DISCUSSIONS THÉMATIQUES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION SUR LE GENRE
Author:
Aidspan
Article Type:Article Number: 3
RÉSUMÉ Pour la première fois, le Conseil d'administration du Fonds mondial a tenu une discussion thématique sur la question du genre. Le présent article résume la substance du document de discussion du CA sur le genre et fournit quelques commentaires des membres du CA sur les sujets présentés.
Lors de la 48ème réunion du Conseil d’administration du Fonds mondial, les membres ont participé à deux discussions thématiques, l’une sur le genre et l’autre sur les communautés. La présentation thématique sur le genre était basée sur le Rapport thématique sur l’égalité des sexes.
Le présent article résume les points importants de la présentation du CA et de la discussion qui a suivi.
L’ambition du Fonds en matière de genre
La stratégie du Fonds mondial pour la période 2023-2028 engage le Fonds mondial et ses partenaires à mettre l’accent, à l’échelle du partenariat, sur une programmation transformatrice de genre, visant à faire progresser l’égalité des sexes et réduire les obstacles liés au genre dans les services de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme en :
- Intensifiant les programmes et les approches globaux en vue de lever les obstacles et de supprimer les inégalités liées au genre dans l’ensemble du portefeuille ;
- Promouvant des programmes adaptés aux jeunes, notamment en faveur des adolescentes et jeunes femmes, des jeunes populations clés et vulnérables (PCV) et de leurs partenaires ;
- Soutenant des programmes complets de santé et de droits sexuels et reproductifs (SDSR) et leur meilleure intégration aux services de lutte contre le VIH ;
- Soutenant des interventions et des systèmes ciblés de prévention et de lutte contre la violence sexuelle et sexiste (VSS) ;
- Promouvant le rôle des organisations communautaires et dirigées par les communautés (y compris les organisations dirigées par des femmes et des LGBTQI) dans la conception et la mise en œuvre de programmes destinés à dénoncer les normes, préjugés et stéréotypes sexistes néfastes ;
- Soutenant l’intégration des plans d’action nationaux de prise en compte du genre dans les stratégies multisectorielles de la santé et de la lutte contre le VIH, la TB et le paludisme ;
- Engageant de manière plus proactive les ministères en charge des questions de genre et de la protection sociale dans les processus du Fonds mondial ;
- Établissant des partenariats innovants avec les partenaires de développement, les agences gouvernementales nationales et les organisations communautaires, dirigées par les communautés et la société civile, qui travaillent à la promotion de l’égalité des sexes.
- Déployant des données quantitatives et qualitatives afin d’identifier les moteurs de la disparité entre les hommes et les femmes en matière de lutte contre le VIH, la TB et le paludisme et d’éclairer des ripostes ciblées, en intégrant notamment la dimension genre.
Le Fonds mondial nourrit l’espoir que dans trois ans, à la fin du prochain cycle de financement 2023-2025, il verra:
- L’égalité des sexes apparaître comme un élément clé dans la conception, la mise en œuvre et l’évaluation de tous les programmes bénéficiant de l’appui du Fonds mondial, et pas seulement dans les initiatives isolées.
- Les données ventilées par sexe et par genre être systématiquement utilisées pour la conception, la mise en œuvre, l’adaptation et l’évaluation des programmes.
- Des rôles, des responsabilités et une redevabilité clairement définis au sein du Secrétariat et dans l’ensemble du partenariat du Fonds mondial.
Au cours de la présentation, la notion de genre et ce qu’elle signifie dans le contexte du Fonds mondial ont été définis, puis la manière dont cette question a été abordée par le Fonds mondial au fil des années a fait l’objet de discussions.
Figure 1. Évolution de la question du genre au sein du Fonds mondial
Pour que le Fonds puisse tenir les engagements définis dans sa stratégie et atteindre les objectifs de la lutte contre le VIH, la TB et le paludisme, une double approche sera utilisée afin d’intégrer l’égalité des sexes dans l’ensemble du portefeuille et d’investir dans des interventions spécifiques au genre dans les domaines clés. Les principes de cette approche seront appliqués de manière systématique dans tous les portefeuilles, la mise en œuvre étant adaptée selon une approche différenciée.
La double approche repose sur les leçons apprises
Les constats de diverses revues ont conduit à l’élaboration de cette approche:
- La revue stratégique du Groupe technique de référence en évaluation (TERG) de 2020 a indiqué que les progrès réalisés par rapport aux objectifs en matière de genre étaient “timides et incohérents”. Les subventions du Fonds mondial étaient souvent conçues sans mettre suffisamment l’accent sur les questions de genre pour assurer l’obtention de résultats.
- Le rapport d’observation 2020-2022 du comité technique d’examen des propositions (CTEP) a noté que les interventions visant à lutter contre les inégalités étaient “insuffisantes pour répondre à l’ampleur des besoins et étaient cloisonnées”. Les évaluations de la dimension genre se traduisaient rarement en services et interventions bien ciblés, assortis de critères de mesure permettant de suivre les résultats.
- L’évaluation de l’engagement communautaire et de la riposte dirigée par les communautés de 2022 a révélé que la dimension sexospécifique était insuffisamment prise en compte. L’initiative stratégique en faveur des adolescentes et des jeunes femmes a été qualifiée de “louable mais limitée” à la lutte contre le VIH en Afrique de l’Est et australe. L’approche a été jugée “insuffisante pour garantir une prise en compte intégrale des questions de genre dans tous les investissements du Fonds mondial”.
- L’ évaluation MOPAN de 2022 a révélé que la priorité accordée aux objectifs transversaux tels que le genre étaient moindre au niveau de l’affectation des ressources. Le genre n’était pas suffisamment intégré, par exemple dans le cadre des indicateurs clés de performance (ICP).
- L’analyse sexospécifique des programmes du Programme des Nations Unies pour le développement financés par le Fonds mondial (2022) menée par l’Institut international de l’Université des Nations Unies pour la santé mondiale, a révélé que “les demandes de financement ne tiennent généralement pas compte de la dimension genre” et que, lorsque celles-ci incluent des analyses sexospécifiques, “les obstacles et les besoins identifiés ne sont souvent pas pris en compte dans les activités ou les budgets des programmes”.
- Les consultations portant sur la stratégie 2022-2027 ont indiqué que le Fonds mondial doit redoubler d’efforts en matière d’équité, de droits humains et de genre, notamment en “intégrant de manière plus approfondie cette thématique dans l’ensemble des activités du Fonds mondial” et dans le cycle de vie des subventions.
Ces résultats mettent en évidence la nécessité d’une double approche, qui permet d’éviter une démarche cloisonnée et incohérente en intégrant une optique d’égalité des sexes dans l’ensemble du portefeuille, et de mieux répondre à l’ampleur des besoins en combinant l’intégration avec des interventions ciblées et spécifiques au genre.
Le schéma suivant montre comment le Fonds envisage d’intégrer la dimension genre dans le cycle de vie des subventions afin de mener à bien sa nouvelle stratégie.
Figure 2. Mise en œuvre de la stratégie: intégration de la dimension genre tout au long du cycle de vie de la subvention
Dans le cycle de subvention 7 (Grant cycle & en anglais), le niveau de préparation de tous les pays en matière de genre sera évalué grâce à un nouvel outil, le marqueur d’égalité du genre (MEG). Les pays soumettront leurs demandes de financement (DF) comme d’habitude, conformément aux exigences de la documentation relative à la demande de financement. Le CTEP évaluera ensuite la DF par rapport aux critères MEG de la figure 3 ci-dessous et attribuera des scores. Les scores et les budgets combinés donneront le pourcentage de toutes les dépenses axées sur l’égalité des sexes et, en identifiant les forces, les faiblesses et les tendances, le score MEG sera utilisé pour mobiliser l’assistance et l’appui technique en collaboration avec les partenaires.
Figure 3. Marqueur d’égalité de genre (MEG)
La discussion avait également pour but de mettre l’accent sur le risque. Le risque global lié au genre reste élevé, et le sens du mouvement est “constant”, comme le montre le diagramme ci-dessous.
Figure 4. Evaluation du risque
Les défis sont les suivants:
- déconnexion entre l’évaluation du risque du bas vers le haut (modérée) et l’évaluation du risque organisationnel global (élevé) :
- lacunes dans la disponibilité et l’utilisation de données ventilées par sexe :
- L’égalité des sexes est communément reconnue pour le VIH, mais l’approche du risque lié au genre est moins développée pour le paludisme et la tuberculose.
La solution réside dans le renforcement des systèmes, des outils et des processus, notamment:
- Renforcement de la deuxième ligne: le département Communauté, Droits et Genre (CDG) du Fonds assurera la direction en collaboration avec d’autres équipes techniques et l’équipe pays de première ligne ;
- Les capacités des équipes aussi bien de première que de deuxième ligne en matière de gestion des risques liés au genre seront renforcées au sein du Secrétariat ;
- Les orientations relatives à l’évaluation des risques liés au genre seront actualisées dans le cadre de la mise à jour du module de gestion intégrée des risques (IRM) 2.0 ;
- Une définition plus claire du risque lié au genre sera fournie pour permettre de mieux comprendre les moteurs et d’élaborer des mesures d’atténuation ;
- Le Fonds apportera son soutien à la collecte et à l’utilisation de données désagrégées en vue de la prise de décisions fondées sur des données, en ce qui concerne la conception et le suivi des programmes.
La présentation a ensuite abordé les défis de la mise en œuvre et leurs déterminants, dont certains peuvent être traités par le Secrétariat, mais d’autres relèvent de la responsabilité du Conseil d’administration et du partenariat.
Enfin, la présentation s’est achevée par l’invitation du Conseil d’administration à se pencher sur les six questions suivantes:
- Comment pouvons-nous mieux promouvoir les subventions qui s’attaquent à des problèmes complexes et à long terme tels que l’égalité des sexes?
- Sommes-nous prêts à accepter moins de résultats quantitatifs à court terme pour concentrer les ressources sur des questions à plus long terme mais plus transformatrices, telles que l’égalité des sexes dans le contexte de la santé?
- Devons-nous repenser et redéfinir ce que signifie le succès pour le Partenariat, et notamment la redevabilité envers les bailleurs de fonds, sans oublier la redevabilité mutuelle?
- Comment pouvons-nous mieux définir les rôles et les responsabilités au sein du Partenariat et demander aux partenaires de rendre compte de leur rôle dans la mise en œuvre des interventions visant à assurer l’égalité des sexes?
- Comment pouvons-nous engager le plus efficacement possible nos partenaires et les gouvernements à faire de l’égalité des sexes une priorité absolue?
- Quelles mesures pratiques pouvons-nous prendre en vue de mobiliser l’ensemble du Partenariat pour tenir nos engagements en matière d’égalité des sexes?
Discussion du conseil d’administration
Bien que cette discussion se soit tenue en fin de journée, elle a tout de même attiré la participation et le soutien des membres du Conseil d’administration, ce qui témoigne de l’importance accordée au sujet.
Nombreux sont ceux et celles qui se sont évertué(e)s à souligner la différence entre “équité” et “égalité”, ces deux termes étant souvent utilisés (à tort) de manière interchangeable.
Plusieurs intervenant(e)s ont relevé que l’Organisation mondiale de la santé est également en train d’élaborer une Politique dans ce domaine et qu’ils sont parfaitement conscient(e)s des défis que représentent les arbitrages entre les résultats à court et à long terme.
Le Conseil d’administration a consacré un certain temps à la discussion sur le MEG, plusieurs membres ayant fait remarquer que la collecte d’informations est certes une bonne chose, mais son efficacité dépend de ce que nous en faisons – des scores faibles conduiront à une offre de soutien “adaptée au contexte du pays” et il est donc important que les données soient non seulement collectées de manière appropriée, mais aussi utilisées correctement. Le document de discussion et le MEG ont été considérés comme un grand pas dans la bonne direction et les membres ont salué l’approche à deux volets de la transformation du genre, tout en notant qu’il n’existe pas de ” recette universelle et que nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne “.
D’autres ont réitéré leur soutien à l’agenda de transformation, en fixant le niveau d’ambition dans les limites de ce qui est possible et réalisable. Toutefois, le niveau d’ambition doit certes être maintenu, mais la résolution des grands problèmes nécessite du temps. Nous devons définir nos propres attentes en fonction du temps nécessaire à leur réalisation.
Plusieurs intervenant(e)s ont souligné la nécessité de rendre les outils et les directives faciles à utiliser et de faire de l’égalité et de l’équité entre les sexes un levier pour obtenir des résultats dans le domaine de la santé.
Il a été demandé à Peter Sands de donner des assurances sur la question suivante: Le Secrétariat disposera-t-il des capacités requises en matière de gestion des subventions pour atteindre cet objectif? Si ce n’est pas le cas, le Conseil d’administration est ouvert à la discussion sur les éléments à supprimer dans les dépenses de fonctionnement en vue de réaliser cette ambition, en tenant compte de l’avis du Conseil d’administration selon lequel il est inacceptable de ne pas disposer d’un nombre suffisant d’employé(e)s spécialisé(e)s dans les questions de genre.
Les documents du Conseil d’administration GF/B48/9B Discussion thématique sur le genre seront bientôt disponibles sur le site Internet du Fonds mondial.