La Conférence internationale sur le sida place les groupes vulnérables au cœur de la riposte mondiale
Author:
Lauren Gelfand
Article Type:Article Number: 2
Des milliers de délégués appellent à l’élimination des pratiques discriminatoires et de criminalisation envers les personnes les plus vulnérables à l’épidémie
RÉSUMÉ Après avoir débuté avec la disparition dramatique de nombreux délégués à bord du vol n° 17 de la Malaysian Airlines, abattu dans l’est de l’Ukraine, la Conférence internationale sur le sida 2014 s'est terminée sur une note d’espoir pour les populations les plus touchées par l’épidémie
Après avoir débuté avec la disparition dramatique de nombreux délégués à bord du vol n° 17 de la Malaysian Airlines, abattu dans l’est de l’Ukraine, la Conférence internationale sur le sida 2014 s’est terminée sur une note d’espoir pour les populations les plus touchées par l’épidémie. Plus de 14 000 délégués ont approuvé et signé le 25 juillet la Déclaration de Melbourne qui place les principes d’inclusion et de tolérance au cœur de la riposte mondiale et appelle à abolir les pratiques discriminatoires et de criminalisation envers les personnes vivant avec le VIH ou particulièrement vulnérables à l’épidémie à cause de leur genre ou leurs préférences sexuelles.
.« Le sida ne connaîtra aucune fin sans assurer le respect et la dignité de toutes les personnes, l’équité dans l’accès aux services de santé et la justice sociale, déclare le président sortant de la Conférence internationale sur le sida, Françoise Barré-Sinoussi. Nous devons crier haut et fort que nous ne resterons pas les bras croisés lorsque les gouvernements, en violation de tous les principes des droits de l’homme, appliquent des lois monstrueuses qui ne marginalisent les populations qui sont déjà les plus vulnérables de la société. Je suis très heureux que la semaine qui s’achève ait réaffirmé clairement que notre engagement s’étend largement au-delà du VIH. »
Une telle recommandation ne concerne cependant que les systèmes qui oppriment les individus les plus affectés par la maladie, en particulier les lois, les politiques et les pratiques qui entravent la mise en œuvre et l’extension des services de soins de santé pour les populations clés.
Les lois discriminatoires adoptées au Nigeria, en Russie et en Ouganda ont été pointées du doigt non seulement pour les sanctions draconiennes qu’elles infligent aux personnes présentant des comportements homosexuels, mais également la peur et le frein à l’accès aux soins de santé qu’elles engendrent pour les groupes les plus vulnérables.
« Nous ne pouvons pas permettre que les homosexuels, les consommateurs de drogues, les travailleurs du sexe restent si vulnérables, tout simplement parce que les gouvernements les persécutent, les stigmatisent et les discriminent. Nous connaissons les résultats des politiques répressives, nous avons des chiffres », déclare le Directeur exécutif du Fonds mondial, M. Mark Dybul. « En tant que chercheur, je peux dire que sur la base des données scientifiques existantes, nous connaissons les conséquences de ces politiques ultra-répressives. Ces gouvernements doivent en assumer la responsabilité, parce que c’est leur politique qui sera responsable d’une nouvelle épidémie. Est-ce ce qu’ils veulent? »
Il a également été demandé aux délégués de la conférence de s’engager à l’objectif ambitieux de mettre fin à l’épidémie d’ici 2030, c’est-à-dire que les personnes déjà infectées évitent de transmettre la maladie à autrui grâce à une combinaison d’outils existants – notamment les antirétroviraux.
Pour ce faire, toutefois, il faut une augmentation significative du nombre de cas de VIH détectés et une augmentation de 13 millions du nombre de personnes actuellement sous antirétroviraux. Selon les estimations de l’ONUSIDA, 19 millions des 35 millions de personnes dans le monde vivant avec le VIH n’ont pas encore subi un test de dépistage — ni même été identifiés.
La nouvelle stratégie 90-90-90 vantée lors de la conférence permettrait d’élargir les tests afin que 90% des personnes infectées par le VIH connaissent leur statut. Dans ce groupe, 90% des patients recevraient un traitement antirétroviral régulier et 90% connaîtraient une présence du virus suffisamment faible dans leur organisme pour qu’il soit peu probable qu’ils le transmettent à d’autres.
Selon M. Dybul, cet objectif constitue un tournant historique « un moment où nous pouvons considérer la propagation du VIH comme une épidémie et réduire son endémicité ».
Pour y parvenir, un changement profond dans la mise en œuvre des programmes est nécessaire grâce à des investissements de meilleure qualité et mieux ciblés sur des interventions qui tiennent compte des besoins culturels et communautaires et intègrent un suivi et une évaluation des résultats et de l’impact.
« Si nous continuons à faire ce que nous faisons, si nous continuons à faire ce que nous avons commencé il y a 12 ans et ne changeons pas, nous nous retrouverons face à une recrudescence de l’épidémie, déclare M. Dybul. La question n’est plus : ‘pouvons-nous le faire ?’, mais plutôt ‘le ferons-nous ?’ »
Mais si la bonne volonté était très certainement manifeste à la Conférence internationale sur le sida, le chemin pour remplir l’engagement des délégués reste moins évident, notamment en matière de financement. Le programme qui devrait succéder en 2015 aux objectifs du Millénaire pour le développement de l’ONU n’a pas encore explicitement abordé la riposte au VIH : un oubli qui préoccupe un certain nombre de participants à la conférence ainsi que les décideurs du monde entier. La dépense annuelle liée à la prévention et au traitement estimée à 19 milliards de dollars — dont une grande partie provient de mécanismes de financement externes, y compris le Fonds mondial – est restée stable depuis plusieurs années et est peu susceptible d’augmenter dans les prochaines années.