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Le Fonds mondial a besoin de reconstitution – pas uniquement de ressources financières mais également de connaissances!
OFM Edition 167

Le Fonds mondial a besoin de reconstitution – pas uniquement de ressources financières mais également de connaissances!

Author:

Madhuri Kamat

Article Type:
ANALYSE

Article Number: 3

Tandis que le Fonds mondial se prépare à relever des défis, nous examinons le rapport de la revue stratégique 2023, qui est une évaluation du travail accompli jusqu'à présent. Il ne s'agit pas de tout détailler, mais d'aborder certaines des questions clés qui sont apparues sur comment le Fonds mondial pourrait s'améliorer et dans quels domaines il pourrait le faire. Dans cette première partie de notre analyse du rapport, nous nous concentrons sur les partenariats, les orientations et les commentaires des parties prenantes sur ces sujets lors de la réunion du Conseil d'administration.

Rapport sur la revue stratégique 2023

 

Le Bureau en charge de l’évaluation et de l’apprentissage du Fonds mondial a confié à un consortium composé de Cambridge Economic Policy Associates (CEPA) (Royaume-Uni), BroadImpact (Nigéria) et Southern Hemisphere (Afrique du Sud), la réalisation de la revue stratégique 2023 (RS2023) du Fonds mondial, qui a été mené sous la supervision du Comité d’évaluation indépendante (CEI) du Fonds mondial. Les conclusions de la RS2023 concernent uniquement la période stratégique 2017-2022, qui a déjà fait l’objet d’un rapport du Fonds mondial publié par Aidspan. Dans le présent article, qui est le premier d’une série de deux articles publiés dans cette lettre d’information, nous avons choisi de nous concentrer sur les principaux domaines de partenariat et d’orientation, à la lumière de notre lecture du rapport de la RS2023, et de terminer par les commentaires des parties prenantes au cours de la réunion du Conseil d’administration. Les citations directes du rapport sont en italique et dans d’autres cas, une mention de l’emphase est ajoutée ou lorsque nous utilisons la citation, elle est indiquée comme telle.

 

Partenariats – L’expertise des partenaires techniques doit être davantage mise à profit

Qui sont les partenaires techniques du Fonds mondial?

 

Pour n’en citer que quelques-uns, Le PNUD, le FNUAP, ONU Femmes, l’UNICEF et l’OMS, ainsi que des partenariats spécifiques à certaines maladies (ONUSIDA, Partenariat Halte à la tuberculose et Partenariat Faire reculer le paludisme). Il existe également des collaborations avec les OSC et les réseaux de la société civile, notamment le Réseau international des personnes faisant usage de drogues (INPUD), le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH (GNP+) et Women4GlobalFund.

 

Le Fonds mondial est en mesure de négocier efficacement les relations organisationnelles, les capacités et le financement avec ses partenaires, mais le problème commence lorsque (a) le Secrétariat est perçu comme empiétant sur les domaines de ses partenaires techniques et (b) le Fonds mondial ne parvient pas à utiliser le plein potentiel de ses partenariats pour avancer réellement dans les domaines où il est bloqué. Examinons le premier point.

 

Quelles sont les nouvelles actions du Secrétariat qui ont suscité un malaise? Le Secrétariat a pris la responsabilité de pousser fortement les pays dans la direction qu’ils devraient prendre en ce qui concerne la priorisation des pays dans le cadre des subventions du Fonds mondial. La raison, comme le souligne la RS 2023, est évidente: dans un scénario où le cycle de subvention 7 n’a pas atteint le niveau de reconstitution attendu, le Secrétariat tente de sélectionner ce qui est perçu comme étant le paquet d’interventions approprié dans l’optique d’assurer une utilisation optimale des fonds limités qui produiront des résultats plus rapidement et d’offrir un moyen pragmatique et préventif de contourner les contraintes liées aux capacités des pays ou des partenaires qui pourraient potentiellement entraver l’obtention de l’impact souhaité. Mais le Secrétariat n’est pas le seul à penser ainsi. Dans une autre partie de la RS2023, il est fait mention des observations du Comité Technique d’évaluation des propositions 2020-2022 qui a déclaré que « de nombreux candidats incluent trop de modules et d’interventions dans le souci de couvrir tous les besoins décrits dans les PSN. Il en résulte un manque d’orientation stratégique, les investissements n’étant pas suffisamment priorisés pour inclure les interventions ayant le plus grand impact [accent mis sur ce point par l’auteur] dans le contexte spécifique du pays en vue d’assurer un bon rapport coût-efficacité et la pérennité des interventions”.

 

Que faut-il lire entre les lignes? Ce que le Fonds mondial aurait déclaré dans un autre contexte à propos de l’accélérateur d’outils de riposte à la COVID-19 (ACT-A), notamment: « Nous devons apporter cette rapidité, cette urgence et cette coordination accrue à notre travail dans son ensemble”. Mais tout le monde n’est pas à la hauteur de cette rapidité, (jeu de mots voulu) de la manière dont le Fonds mondial l’exige. Parmi ses partenaires, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’en est particulièrement offusquée plus que les autres partenaires, selon la RS2023.

 

Ecoutons à présent la réponse du Fonds mondial à cet empressement: la stratégie 2023-28 appelle tous les partenaires à “réduire les délais entre la production de preuves, l’approbation réglementaire et les directives de l’OMS”, et l’OMS et le Secrétariat à travailler en étroite collaboration pour explorer les moyens d’accélérer l’évaluation des innovations par le biais de la présélection ou du groupe d’experts. A ce niveau également, le besoin de rapidité se fait sentir.

 

La RS 2023 expose ce qui est à l’origine de cette interaction chaotique: L’expert technique est l’OMS. Le Secrétariat doit donc attendre qu’elle fasse ce qui doit être fait (tel qu’indiqué dans la citation ci-dessus) avant de pouvoir l’opérationnaliser. Mais la tension vient également du fait que les deux partenaires, le Fonds mondial et l’OMS, siègent mutuellement au sein de leurs conseils d’administration respectifs. Le problème réside donc davantage dans le fait que chacun d’entre eux est soumis à des contraintes budgétaires et tente de trouver un terrain d’entente, mais n’est pas d’accord sur ce qu’il convient de faire. Le Fonds mondial s’en sort-il mieux avec ses autres partenaires? En effet, avec certains d’entre eux.

 

Ses partenariats techniques avec le PEPFAR et L’Initiative, France (pour la réserve des donateurs bilatéraux) se déroulent sans heurts tant au niveau mondial qu’au niveau national, le premier bénéficiant en fait d’une amélioration significative, de même que le gouvernement américain dans l’ensemble.

 

Une évaluation externe réalisée en 2022 a loué le succès de l’accélérateur susmentionné pour la « coordination sans précédent entre les plus grandes agences de santé mondiales ». Il s’agit notamment des organisations suivantes: Unitaid, FIND, Wellcome Trust, Fondation Gates et Gavi. Forts de ce succès, le Fonds mondial et UNITAID ont pu s’accorder rapidement sur leur nouveau cadre de partenariat. Encore une fois, le mot rapidité intervient!

 

Ceci nous amène au deuxième problème signalé dans la RS2023 : Dans les domaines relatifs à l’égalité des sexes, où le Fonds mondial accuse un retard important, il n’a pas fait appel à l’expertise de ses partenaires. Le Fonds mondial collabore avec succès au renforcement des capacités et des réseaux au niveau national avec des militants des droits humains et de la santé des femmes, ainsi que des organisations dirigées par des femmes. Les OSC et les réseaux de la société civile avec lesquels il travaille dans ce domaine sont notamment le Réseau international des personnes faisant usage de drogues (INPUD), le Réseau mondial des personnes vivant avec le VIH (GNP+) et Women4GlobalFund. Cependant, les personnes de la société civile qui ont été interrogées ont indiqué que cette initiative pourrait être étendue au niveau mondial et qu’il conviendrait également de renforcer la priorisation des programmes liés à l’égalité des sexes au niveau national, où les organisations féminines de la société civile pourraient apporter leur soutien à ce type de plaidoyer. Il existe également un potentiel d’expansion des programmes liés au genre entrepris par le Fonds mondial par le biais d’une collaboration avec le programme “Safeguard Young People” du FNUAP et l’initiative Spotlight dirigée par une agence de l’ONU. Mais le Fonds mondial ne semble pas agir dans ce sens selon la RS2023, alors qu’il le pourrait. En outre, son action reste limitée aux adolescentes et jeunes femmes dans le cadre de la prévention du VIH, mais ne s’étend pas aux droits des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et reproductive.

 

La RS2023 a également relevé qu’il n’est pas possible, dans le domaine des systèmes de santé, par exemple, qu’une seule entité offre toute la gamme de soutien dans divers aspects tels que les chaînes d’approvisionnement, les données et les ressources humaines. La revue a recommandé au Fonds mondial de s’appuyer sur le pool d’assistance technique de Gavi dans le cadre du SSRP, qui comprend non seulement des agences des Nations unies, mais également des institutions de la société civile, du monde universitaire et du secteur privé. En outre, il dispose d’un flux de financement à la fois prévisible et dédié à la fourniture de l’assistance technique liée aux systèmes de santé et à la gestion de la santé.

 

La nouvelle stratégie 2023-2028 attire l’attention de ses partenaires techniques sur la nécessité de renforcer les orientations en ce qui concerne les normes et les priorités dans les domaines qui requièrent une attention renouvelée, tels que la prévention du VIH et le paludisme. Mais comment le Fonds mondial procède-t-il lorsqu’il doit, pour ainsi dire, jouer le rôle de guide?

 

Orientations – Le statu quo? Les différents groupes de parties prenantes, au niveau mondial et national, sont parvenus à un consensus, ce qui n’est pas une mince affaire, sur le fait que le modèle d’entreprise du Fonds mondial [acccent mis sur ce point par l’auteur], en termes de politiques, de processus et d’exigences, est devenu excessivement compliqué. C’est ainsi que les orientations sont devenues difficiles à appliquer. Une analyse du Secrétariat (que la RS2023 qualifie de confidentielle) a révélé que le cycle de subvention 6 (CS6) comptait 48 documents d’orientation, soit 1 748 pages! Et le Manuel de politique opérationnelle du CS6 = 400 pages! La société civile et les communautés peinent à comprendre comment réussir à se conformer aux exigences et aux processus du Fonds mondial. La RS2023 a également relevé le problème des différences de terminologie: par exemple, le terme «mal desservi» est utilisé pour désigner les populations prioritaires pour le paludisme, mais son utilisation n’est pas universelle. A titre illustrative, des parties prenantes au Kenya ont fait remarquer que l’utilisation du terme “population clé”, qui se comprend mieux dans le contexte du VIH, présente des difficultés dans la communication sur les obstacles liés aux droits humains dans le cas de la tuberculose et du paludisme.

 

En outre, s’il est admis que le Fonds mondial a l’obligation d’assumer ses responsabilités en matière d’intégrité financière, certains pays ont parfois le sentiment que les règles qu’il établit à cet effet peuvent en fait faire dérailler des programmes fonctionnels et en affecter l’impact. Des exemples spécifiques sont cités, tels que l’impossibilité pour les petites organisations de la société civile de demander un financement ou le fait que des populations clés soient exclues d’un programme lorsqu’une règle fiduciaire invoquée a conduit à une réduction dudit programme.

 

Pour tenter de comprendre la raison pour laquelle le Fonds mondial opte pour cette façon de faire, il suffit de considérer le fait qu’il opère à partir d’un modèle d’entreprise dans lequel l’accent est mis sur l’aspect relatif aux opérations, tel que la responsabilité fiduciaire. Ainsi, qu’il s’agisse du Bureau de l’Inspecteur général ou des auditeurs/évaluateurs internes/externes, la recommandation par défaut est invariablement de «définir», «clarifier», et la réponse par défaut du Fonds mondial est de «formaliser», «affiner», «vérifier», et ainsi de suite en ajoutant de plus en plus de directives sans explication claire des “mots magiques”.

 

Que se passera-t-il lorsque l’OMS, avec laquelle le Fonds mondial entretient une relation délicate, formulera des «orientations normatives» à l’intention du Fonds mondial? Les éléments essentiels des programmes ont été élaborés en 2022, sur la base des recommandations de partenaires techniques tels que l’OMS, dans le but de garantir le maintien des normes dans la prestation de services. Mais la RS2023 a révélé que les perceptions étaient mitigées à ce sujet, et que les contraintes liées aux capacités des pays affectaient le suivi de la conformité à ces normes. Cela signifie que le Secrétariat n’utilise pas son influence ici alors qu’il le peut, et qu’il est plutôt regardant sur la production ou l’absence d’impact.

 

Tel que décrit dans la RS2023, le Fonds mondial passe par les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (en particulier pour le programme de lutte contre le paludisme) plutôt que par le Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique (OMS AFRO), qui est perçu par le Fonds mondial comme ayant des contraintes en termes de capacités. Il est nécessaire d’examiner plus en profondeur si cette réitération concernant les capacités est plus une question liée à la rapidité ou quelque chose d’autre? Il convient de noter que la stratégie 2023-2028 du Fonds mondial mentionne que si la réduction de la mortalité due au VIH a enregistré des progrès notables, ces progrès sont plus limités en ce qui concerne la tuberculose et le paludisme, qui présentent tous deux des écarts importants par rapport aux objectifs ambitieux de l’OMS à l’échelle mondiale.

 

Dans la RS2023, les parties prenantes au niveau mondial ont fait observer que les pays sont initialement alignés sur une prise de décision fondée sur les données, mais que cette orientation tend à disparaître dans les dernières étapes de la demande de financement en raison de la politique et de la hiérarchie entre les différentes parties prenantes. Le même constat peut être fait en ce qui concerne le Fonds mondial et ses relations avec l’OMS. Il convient de noter que la collaboration avec l’OMS AFRO a mieux fonctionné avec le mécanisme de riposte à la Covid-19 selon la RS2023. Ce partenariat doit par conséquent être amélioré en gardant à l’esprit la mission du Fonds mondial, à savoir l’éradication des trois maladies. En outre, il est à noter que l’OMS a été le plus grand bénéficiaire institutionnel du financement de l’initiative stratégique au cours de la période 2017-2012, ce qui témoigne de l’importance de ce partenariat, que le Fonds mondial doit reconnaître et respecter.Tel que l’a indiqué un répondant cité dans la RS2023, «le Secrétariat du Fonds mondial s’engage maintenant avec les partenaires lorsqu’il en a besoin, plutôt que d’appliquer une approche des pays avec des responsabilités conjointes [du groupe de partenaires]. Le Fonds mondial tente de plus en plus de se positionner comme le partenaire clé des pays, ce qui peut créer des tensions et des points d’interrogation ». Ce phénomène est également perceptible dans d’autres groupements auxquels le Fonds mondial participe avec ses partenaires techniques. Par exemple, le Secrétariat participe désormais à l’Accélérateur du financement durable pour la santé SDG-GAP, qui aborde spécifiquement la question de la coordination avec d’autres partenaires multilatéraux, en particulier Gavi, la Banque mondiale (BM) et l’OMS. Toutefois, la RS2023 souligne que les avantages visibles ont été bien moindres, à la seule exception de l’accélérateur de financement durable pour la santé (SFHA), où le Fonds mondial a joué le rôle de co-dirigeant avec la Banque mondiale.

 

Réactions des parties prenantes à la 51e réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial

 

Il a été rappelé au Fonds mondial qu’il doit veiller à la conformité de son approche en matière de pérennité avec celle des autres institutions mondiales du secteur de la santé. Le Conseil d’administration doit également définir clairement ses priorités. Le modèle d’entreprise actuellement en vigueur doit être simplifié. L’accent a été mis sur l’engagement des parties prenantes externes dans la définition d’orientations opérationnelles visant à garantir le caractère inclusif et exhaustif des pratiques relatives à l’approvisionnement. La mise en œuvre des recommandations des parties prenantes mentionnées dans le rapport pourrait renforcer l’efficacité du Fonds mondial dans la réalisation de ses objectifs stratégiques visant à garantir des résultats dans le domaine de la santé à l’échelle mondiale. La collaboration entre tous les acteurs en vue d’aligner les activités du Fonds mondial sur les impératifs des défis sanitaires mondiaux sera déterminante pour cette mise en œuvre.

 

Conclusion

 

La SR2023 indique que les structures extérieures à la structure de gouvernance du Conseil d’administration fonctionnent très bien et impliquent les partenaires du Fonds mondial dans les plateformes de coordination de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme au niveau mondial, en tant que forum consultatif informel pour des conseils indépendants et la mobilisation visant à éliminer les goulots d’étranglement dans la mise en œuvre des programmes nationaux financés par le Fonds mondial. Il s’agit notamment de la salle de crise pour la tuberculose, du comité des partenaires de soutien nationaux/régionaux (CRSPC) du programme Faire reculer le paludisme et de la salle de crise pour le VIH en partenariat avec le PEPFAR.

 

Ce caractère informel a également bien fonctionné pour le Conseil d’administration lui-même. Le rapport d’évaluation de la gouvernance du Conseil mentionne : « Pendant la Covid, ce qui a vraiment fonctionné, ce sont les mises à jour très régulières du Secrétariat : consistant en un partage d’informations et pas nécessairement de décision à prendre. Ils ont beaucoup communiqué et les gens se sont sentis écoutés et ont pu interagir bien plus que lors des réunions du conseil d’administration et des comités » [accent mis sur ce point par l’auteur].

 

La RS2023 apprécie salue également la conception du financement catalytique par le Fonds mondial en partenariat avec Stop TB, ainsi que leur collaboration pour trouver les cas de tuberculose manquants. Les raisons invoquées sont la coordination entre les deux, mais également le fait que l’investissement catalytique a été conçu de manière réfléchie, en combinant les fonds de contrepartie qui ont permis aux pays de disposer de fonds supplémentaires pour la mise en œuvre (favorisant ainsi l’appropriation par les pays) avec l’assistance technique aux niveaux mondial et national, ainsi que le partage des meilleures pratiques et des leçons apprises.

 

C’est cette combinaison qui doit être reproduite dans les structures du Fonds mondial – Écouter, Apprendre, Mettre à profit les partenariats.

 

 

 

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