Subscribe To Our Newsletter
Abonnez-vous à notre bulletin
L’Agenda de Lusaka suscite des débats houleux au cours de la 51ème réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial
OFM Edition 167

L’Agenda de Lusaka suscite des débats houleux au cours de la 51ème réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial

Author:

Ida Hakizinka et Christian Djoko

Article Type:
NOUVELLES

Article Number: 6

Lors de la 51ème réunion du Conseil d'administration du Fonds mondial, un rapport mettant en évidence les points de convergence entre le Fonds mondial et l'Agenda de Lusaka, ainsi que les aspects nécessitant une analyse plus approfondie, a été présenté aux membres. Le présent article se veut le reflet des discussions et des conclusions auxquelles ce rapport a donné lieu.

Contexte :

 

L’Agenda de Lusaka a suscité un débat animé lors de la 51ème réunion du conseil d’administration du Fonds mondial, s’imposant comme un point d’intérêt majeur en raison des stratégies innovantes qu’il propose pour améliorer les initiatives mondiales dans le domaine de la santé. Lancé en décembre 2023, l’Agenda de Lusaka est présenté par ses auteurs comme une nouvelle feuille de route ambitieuse pour la santé mondiale. Ce document stratégique aspire à transformer l’architecture de la santé mondiale en la rendant plus efficace, équitable et durable (voir notre article sur le sujet). Le rôle potentiellement décisif du Fonds mondial dans la réalisation de cet Agenda revêt une importance capitale. En effet, nombre de ses objectifs sont étroitement alignés sur ceux de l’Agenda de Lusaka, ce qui crée une convergence stratégique importante pour les efforts en matière de santé mondiale. Les discussions qui ont eu lieu lors des réunions du comité stratégique et du comité d’éthique et de gouvernance en mars 2024 ont jeté les bases d’une exploration plus approfondie de cette interconnexion, ainsi que des défis qui y sont associés. Dans le présent article, nous présentons les points de convergence identifiés et les questions stratégiques soulevées au cours de ces discussions, offrant ainsi un éclairage très intéressant sur les questions débattues lors de la réunion du conseil d’administration le 23 avril 2024 à Genève.

 

Points de convergence

 

Selon le document présenté par le Secrétariat du Fonds mondial, il existe de nombreuses synergies entre l’Agenda de Lusaka et la stratégie du Fonds mondial pour la période 2023-2028. En effet, ces deux cadres partagent plusieurs objectifs communs, comme le montre la présentation synthétique et schématique ci-dessous (Figure 1) illustrant la convergence entre les cinq changements majeurs de l’Agenda de Lusaka et la stratégie du Fonds mondial.

 

Figure 1: Les cinq changements majeurs de l’Agenda de Lusaka sont intégrés dans la stratégie du Fonds Mondial.

 

Points à approfondir: Avis des comités.

 

Même si ces points de convergence ont été identifiés, le Comité stratégique (CS) et le Comité d’éthique et de gouvernance (CEG) soulignent la nécessité de poursuivre la réflexion et la discussion dans certains domaines.

 

Comité stratégique

 

Les membres du CS ont relevé l’importance de ne pas laisser le programme de collaboration supplanter la mission principale du Fonds mondial, à savoir l’élimination du VIH, de la tuberculose et du paludisme. Cette mise en garde souligne la nécessité de rester concentré sur les objectifs fondamentaux tout en poursuivant les efforts de collaboration.

 

Le CS a également exprimé sa préoccupation quant à l’absence de participation de la société civile et des communautés à l’élaboration de l’Agenda de Lusaka, tout en mettant en garde contre une réduction du recours aux instances de coordination nationale (ICN), qui constituent une plate-forme unique et importante pour ces groupes.

 

Une autre question abordée par le Comité stratégique concerne l’approche ascendante visant à encourager les pays à devenir des pionniers dans la mise en œuvre de l’Agenda de Lusaka. Les membres du comité ont souligné l’importance de cette approche pour assurer un engagement efficace et durable de la part des pays pionniers.

 

Le comité stratégique soutient la mise en place d’un groupe de travail conjoint, composé d’un nombre limité de membres du comité stratégique et/ou du conseil d’administration, ainsi que d’un nombre équivalent de représentants du secrétariat du Fonds mondial, de Gavi et du mécanisme de financement mondial (GFF). Il recommande également que la priorité soit accordée aux représentants de la société civile et des communautés au sein de ce groupe, et précise que ce groupe ne doit pas avoir de pouvoir de décision. Le Comité stratégique relève la nécessité pour les secrétariats du GFF et de Gavi d’examiner cette proposition avec leurs propres structures de gouvernance avant de la mettre en œuvre, en insistant sur l’importance de la coordination et de la collaboration entre les différentes entités impliquées.

 

Comité d’éthique et de gouvernance

 

Au cours de ces discussions, le CEG a reconnu d’emblée que le Fonds mondial opère au sein d’un écosystème de santé mondiale où des discussions et des initiatives externes sont fréquemment introduites. Le CEG a également exprimé sa préoccupation sur le fait que certains agendas externes sont présentés sans alignement sur les processus de gouvernance établis du Conseil d’administration et de ses comités, ce qui risque de détourner l’attention du secrétariat et des organes de gouvernance de la stratégie convenue. De ce fait, la nécessité de mettre en place un processus clair d’examen de ces agendas externes dans le cadre de la gouvernance du Fonds mondial a été soulignée. Surtout, la nécessité de maintenir un équilibre entre l’exploration de nouvelles idées et analyses et la concentration sur la stratégie préétablie a été rappelée.

 

En ce qui concerne les principes de gouvernance, le CEG a rappelé plusieurs éléments fondamentaux. Il a insisté sur le devoir de diligence envers l’organisation, en soulignant l’importance de l’engagement en faveur de la représentativité et de l’inclusion au sein du Conseil d’administration multipartite du Fonds mondial. En outre, le Comité a souligné l’importance de maintenir une orientation claire et une utilisation judicieuse du temps afin d’éviter d’être distrait par des agendas externes.

 

Enfin, pour ce qui est des exigences relatives au groupe de travail conjoint, le CEG a souligné l’importance de définir clairement son objectif, son positionnement au sein de la structure de gouvernance du Fonds mondial tout en préservant le pouvoir de contrôle et de décision du conseil d’administration et des comités, ainsi que la nécessité de définir des termes de référence clairs et des processus de sélection compatibles avec les principes de représentation inclusive du Fonds mondial.

 

Questions soumises à la discussion

 

Il a été demandé au conseil d’administration d’examiner divers aspects des récentes délibérations des comités en mars 2024, et de discuter de l’Agenda de Lusaka dans le contexte plus large de la stratégie globale du Fonds mondial. En effet, plusieurs questions et sources de tension requièrent une attention accrue de la part des instances de gouvernance.

 

Tout d’abord, la question de l’alignement sur les systèmes nationaux et de leur utilisation doit être examinée avec soin. Comment renforcer cet alignement tout en préservant l’engagement et le rôle essentiel de la société civile et des communautés ? Cette question soulève également des interrogations sur le fonctionnement des ICN et sur la manière dont elles peuvent être optimisées pour assurer une collaboration efficace entre les différents acteurs.

 

Deuxièmement, le renforcement des systèmes de santé et des soins de santé primaires revêt une importance cruciale, notamment dans le cadre de la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Ce besoin soulève plusieurs questions : comment maintenir et accroître les progrès accomplis dans la lutte contre ces maladies tout en renforçant les systèmes de santé et de soins de santé primaires? Comment réduire la charge de travail des pays en matière de production de rapports tout en veillant à l’adéquation de la qualité et de la quantité des rapports soumis au Conseil d’administration? Cette question met également en évidence la nécessité de trouver un équilibre entre la collecte de données et les exigences en matière de rapports, notamment à différents niveaux de financement.

 

Troisièmement, la pérennité de l’ensemble des initiatives mondiales pour la santé est une question majeure. Quel est le sens de la pérennité pour les différentes parties prenantes et quelles sont les stratégies et les leviers sur lesquels le Fonds mondial doit se concentrer pour assurer la viabilité? Cette question met en évidence des défis complexes liés à la pérennité des programmes de santé dans le temps et dans les différents contextes.

 

Enfin, l’évolution du Fonds mondial en tant que modèle construit pour le VIH, la tuberculose et le paludisme soulève des questions quant à sa capacité d’adaptation à d’autres menaces pour la santé publique. Quelle est son orientation en termes de représentation au sein du conseil d’administration et comment peut-il élargir son champ d’action tout en restant efficace dans sa principale mission ? Ce sont des questions cruciales pour garantir la pertinence et l’efficacité du Fonds mondial face à l’évolution des défis de la santé mondiale.

 

Trois questions clés ont été posées aux membres du conseil d’administration pour recueillir leurs avis:

Le Conseil d’administration a-t-il des réflexions supplémentaires à ajouter aux récentes délibérations du CS et du CEG?

Le Conseil d’administration partage-t-il l’avis selon lequel les éléments de l’Agenda de Lusaka doivent être discutés dans le contexte de la stratégie globale du Fonds mondial?

Le Conseil d’administration a-t-il des orientations supplémentaires à donner à ses comités pour leur permettre de déterminer si le Fonds mondial doit faire avancer des aspects plus spécifiques de l’Agenda de Lusaka et, le cas échéant, comment il doit procéder?

 

Commentaires des parties prenantes

 

Les réactions des parties prenantes à l’Agenda de Lusaka ont apporté des perspectives diverses, traduisant des avis divers et complexes de soutien, d’inquiétudes et de considérations stratégiques pour le Fonds mondial. Nous présentons ci-dessous des paragraphes clairs et détaillés résumant les réactions des parties prenantes, sans les nommer:

  1. Alignement stratégique et vigilance: Les parties prenantes ont souligné l’importance d’aligner l’Agenda de Lusaka sur les priorités existantes du Fonds mondial. Un thème commun s’est dégagé, celui de la vigilance concernant l’intégration d’Agendas externes, l’accent étant mis sur le maintien de l’orientation stratégique et la protection contre les agendas susceptibles de distraire le Fonds mondial. Les parties prenantes ont relevé la nécessité pour le Fonds mondial de poursuivre sa mission première de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, tout en examinant avec soin la question de l’intégration de nouvelles initiatives.
  1. Préoccupations concernant le processus et l’inclusion: Plusieurs voix se sont élevées pour exprimer leur préoccupation concernant le processus d’intégration de l’Agenda de Lusaka dans les discussions. La perception d’une approche descendante et le manque d’inclusion dans le processus de consultation ont suscité de la frustration. Les parties prenantes ont demandé des processus plus transparents et participatifs afin de garantir l’implication de toutes les parties concernées dans les discussions, en insistant particulièrement sur le rôle des acteurs non étatiques, y compris les organisations de la société civile (OSC) et les communautés locales, reconnaissant ainsi leur rôle essentiel dans les succès obtenus en matière de santé publique au cours des dernières décennies.
  1. Pérennité et appropriation par les pays: Les réactions ont mis en évidence le besoin crucial d’assurer la pérennité qui est essentielle car elle sous-tend les stratégies de soins primaires dans lesquelles des maladies comme le VIH, la tuberculose et le paludisme sont prises en charge, et des besoins sanitaires plus larges, notamment les maladies non transmissibles et la santé reproductive, sont traités au niveau des soins de santé primaires, ainsi qu’une plus grande appropriation par les pays. Les parties prenantes ont souligné l’importance du financement national et d’un engagement plus fort auprès des gouvernements nationaux pour garantir la viabilité des initiatives en matière de santé et leur adaptation aux contextes nationaux spécifiques. Un appel fort a été lancé au Fonds mondial pour qu’il aide les pays à accroître leurs capacités de financement de la santé, condition essentielle pour assurer la viabilité à long terme.
  1. Risque de sollicitation excessive des ressources: Des inquiétudes ont été exprimées au sujet de la portée ambitieuse de l’Agenda de Lusaka, qui pourrait entraîner une pression excessive sur les ressources du Fonds mondial. Les parties prenantes craignent que la concentration sur un trop grand nombre de nouvelles initiatives ne dilue les efforts déployés dans la lutte contre les trois principales maladies (le VIH, la tuberculose et le paludisme) et n’affecte la capacité du Fonds à atteindre ses principaux objectifs.
  1. Le rôle du Fonds mondial dans l’architecture de la santé mondiale: Les discussions ont également porté sur la manière dont l’Agenda de Lusaka pourrait être intégré dans l’architecture globale de la santé. Les parties prenantes ont souligné la nécessité pour le Fonds mondial de continuer à jouer un rôle important dans le domaine de la santé mondiale, tout en veillant à ce que ses actions soient bien coordonnées avec d’autres initiatives internationales en matière de santé et alignées sur les stratégies globales de santé mondiale.
  1. Accent sur la mise en œuvre pratique: Enfin, un consensus s’est dégagé sur la nécessité d’adopter des mesures pratiques et réalisables. Les parties prenantes ont exhorté le Fonds mondial à se concentrer sur des mises en œuvre concrètes qui s’alignent sur ses objectifs stratégiques. Les intervenants ont préconisé une approche équilibrée qui intègre les nouvelles idées de l’Agenda de Lusaka sans compromettre les efforts actuels de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme.

 

Certaines parties prenantes ont réaffirmé que l’Agenda de Lusaka ne demande pas directement un fonds commun en raison des exigences des donateurs en matière d’assurance; il préconise un meilleur alignement et une meilleure coordination des efforts dans le domaine de la santé. Ce point est considéré comme essentiel pour améliorer l’efficacité et éliminer les opérations redondantes, ce qui, à terme, permettra d’améliorer les résultats en matière de santé sur l’ensemble du continent.

 

En outre, plusieurs représentants et parties prenantes du Fonds mondial, de Gavi et du Mécanisme de financement mondial ont adressé une lettre aux présidents des conseils d’administration de ces organisations, en faisant spécifiquement référence au groupe de travail conjoint qui doit être constitué au sein de ces conseils d’administration dans le cadre du partenariat entre ces trois institutions mondiales de santé dans le contexte de l’Agenda de Lusaka. Les domaines couverts par cette lettre ont été intégrés dans l’article sur le partenariat entre le Fonds mondial, Gavi et le Mécanisme de financement mondial.

 

 

Leave a Reply

Your email address will not be published.

Aidspan

Categories*

Loading
Aidspan

Categories*

Loading