LES PAYS AFRICAINS SONT-ILS PRÊTS POUR L’APPEL DU FONDS MONDIAL À AUGMENTER LES FINANCEMENTS NATIONAUX POUR METTRE FIN AU VIH, À LA TUBERCULOSE ET AU PALUDISME À L’OCCASION DE LA SIXIÈME RECONSTITUTION DES RESSOURCES ?
Author:
Ida Hakizinka
Article Type:Article Number: 2
Le financement de la santé est en concurrence avec le financement d’autres besoins sociaux élémentaires comme l’éducation et la nutrition
RÉSUMÉ À chaque reconstitution des ressources, l’appel à augmenter les financements nationaux se fait plus pressant, explique la Directrice exécutive d’Aidspan, Ida Hakizinka, dans cet article de commentaire. Le Fonds mondial a fixé une cible de 14 milliards de dollars pour son prochain cycle triennal de financement. Il prévoit en outre une contribution de 46 milliards de dollars en ressources nationales, ce qui représente une augmentation de 48 pour cent par rapport au cycle actuel. Si nous reconnaissons que les financements nationaux ont augmenté ces dernières années, affirme Mme Hakizinka, il reste néanmoins que les fonds disponibles ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins exposés dans les plans stratégiques des pays. Elle ajoute que les prochaines réunions d’Addis-Abeba et New Delhi ont le potentiel d’influencer l’évolution des financements nationaux.
Cette année (2019) est une année de reconstitution des ressources du Fonds mondial. À chaque reconstitution des ressources, l’appel à augmenter les financements nationaux se fait plus pressant. Les pays africains sont-ils prêts ?
Cette fois, le Secrétariat du Fonds mondial a fixé une cible de 14 milliards de dollars pour son prochain cycle triennal de financement (2020/2022). Cela représente 1,8 milliard de dollars de plus que pour son dernier cycle de reconstitution des ressources, où le Fonds mondial avait mobilisé 12,2 milliards de dollars. Selon les attentes, les ressources globales investies dans la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme et dans le renforcement des systèmes de santé devraient continuer à augmenter, et les besoins totaux en ressources devraient atteindre un pic en 2020 avant de commencer à reculer.
Le Fonds mondial prévoit que les ressources nationales contribueront 46 milliards de dollars pour la période de mise en œuvre 2021/2013, soit une hausse de 48 pour cent par rapport à la période actuelle. Accroître les ressources nationales pour la santé demeure un défi de taille pour les pays qui restent en proie à d’énormes déficits de financement, la santé étant en concurrence avec d’autres besoins sociaux élémentaires comme l’éducation et la nutrition. Le financement national des pays est confronté à un « triple défi » en matière de transition : remplacer les financements des donateurs, combler le déficit de ressources qui existerait même avec le financement des donateurs et améliorer les résultats au regard des objectifs de soins de santé universels. Un engagement et un leadership politiques fermes sont cruciaux pour continuer de faire progresser les financements nationaux.
Deux réunions auront lieu dans les prochaines semaines, qui ont le potentiel d’influencer l’évolution des financements nationaux. La première est la réunion préparatoire à la sixième reconstitution des ressources du Fonds mondial (2020/2022), organisée par le gouvernement indien à New Delhi les 7 et 8 février 2019. La réunion des dirigeants africains sur les investissements dans la santé a été fixée stratégiquement au lendemain de la première, le 9 février, un jour avant le sommet qui réunira les chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine à Addis-Abeba les 10 et 11 février. La réunion des dirigeants africains ambitionne d’obtenir de la part des chefs d’État, du secteur privé et des organisations participantes l’engagement d’augmenter le financement national, de renforcer les systèmes de santé et de parvenir à la couverture sanitaire universelle.
Le Tableau de bord 2018 de l’Afrique sur les financements nationaux pour la santé révèle que 36 des 55 États membres de l’Union africaine (65,5 %) ont augmenté le pourcentage de leur PIB investi dans la santé au cours de l’exercice précédent. Bien que les contributions nationales des pays à revenu faible et intermédiaire de la tranche inférieure à leur riposte au VIH, à la tuberculose et au paludisme aient représenté environ un tiers ou moins de leur financement pour la lutte contre ces maladies entre 2015 et 2017 (voir l’article du numéro 340 de la version anglaise de l’OFM), cela représente tout de même une amélioration car les pays doivent faire face à tellement de priorités concurrentes. Malgré ces investissements accrus dans la santé, seuls deux (3,6 pour cent) des 55 États membres de l’UA atteignent la cible de 5 pour cent au moins du budget national consacré à la santé et y consacrent plus de 86,30 dollars par habitant.
La réunion des dirigeants africains « Investir dans la santé » est donc bien placée pour appeler les partenariats à veiller à ce que des stratégies soient en place pour un financement diversifié, équilibré et pérenne de la santé, au travers de l’élaboration de plans et stratégies d’investissement stratégique dans la santé, notamment par le secteur privé. Il faudra pour cela travailler avec les partenaires en vue de créer des plateformes régionales pour aider les ministères concernés, notamment des finances et de la santé, à catalyser, capter et intensifier les innovations et les meilleures pratiques et réduire les lacunes.
Les chefs d’État qui ont adopté la stratégie africaine de la santé 2016/2030 ont demandé à leurs partenaires multilatéraux, bilatéraux et du secteur privé de soutenir ces plateformes et de s’en servir pour aligner leurs efforts sur ceux des États membres afin d’accroître les financements nationaux, notamment grâce à une fiscalité améliorée et à des efforts en matière d’assurance santé. Un catalyseur important qui reposera sur le partenariat concerne l’amélioration du suivi du financement de la santé par une mise en œuvre annuelle accrue des comptes nationaux de la santé et une plus grande diffusion. Les pays doivent en outre redoubler d’efforts pour promouvoir les systèmes nationaux d’assurance santé, notamment par une plus grande coordination avec les ressources du Fonds mondial, de Gavi et de la Banque africaine de développement et un meilleur accès à ces ressources.
Le Directeur exécutif du Fonds mondial, Peter Sands, a évoqué une fausse dichotomie entre l’élimination des épidémies et le renforcement des systèmes de santé, désormais célèbre. M. Sands plaide en faveur d’une approche pays par pays visant à réorienter les ressources des priorités spécifiques à chaque maladie vers le renforcement des systèmes de santé dans leur ensemble. Les investissements des pays doivent être appréciés, à l’heure même où l’on accélère l’appel à augmenter les financements nationaux. Après tout, en réalisant ces investissements dans leurs systèmes de santé, les pays cherchent à obtenir le meilleur rapport coût/efficacité, les meilleurs résultats et le maximum d’impact.
Et si nous reconnaissons que les financements nationaux ont augmenté ces dernières années, il reste néanmoins que les fonds disponibles ne sont pas suffisants pour répondre aux besoins exposés dans les plans stratégiques des pays. Les pays devront mobiliser et allouer davantage de fonds pour le secteur de la santé et la lutte contre les trois maladies. Ils peuvent mobiliser davantage de fonds en augmentant leurs recettes fiscales, la réaffectation budgétaire (de dépenses de faible priorité) et l’allégement de la dette (qui libère des ressources nationales supplémentaires qui peuvent ainsi être investies dans la santé). Toutes ces mesures dépendent de la volonté politique, d’où la nécessité d’intensifier le plaidoyer aux réunions qui se tiendront prochainement à New Delhi et Addis-Abeba.
Le financement national demeure une vision que nous devons appuyer.