Il reste des défis à relever dans « la structure et le paradigme inhérents » du Fonds mondial, affirme une étude
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« L’absence de bureaux de pays a de nombreux effets négatifs en aval »
RÉSUMÉ Selon une étude qui vient d’être publiée dans la revue Globalization and Health, malgré les réformes associées au nouveau modèle de financement, il reste des défis à relever dans « la structure et le paradigme inhérents » du Fonds mondial. L’absence de bureaux de pays a de nombreux effets négatifs en aval, affirment les chercheurs, notamment la dépendance aux partenaires dans les pays, et la coordination inefficace des activités dans les pays. La plupart des entrevues effectuées aux fins de l’étude ont été réalisées fin 2013.
Malgré les réformes associées au nouveau modèle de financement, il reste des défis à relever dans « la structure et le paradigme inhérents du Fonds mondial ». L’absence de bureaux de pays a de nombreux effets négatifs en aval, notamment la dépendance sur les partenaires dans les pays, et la coordination inefficace des activités dans les pays.
Ce sont là quelques-unes des principales conclusions d’une étude menée par une équipe de chercheurs sous la direction d’Ashley Warren, de l’Institut tropical et de santé publique suisse et d’autres institutions de Suisse et publiée dans la revue Globalization and Health en décembre 2017.
La recherche avait pour objectif de comprendre comment le Fonds mondial était perçu par des parties prenantes clés à Maputo (Mozambique), et comment les récentes réformes étaient vécues par les parties prenantes au Mozambique ainsi que par les parties prenantes du Fonds mondial à Genève (Suisse). Les données ont été collectées dans le cadre d’une étude plus vaste sur l’influence des donateurs émergents dans le développement sanitaire.
Trente-huit entrevues – toutes en personne sauf une – ont été réalisées avec des personnes basées à Maputo et à Genève. Parmi les répondants de Maputo figuraient des agents locaux du Fonds, des instances de coordination nationale, des récipiendaires principaux et des sous-récipiendaires. À Genève, les personnes interrogées étaient des membres du Secrétariat et du Conseil d’administration du Fonds mondial. Des partenaires multilatéraux et bilatéraux ont également participé, dont certains basés à Maputo et d’autres à Genève.
Note de la rédaction : L’interprétation des résultats de l’étude comporte une limite de taille : bien que les résultats n’aient été publiés que récemment, la plupart des entrevues ont été réalisées il y a plus de quatre ans, fin 2013 (cinq des entrevues réalisées à Genève datent de la mi-2015). Nous estimons néanmoins que l’étude soulève des questions intéressantes.
Équipes de pays
L’étude a révélé qu’en raison des faibles capacités de gestion et d’absorption au Mozambique, les visites des équipes de pays ne suffisaient pas à assurer la totalité du suivi stratégique requis. D’après les répondants, les équipes de pays étaient surchargées de travail, et n’offraient de ce fait pas toujours une voie de communication efficace ; trop dépend d’une seule personne, le gestionnaire de portefeuille du Fonds, et les équipes de pays sont déconnectées des réalités sur le terrain.
« Le Fonds mondial ne publie pas l’information sur son site Web pour communiquer largement avec les parties prenantes, y compris au niveau des pays. Il s’appuie sur les gestionnaires de portefeuille et les membres des équipes de pays. »
— Répondant de la société civile |
Selon un répondant dans le pays, « l’expérience disponible au sein de l’équipe dépend du pays. […] Le personnel est surchargé et débordé, et il n’est pas rare que des personnes prennent des congés prolongés. Cela a engendré des lacunes nuisibles dans la communication. »
Bien que la plupart des personnes interrogées aient indiqué que les visites plus fréquentes dans les pays dans le cadre du nouveau modèle de financement étaient une bonne chose, un employé du Secrétariat a exprimé un point de vue contraire : « Les pays se plaignent aussi que les équipes de pays leur rendent visite trop souvent. Il n’y a pas suffisamment de temps pour faire des progrès entre les visites, ils travaillent constamment pour préparer la prochaine visite, et cela augmente le stress lié au temps. »
Coordination dans les pays
Il ressort de l’étude que bien que les décideurs à Genève reconnaissent la coordination dans les pays comme cruciale pour la réussite de la mise en œuvre, et que d’autres acteurs dans les pays seraient favorables à l’engagement du Fonds mondial, à ce jour il n’y a pas d’exigences institutionnelles de coordination formelle. Au moment des entrevues, indiquent les chercheurs, le Fonds mondial n’avait pas de représentation cohérente dans les groupes de coordination dans les pays, en dépit de l’accent mis sur le financement en fonction des résultats.
Le Mozambique possède un Groupe des partenaires de santé, qui se réunit tous les mois et rassemble tous les acteurs qui soutiennent le secteur de la santé, y compris les représentants de la société civile. De plus, affirment les chercheurs, de nombreux organes de coordination ont été créées en réponse aux difficultés d’absorption du pays. Parmi ces organes figurent le G19, un groupe de donateurs bilatéraux qui fournissent un appui sectoriel et se coordonnent entre eux, le Conseil national de lutte contre le sida et NAIMA+, un réseau d’ONG actives dans le domaine du VIH et de la santé.
« Cependant, comme il n’est pas présent dans le pays, le Fonds mondial lui-même ne participe pas aux organes de coordination », ajoutent les chercheurs. « Un engagement avec le Groupe des partenaires de santé améliorerait considérablement la compréhension du Fonds mondial des activités au niveau du pays, dans la mesure où cet organe de coordination est un centre d’échange d’information sur les activités de chaque partenaire. »
Partenariats
Les partenaires dans le pays apportent un soutien plus que nécessaire aux récipiendaires des subventions du Fonds mondial, écrivent les chercheurs, « mais les rôles, responsabilités et obligations de rendre des comptes doivent être clairement définis pour la réussite du partenariat à long terme ».
Comme l’a exprimé un employé du Secrétariat : « Le gros problème est essentiellement que, depuis la création du Fonds mondial, les partenaires techniques sont très importants, ce sont eux qui sont présents sur le terrain… et la plupart des pays dépendent de l’assistance technique et des orientations de ces partenaires techniques. […] Cela fonctionne déjà très bien dans certains pays, et moins bien dans d’autres. Et le défi consiste à parvenir à une plus grande cohérence […] qualité d’assistance technique… »
D’après les chercheurs, le degré de soutien externe requis pour la réussite du Fonds mondial a engendré un débat sur le principe de reddition de comptes. « À qui les prestataires d’assistance technique… doivent-ils rendre des comptes ? », demandent-ils. Pour un membre du Conseil d’administration, « l’aspect le plus difficile du modèle du Fonds mondial est le modèle de partenariat. [Le Fonds] dépend du soutien des partenaires, mais n’a aucun contrôle sur eux. […] Je crois que nous devons découvrir en quoi devrait consister cette relation. »
Financement en fonction des résultats
Des personnes interrogées tant au Mozambique qu’en Suisse ont fait part de leur inquiétude concernant la combinaison de a) la faiblesse du Secrétariat du Fonds mondial en terme de présence dans le pays, de suivi stratégique et d’orientations, et b) des exigences strictes et pesantes en matière de suivi et d’évaluation dans le cadre du financement en fonction des résultats. Selon les chercheurs, les principes du financement en fonction des résultats sont mieux compris à Genève qu’à Maputo, où ils semblent avoir été éclipsés par le fardeau administratif pesant sur les récipiendaires principaux. « Tant que les pays ne s’approprieront pas pleinement ce processus et ne seront pas habilités par la finalité du financement en fonction des résultats », affirment les chercheurs, « celui-ci continuera probablement d’être perçu comme un fardeau administratif et identifié comme une exigence cloisonnée des donateurs.
Capacité de réforme
De nombreux répondants ont qualifié la capacité à se réformer du Fonds mondial comme l’une des principales caractéristiques de l’organisation. « [Le] Fonds mondial a démontré en 10 ans être capable de se renouveler », a commenté un répondant issu d’une organisation multilatérale.
« Globalement, le Fonds mondial tire les leçons de ses erreurs », a pour sa part déclaré un membre du Conseil d’administration. « [Il] a mené à bien sa réforme en un an. C’est une « organisation apprenante », qui navigue dans un océan de forces contraires et est fermement engagé envers sa mission. »
Bien qu’un grand nombre des réformes ne se soient pas encore attaquées aux inquiétudes sur le modèle global du Fonds mondial, affirment les chercheurs, les répondants semblent regarder au-delà de cette transformation initiale. Ils ont précisé que bien que leurs commentaires soient critiques envers le Fonds mondial, ils admirent le travail de ce dernier.
Commentaire d’Aidspan :
L’absence de présence dans les pays a des inconvénients évidents, comme l’ont indiqué les chercheurs. Ce qu’ils n’ont pas mentionné dans leur article est le fait qu’une présence dans les pays supposerait des coûts considérables.
Lorsque nous l’avons invité à commenter une ébauche de cet article, Seth Faison, Directeur de la communication, a souligné que depuis sa création, le Fonds mondial a évité la présence dans les pays pour deux raisons principales : premièrement, parce qu’il croyait au principe d’appropriation par les pays, selon lequel les spécialistes locaux sont les mieux à même de diriger le travail de mise en œuvre. Deuxièmement, parce que le Fonds était d’avis qu’en limitant tout le personnel à un bureau à Genève, il pourrait maximiser le financement disponible pour les subventions et minimiser les frais de fonctionnement.
« Si le Fonds mondial mettait en place une présence dans les pays récipiendaires de subventions significatives », a expliqué M. Faison, « il devrait probablement augmenter ses dépenses de fonctionnement de manière significative. De combien dépendrait évidemment de l’ampleur de la présence dans le pays, mais s’il autorise un certain degré de présence dans les pays, on lui en demandera sans doute davantage. »