L’EXPÉRIENCE DES PAYS DANS LA MISE EN ŒUVRE DES ACTIVITÉS SOUTENUES PAR LE DISPOSITIF DE RIPOSTE À LA COVID-19 DU FONDS MONDIAL APPORTE DES ENSEIGNEMENTS UTILES
Author:
Ann Ithibu et Samuel Muniu
Article Type:Article Number: 1
Leçons utiles tandis que les pays entament la mise en œuvre de la phase 2 du C19RM
RÉSUMÉ Une analyse récente réalisée par Aidspan a mis au jour des problèmes rencontrés par les pays lorsqu’ils sollicitent et dépensent des fonds au travers du dispositif de riposte à la COVID-19 (C19RM) du Fonds mondial. Les pays devraient s’appuyer sur leur expérience de mise en œuvre des activités de la phase 1 pour mieux se préparer à la mise en œuvre des subventions au cours de la phase 2 du C19RM, qui a débuté en avril 2021.
Une analyse récente réalisée par Aidspan a mis au jour des problèmes rencontrés par les pays lorsqu’ils sollicitent et dépensent des fonds au travers du dispositif de riposte à la COVID-19 (C19RM) du Fonds mondial. Les pays ont dû se contenter d’orientations et d’informations nationales et internationales limitées pour éclairer leur riposte, en particulier au début de la pandémie. Ils ont également rencontré des difficultés dans le cadre du processus d’achat, en raison des perturbations de la chaîne d’approvisionnement à l’échelle mondiale, des longs délais d’approvisionnement, des prix élevés des produits contre la COVID-19 ou encore de la disponibilité limitée de produits de qualité garantie, notamment au niveau des pays. Les pays ont aussi eu du mal à dépenser l’intégralité des fonds, en partie en raison des difficultés susmentionnées mais également du fait d’autres problèmes liés à une riposte multisectorielle qui dépasse le seul Fonds mondial. Les pays devraient tirer parti de ces expérience pour mieux se préparer pour la deuxième phase du C19RM, qui a débuté en avril 2021.
En avril 2020, le Fonds mondial a créé le C19RM dans le but de fournir un soutien direct additionnel de 500 millions de dollars pour venir en aide aux pays mettant en œuvre des subventions du Fonds mondial, d’une part pour des mesures visant à lutter contre la pandémie et, d’autre part, pour garantir la continuité de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. En décembre 2020, grâce aux promesses additionnelles en faveur du C19RM, le Fonds mondial avait pu distribuer un total de 759 millions de dollars à plus de 90 pays (dans cet article, nous nous référons à cette période comme la phase 1 du C19RM ou le C19RM 2020). En avril 2021, le Conseil d’administration du Fonds mondial a prorogé la durée du C19RM jusqu’au 31 décembre 2023, ayant reçu un montant supplémentaire de 3,5 milliards de dollars à l’appui de la riposte à la COVID-19 (période désignée dans cet article comme la phase 2 du C19RM ou C19RM 2021). En juin 2021, le Secrétariat du Fonds mondial avait accordé ou recommandé pour approbation par le Conseil d’administration 20 % (666 millions de dollars) du financement disponible au titre du C19RM, dont 483 millions de dollars octroyés à 34 pays et une subvention multipays par l’intermédiaire du dispositif accéléré.
Afin d’assurer une mise en œuvre efficace au cours de la deuxième phase, les pays devraient s’appuyer sur leur expérience et les leçons tirées lors de la réalisation des activités soutenues par le C19RM en 2020. Toutefois, les informations disponibles concernant ces expériences sont limitées, raison pour laquelle Aidspan s’est attaché à les documenter.
L’information présentée dans cet article provient de l’examen de documents et d’entretiens menés en mai avec des informateurs clés, notamment des instances de coordination nationale et des récipiendaires principaux étatiques et non étatiques de plusieurs pays bénéficiaires de subventions du Fonds mondial. Cet article, le premier d’une série, met en évidence les thèmes communs soulevés lors des entretiens et de l’examen des documents. Les autres articles de la série présenteront les expériences des pays lors de la présentation de leur demande de financement C19RM, les difficultés rencontrées et les leçons tirées.
Les thèmes communs qui se dégagent sont abordés ci-après.
Il est nécessaire de mettre à jour les plans et stratégies de riposte à la COVID-19 pour garantir le succès de la mise en œuvre dans le cadre du C19RM
Au début de la pandémie, la plupart des pays n’avaient pas encore élaboré de plan stratégique national de préparation et de riposte, de stratégie de dépistage ou d’autres stratégies destinées à guider leur riposte. De ce fait, ils ont pour la plupart rencontré des difficultés lors de la préparation de leur demande de financement, de l’achat de produits et de la mis en œuvre de certaines activités dans le pays en 2020. Par ailleurs, les pays se sont heurtés à des difficultés lors de la définition des rôles et responsabilités des différents acteurs intervenant dans la riposte nationale à la COVID-19.
Même lorsque les plans et stratégies nécessaires étaient en place, certains, dont ceux liés aux achats ou au dépistage, devenaient obsolètes à mesure que de nouvelles informations et orientations sur la riposte à la COVID-19 faisaient surface au niveau international. Par exemple, les stratégies de dépistage ont changé en 2020 avec l’apparition des tests antigéniques de diagnostic rapide. De plus, la plupart des pays n’avaient pas de plans opérationnels en place ni de stratégie en ce qui concerne l’oxygénothérapie.
Durant cette nouvelle phase, les pays devraient s’assurer que les plans et stratégies nécessaires sont en place et mis à jour. En effet, pour cette phase, le Fonds mondial exige, au moment de la présentation de la demande de financement, une copie du plan stratégique de préparation et de riposte du pays pour la COVID-19, en particulier pour 2021. Certains pays ont reporté la soumission de leur demande de financement complète pour 2021 car ils sont en train de mettre à jour ou d’élaborer leurs plans de riposte.
La flexibilité et la rapidité sont essentielles à l’efficacité d’achat des produits de lutte contre la COVID-19
En 2020, les pays ont affecté plus de la moitié du financement au titre du C19RM 2020 – 458 millions de dollars, soit 60 % – à l’achat de diagnostics et de matériel liés à la COVID-19. Ils avaient la possibilité d’effectuer leurs achats par l’intermédiaire de wambo.org (la plateforme d’achat en ligne du Fonds mondial) ou d’autres filières d’achat, notamment locales.
wambo.org ou autres filières d’achat
Dans la plupart des cas, le Fonds mondial insistait pour que les pays achètent les produits COVID-19 financés par lui au travers de wambo.org. De nombreux pays étaient favorables à la décision d’utiliser wambo.org dans la mesure où cette plateforme leur permettait de se procurer des produits difficiles à obtenir sur le marché mondial, où elle offrait une procédure d’achat simple, était fiable et permettait d’obtenir des produits de qualité garantie. Il était ressorti d’une analyse réalisée en 2020 par l’OFM que la plateforme améliore par ailleurs la transparence, la compétitivité des prix, et la visibilité des achats d’équipements de protection individuelle (EPI) et de tests de dépistage de la COVID-19.
Cependant, certains pays ont signalé de longs délais d’approvisionnement et des commandes annulées pour certains produits, parfois à un stade avancé, ainsi que des prix élevés de produits achetés sur wambo.org. Un pays qui a comparé les prix des différentes filières d’achat a constaté que les achats par l’intermédiaire de wambo.org sont 50 % plus chers pour certains des produits, lorsque l’on tient compte du coût du produit et du transport et des commissions de l’agent d’achat de wambo.org. En outre, il était attendu des maîtres d’œuvre qu’ils assument la responsabilité des problèmes administratifs et réglementaires, notamment de l’obtention d’une exonération fiscale, pour les produits achetés par l’intermédiaire de la plateforme.
Certains pays préféraient utiliser leurs mécanismes nationaux, au moins pour l’achat d’une partie des produits nécessaires, notamment les masques chirurgicaux et les désinfectants, auprès de fournisseurs locaux ou d’autres fournisseurs internationaux. De fait, pour la nouvelle phase, le Fonds mondial a recommandé que certains produits, tels que les désinfectants, soient achetés localement.
Les pays ont indiqué bénéficier de prix inférieurs et de délais plus courts lorsqu’ils achetaient localement. Toutefois, certains pays avaient du mal à trouver des produits répondant aux normes et exigences de qualité des autorités réglementaires locales et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Dans certains cas, les maîtres d’œuvre devaient lancer plusieurs appels d’offres pour trouver des fournisseurs proposant des produits répondant aux normes requises. Dans les pays où des organismes publics d’achat étaient responsables des achats, ils étaient parfois dépassés par l’ampleur des commandes, en particulier au début de la riposte à la COVID-19.
Dans la phase actuelle, les pays doivent soupeser soigneusement les délais attendus, la disponibilité de produits de qualité garantie, les prix et le choix de la plateforme à utiliser.
Exonération fiscale
Le Fonds mondial exige une exonération fiscale obligatoire pour les produits de santé achetés avec ses financements. Comme l’a expliqué un pays, les exonérations fiscales relatives aux produits de santé achetés avec le soutien du Fonds mondial sont convenues au début des subventions. Les produits de lutte contre la COVID-19 ne faisaient donc pas partie de la liste négociée de produits exempts d’impôt. Certains pays se sont heurtés à des obstacles dans l’obtention de l’exonération fiscale requise pour des produits contre la COVID-19, qui ont entraîné des retards de livraison. Toutefois, certains produits ont pu contourner ces obstacles en tirant profit de la déclaration d’urgence émise par l’exécutif en vue de faciliter l’autorisation d’achat d’urgence de produits de lutte contre la COVID-19.
Lorsque cela posait problème, les pays ont inclus les produits contre la COVID-19 concernés dans la liste de produits exempts d’impôt dans le cadre des nouvelles subventions du Fonds mondial entrées en vigueur en 2021. Si de nouveaux produits contre la COVID-19 deviennent disponibles sur le marché, les pays devront s’attacher sans délai à obtenir les exonérations fiscales requises.
Une part significative des fonds restera inutilisée d’ici fin juin
L’absorption des crédits du Fonds mondial pose des problèmes depuis longtemps, bien que la situation se soit améliorée au cours des dernières années. Malgré les énormes déficits de financement de la riposte à la COVID-19, certains pays ont indiqué avoir dépensé moins de la moitié de leur financement au titre du C19RM en mai 2021, à quelques semaines à peine de la date initiale de fin de leur subvention. Un maître d’œuvre a déclaré n’avoir dépensé que 35 % de ses crédits, quoiqu’il attendait de nombreuses livraisons en juin 2021, livraisons qui feraient augmenter sensiblement ce pourcentage. Aucun pays ne prévoyait d’absorber totalement les fonds d’ici la fin du mois de juin. Quelques pays étaient néanmoins en bonne voie, ou presque, pour dépenser leurs crédits au titre du C19RM 2020. Globalement, on ne sait toujours pas précisément combien les pays ont dépensé. Le Secrétariat du Fonds mondial publiera des informations sur l’absorption dans le courant du dernier trimestre 2021.
Les raisons de la faible absorption des crédits varient d’un pays à l’autre. Parmi les principales figurent une baisse des prix des produits contre la COVID-19, des retards dans les procédures d’achat, l’approvisionnement limité en produits contre la COVID-19 au début de la pandémie et l’absence de définition claire des rôles et responsabilités dans la mise en œuvre des plans de riposte à la COVID-19. Le Secrétariat du Fonds mondial a en effet constaté une baisse significative des prix des EPI depuis le troisième trimestre 2020. Les prix des masques à usage médical et N95, par exemple, ont chuté de 90 %.
Contrairement aux subventions consacrées au VIH, à la tuberculose et au paludisme, dont les crédits ne peuvent pas être reportés d’un cycle de subvention au suivant, le Fonds mondial a intégré les fonds non dépensés du C19RM 2020 à ceux du C19RM 2021. Cela signifie que les pays pourront utiliser ces fonds jusqu’en décembre 2023.
Justification de l’utilisation des fonds
La plupart des pays ont maintenu les mêmes modalités de mise en œuvre que celles des subventions contre les trois maladies, conformément aux recommandations du Fonds mondial. De même, les maîtres d’œuvre ont maintenu le même niveau de justification de l’utilisation des fonds, notamment au moyen des rapports mensuels ou trimestriels présentés à l’instance de coordination nationale et des rapport sur les résultats actuels soumis au Fonds mondial. Le Fonds mondial a demandé à ses agents locaux dans certains pays de surveiller les procédures d’appels d’offres.
Les maîtres d’œuvre devaient en outre rendre compte à d’autres structures nationales, par exemple l’instance chargée de la riposte à la COVID-19, en dehors du cadre du Fonds mondial, ce qui ajoutait un niveau de responsabilité supplémentaire. Dans la plupart des pays, les médias suivaient de près la riposte à la COVID-19, mettant en évidence les cas présumés de détournement des fonds [SY1] affectés à la lutte contre la COVID-19 dans leur pays.
De nouveaux acteurs ont commencé à intervenir dans la mise en œuvre, en particulier en ce qui concerne les récipiendaires principaux étatiques, acteurs dont les connaissances des procédures du Fonds mondial étaient limitées. Par exemple, d’autres départements au sein du ministère de la santé qui n’interviennent habituellement pas dans les subventions du Fonds mondial ont assumé un rôle crucial dans le cadre de la riposte à la COVID-19. Les maîtres d’œuvre ont dû les former aux procédures du Fonds mondial afin de garantir qu’ils respectent les exigences organisationnelles.
Les pays saluent l’appui des équipes de pays
Tous les pays ont déclaré que leur équipe de pays au Fonds mondial les avait appuyés tout au long du processus de demande de financement et de mise en œuvre dans le cadre du C19RM. Concernant l’appui reçu du Fonds mondial, ils ont notamment dit avoir bénéficié d’un « soutien excellent », « qu’ils avaient fait tout ce qui était humainement possible », que « les conseils étaient suffisants », et qu’ils « avaient fait tout ce qu’ils pouvaient compte tenu des circonstances ». Les pays étaient en contact régulier avec leur équipe de pays au Fonds mondial, dans un premier temps toutes les semaines puis toutes les deux semaines à mesure que la situation se stabilisait, ce qui permettait de discuter rapidement des difficultés, des goulots d’étranglement et des solutions possibles.
Néanmoins, les pays ont recommandé que les équipes de pays facilitent la réallocation rapide de fonds afin de permettre une absorption optimale, en réagissant sans délai aux demandes de réaffectation et en se montrant flexibles concernant l’utilisation des fonds. Les priorités changent constamment depuis le début de la pandémie, et il se peut qu’elles continuent de changer.
Perspectives d’avenir
Le financement disponible en 2021 a plus que quadruplé par rapport à 2020. Qui dit financement accru dit davantage de possibilités d’atténuer l’impact de la COVID-19 sur les programmes de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et une riposte à la COVID-19 plus solide dans les pays où le Fonds mondial investit. Toutefois, les pays devront exploiter les connaissances, les structures et les procédures obtenues en 2020 pour assurer une mise en œuvre plus efficace des programmes au cours de la nouvelle phase. Le Fonds mondial a déjà apporté plusieurs améliorations au dispositif C19RM sur la base des possibilités d’amélioration identifiées par le Conseil d’administration, le Bureau de l’Inspecteur général et le Secrétariat. De même, le Fonds mondial devrait passer en revue les commentaires offerts par les pays et les données probantes sur ce qui s’avère efficace pour identifier les occasions d’amélioration au niveau de la mise en œuvre.
Notre second article de cette série, intitulé Soutien technique innovant pour renforcer les propositions d’atténuation de l’impact de la COVID-19 présentées au Fonds mondial par les pays, décrit l’assistance technique fournie par l’ONUSIDA à l’appui des efforts des pays en vue d’atténuer l’impact de la COVID-19 sur les programmes de lutte contre le VIH, ainsi que l’assistance virtuelle offerte par les examinateurs pairs dans le cadre de la préparation des propositions C19RM des pays.