ENTRETIEN AVEC VIVIANA MANGIATERRA
Author:
Christelle Boulanger
Article Type:Article Number: 4
DonnĆ©es falsifiĆ©es et rĆ©trocommissions sur salaire figurent parmi les Ā« nouveaux domaines de risque de fraude Ā»
RĆSUMĆ Le rapport annuel 2018 du Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ral Ć lāintention du Conseil dāadministration du Fonds mondial comprend une section sur les mutations de la fraude dans le monde, que la Directrice des enquĆŖtes du BIG, Katie Hodson, a commentĆ© dans un blog sur le site du BIG. LāOFM s'est en outre entretenu avec Mme Hodson sur l'Ć©volution de la fraude que le BIG a constatĆ©e dans la mise en Åuvre des subventions du Fonds mondial. Cet article est le premier des deux articles prĆ©sentant le travail du BIG.
LeĀ site web Ā«Ā Jāen parle, maintenantĀ ! Ā»Ā (I Speak out NowĀ Ā»), le site web du Bureau de lāInspecteur gĆ©nĆ©ral offrant informations et ressources documentaires,Ā prĆ©sente de frĆ©quentesĀ mises Ć Ā jour sur toutes lesĀ questions liĆ©es auxĀ risquesĀ susceptibles dāintĆ©resser les partenaires de mise en Åuvre duĀ Fonds mondial, allant de Ā« Comment vous prĆ©munir contre la fraude aux frais de scolaritĆ©Ā Ā» Ć Ā«Ā Lutter contre le hameƧonnageĀ Ā», en passant par Ā«Ā DĆ©noncer les violations des droits humains Ā».
Dans unĀ rĆ©cent blog (en anglais),Ā Katie Hodson, la Directrice des enquĆŖtes du BIG, se concentre sur lesĀ Ā« mutations de la fraude dans le mondeĀ Ā»Ā constatĆ©es dansĀ les Ć©valuations menĆ©es par le BIG sur la mise enĀ Åuvre desĀ subventions du Fonds mondial.Ā La veille permanente de ce Ā« paysage Ā» fait partie du rĆ“le de madame Hodson afin de protĆ©ger les actifs et la rĆ©putation du Fonds mondial.
Ce qui sous-tend la thĆ©matique du blog de Hodson, et qui est Ć©galement exprimĆ© dans le rapport annuel 2018 du BIG, ce sont les donnĆ©es probantes et chiffrĆ©es qui montrent queĀ la nature des cas de fraude les plus frĆ©quents, commis dans le cadre de la mise en Åuvre des subventions duĀ Fonds mondial, a considĆ©rablement changĆ©, passant dāune fraude principalement liĆ©e aux achats Ć une fraude liĆ©e Ć la formation, Ć Ā la chaĆ®ne logistique et aux donnĆ©es des programmes.Ā Il y a cinq ans, la plupart des allĆ©gations de fraude reƧues par le BIG (11 cas en 2014-2015, soit 80%Ā du total des cas) Ć©taient liĆ©es aux achats.Ā De nos jours, il y en a beaucoup moins (2 cas en 2018, soit 20%).
Selon Hodson, le mĆ©canisme d’achats groupĆ©s du Fonds mondial est considĆ©rĆ© comme un facteur positif ayant contribuĆ© Ć la rĆ©duction des cas de fraude liĆ©s aux achats, mais en contrepartie, cela signifie Ć©galement que les fraudeurs invĆ©tĆ©rĆ©s recherchent dĆ©sormais des domaines soumis Ć des contrĆ“les moins stricts, comme par exemple certains Ć©lĆ©ments de la chaĆ®ne logistique nationale, tels que les entrepĆ“ts et les mĆ©canismes de distribution mis en place par les gouvernements.
Le blog de Hodson traite des diffĆ©rents types de fraude (fraude aux achats, Ć la formation, aux indemnitĆ©s journaliĆØres, dĆ©tournement de fonds, falsification de donnĆ©es) et met en lumiĆØre les Ā« nouveaux domaines de risque de fraude Ā», qui sont Ć©galement identifiĆ©s dans le rapport annuel 2018 du BIG, y compris la fraude aux donnĆ©es programmatiques (l’enquĆŖte du BIG de 2018 sur les donnĆ©es falsifiĆ©es en GuinĆ©e Ć©tait la premiĆØre de ce type) et les rĆ©trocommissions sur salaire (lire lāarticleĀ de lāOFM du 3 septembre 2018 ā en anglais)Ā .
Ć l’heure actuelle, lesĀ enquĆŖtesĀ duĀ BIG sur laĀ fraude seĀ rĆ©partissentĀ en quelques grandes catĆ©goriesĀ : 33% des enquĆŖtes concernent des cas de fraude Ć la formation, 20% des cas liĆ©s Ć la chaĆ®ne logistique, 7% concernent des cas de dĆ©tournement de fonds, 7% concernent des donnĆ©es manipulĆ©es, et 13% correspondent Ć dāautres combines tels que les rĆ©trocommissions sur salaires et les cas de fraude aux frais de scolaritĆ©.
Alerter le BIG ā les allĆ©gations de fraude
En 2018, le BIG a reƧu 208 allĆ©gations de fraudeĀ (seulement une de plus qu’en 2017), dont 107 Ć©manaient de Ā« lanceurs d’alerte Ā» et 35 provenaient directement du SecrĆ©tariat, ce que Hodson considĆØre gĆ©nĆ©ralement comme Ā« crĆ©dible Ā», car les pistes Ć©manant du SecrĆ©tariat proviennent souvent Ā«Ā des yeux et des oreilles de lāALF [agent local du Fonds] sur le terrainĀ Ā».Ā (Le BIG a ouvert des enquĆŖtes sur 64 de ces cas, soit 31%.)
Ā«Ā [Les ALF] sontĀ ceux qui ont accĆØs aux livres et aux registres Ā», dĆ©clare Hodson.Ā “Ce sont eux qui examinent les comptes. Les informations reƧues [par le BIG] venant du SecrĆ©tariat ont donc souvent dĆ©jĆ Ć©tĆ© vĆ©rifiĆ©es.”
Les lanceurs d’alerte restent cependant un maillon essentiel, affirme Hodson.Ā Ā« Nous encourageons toujours les gens Ć s’exprimer et Ć nous parler – mais lāalerte en temps rĆ©el est bien lāun des sujets qui māempĆŖchent de dormir Ā», dit-elle, signifiant par lĆ que parfois, les lanceurs dāalerte se manifestent bien longtemps aprĆØs les malversations.Ā āLorsque le SecrĆ©tariat entend parler de quelque chose, nous souhaitons qu’il nous le dise dĆØs que possible.Ā [Et] nous encourageons les lanceurs dāalerte Ć tirer le signal dāalarme lorsquāils voient quelque chose qui semble inhabituel. ”
De nouveaux types de fraude
Lors de son entretien avec lāOFM, Hodson sāest Ć©tendue sur le sujet des nouveaux types de fraude que le BIG constate de plus en plus de nos jours, notamment le problĆØme relativement nouveau des donnĆ©es falsifiĆ©es (comme dansĀ l’exemple de la GuinĆ©e en 2018) et des rĆ©trocommissions sur salaire, sujets sur lesquels le BIG a actuellement trois nouvelles enquĆŖtes enĀ cours.Ā Hodson a soulignĆ© queĀ le cas de laĀ GuinĆ©e avait provoquĆ© une perte financiĆØre relativement faible (les dĆ©penses non conformes sāĆ©lĆØvent Ć un total de $114 366), maisĀ que cela avait conduit le BIG Ć Ā adopter une approche de type Ā« vitre brisĆ©e Ā»Ā dans ses enquĆŖtes (oĆ¹ une infraction apparemment mineure peut signaler ou dĆ©clencher d’autres infractions plus graves).
Dans le cadre dāunĀ nouveauĀ cas de donnĆ©es falsifiĆ©es, qui fait actuellement lāobjet dāune enquĆŖte du BIG, Hodson aĀ dĆ©clarĆ© que laĀ fraude liĆ©e aux achats avait Ć©tĆ© identifiĆ©e en premier, et que cela avaitĀ conduit Ć une enquĆŖte plus approfondie.Ā Ā« Il est possible que lĆ oĆ¹, par le passĆ©, le BIG se serait peut-ĆŖtre arrĆŖtĆ©, nous nous sommes dit, vu quāils sont prĆŖts Ć frauder sur lesĀ dĆ©penses et lesĀ achats, quels autres services et activitĆ©s mis en Åuvre ont-ils pu falsifier ?Ā Nous avons donc Ć©galement tournĆ© notre attention vers cela.Ā Ā»
Une autreĀ mĆ©thode rĆ©cente pour frauder implique unĀ courriel de hameƧonnage.Ā Il s’agit d’un type d’attaque d’ingĆ©nierie sociale qui se produit lorsqu’un attaquant se fait passer pour une entitĆ© de confiance et persuade une victime d’ouvrir un courrier Ć©lectronique, puis de cliquer sur un lien malveillant.Ā Ce lien peut conduire Ć l’installation de logiciels malveillants, rĆ©vĆ©lant des informations sensiblesĀ ou desĀ donnĆ©es importantes,Ā que l’attaquant peut utiliser pour pĆ©nĆ©trer un systĆØme ou unĀ compte.Ā (Source:Ā www.imperva.com)Ā Il s’agit du premierĀ rapport signalant une attaque rĆ©ussie de hameƧonnage envers un bĆ©nĆ©ficiaire duĀ Fonds mondialĀ ayant entraĆ®nĆ©Ā uneĀ perte dāargent, a dĆ©clarĆ© M. Hodson. Le rapport d’enquĆŖte du BIG sera publiĆ© dĆØs que le BIG aura reƧu une rĆ©ponse du bĆ©nĆ©ficiaire Ć Ā la Ā« lettre de conclusion Ā»,Ā que le BIG a dĆ©jĆ envoyĆ©e.Ā HodsonĀ nāĆ©tait pas encore en mesure de rendre public le nom du pays ni les dĆ©tails, maisĀ les leƧons tirĆ©es de ce cas seront partagĆ©es avec les autres bĆ©nĆ©ficiaires afin de les sensibiliser davantage aux risques.
Ā«Ā Nous savons grĆ¢ce Ć nos collĆØgues travaillant dans diffĆ©rentes organisations [internationales] que ce n’est pas la premiĆØre fois que nos communautĆ©s de type ONG sont ciblĆ©esĀ Ā», a dĆ©clarĆ© Hodson.Ā Ā« IlĀ semble que ce soit une combineĀ assezĀ ciblĆ©eĀ qui a Ć©galement connu du succĆØs dans dāautres organisations.Ā Ā»Ā Le BIG dĆ©veloppe Ć prĆ©sent une ressource documentaire dans Ā«Ā Jāen parle, maintenantĀ !Ā Ā» (qui viendra sāajouter Ć sa collection de ressources et de documents dāE-apprentissage) pour informer les partenaires de mise en Åuvre duĀ Fonds mondialĀ sur laĀ faƧonĀ deĀ repĆ©rer les signaux dāalerte et de minimiser l’impact dāescroqueries similaires.
Ā« C’est trĆØs bien de dĆ©tecter ces combines Ā», a dĆ©clarĆ© Hodson Ć lāOFM, Ā« mais nous voulons aussi nous assurer que nous limitons le risque que cela ne se reproduise, en investissant nosĀ ressources dans des domaines qui peuvent rĆ©ellement aider le Fonds mondial Ć atteindre son objectif.Ā Ā»
Un prochain article de lāOFM portera sur les enquĆŖtes proactives du Bureau de l’Inspecteur gĆ©nĆ©ral,Ā ainsi queĀ sur les enquĆŖtes de supervision.