tradition ? Cela finit toujours par déclencher des drames qui auraient pu être évités si les relations homosexuelles étaient acceptées sans jugement.

 

Dans les moments d’intimité volée, Iba murmurait à Fotso que l’amour était leur force. Mais les statistiques impitoyables ne se souciaient pas de la tendresse partagée dans l’ombre. Les taux de prévalence du VIH chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes en Afrique demeuraient élevés, reflétant l’urgence d’une réponse inclusive.

 

Le combat de Fotso et Iba n’était pas simplement contre une maladie mortelle, mais aussi contre un système profondément enraciné dans l’intolérance. Leur histoire, comme tant d’autres, illustrait la nécessité permanente de transformer les programmes de lutte contre le VIH/SIDA en Afrique pour inclure toutes les voix, sans distinction d’orientation sexuelle.

 

Le soleil couchant à Mabanda témoignait des promesses brisées et des destins fragiles. Alors que Fotso et Iba se tenaient main dans la main, regardant l’horizon, ils savaient que leur amour avait le pouvoir de transcender les barrières, mais la réalité du VIH/SIDA persistait comme une menace implacable.

 

Le combat contre le VIH/SIDA en Afrique ne pouvait pas être remporté tant que l’homophobie continuait de marginaliser et de priver certaines communautés de l’accès aux soins et à la prévention. Fotso et Iba incarnaient l’espoir d’un changement, d’un jour où l’amour serait plus fort que la peur, et où la lutte contre le VIH/SIDA serait une bataille réellement inclusive. Il est impératif de lutter contre la double stigmatisation subie par les populations clés en raison de leur orientation sexuelle et de leur statut sérologique. Cela passe par des actions concertées pour éliminer les préjugés au sein du secteur de la santé et de la société dans son ensemble, créant ainsi les conditions nécessaires pour une lutte efficace contre le VIH/SIDA en Afrique.

 

L’histoire de Fotso et d’Iba est un récit fictif, mais elle reflète une réalité bien concrète : l’homophobie et la séropositivité constituent une double peine pour de milliers de personnes en Afrique. Il est plus que temps que les choses changent résolument.

 

*Article mis à jour le 29 février 2024 à 8h26 (heure de Nairobi)

 

 

 

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