LES INSTANCES DE COORDINATION NATIONALE DU FONDS MONDIAL SONT BONNES, MAIS POURRAIENT MIEUX FAIRE
Author:
Ida Hakizinka et Djesika Amendah
Article Type:Article Number: 2
Le potentiel des ICN pourrait ĆŖtre rĆ©alisĆ© en renforƧant le leadership, la reprĆ©sentation et lāintĆ©gration
RĆSUMĆ Les instances de coordination nationale du Fonds mondial ont Ć©tĆ© qualifiĆ©es de Ā« pierre angulaire de lāarchitecture du Fonds mondial Ā» dans les pays. GrĆ¢ce Ć leur larges reprĆ©sentation et mandat, elles peuvent contribuer Ć amĆ©liorer les rĆ©sultats des subventions. Dans ce commentaire conjoint de sa directrice exĆ©cutive et de sa spĆ©cialiste principale des politiques, Aidspan propose des pistes qui permettraient dāamĆ©liorer le fonctionnement et lāefficacitĆ© des instances de coordination nationale.
Le ComitĆ© de la stratĆ©gie du Fonds mondial prĆ©voit de discuter de lāĆ©volution des instances de coordination nationale la semaine prochaine. Ces discussions interviennent quelque trois ans aprĆØs la publication par le Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ral (BIG) dāunĀ audit (en 2016), et environĀ un an aprĆØs le lancement de lāinitiative dāĆ©volution des instances de coordination nationaleĀ (projet pilote du Fonds mondial dans 18Ā pays) et lāadoption dāune nouvelleĀ politique relative aux ICN et dāun nouveau code de conduite des ICN.
Lāaudit des instances de coordination nationale par le Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ralĀ avait dressĆ© une liste de problĆØmes, parmi lesquels leur intĆ©gration limitĆ©e dans les systĆØmes nationaux de certains pays, la faible structure de gouvernance et un systĆØme de suivi stratĆ©gique sous-optimal. Le Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ral a suggĆ©rĆ© de renforcer les capacitĆ©s des membres et de la direction des instances de coordination nationale.
Certains de ces problĆØmes sont rĆ©currents et avaient dĆ©jĆ Ć©tĆ© signalĆ©s par le passĆ©. Le SecrĆ©tariat a essayĆ© dāen rĆ©soudre plusieurs au travers de lāinitiative dāĆ©volution des instances de coordination nationale. Cette initiative a pour objectif dāamĆ©liorer les rĆ©sultats des ICN dans quatre domaines, Ć savoir leur fonctionnement, les liens avec les autres enceintes nationales, le suivi stratĆ©gique afin dāoptimiser les rĆ©sultats des subventions et la participation.
(Voir Ć©galement les articles antĆ©rieurs de lāOFM sur lāambition de lāinstance de coordination nationale de la Tanzanie de devenir un modĆØle de meilleures pratiquesĀ etĀ un atelier organisĆ© au Maroc Ć lāintention des consultants qui appuient lāĆ©volution des ICN.)
Il est important de continuer de mettre lāaccent sur les instances de coordination nationale. Ce commentaire prĆ©sente quelques idĆ©es en vue dāapprofondir la rĆ©flexion sur cette problĆ©matique cruciale.
- Ā Les instances de coordination nationale ont une large reprĆ©sentation et un rĆ“le significatif Ć jouer
Les instances de coordination nationale se composentĀ de reprĆ©sentants des pouvoirs publics, de la sociĆ©tĆ© civile, du secteur privĆ©, des personnes vivant avec les maladies ou touchĆ©es par celles-ci et dāorganismes multilatĆ©raux et bilatĆ©raux. Ć lāĆ©poque oĆ¹ le concept de lāinstance de coordination nationale est nĆ©, une telle reprĆ©sentation large Ć©tait innovante et particuliĆØrement importante dans le contexte des principes du Fonds mondial, notamment les principes du partenariat et de lāappropriation par les pays. Le rĆ“le des instances de coordination nationale, selon les directives approuvĆ©es par le Conseil dāadministration du Fonds mondial, consiste notamment Ć coordonner la mise au point et la soumission des demandes de financement du pays, Ć assurer le suivi stratĆ©gique de la mise en Åuvre des subventions, Ć approuver toute demande de reprogrammation et Ć assurer les liens et la cohĆ©rence entre les subventions du Fonds et les autres programmes nationaux de santĆ© et de dĆ©veloppement.
- Les instances de coordination nationale ont le potentiel dāĆŖtre de vĆ©ritables partenaires du Fonds mondial
LeĀ rapportĀ du Groupe indĆ©pendant de haut niveau chargĆ© dāexaminer les contrĆ“les fiduciaires et les mĆ©canismes de suivi du Fonds mondial, publiĆ© en 2011, qualifiait les instances de coordination nationale de Ā«Ā pierre angulaire de lāarchitecture du Fonds mondialĀ Ā» dans les pays. Ć ce titre, elles doivent ĆŖtre partenaires du SecrĆ©tariat du Fonds mondial dans le cadre du suivi stratĆ©gique des subventions et, le cas Ć©chĆ©ant, lorsque celui-ci recommande au rĆ©cipiendaire principal des mesures susceptibles dāamĆ©liorer les rĆ©sultats des subventions dans le pays. Un tel rĆ“le peut ĆŖtre efficace si les instances de coordination nationale ont rĆ©ellement une large reprĆ©sentation et disposent dāun secrĆ©tariat compĆ©tent.
Certains membres dāinstances de coordination nationale, sāexprimant sous le couvert de lāanonymat afin de pouvoir parler en toute franchise, se sont plaints dāĆŖtre maintenus Ć lāĆ©cart Ć la fois par le Fonds mondial et par les rĆ©cipiendaires principaux aprĆØs la soumission des demandes de financement et la cĆ©rĆ©monie de signature des subventions. (Les accords de subvention sont signĆ©s entre le Fonds mondial et les rĆ©cipiendaires principaux.) Selon eux, durant la mise en Åuvre des subventions, le Fonds mondial ne fait appel Ć eux quāen cas de problĆØmes, par exemple en prĆ©sence dāun rĆ©cipiendaire principal non performant, ou pour le suivi du respect des exigences de cofinancement. Bien que ces plaintes ciblent le SecrĆ©tariat du Fonds mondial et les rĆ©cipiendaires principaux, elles Ć©voquent Ć©galement des dĆ©ficiences dans le leadership et le fonctionnement des instances de coordination nationale.
- Une direction robuste est nƩcessaire pour obtenir de bons rƩsultats
Une direction robuste des instances de coordination nationale est vitale pour les rĆ©sultats et la pĆ©rennitĆ© des subventions du Fonds mondial. Cette direction robuste est une rĆ©alitĆ© ā pas toujours mais souvent ā lorsque le prĆ©sident de lāICN occupe une position de leadership reconnue au sein des pouvoirs publics, en particulier dans les pays oĆ¹ lāinstance de coordination nationale nāest pas intĆ©grĆ©e dans le systĆØme national de santĆ©. De cette maniĆØre, les prĆ©sidents dāinstance de coordination nationale peuvent exercer leur influence sur des questions vitales pour les subventions du Fonds mondial, telles que le respect des exigences de financement national et de cofinancement, lāobtention dāexonĆ©rations fiscales ou encore lāoctroi de privilĆØges et immunitĆ©s par les pouvoirs publics.
Ć lāinverse, lorsque la direction de lāinstance de coordination nationale nāest pas perƧue comme ayant de lāinfluence, lāinstance a plus de mal Ć mettre en Åuvre les dĆ©cisions. Ses dĆ©cisions et recommandations peuvent ĆŖtre ignorĆ©es sans crainte de rĆ©percussions, parce que la direction nāa pas lāinfluence (perƧue ou rĆ©elle) associĆ©e Ć une position dāautoritĆ© au sein du gouvernement.
LāidĆ©e dāune direction forte souvent investie dans des fonctionnaires publics va clairement Ć lāencontre des pratiques dans certains pays qui consistent Ć exclure les maĆ®tres dāÅuvre gouvernementaux des discussions importantes au sein de lāinstance de coordination nationale sur des aspects clĆ©s de la mise en Åuvre du fait de la politique relative aux conflits dāintĆ©rĆŖts. Bien que tous les membres de lāinstance de coordination nationale soient Ć©gaux (voir laĀ politique relative aux ICN) et quāil soit important quāils puissent tous dire ce quāils pensent, une telle comprĆ©hension de la notion de conflit dāintĆ©rĆŖts est ridiculeĀ : Le critĆØre relatif aux conflits dāintĆ©rĆŖts est conƧu pour empĆŖcher les cas de fraude et de corruption, comme lāĆ©nonce clairement laĀ politique du Fonds mondial relative Ć la lutte contre la fraude et la corruption. Il ne vise pas Ć exclure les rĆ©cipiendaires principaux Ć©tatiques des discussions les concernant et des dĆ©cisions quāils mettraient en Åuvre. Une telle exclusion risquerait de nuire Ć la mise en Åuvre des subventions.
- Les organisations de la sociƩtƩ civile sont des composantes cruciales des instances de coordination nationale
La prĆ©sence dāorganisations de la sociĆ©tĆ© civile est cruciale, non seulement pour la bonne conception et mise en Åuvre des subventions, mais Ć©galement pour obliger les acteurs gouvernementaux Ć rendre des comptes. Ce fait ne peut ĆŖtre sous-estimĆ©, Ć©tant donnĆ© que les rĆ©cipiendaires principaux Ć©tatiques gĆØrent environĀ 60Ā % de toutes les subventions du Fonds mondial.
- Les ICN doivent ĆŖtre financĆ©es, et reprĆ©sentĆ©es, de maniĆØre appropriĆ©e
Des instances de coordination nationale efficaces et fonctionnelles, ainsi que leur secrĆ©tariat, requiĆØrent du personnel compĆ©tent, en nombre suffisant, et les outils de travail nĆ©cessaires. Le Fonds mondial et ses partenaires doivent investir dans les ressources humaines et les autres outils des ICN et de leur secrĆ©tariat. En particulier, les fonctions de reprĆ©sentation et de suivi stratĆ©gique de lāinstance de coordination nationale doivent ĆŖtre renforcĆ©es par du personnel adĆ©quat compte tenu du contexte du pays et de la taille du portefeuille.
Les membres des instances de coordination nationale sont des bĆ©nĆ©voles qui reprĆ©sentent leur institution dāorigine, par exemple une organisation de la sociĆ©tĆ© civile, les pouvoirs publics ou un donateur. Leur travail officiel consiste Ć reprĆ©senter leur employeur/institution principal, pas lāinstance de coordination nationale ou le Fonds mondial dans dāautres enceintes. Par exemple, dans le cadre de rĆ©unions du secteur de la santĆ© dans certains pays, il est rare que les participants discutent des politiques stratĆ©giques du Fonds mondial et de leur alignement sur les politiques nationales, mĆŖme si de nombreux membres de lāinstance de coordination nationale sont prĆ©sents. Cette faiblesse de la reprĆ©sentation de lāinstance de coordination nationale pourrait ĆŖtre corrigĆ©e par la prĆ©sence dāemployĆ©s professionnels compĆ©tents du secrĆ©tariat de lāinstance.
- Les instances de coordination nationale devraient ĆŖtre pĆ©rennes, intĆ©grĆ©es dans le systĆØme national et reliĆ©es Ć dāautres institutions
Dans de nombreux pays, lāinstance de coordination nationale nāest pas intĆ©grĆ©e dans lāarchitecture du systĆØme national de santĆ©. Au lieu de cela, les instances de coordination nationale crĆ©Ć©es pour et par le Fonds mondial servent les desseins de celui-ci. Dans ce contexte, si la constatation de lāaudit des instances de coordination nationale de 2016Ā du Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ral selon laquelle dans neuf pays oĆ¹ le Fonds mondial a retirĆ© son soutien, lāinstance de coordination nationale a cessĆ© dāexister nāest pas surprenante, elle nāen est pas moins regrettable.
Une autre initiative de santĆ© mondiale,Ā Gavi, lāalliance du vaccin, a crĆ©Ć© une structure similaire Ć lāinstance de coordination nationale, appelĆ©e leĀ comitĆ© de coordination interagences (CCI), qui est un forum de coordination nationale au sein de chaque pays dotĆ© dāun leadership gouvernemental, et la plupart des donateurs bilatĆ©raux ont des comitĆ©s directeurs pour leurs propres programmes dans le pays. De nombreux reprĆ©sentants du gouvernement, dāorganisations de la sociĆ©tĆ© civile ou de donateurs au sein de lāinstance de coordination nationale siĆØgent Ć©galement dans le comitĆ© de coordination interagences ou un autre organe de coordination du mĆŖme type.
Au niveau national, il est important de crĆ©er une entitĆ© capable de remplir le rĆ“le combinĆ© de coordination et de suivi stratĆ©gique que lāinstance de coordination nationale du Fonds mondial, le comitĆ© de coordination interagences de Gavi et dāautres organes similaires crĆ©Ć©s par dāautres bailleurs de fonds remplissent sĆ©parĆ©ment pour leur donateur respectif. Fusionner ces organes pourrait crĆ©er des synergies, accroĆ®tre le sens dāappropriation par le pays et contribuer Ć renforcer les systĆØmes de santĆ© tandis que les pays se rapprochent de la couverture sanitaire universelle.
Certains pays, comme le Rwanda ou le Tchad, ont mis en place des structures uniques pour la gestion de toutes les subventions de donateurs, comme celles du Fonds mondial, de la Banque mondiale, de Gavi et dāautres donateurs bilatĆ©raux, afin dāaugmenter lāefficacitĆ© et dāĆ©viter les doubles emplois. Il nāest pas difficile dāimaginer que si la gestion des subventions des diffĆ©rents bailleurs de fonds peut ĆŖtre fusionnĆ©e avec succĆØs, leurs mĆ©canismes de coordination pourraient Ć©galement lāĆŖtre, et que ces mĆ©canismes pourraient devenir la pierre angulaire de lāarchitecture nationale de la santĆ©.
Ida Hakizinka est la directrice exĆ©cutive dāAidspan, et Djesika Amendah sa spĆ©cialiste principale des politiques.
RemarqueĀ : LāOFM publiera dāautres articles sur lāinitiative dāĆ©volution des instances de coordination dans des prochains numĆ©ros.