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La lutte contre la tuberculose dans les prisons de la République Démocratique du Congo  Entrevue avec Danny Badila
OFM Edition 173

La lutte contre la tuberculose dans les prisons de la République Démocratique du Congo Entrevue avec Danny Badila

Author:

Christian Djoko

Article Type:
Interview

Article Number: 7

Cet article propose une interview avec Badila Mvula Muanga Danny, médecin épidémiologiste et coordonnateur général de l'association Health for Prisoners (HP) en République Démocratique du Congo. L'entretien explore de manière approfondie les divers défis liés à la lutte contre la tuberculose en RDC, avec une attention particulière portée à la situation dans les prisons congolaises.

Lors de la réunion régionale intitulée « Faire progresser la communauté, les droits et le genre pour une riposte équitable à la tuberculose en Afrique francophone », qui s’est tenue à Yaoundé, Cameroun, du 11 au 13 juin 2024, Danny Badila nous a accordé une entrevue particulièrement inspirante et instructive sur la lutte contre la tuberculose en République Démocratique du Congo.

 

  1. Parlez-nous brièvement de vous et de votre organisation

 

Je suis Danny Badila Mvula Muanga, médecin épidémiologiste et coordonnateur général de l’association Health for Prisoners (HP) en République Démocratique du Congo. Cette association, fondée le 19 mai 2018, vise à contribuer dans l’amélioration de l’accès aux soins de santé de qualité et à promouvoir les droits humains des personnes détenues. En somme, nous défendons le droit à la santé en milieu carcéral et sommes particulièrement engagés dans la lutte contre la tuberculose et le VIH dans les prisons.

 

  1. Quel est l’état des lieux de la tuberculose dans votre pays?

 

La RDC figure parmi les 30 pays les plus touchés par la tuberculose dans le monde. Elle est également confrontée à un lourd fardeau de coïnfections TB/VIH et de tuberculose multi-résistante (TB-MR). Selon le rapport de la 27ᵉ revue annuelle du Programme national de lutte contre la tuberculose, 246 119 cas de tuberculose, toutes formes confondues, ont été dépistés en 2022, parmi lesquels 12 594 étaient coïnfectés par le VIH et 1 614 présentaient une TB-MR. La tuberculose demeure un problème majeur de santé publique en RDC, en particulier en raison du faible taux de notification des cas. Les personnes en détention sont particulièrement vulnérables à cette maladie en raison des conditions de détention, de la promiscuité, du manque de ventilation dans les pavillons, de la malnutrition, ainsi que d’autres comportements à risque tels que la consommation de tabac. Les détenus souffrant de la tuberculose (D-TB) éprouvent d’énormes difficultés pour accéder aux soins de qualité et sont victimes de stigmatisation et de discrimination ; mais aussi, le personnel médical pénitentiaire travaille dans des conditions difficiles et sont exposés à la maladie. Le screening à la tuberculose n’est pas systématique ni à l’entrée ni à la sortie de la prison. C’est qui constitue un danger pour la population générale.

 

  1. Quels étaient le sens et l’importance de votre présence à la réunion « Faire progresser la communauté, les droits et le genre pour une riposte équitable à la tuberculose en Afrique francophone » qui s’est déroulée du 11 au 13 juin 2024 à Yaoundé au Cameroun ?

 

Il était essentiel pour nous de participer à cette réunion, car c’était la première fois que les organisations francophones engagées dans la lutte contre la tuberculose se rassemblaient pour discuter des défis majeurs à relever dans la région. Nous y étions pour représenter la voix des personnes en détention, en particulier celles atteintes de tuberculose, car elles constituent une population clé et vulnérable face à cette maladie.

 


Danny Badila, en veste bleue, lors de la rencontre de Yaoundé.

 

  1. La réunion portait sur l’approche basée sur la Communauté, les Droits et le genre (CRG). Quels sont les principaux défis auxquels vous êtes confrontée dans la riposte contre cette maladie ? Comment intégrez-vous cette approche dans vous actions ou programmes de lutte contre la tuberculose ? Quelles sont les opportunités qu’offre une telle approche ?

 

L’approche CRG dans la lutte contre la tuberculose est une réponse basée sur l’équité, les droits et centrée sur la personne ; cependant, la stigmatisation/discrimination vécue par les malades souffrant de la tuberculose constitue une barrière à l’accès aux services et peuvent ainsi accroitre la problématique des personnes manquantes atteintes de la tuberculose dans la communauté.

L’objectif était donc de discuter de l’importance d’impliquer les communautés dans la lutte contre la tuberculose, en mettant en avant leur rôle central dans les efforts pour éradiquer cette maladie. Cette approche intégrative vise à inclure toutes les composantes nécessaires pour garantir une réponse équitable, en éliminant ainsi les obstacles à l’accès aux soins et aux services de lutte contre la tuberculose.

Les défis sont énormes surtout pour les interventions de lutte contre la tuberculose et le VIH dans les prisons qui ne sont pas suffisamment prises en compte dans l’actuelle subvention du Fonds Mondial, la mise en place d’un système de screening de la tuberculose à l’entrée comme à la sortie des prisonniers, la motivation du personnel médical pénitentiaire, l’appui nutritionnel et le soutien psychosocial aux détenus souffrants de la tuberculose (D-TB) sans oublier des programmes de réinsertion sociale. Un autre défi est aussi celui de travailler dans un milieu avec beaucoup de restrictions et dynamique.

 

L’opportunité d’une telle approche est qu’elle nous pousse vers des interventions multisectorielles dans la lutte contre la tuberculose car il ne s’agit pas seulement de la maladie mais aussi de garantir la dignité humaine.

 

    1. Quelles sont les leçons apprises au cours de la réunion de Yaoundé ? Qu’avez-vous retenu ?

 

J’ai retenu de ces assises que l’écart est fatal entre ce qui est fait et ce qui devrait être fait. De ce fait, il nous faudra :

    • Renforcer l’engagement de la communauté dans la riposte à la tuberculose particulièrement pour nous dans les prisons pour contribuer à la réduction de l’écart qui est fatal ;
    • Il faut travailler stratégiquement à l’élimination des obstacles (sociaux, politiques et juridiques) aux services de lutte contre la tuberculose ;
    • Réaliser un travail de plaidoyer en faveur des droits humains dans le processus de mise en œuvre du projet ;
    • Mettre en place un bon système de communication (de qualité) sur l’organisation et ses activités car une mauvaise communication peut impacter négativement sur la réalisation des activités.

 

  1. Comment est-ce que Challenge Facility for Civil Society Round 12 vous aide dans la réalisation de vos missions et activités?

 

Le Challenge Facility for Civil Society Round 12 (CFCS R12) nous apporte un soutien précieux en finançant notre projet visant à identifier et à surmonter les obstacles à l’accès aux soins et aux services de lutte contre la tuberculose dans les milieux carcéraux. Ce soutien est parfaitement aligné avec nos objectifs, puisque notre mission est de garantir l’accès des prisonniers à des services de santé de qualité. La mise en œuvre de ce projet nous permet également de renforcer notre collaboration avec les parties prenantes — qu’il s’agisse des autorités pénitentiaires, des prestataires de soins ou des prisonniers —, de consolider l’engagement des membres de Health for Prisoners, et de dynamiser notre organisation.

 


OneImpact : Réunion conjointe avec le personnel pénitentiaire civil et militaire, le Programme national de lutte contre la tuberculose, la Coordination provinciale de lutte contre la tuberculose, le Club des Amis Damien et Health for Prisoners en juillet 2024 avec l’appui de STOP TB PARTNERSHIP.

 

  1. Quel message aimeriez-vous transmettre aux communautés, aux partenaires techniques et financiers, aux gestionnaires de programmes et aux décideurs politiques concernant l’importance de la lutte contre la tuberculose et l’approche « Community, Rights and Gender » (CRG)?

 

      • Aux communautés : travailler en réseau en suivant les priorités des programmes, mobiliser les ressources nécessaires et s’engager réellement à réduire l’écart existant dans la riposte contre la tuberculose ;
      • Aux partenaires techniques et financiers : mobiliser les ressources nécessaires pour appuyer les communautés touchées par la tuberculose et la société civile dans la mise en œuvre des activités, renforcer les capacités et faciliter l’accès des communautés au financement en allégeant certaines conditions d’accès ;
      • Aux gestionnaires de programmes et décideurs politiques : s’engager et mobiliser les fonds domestiques pour lutter contre la tuberculose, renforcer la collaboration avec la société civile et les communautés touchées par la tuberculose, et placer le problème de la tuberculose, en particulier celui des populations clés et vulnérables, au cœur des discussions et des décisions politiques.

 

  1. Y a-t-il une question que vous auriez souhaité aborder, mais qui n’a pas été posée au cours de cet entretien? Si oui, nous vous invitons à y répondre librement.

 

Aucune.

Merci.

 

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